La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/07/2020 | FRANCE | N°18-24643

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 01 juillet 2020, 18-24643


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er juillet 2020

Cassation

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 547 F-P+B

Pourvoi n° G 18-24.643

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER JUILLET 2020

M. E... N..., domicilié [...], a formé le p

ourvoi n° G 18-24.643 contre l'arrêt rendu le 25 septembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'opposant :

1...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er juillet 2020

Cassation

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 547 F-P+B

Pourvoi n° G 18-24.643

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER JUILLET 2020

M. E... N..., domicilié [...], a formé le pourvoi n° G 18-24.643 contre l'arrêt rendu le 25 septembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'opposant :

1°/ à l'Institut italien pour le commerce extérieur, agence pour la promotion et l'internationalisation des entreprises italiennes (ICE), dont le siège est [...],

2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet, [...],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. N..., de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de l'Institut italien pour le commerce extérieur, agence pour la promotion et l'internationalisation des entreprises italiennes, après débats en l'audience publique du 20 mai 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 septembre 2018), l'Institut italien pour le commerce extérieur, agence pour la promotion et l'internationalisation des entreprises italiennes (l'ICE), est un organisme public, placé sous la tutelle du ministre italien du Commerce extérieur, qui a pour mission la promotion et le développement du commerce avec l'étranger et l'internationalisation du système productif italien, ainsi que la fourniture de services aux étrangers, en vue de développer les relations avec le marché national français et contribuer ainsi à la promotion des investissements étrangers en Italie.

2. Le 30 juin 2005, le ministre français des Affaires étrangères a reconnu que l'ICE faisait partie de la représentation diplomatique italienne à Paris.

3. M. N..., engagé par ledit institut le 6 février 1998 en qualité de « senior trade analyst », a été licencié, pour motif économique, par lettre du 18 février 2009.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de faire droit à la demande d'immunité de juridiction soulevée par l'ICE et, en conséquence, de déclarer irrecevables ses demandes, alors :

« 1°/ que les Etats étrangers et les organismes qui en constituent l'émanation ne bénéficient de l'immunité de juridiction qu'autant que l'acte qui donne lieu au litige participe, par sa nature ou sa finalité, à l'exercice de la souveraineté de ces Etats et n'est donc pas un acte de gestion ; que le licenciement d'un salarié n'ayant ni un pouvoir de décision, ni accès à des documents confidentiels et n'ayant donc aucune responsabilité particulière dans l'exercice d'un service public étranger constitue un acte de gestion ; que pour faire droit à l'exception d'incompétence soulevée par l'ICE, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que M. N... accomplissait des actes dans l'intérêt d'un service public de l'Etat italien et qu'il participait, par ses rapports, à influencer la mise en oeuvre de la politique commerciale à l'extérieur de l'Etat ; qu'en statuant par de tels motifs impropres à caractériser que M. N... disposait d'un quelconque pouvoir de décision, ni n'avait accès de quelque manière que ce soit à des documents confidentiels en sorte qu'il n'était pas établi qu'il était investi de responsabilités particulières dans l'exercice du service public de l'Etat italien, la cour d'appel a violé le principe de l'immunité de juridiction des Etats étrangers ;

2°/ que les Etats étrangers et les organismes qui en constituent l'émanation ne bénéficient de l'immunité de juridiction qu'autant que l'acte qui donne lieu au litige participe, par sa nature ou sa finalité, à l'exercice de la souveraineté de ces Etats et n'est donc pas un acte de gestion ; que le licenciement d'un salarié n'ayant aucune responsabilité particulière dans l'exercice d'un service public étranger constitue un acte de gestion ; qu'en ne recherchant pas concrètement si M. N... disposait d'un quelconque pouvoir de décision, ni n'avait accès de quelque manière que ce soit à des documents confidentiels en sorte qu'il était chargé de responsabilité particulière dans l'exercice du service public de l'Etat italien la cour d'appel, qui s'est bornée à la description abstraite du poste occupé par M. N... telle qu'elle figurait dans son contrat de travail, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du principe de l'immunité de juridiction des Etats étrangers ;

