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01/07/2020 | FRANCE | N°18-18886

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 01 juillet 2020, 18-18886


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er juillet 2020

Rejet

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 470 F-D

Pourvoi n° A 18-18.886

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER JUILLET 2020

M. P... K...

, domicilié [...] , a formé le pourvoi n° A 18-18.886 contre l'arrêt rendu le 31 janvier 2018 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile)...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er juillet 2020

Rejet

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 470 F-D

Pourvoi n° A 18-18.886

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER JUILLET 2020

M. P... K..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° A 18-18.886 contre l'arrêt rendu le 31 janvier 2018 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société ING Bank NV, société de droit étranger, dont le siège est [...] ), et sa succursale de Paris sise [...] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Remeniéras, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. K..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société ING Bank NV, après débats en l'audience publique du 16 juin 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Remeniéras, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 31 janvier 2018) M. K..., titulaire d'un compte de dépôt ouvert dans les livres de la société ING Bank NV (la banque), reprochant à celle-ci une faute commise lors de l'encaissement d'un chèque de 14 000 euros qui s'était révélé sans provision, l'a assignée en responsabilité. La banque lui a opposé sa propre faute consistant à avoir procédé sans précautions au profit d'un inconnu à un virement déterminé par le dépôt du chèque litigieux qui était le support d'une escroquerie.

Examen du moyen unique

Enoncé du moyen

2. M. K... fait grief à l'arrêt du rejet de ses demandes alors :

« 1°/ que le lien de causalité direct et certain, de nature à engager la responsabilité de l'auteur d'une faute, est établi dès lors que sans cette faute, le dommage ne se serait pas produit ; qu'il ne suppose pas que cette faute ait été la cause exclusive du dommage ; qu'en l'espèce, en énonçant, poux exclure l'existence d'un lien de causalité entre la faute de la société ING bank tenant à ce qu'elle avait encaissé le chèque litigieux alors qu'il n'avait pas été endossé par M. P... K..., et le préjudice tenant à la perte subie par ce dernier du fait du virement de 10 000 euros qu'il avait opéré au regard du montant porté sur son compte à la suite de cet encaissement, avant qu'il donne lieu à contre-passation, que cette perte trouvait sa cause immédiate, directe et déterminante dans l'imprudence avec laquelle il avait ainsi procédé à ce virement de 10 000 euros, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ que la faute qui présente un lien de causalité direct et certain avec le dommage engage la responsabilité de son auteur ; que présente un tel lien de causalité direct avec le dommage né, pour le titulaire d'un compte bancaire, du versement d'une somme correspondant en tout ou partie au montant crédité sur son compte à partir d'un chèque sans provision, ultérieurement contre-passé, la faute commise par la banque tenant à ce qu'elle a encaissé ce chèque alors qu'il n'avait pas été endossé par le titulaire du compte ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société ING bank avait commis une faute en encaissant le chèque sans provision de 14 000 euros dressé à l'ordre de M. K... en ce que l'endos n'était pas revêtu de la signature de ce dernier ; qu'en retenant que cette faute était sans lien de causalité direct avec le préjudice né, pour M. K..., du virement d'une somme correspondant à une partie de ce montant à un tiers désigné par M. S... W..., avant contre-passation, la cour a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

3. L'arrêt constate, d'abord, que M. K..., qui était en relation avec un individu disant se nommer "S... W..." en vue de la signature d'un contrat de location d'une maison de vacances, a procédé le 1er février 2015 à un virement de 10 000 euros au profit d'un inconnu, résidant en Grande - Bretagne, sur les instructions de M. W... afin de procéder à la restitution d'un trop perçu à la suite de l'inscription au crédit de son compte de la somme de 14 000 euros au lieu de celle fixée par le contrat de location à 4 000 euros. L'arrêt relève, ensuite, que M. K... n'avait jamais rencontré cet individu qui n'avait mentionné ni son adresse ni ses date et lieu de naissance dans les rubriques concernées du projet de contrat de location. Et l'arrêt retient, enfin, que le virement litigieux, effectué sans précaution, en ce qu'il tendait à restituer sans délai à un tiers non concerné par la location envisagée, sur un compte ouvert à l'étranger, une somme dont le montant était par surcroît supérieur au loyer convenu, constituait une opération imprudente qui est directement à l'origine de la perte définitive de la somme de 10 000 euros.

4. De ces motifs, la cour d'appel a pu déduire que la faute commise par la banque lors de l'encaissement du chèque de 14 000 euros n'avait pas eu pour conséquence le préjudice de son bénéficiaire.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.
.
PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. K... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. K....

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les demandes de M.P... K... tendant à voir la société ING bank condamnée à lui verser une somme de 10000 euros à titre de dommages et intérêts ainsi qu'une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d'appel ;

