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24/06/2020 | FRANCE | N°18-26119

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 24 juin 2020, 18-26119


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 juin 2020

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 474 F-D

Pourvoi n° N 18-26.119

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme B... R..., épouse D....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 18 octobre 2018.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

__

_______________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 JUIN 202...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 juin 2020

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 474 F-D

Pourvoi n° N 18-26.119

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme B... R..., épouse D....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 18 octobre 2018.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 JUIN 2020

Mme B... R..., épouse D..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° N 18-26.119 contre l'arrêt rendu le 29 septembre 2017 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale B), dans le litige l'opposant à l'association Tutélaire Rhodanienne, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Capitaine, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme R..., de Me Bouthors, avocat de l'association Tutélaire Rhodanienne, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 mai 2020 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Capitaine, conseiller rapporteur, M. Duval, conseiller référendaire, ayant voix délibérative, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée en application de l'article L. 431-3 alinéa 2 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 29 septembre 2017), Mme R..., engagée en qualité d'employée administrative le 8 novembre 2004 par l'association Tutélaire Rhodanienne (l'association), a été placée en arrêt maladie à compter du 4 mai 2009, puis déclarée inapte à tout poste à l'issue de deux examens médicaux des 5 et 19 juillet 2012.

2. La salariée a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 7 août 2012.

3. Contestant son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

5. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité à titre principal et pour exécution déloyale du contrat de travail à titre subsidiaire, alors « que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que pour débouter Mme D... de sa demande, la cour d'appel a retenu que l'attestation de Mme O... était dépourvue de valeur probante en ce qu'elle était exprimée en des termes très généraux et ne visait aucun fait précis, qu'il n'existait aucune alerte concernant la sécurité au travail de Mme D... ou des faits de harcèlement moral dont elle aurait été victime que l'association tutélaire rhodanienne aurait reçue et à laquelle elle n'aurait pas répondu, que Mme D... n'établissait pas la réalité d'un lien direct et certain entre sa pathologie et ses conditions de travail ; qu'en procédant à une appréciation séparée de chaque élément invoqué par la salariée, alors qu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral et dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L.1154-1 du code du travail ».

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, le second dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 :

6. Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

7. Pour débouter la salariée de ses demandes de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et pour exécution déloyale du contrat de travail, l'arrêt retient que l'attestation de Mme O... est dépourvue de valeur probatoire, que l'employeur a répondu aux différentes alertes de la salariée, qui n'établit pas un lien direct et certain entre sa pathologie et ses conditions de travail.

8. En statuant ainsi, sans prendre en considération l'ensemble des faits invoqués par la salariée ni rechercher si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la salariée de ses demandes de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et pour exécution déloyale du contrat de travail, l'arrêt rendu le 29 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;