3°/ que, en principe, un Etat ne peut invoquer l'immunité de juridiction devant un tribunal d'un autre Etat, compétent en l'espèce, dans une procédure se rapportant à un contrat de travail entre lui et une personne physique pour un travail accompli ou devant être accompli, en totalité ou en partie, sur le territoire de cet autre Etat ; qu'il n'en va autrement que si, notamment, l'employé a été engagé pour s'acquitter de fonctions particulières dans l'exercice de la puissance publique ; qu'en statuant par des motifs impropres à caractériser des fonctions particulières de M. N... dans l'exercice de la puissance publique de l'Etat italien, la cour d'appel a violé le droit international coutumier, tel que reflété par la Convention des Nations Unies, du 2 décembre 2004, sur l'immunité juridictionnelle des Etats et de leurs biens et en particulier son article 11 ;

4°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal ; qu'en faisant droit à l'exception d'incompétence soulevée par l'ICE et fondée sur l'immunité de juridiction sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette immunité ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit de M. N... d'accéder à un tribunal, la cour d'appel a violé l'article 6, §1, de la Convention européenne des droits de l'Homme, ensemble l'article 14, §1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

5°/ que, en statuant ainsi, sans rechercher si l'immunité de juridiction ne portait pas également atteinte au droit à un recours effectif en cas de violation du droit de propriété, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à cette convention. »

Réponse de la Cour

Vu le principe de l'immunité de juridiction des Etats étrangers et l'article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

5. Le droit d'accès à un tribunal, tel que garanti par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et dont l'exécution d'une décision de justice constitue le prolongement nécessaire, ne s'oppose pas à une limitation de ce droit d'accès, découlant de l'immunité des Etats étrangers, dès lors que cette limitation est consacrée par le droit international et ne va pas au-delà des règles généralement reconnues en la matière.

6. Selon le droit international coutumier, tel que reflété par l'article 11, §2, a), de la Convention des Nations unies, du 2 décembre 2004, sur l'immunité juridictionnelle des Etats et de leurs biens, un Etat et les organismes qui en constituent l'émanation peuvent invoquer, devant la juridiction d'un autre Etat, dans une procédure se rapportant à un contrat de travail entre le premier Etat et une personne physique pour un travail accompli ou devant être accompli, en totalité ou en partie, sur le territoire de cet autre Etat, l'immunité de juridiction si l'employé a été engagé pour s'acquitter de fonctions particulières dans l'exercice de la puissance publique.

7. Pour faire droit à la fin de non-recevoir soulevée par l'ICE tirée du principe de l'immunité de juridiction, l'arrêt retient que le salarié, diplômé de l'enseignement supérieur avait comme fonctions l'exécution et l'élaboration de textes complexes dans les langues italienne et française, la rédaction de correspondances requérant un approfondissement et des recherches spécifiques ainsi que l'élaboration de statistiques complexes, la fourniture d'une assistance directe à des sociétés italiennes et françaises, la réalisation d'études de marché sectorielles sur la base de programmes établis périodiquement, l'entretien de relations privilégiées avec les ministères français et les associations du secteur, la participation à des foires, colloques, séminaires pour approfondir la connaissance de secteurs et pour acquérir les noms de sociétés et des informations de marché, la rédaction de rapports à la suite de chaque participation, la réalisation d'enquêtes sur les agents importateurs et sur les formes de collaboration industrielle afin de développer la présence de produits italiens en France, l'utilisation du système informatique, l'organisation de la participation des sociétés italiennes aux foires et expositions et l'organisation, pour le secteur de sa compétence, d'expositions, foires et colloques, de sorte que, ayant un rôle déterminant dans la politique économique de développement des relations commerciales et d'investissement de l'Etat italien, influençant par ses études, ses rapports et ses enquêtes la mise en oeuvre de la politique commerciale de cet Etat et, en tant qu'interlocuteur des ministères et associations françaises, intervenant comme porte-parole de ce dernier, ce salarié exerçait des fonctions qui lui conféraient une responsabilité particulière dans l'exercice et la mise en oeuvre d'un service public dudit Etat.