AUX MOTIFS QU' «il résulte des articles 1147 (ancien), 1992 du code civil et de l'article L.131-19 du code monétaire et financier que le banquier récepteur, chargé de l'encaissement d'un chèque, commet une faute s'il ne procède pas à la vérification de la régularité apparente de l'endos apposé sur le titre. En l'espèce, par lettre recommandée avec avis de réception en date du 30 septembre 2015, le conseil de M. K... a mis en demeure la banque de produire la copie recto-verso du chèque n°[...] tiré au profit de ce dernier le 20 janvier 2015 sur la Deutsche Bank, d'un montant de 14000 euros. La banque n'a fourni que la photocopie du recto de ce titre, le 1er juillet 2015, et n'a pas satisfait à la sommation délivrée dans le cadre de la procédure d'appel par M. K..., qui conteste formellement être l'auteur de la signature d'endossement. Elle n'a produit dans ses conclusions écrites aucune explication à cette carence, alors qu'elle n'avait fait aucune difficulté pour communiquer la face recto du titre. Il n'existe aucun obstacle à la communication sollicitée au vu de l'article 21 des conditions générales relatives au compte de dépôt, qui stipulent seulement (article 21-3) que des recherches, dont le coût est précisé dans les conditions tarifaires, peuvent ainsi être effectuées à la demande du client pour les opérations que celui-ci a initiées, pendant le délai légal de conservation (soit 10 ans). L'article 17.6/1 des conditions générales stipule en outre que «lorsque le client affirme qu'une opération de paiement n'a pas été exécutée correctement, il appartient à ING Direct de prouver par tous moyens que l'opération a été authentifiée par le client, dûment enregistrée et comptabilisée, et qu'elle n'a pas été affectée par une déficience technique ou autre». Au regard de ces circonstances, de la genèse du litige, et de la carence persistante de la société ING Bank, il convient de considérer, conformément à l'article 1353 du code civil ancien, que l'intimé démontre par présomptions graves, précises et concordantes, que l'endos du chèque litigieux ne correspond pas à sa signature déposée lors de l'ouverture du compte de dépôt et que le contrôle de régularité n'a pas été exécuté correctement par la banque. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient l'appelante, le chèque de banque tiré le 20 janvier 2015 sur la banque allemande Deutsche Bank présentait bien une irrégularité formelle apparente au niveau de l'adresse de son établissement en France libellée comme suit dans le cadre Payable en France 75, Paris - [...] . La banque n'a d'ailleurs pas répondu sur le caractère inhabituel de la mention «75, Paris» en tête d'adresse de l'agence, se bornant à souligner la régularité apparente des autres mentions du titre. Les fautes de la banque alléguées par M. K... sont donc avérées, de même que son préjudice, à savoir la perte définitive de la somme de 10 000 euros. Il incombait toutefois à ce dernier de démontrer l'existence d'un lien de causalité entre les fautes et le préjudice, conformément aux articles 1147 et 1151 du code civil (ancien). Mais en l'espèce, il ressort des pièces produites que la perte subie par l'intimé trouve sa cause immédiate, directe et déterminante dans le virement de 10000 euros qu'il a accepté d'effectuer sans aucune précaution le 2 février 2015 (soit quatre jours après avoir été crédité de la somme de 14000 euros), au profit d'un tiers résidant en Grande-Bretagne (M. D... E... L...) qui lui avait été désigné par le dénommé [...] comme un agent de voyage dans un courriel du 1er février («Mr L... is our Travel agent and we trust him, go ahead make the transfer to him this morning»). Cette imprudence est d'autant plus caractérisée que M. K... n'avait jamais rencontré «S... W...» et qu'il ne disposait à son sujet d'aucune information autres qu'un numéro de téléphone et une adresse de messagerie puisque ce locataire n'avait mentionné ni son adresse, ni ses date et lieu de naissance aux emplacements prévus du contrat type de bail. Il est en outre particulièrement étonnant que M. K... n'ait songé à appeler son agence bancaire pour lui faire part de ses inquiétudes et doutes sur une éventuelle escroquerie que le 2 février 2015 à 11 h 22, après avoir émis le virement de 10000 euros le 1er février, alors qu'il n'y avait aucune urgence à procéder de la sorte, compte tenu du caractère particulièrement inhabituel d'un tel paiement dont le montant excédait très largement l'obligation née du bail (4000 euros) et de l'étrangeté du mode de restitution, par virement sur un compte à l'étranger au nom d'un tiers non concerné par le contrat de bail. A défaut de lien de causalité entre les fautes de la banque et le préjudice, il convient d'infirmer le jugement et de débouter M. K... de la totalité de ses demandes» ;

1) ALORS QUE le lien de causalité direct et certain, de nature à engager la responsabilité de l'auteur d'une faute, est établi dès lors que sans cette faute, le dommage ne se serait pas produit ; qu'il ne suppose pas que cette faute ait été la cause exclusive du dommage ; qu'en l'espèce, en énonçant, poux exclure l'existence d'un lien de causalité entre la faute de la société ING bank tenant à ce qu'elle avait encaissé le chèque litigieux alors qu'il n'avait pas été endossé par M. P... K..., et le préjudice tenant à la perte subie par ce dernier du fait du virement de 10000 euros qu'il avait opéré au regard du montant porté sur son compte à la suite de cet encaissement, avant qu'il donne lieu à contre-passation, que cette perte trouvait sa cause immédiate, directe et déterminante dans l'imprudence avec laquelle il avait ainsi procédé à ce virement de 10 000 euros, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2) ALORS QUE la faute qui présente un lien de causalité direct et certain avec le dommage engage la responsabilité de son auteur ; que présente un tel lien de causalité direct avec le dommage né, pour le titulaire d'un compte bancaire, du versement d'une somme correspondant en tout ou partie au montant crédité sur son compte à partir d'un chèque sans provision, ultérieurement contre-passé, la faute commise par la banque tenant à ce qu'elle a encaissé ce chèque alors qu'il n'avait pas été endossé par le titulaire du compte ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société ING bank avait commis une faute en encaissant le chèque sans provision de 14000 euros dressé à l'ordre de M. P... K... en ce que l'endos n'était pas revêtu de la signature de ce dernier ; qu'en retenant que cette faute était sans lien de causalité direct avec le préjudice né, pour M.P... K..., du virement d'une somme correspondant à une partie de ce montant à un tiers désigné par M. S... W..., avant contre-passation, la cour a violé l'article 1147 du code civil dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-18886
Date de la décision : 01/07/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 31 janvier 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 01 jui. 2020, pourvoi n°18-18886


Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.18886
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