Condamne l'association Tutélaire Rhodanienne aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association Tutélaire Rhodanienne et la condamne à payer à la SCP Piwnica et Molinié la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour Mme R...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Mme D... de sa demande tendant à voir dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et à voir condamner l'ATR à lui payer les sommes de 3 688,82 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 368,88 euros au titre des congés payés afférents et 25 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE l'employeur est tenu en toute hypothèse de mettre en oeuvre son obligation de reclassement ; qu'à défaut, le licenciement est privé de cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, il est constant que l'avis d'inaptitude de Mme D... à son poste a été rédigé par le médecin du travail le 19 juillet 2012 dans les termes suivants « inapte définitif et total à la reprise à son poste et à tut poste, pas d'aménagement, de reclassement à envisager dans la société, étude de poste non nécessaire » ; que Mme D... demande à la cour de dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en ce que l'employeur a manqué à son obligation de reclassement en n'ayant effectué aucune recherche de poste ; qu'elle fait valoir que la convocation à l'entretien préalable a été établie peu après l'avis d'inaptitude, que la convocation vise seulement l'avis du médecin du travail et qu'un poste de déléguée à la tutelle pourvu en octobre 2012 était susceptible de lui être proposé pour son reclassement ; que la cour constate que l'examen du registre du personnel de l'ATR versé aux débats confirme qu'aucun poste n'était disponible pour le reclassement de Mme D... déclarée inapte ; que le poste de délégué à la tutelle qui était vacant lorsque Mme D... a été déclarée inapte ne constituait pas un poste disponible pour son reclassement dès lors que cette salariée ne conteste pas qu'elle n'était pas titulaire du certificat national de compétences requis pour exercer ces fonctions ; que l'employeur n'était nullement tenu dans le cadre de son obligation de reclassement d'assurer cette formation à Mme D... dans la mesure où il ne serait pas agi d'une formation complémentaire ; que la circonstance que Mme Y... exerce les fonctions de déléguée à la tutelle sans être titulaire du diplôme précité est sans incidence sur l'appréciation de l'obligation de reclassement de Mme D... pesant sur l'employeur dès lors qu'il n'est pas contesté que Mme Y... a été embauchée le 9 juin 2008, soit avant la réforme des tutelles qui a imposé des exigences de formation pour les délégués à la tutelle à partir de janvier 2009 ; que dans ces conditions, et compte tenu du fait que l'employeur exerce son activité sur un seul site avec un personnel limité à 20 membres il y a lieu de dire que le fait que la convocation de Mme D... à l'entretien préalable au licenciement pour inaptitude a été établie 6 jours après son avis d'inaptitude en visant l'avis d'inaptitude du médecin du travail ne saurait établir la réalité d'un manquement de l'ATR à l'obligation de reclassement de Mme D... ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'ATR a non seulement procédé à une recherche de reclassement de Mme D... mais a en outre mis en oeuvre cette recherche de façon loyale et sérieuse ; que le manquement à l'obligation de reclassement n'est donc pas établi ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le licenciement de Mme D... repose sur une cause réelle et sérieuse ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE même si l'avis du travail conclut à l'inaptitude du salarié à tout emploi dans l'entreprise et à l'impossibilité de son reclassement dans l'entreprise, l'employeur n'est pas dispensé de rechercher une possibilité de reclassement ; qu'enfin la brièveté du délai entre l'avis d'inaptitude du médecin du travail et la convocation du salarié à l'entretien préalable au licenciement établit le manquement de l'employeur à son obligation de reclassement ; que Mme D... a été déclarée « inapte définitif et total à la reprise à son poste et à tout poste pas d'aménagement de reclassement à envisager dans la société étude de poste non nécessaire » par le médecin du travail le 19 juillet 2012 ; que cet avis ne dispensait pas l'employeur de son obligation de reclassement ; qu'il est exact qu'elle a été convoquée à son entretien préalable au licenciement le 25 juillet soit 5 jours après la déclaration d'inaptitude, qu'il est également exact que les courriers de son employeur ne mentionnent pas les recherches qui ont été faites pour répondre à l'obligation de reclassement qui pèse sur lui ; que l'employeur verse aux débats le registre du personnel duquel il résulte que la seule embauche qui a été faite au mois d'octobre 2012 est celle d'une déléguée à la tutelle, poste pour lequel Mme D... n'avait pas les compétences et diplômes requis (licence de droit) ;que l'association employeur ne fait pas partie d'un groupe, qu'elle comporte 20 salariés, que le médecin du travail n'a fait aucune proposition d'aménagement excluant tout reclassement en interne ; que la lettre de licenciement du 7 août 2012 relate que lors de l'entretien préalable les parties ont refait le point sur les solutions de reclassement et ont à nouveau constaté qu'il n'y avait pas de reclassement possible ; qu'un délai de 5 jours est suffisant pour une entité de 20 salariés ne faisant pas partie d'un groupe afin de faire le point sur les solutions de reclassement qui se présentent ; qu'il convient de retenir que l'employeur a loyalement exécuté son obligation de reclassement et que le licenciement pour inaptitude repose sur une cause réelle et sérieuse ; qu'ainsi Mme D... est déboutée de toutes ses demandes à ce titre ;

ALORS QUE que l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment s'applique également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail ; que l'employeur a l'obligation de rechercher une possibilité de reclassement au sein de l'entreprise, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail même en présence d'un avis d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise ; qu'en affirmant que l'ATR avait non seulement procédé à une recherche de reclassement de Mme D... mais avait en outre mis en oeuvre cette recherche de façon loyale et sérieuse sans s'assurer que l'employeur avait procédé à une recherche effective de reclassement, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutation, transformation de postes de travail ou aménagement du temps de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-2, L. 1226-10 et L. 1226-2 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Mme D... de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité à titre principal et pour exécution déloyale du contrat de travail à titre subsidiaire;