8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ces constatations que les fonctions du salarié ne lui conféraient pas une responsabilité particulière dans l'exercice de prérogatives de puissance publique, de sorte que les actes litigieux relatifs aux conditions de travail et à l'exécution du contrat constituaient des actes de gestion excluant l'application du principe d'immunité de juridiction, la cour d'appel a violé le principe et le texte susvisés ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne l'Institut italien pour le commerce extérieur, agence pour la promotion et l'internationalisation des entreprises italiennes aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'Institut italien pour le commerce extérieur, agence pour la promotion et l'internationalisation des entreprises italiennes et le condamne à payer à M. N... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour M. N...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR fait droit à la demande d'immunité de juridiction soulevée par l'ICE et, en conséquence, d'AVOIR déclaré irrecevables les demandes de M. N... ;

AUX MOTIFS QUE « l'article 11 du projet de la commission du droit international de 1991 tel qu'il a été repris par la convention des Nations Unies de 2004 s'applique au titre du droit international coutumier, même si l'Etat n'a pas ratifié cette convention dès lors qu'il ne s'y est pas opposé. Cet article consacre la règle de l'absence d'immunité de juridiction des Etats concernant les contrats de travail, sauf si l'action risque d'interférer avec les intérêts de l'Etat en matière de sécurité et que le salarié exerçait des fonctions dans le cadre de l'exercice de la puissance publique, fonctions que M. N... conteste avoir remplies. Il ressort des pièces versées aux débats que le 13 juillet 2004, l'ambassadeur d'Italie en France a informé le ministère des affaires étrangères français que les bureaux à l'étranger de l'ICE avaient été intégrés dans le réseau diplomatique italien en qualité de « sections pour la promotion des échanges commerciaux », si bien que le bureau de l'ICE situé à Paris devait être considéré comme une section détachée de son ambassade et l'a prie de bien vouloir l'accréditer en tant que telle. Il est établi que le 30 juin 2005, le ministre des affaires étrangères français a informé l'ambassadeur d'Italie qu'il avait pris bonne note que « la section pour la promotion des échanges » situé à Paris faisait partie intégrante de la représentation diplomatique italienne en France et bénéficiait à ce titre des stipulations de la Convention de Vienne du 18 avril 1961. Il y a lieu de faire la distinction entre les actes d'administration participant de la souveraineté des Etats qui donnent lieu à l'immunité de juridiction pour l'Etat qui l'invoque et les simples actes de gestion qui ne donnent pas lieu à immunité. Il convient dès lors de rechercher si dans le cadre de ses fonction, M. N... exerçait ou non des attributions qui lui conférait une responsabilité particulière dans l'exercice du service public tenu par les bureaux de Paris de l'ICE qui étaient intégrés dans le réseau diplomatique italien en qualité de « sections pour la promotion des échanges commerciaux ». M. N... soutient qu'il n'exerçait aucune fonction particulière en lien avec l'ambassade d'Italien que son travail était celui d'un analyste de marché, qu'il exerçait des activités commerciales devant être accomplies en tout ou en partie sur le territoire français, vente de service de conseil et d'assistance commerciale aux entreprises italiennes exportant en France. L'ICE soutient au contraire que les fonctions de M. N... lui conféraient une responsabilité particulière dans la mesure où il avait des rapports privilégiés avec les ministères français et italiens, réalisait des rapports, rédigeait de la correspondance et prenait nécessairement connaissance d'informations confidentielles, rencontrait les hauts responsables de l'ICE et des membres du gouvernement italien et participait à la mission d'une entité de l'Etat italien. Il ressort du contrat de travail de M. N... qui est diplômé de l'enseignement supérieur que ses fonctions étaient ainsi énumérées : - exécuter et élaborer des textes complexes dans les deux langues ; - rédiger de la correspondance et en particulier celle qui implique un approfondissement et des recherches spécifiques ainsi que l'élaboration de statistiques complexes ; - fournir l'assistance directe à des sociétés italiennes et françaises ; - réaliser des études de marchés sectorielles sur la base de programmes établis périodiquement ; - garder des rapports privilégiés avec les ministères français et les associations du secteur ; - participer à des foires, colloques, séminaires pour approfondir les connaissances du secteur, acquérir les noms de sociétés et des informations de marché et effectuer un rapport sur chaque initiative ; - réaliser des enquêtes sur le système distributif concernant la recherche des agents importateurs et ces formes de collaboration industrielle pour développer la présence de produits italiens en France ; - utiliser couramment le système informatique ; - développer pour le secteur de sa compétence la réalisation des expositions, foires, colloques ; - organiser la participation de sociétés italiennes ou participation collective aux foires et expositions. Par ses fonctions telles que résultant de l'énumération ci-dessus, M. N... accomplissait manifestement des actes et remplissait des fonctions dans l'intérêt d'un service public de l'Etat italien, il avait un rôle de première importance et à tout le moins déterminant dans la politique économique de développement des relations commerciales et d'investissement de l'Etat italien, participait par ses études, ses rapports, ses enquêtes ) influences la mise en oeuvre de la politique commerciale à l'extérieur de cet Etat et, devant entretenir des relations avec les ministères et associations françaises, il intervenait nécessairement pour le compte de l'État italien en tant que son porte parole et en cela, il véhiculait souhaits, idées et image de l'Etat italien. Ainsi, la cour considère que par les fonctions qu'il était amené à remplir, M. N... avait des attributions qui conféraient une responsabilité particulière dans l'exercice et la mise en oeuvre d'un service public de l'Etat italien. Il s'ensuit qu'il y a lieu de faire droit à la demande de l'ICE fondée sur l'immunité de juridiction et, infirmant le jugement, de déclarer M. N... irrecevable en ses demandes sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de Justice de l'Union européenne, l'Etat italien étant un état de droit faisant partie de l'Union européenne de sorte qu'il n'y a pas atteinte au droit d'accès au juge et au procès équitable. Par ailleurs et au regard de l'article 52§3 de la charte des droit fondamentaux de l'Union européenne, lequel ne vise qu'à assurer la cohérence entre la Charte et la Convention européenne des Droits de l'Homme et du Citoyen (sic.), en posant la règle que le législateur, en fixant des limitations aux droits garantis par ladite convention, doit respecter les mêmes normes que celles fixées par le régime détaillé des limitations prévu dans la Convention, le principe de non-discrimination « fondée sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion, les minorités nationales, la fortune, la naissance, le handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle » énoncé par l'article 21§1 n'est pas violé, M. N... ne faisant état d'aucune de ces discrimination » ;

