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17/06/2020 | FRANCE | N°19-10341

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 17 juin 2020, 19-10341


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 juin 2020

Cassation partielle

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 282 F-P+B

Pourvoi n° G 19-10.341

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 17 JUIN 2020

M. Q

... N..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° G 19-10.341 contre l'arrêt rendu le 13 novembre 2018 par la cour d'appel de Limoges (chambre civ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 juin 2020

Cassation partielle

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 282 F-P+B

Pourvoi n° G 19-10.341

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 17 JUIN 2020

M. Q... N..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° G 19-10.341 contre l'arrêt rendu le 13 novembre 2018 par la cour d'appel de Limoges (chambre civile), dans le litige l'opposant à la société [...], société civile professionnelle, dont le siège est [...] , prise en la personne de M. S... pris en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation de la société Nouvelle les 3 Epis Brive, défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Barbot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. N..., après débats en l'audience publique du 25 février 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Barbot, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 13 novembre 2018), le 10 février 2014, un juge-commissaire a autorisé la cession du fonds de commerce de librairie d'une société mise en liquidation judiciaire au profit de M. N... "ou de toute personne physique ou morale qui s'y substituerait, dont il resterait solidaire des engagements". L'entrée en jouissance dans les locaux, appartenant à une société tierce, a été fixée au 11 février 2014. Le même jour, a été créée la société Nouvelle les 3 Epis Brive (la société Nouvelle), dirigée par M. N..., ayant pour objet social l'exploitation d'un fonds de commerce de distribution de tous produits culturels et de loisirs, le capital social étant de 4 000 euros. La société Nouvelle a été immatriculée le 10 avril 2014.

2. Le 1er avril 2014, le bailleur a délivré à M. N... un commandement de payer visant la clause résolutoire, au titre des loyers impayés de mars et avril 2014. Une ordonnance de référé du 10 juillet 2014, confirmée par un arrêt du 5 mars 2015, a constaté la résiliation du bail au 1er mai 2014, ordonné l'expulsion de M. N... et condamné celui-là, à titre provisionnel, au montant des loyers impayés du 11 février au 1er mai 2014 et à une indemnité d'occupation.

3. Par une ordonnance du 26 septembre 2014, sur la demande de M. N..., le président du tribunal de commerce a désigné un administrateur ad hoc pour le compte de la société Nouvelle, sur le fondement de l'article L. 611-3 du code de commerce. Par une déclaration déposée au greffe le 30 octobre 2014, la société Nouvelle, représentée par M. N..., a déclaré son état de cessation des paiements. Un jugement du 12 novembre 2014 a mis cette société en liquidation judiciaire, la société [...] étant désignée en qualité de liquidateur. Un jugement du 17 mai 2016 a reporté la date de cessation des paiements au 1er avril 2014.

4. Le liquidateur a assigné M. N... afin de le voir condamner à supporter l'intégralité de l'insuffisance d'actif de la société Nouvelle et à une mesure d'interdiction de gérer.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches, et sur le second moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

6. M. N... fait grief à l'arrêt de prononcer à son égard une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de dix ans, alors que « seul peut être sanctionné par une interdiction de gérer le dirigeant qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation ; qu'en se bornant, pour prononcer à l'encontre de M. N... une mesure d'interdiction de gérer pendant dix ans, à relever qu'il n'avait déclaré l'état de cessation des paiements, caractérisé dès le 1er avril 2014 selon le tribunal de la procédure collective, que le 30 octobre 2014, sans établir la mauvaise foi de M. N... dans ce retard, et alors que ce dernier avait sollicité et obtenu du tribunal de commerce la désignation d'un administrateur ad hoc de la société afin de trouver une issue amiable avec les créanciers sociaux, la cour d'appel a violé l'article L. 653-8 du code de commerce dans sa version issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 applicable en l'espèce. »

Réponse de la Cour

7. L'article L. 653-8, alinéa 3, du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015, applicable aux procédures collectives en cours, exige, pour l'application de la sanction de l'interdiction de gérer, que l'omission de la demande d'ouverture d'une procédure collective dans les quarante-cinq jours de la cessation des paiements ait eu lieu sciemment. L'arrêt constate, d'abord, que le bailleur a délivré à M. N... un commandement de payer visant la clause résolutoire dès le 1er avril 2014, qu'entre les mois de février et octobre 2014, la dette de loyers de la société ouvelle a augmenté jusqu'à atteindre la somme de 26 428,57 euros, que cette dette a abouti au constat de la résiliation du bail et à l'expulsion par une ordonnance de référé du 10 juillet 2014. Il relève, ensuite, que bien que la date de cessation des paiements ait été reportée au 1er avril 2014, M. N... n'a déclaré cette cessation que le 30 octobre 2014 et que l'intéressé a rencontré le "même type de difficultés" pour l'exploitation de fonds de commerce à Bergerac et Bordeaux. L'arrêt retient, enfin, que M. N... ne peut invoquer la désignation d'un administrateur ad hoc par une ordonnance du 26 septembre 2014, dès lors que cette désignation avait pour but de rechercher une conciliation entre les différentes parties au vu des difficultés sociales, juridiques et financières que rencontrait la société Nouvelle, et non de faire face à la cessation des paiements, la déclaration de celle-ci étant une obligation légale. Par ces constatations et appréciations, desquelles il ressort que M. N... ne pouvait ignorer l'état de cessation des paiements de la société Nouvelle, la cour d'appel, qui a caractérisé que ce dirigeant avait omis sciemment de déclarer la cessation des paiements dans le délai légal, a pu prononcer contre lui une interdiction de gérer.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