AUX MOTIFS PROPRES QUE Mme D... sollicite le paiement de la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail à titre principal et pour manquement à l'obligation de sécurité à titre subsidiaire de l'ATR ; qu'au soutien de sa demande, Mme D... invoque d'abord le manquement de l'ATR constitué par le fait que la salariée a été victime des faits de harcèlement moral sur son lieu de travail ; que Mme D... invoque les pressions, les propos racistes et les brimades qu'elle a subies de la part de sa collègue Q... C... avec qui elle partageait son bureau jusqu'en 2010, l'absence de réaction de l'employeur et la dégradation de son état de santé : qu'en l'espèce, il ressort des pièces du dossier : que l'attestation de S... O..., dont le bureau au sein de l'ATR était installé en face de celui de Mme D... lorsqu'elle le partageait avec Q... C..., et qui déclare qu'elle a été « témoin très régulièrement du comportement irrespectueux de sa collègue à son égard, du harcèlement et des pressions qu'elle exerçait sur elle », est dépourvue de valeur probatoire en ce qui concerne les pressions, les propos racistes et les brimades émanant d'Q... C... dès lors que ce témoignage est exprimé en des termes très généraux, qu'il ne vise aucun fait précis et qu'il ne se trouve en tout état de cause étayé par aucune des autres pièces de la procédure ; qu'il n'existe aucune alerte concernant la sécurité au travail de Mme D... ou des faits de harcèlement moral dont elle aurait été victime que l'ATR aurait reçue et à laquelle elle n'aurait pas répondu ; qu'en effet, l'employeur a été avisée par Mme D... selon un courrier du 13 août 2009 qui ne mentionnait alors aucun danger pour la sécurité de cette salariée, qu'elle souhaite changer de poste du fait des tensions avec Q... C... qui avaient des répercussions sur son moral ; qu'en outre, le courrier du 21 juin 2010 par lequel Mme D... se plaignait auprès de son employeur de ce qu'Q... C... lui adressait des propos racistes et vexatoires a donné lieu à une réponse de l'ATR par un courrier du 1er juillet 2010 proposant une rencontre à la salariée pour évoquer la souffrance dont elle faisait état, à propos de laquelle l'employeur prenait d'ailleurs soin dans son courrier de préciser à Mme D... qu'il convenait de distinguer les actes de harcèlement et les incompatibilités d'humeur entre collègues ; que la cour constate qu'aucun entretien n'a pu avoir lieu du fait de l'arrêt de travail pour maladie dont a bénéficié ensuite Mme D... pendant plusieurs mois ; qu'au retour de la salariée à la fin de l'année 2010, l'employeur a pris la décision de réorganiser les bureaux en séparant Mme D... et Mme C... pour les installer chacune dans un bureau éloigné l'un de l'autre ; qu'enfin, tous les avis rendus par le médecin du travail à l'occasion des visites de Mme D... durant sa collaboration de travail mentionnent que la salariée est apte à son poste, y compris à son retour d'arrêt de travail pour maladie pendant plusieurs mois, jusqu'à l'avis du 19 juillet 2012 qui conclut à l'inaptitude de Mme D... suivie de son licenciement, qu'aucune des pièces fournies par Mme D... n'établit la réalité d'un lien direct et certain entre la pathologie de Mme D... dont il n'y a pas lieu de discuter la réalité, et ses conditions de travail au sein de l'ATR ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que Mme D... ne justifie d'aucun manquement de l'ATR de nature à constituer un manquement à son obligation de sécurité, ni même un exécution déloyale du contrat de travail ; qu'à l'appui de sa demande Mme D... invoque en outre le fait que l'employeur ne justifie pas que le règlement intérieur rappelle les dispositions légales relatives aux harcèlement moral et le fait que l'employeur ne rapporte pas la preuve d'une action de prévention du harcèlement moral ; qu'en l'état des pièces du dossier, l'ATR ne justifie ni du rappel dans le règlement intérieur des dispositions légales relatives aux harcèlement moral, ni d'une action de prévention du harcèlement moral ; que pour autant, la cour n'a trouvé aucune trace dans les pièces versées par Mme D... d'un quelconque élément de nature à établir que ces manquements de l'employeur à ses obligations lui ont causé un préjudice ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la demande indemnitaire n'est pas fondée ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme D... de ce chef ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il est indéniable que dès le mois de mai 2009, Mme D... a été en arrêt maladie, que rien pour autant ne permet d'établir que ces arrêts étaient dus à du harcèlement moral ; qu'en effet sur l'avis d'aptitude du médecin du travail du 24 mars 2009 il est déconseillé « la station debout prolongée » ce qui laisse penser à des difficultés d'ordre physique et pas à un état dépressif, que sur l'avis du médecin du travail du 25 septembre 2009 Mme D... est déclarée apte ; que dans le courrier qu'elle fait à son employeur le 13 août 2009, elle fait état de « relations avec ma collègue de bureau qui ne se sont pas améliorées » de « tensions permanentes » ; que l'avis du médecin du travail du 9 mars 2010 indique une aptitude à la reprise pour la salariée mais une mutation professionnelle à envisager vu le contexte professionnel ; qu'il résulte de ces éléments tout au plus un climat tendu et conflictuel sans que l'employeur puisse en déduire une situation de harcèlement moral, même s'il était conscient des écarts d'humeur de la collègue de travail que Mme D... présente comme harceleuse ; que pour la première fois par courrier de son conseil en date du 21 juin 2010 Mme D... parle de « propos à teneur raciste ou discriminatoire et harcèlement moral » sans indiquer l'auteur de ce harcèlement, et sans préciser davantage ce dont elle serait victime ; que l'employeur a aménagé ses locaux pour permettre à Mme D... d'être dans un bureau séparé de la personne en question ; que pour établir le harcèlement dont elle aurait été victime Mme D... ne verse aux débats qu'une seule attestation ; que l'attestation de Mme O... du 5 septembre 2012 n'est pas suffisamment précise pour permettre de rapporter la preuve d'agissements répétés occasionnant une dégradation des conditions de travail et une atteinte aux droits, à la dignité, à la santé physique ou mentale ou à l'avenir professionnel de Mme D... ; qu'outre que cette attestation n'est pas conforme aux prescriptions du code de procédure civile, Mme O... parle de comportement irrespectueux, de harcèlement et de pressions sans donner des exemples précis de ce qu'elle qualifie comme tel ; que faute pour la salariée de rapporter la preuve du harcèlement moral dont elle se dit victime et de la connaissance qu'en avait son employeur, il convient de la débouter de ses demandes à ce titre ;