1. ALORS QUE les Etats étrangers et les organismes qui en constituent l'émanation ne bénéficient de l'immunité de juridiction qu'autant que l'acte qui donne lieu au litige participe, par sa nature ou sa finalité, à l'exercice de la souveraineté de ces Etats et n'est donc pas un acte de gestion ; que le licenciement d'un salarié n'ayant ni un pouvoir de décision, ni accès à des documents confidentiels et n'ayant donc aucune responsabilité particulière dans l'exercice d'un service public étranger constitue un acte de gestion ; que pour faire droit à l'exception d'incompétence soulevée par l'ICE, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que M. N... accomplissait des actes dans l'intérêt d'un service public de l'Etat italien et qu'il participait, par ses rapports, à influencer la mise en oeuvre de la politique commerciale à l'extérieur de l'Etat ; qu'en statuant par de tels motifs impropres à caractériser que M. N... disposait d'un quelconque pouvoir de décision, ni n'avait accès de quelque manière que ce soit à des documents confidentiels en sorte qu'il n'était pas établi qu'il était investi de responsabilités particulières dans l'exercice du service public de l'Etat italien, la cour d'appel a violé le principe de l'immunité de juridiction des Etats étrangers ;

2. ALORS QUE les Etats étrangers et les organismes qui en constituent l'émanation ne bénéficient de l'immunité de juridiction qu'autant que l'acte qui donne lieu au litige participe, par sa nature ou sa finalité, à l'exercice de la souveraineté de ces Etats et n'est donc pas un acte de gestion ; que le licenciement d'un salarié n'ayant aucune responsabilité particulière dans l'exercice d'un service public étranger constitue un acte de gestion ; qu'en ne recherchant pas concrètement si M. N... disposait d'un quelconque pouvoir de décision, ni n'avait accès de quelque manière que ce soit à des documents confidentiels en sorte qu'il était chargé de responsabilité particulière dans l'exercice du service public de l'Etat italien la cour d'appel, qui s'est bornée à la description abstraite du poste occupé par M. N... telle qu'elle figurait dans son contrat de travail, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du principe de l'immunité de juridiction des Etats étrangers ;

3. ALORS QU'en principe un Etat ne peut invoquer l'immunité de juridiction devant un tribunal d'un autre Etat, compétent en l'espèce, dans une procédure se rapportant à un contrat de travail entre lui et une personne physique pour un travail accompli ou devant être accompli, en totalité ou en partie, sur le territoire de cet autre Etat ; qu'il n'en va autrement que si, notamment, l'employé a été engagé pour s'acquitter de fonctions particulières dans l'exercice de la puissance publique ; qu'en statuant par des motifs impropres à caractériser des fonctions particulières de M. N... dans l'exercice de la puissance publique de l'Etat italien, la cour d'appel a violé le droit international coutumier, tel que reflété par la Convention des Nations Unies, du 2 décembre 2004, sur l'immunité juridictionnelle des Etats et de leurs biens et en particulier son article 11 ;

4. ALORS QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal ; qu'en faisant droit à l'exception d'incompétence soulevée par l'ICE et fondée sur l'immunité de juridiction sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette immunité ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit de M. [...] d'accéder à un tribunal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, et 14§1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

5. ALORS QU'en statuant ainsi, sans rechercher si l'immunité de juridiction ne portait pas également atteinte au droit à un recours effectif en cas de violation du droit de propriété, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à cette convention.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-24643
Date de la décision : 01/07/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale - Immunité de juridiction - Etats étrangers - Application - Exclusion - Acte de gestion - Cas - Exécution d'un contrat de travail - Production d'analyses économiques en vue du développement économique de l'Etat étranger - Portée

ETAT - Etat étranger - Immunité de juridiction - Bénéfice - Conditions - Litige relatif à des fonctions particulières dans l'exercice de la puissance publique - Portée CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6, § 1 - Tribunal - Accès - Droit d'agir - Limitation - Immunité de juridiction des Etats étrangers - Portée

Le droit d'accès à un tribunal, tel que garanti par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et dont l'exécution d'une décision de justice constitue le prolongement nécessaire, ne s'oppose pas à une limitation de ce droit d'accès, découlant de l'immunité des Etats étrangers, dès lors que cette limitation est consacrée par le droit international et ne va pas au-delà des règles généralement reconnues en la matière. Selon le droit international coutumier, tel que reflété par l'article 11, § 2, a, de la Convention des Nations unies, du 2 décembre 2004, sur l'immunité juridictionnelle des Etats et de leurs biens, un Etat et les organismes qui en constituent l'émanation peuvent invoquer, devant la juridiction d'un autre Etat, dans une procédure se rapportant à un contrat de travail entre le premier Etat et une personne physique pour un travail accompli ou devant être accompli, en totalité ou en partie, sur le territoire de cet autre Etat, l'immunité de juridiction si l'employé a été engagé pour s'acquitter de fonctions particulières dans l'exercice de la puissance publique. Viole le principe de l'immunité de juridiction des Etats étrangers et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel qui, pour accueillir la fin de non-recevoir tirée de ce principe, retient que le salarié, chargé d'analyses économiques et de relations se rapportant au développement économique d'un Etat étranger, exerçait des fonctions lui conférant une responsabilité particulière dans l'exercice et la mise en oeuvre d'un service public d'Etat, alors qu'il résultait de ses constatations que ces fonctions ne lui conféraient pas une telle responsabilité dans l'exercice de prérogatives de puissance publique, de sorte que les actes litigieux relatifs aux conditions de travail et à l'exécution du contrat constituaient des actes de gestion excluant l'application dudit principe


Références :

principe de l'immunité de juridiction des Etats étrangers

article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 25 septembre 2018

Sur la qualification par le juge d'un acte analysé comme participant de la souveraineté d'un Etat, à rapprocher :Soc., 27 novembre 2019, pourvoi n° 18-13790, Bull. 2019, (rejet), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 01 jui. 2020, pourvoi n°18-24643, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.24643
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award