1) ALORS QUE pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral; que dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'il résulte ainsi des textes précités que le salarié n'est pas tenu de prouver qu'il a subi des faits précis, répétés et objectifs caractérisant un harcèlement moral mais est seulement tenu d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'en énonçant que « Mme D... ne justifie d'aucun manquement de l'association tutélaire rhodanienne de nature à constituer un manquement à son obligation de sécurité, ni même un exécution déloyale du contrat de travail », la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve du harcèlement sur la salariée, a violé les articles L. 152-1 et L.1154-1 du code du travail;

2) ALORS QUE lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que pour débouter Mme D... de sa demande, la cour d'appel a retenu que l'attestation de Mme O... était dépourvue de valeur probante en ce qu'elle était exprimée en des termes très généraux et ne visait aucun fait précis, qu'il n'existait aucune alerte concernant la sécurité au travail de Mme D... ou des faits de harcèlement moral dont elle aurait été victime que l'association tutélaire rhodanienne aurait reçue et à laquelle elle n'aurait pas répondu, que Mme D... n'établissait pas la réalité d'un lien direct et certain entre sa pathologie et ses conditions de travail ; qu'en procédant à une appréciation séparée de chaque élément invoqué par la salariée, alors qu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral et dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L.1154-1 du code du travail ;

3) ALORS QUE le salarié n'a pas à démontrer le lien de causalité entre la dégradation de son état de santé et le comportement de l'employeur ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de Mme D..., qu'il n'était pas possible d'établir un lien de causalité entre sa pathologie et ses conditions de travail au sein de l'association tutélaire rhodanienne, la cour d'appel a encore violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

4) ALORS QU'en tout état de cause, les avis d'arrêt de travail produits par Mme D... en date des 8 et 16 mars 2012, 2, 16 et 30 avril 2012, 29 mai 2012, 2 et 6 juillet 2012 et 20 octobre 2012 précisaient « syndrome anxio dépressif secondaire situation conflictuelle sur lieu de travail » ; qu'il en résultait clairement que l'état de santé de Mme D... était dû à la situation de travail au sein de l'association tutélaire rhodanienne ; qu'en affirmant pourtant, pour débouter la salariée de ses demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral et manquement de l'employeur à son obligation de sécurité que Mme D... n'établissait pas la réalité d'un lien direct et certain entre la pathologie de Mme D... et ses conditions de travail, la cour d'appel a dénaturé les avis d'arrêt de travail en méconnaissance du principe selon lequel les juges ne doivent pas dénaturer les éléments de la cause.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-26119
Date de la décision : 24/06/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 29 septembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 24 jui. 2020, pourvoi n°18-26119


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Bouthors, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.26119
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