9. M. N... fait grief à l'arrêt de le condamner à supporter l'intégralité de l'insuffisance d'actif de la société, alors que « l'insuffisance des apports consentis à une société lors de sa constitution, qui est imputable aux associés, ne constitue pas une faute de gestion ; qu'en retenant néanmoins, en l'espèce, que M. N... s'était rendu coupable d'une faute de gestion en créant une société sans apports de fonds propres suffisants pour assurer son fonctionnement dans des conditions normales, la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 651-2 du code de commerce :

10. Pour condamner M. N... à supporter l'insuffisance d'actif de la société Nouvelle, l'arrêt retient que la rapidité de la cessation des paiements intervenue dès le 1er avril 2014, seulement un mois et demi après l'entrée en jouissance du 11 février 2014, démontre que cette société ne disposait pas, dès l'origine, de la capacité financière suffisante pour faire face aux échéances de charges inéluctables, telles que les loyers et salaires, et que les apports extérieurs reçus par la société à compter du mois de mai 2014 et jusqu'en décembre 2014, manifestent l'absence de fonds propres et l'insuffisance de la trésorerie de cette société pour faire face aux charges courantes, et ce dès le début de l'exploitation.

11. En statuant ainsi, alors que l'insuffisance des apports consentis à une société lors de sa constitution, qui est imputable aux associés, ne constitue pas en soi une faute de gestion dont les dirigeants auraient à répondre, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement entrepris, il condamne M. N... à supporter l'intégralité de l'insuffisance d'actif de la société Nouvelle les 3 épis Brive, l'arrêt rendu le 13 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;

Condamne la société [...], en qualité de liquidateur de la société Nouvelle les 3 épis Brive, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. N... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale financière et économique, par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille vingt et signé par Mme Vaissette, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de Mme Barbot, conseiller référendaire rapporteur empêché.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. N...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR a condamné M. N... à supporter l'intégralité de l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de la Société Nouvelle Les 3 Epis d'un montant de 383 615,68 euros ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE seules les fautes ayant entraîné une insuffisance d'actif doivent être retenues ; qu'en premier lieu, force est de constater que dès le 1er avril 2014, M. N... a reçu un commandement de payer de son bailleur visant la clause résolutoire portant sur la somme de 26 438.57 € correspondant au loyer impayé du 11 février 2014, date de l'entrée en jouissance, au 30 avril 2014 ; que la SAS Société Nouvelle Les 3 Epis ne pouvait dès lors plus faire face au passif exigible avec son actif disponible, si bien que, par jugement rendu le 17 mai 2016, le tribunal de commerce de Brive a dit et jugé que la date de cessation des paiements était reportée au 1er avril 2014 ; qu'or, M. N... n'a déclaré cette cessation que le 30 octobre 2014 ; qu'ainsi, en violation des dispositions de l'article L 631-4 du code de commerce, il n'a pas déclaré la cessation des paiements dans le délai de 45 jours qui suit cette cessation ; qu'il s'agit là d'une première faute de gestion de nature à augmenter le passif car M. N... s'est privé de la protection d'une procédure collective quand il en était encore temps ; qu'en effet, entre février 2014 et octobre 2014, les dettes de loyers, de salaires, de fournisseurs se sont démultipliées pour arriver au montant ci-dessus indiqué du passif de la liquidation judiciaire ; qu'ainsi, malgré la résolution du bail prononcée par ordonnance de référé du 20 juillet 2014 à la date du 1er mai 2014 et malgré un état de cessation des paiements intervenu dès le 1er avril 2014, la SAS Société Nouvelle Les 3 Epis a continué fautivement son activité, creusant ainsi le déficit ; que M. N... ne peut pas valablement invoquer la désignation d'un administrateur ad hoc suivant ordonnance de Mme le président du tribunal de commerce du 26 septembre 2014 qui aurait pallier ce défaut de déclaration ; qu'en effet, cette désignation avait pour but, selon cette ordonnance, de rechercher une conciliation entre les différentes parties au vu des difficultés sociales, juridiques et financières que rencontrait la SAS Société Nouvelle Les 3 Epis ; qu'elle n'avait donc aucunement pour but de faire face à la cessation des paiements, alors que déclarer cette cessation est une obligation légale ; que la rapidité de la cessation des paiements intervenue dès le 1er avril 2014, seulement un mois et demi après l'entrée en jouissance du 11 février 2014, démontre que la SAS Société Nouvelle Les 3 Epis ne disposait pas de la capacité financière suffisante, dès l'origine, pour faire face aux échéances de charges inéluctables (loyers, salaires...) ; qu'il convient de rappeler à cet égard que la SAS Société Nouvelle Les 3 Epis a été constituée suivant statust établis le 11 février 2014 avec un capital social de seulement 4 000 € ; que malgré les assertions de M. N... selon lesquelles les sociétés Alice Cap Ferret et Alice Arcachon pouvaient la renflouer, la Société Nouvelle Les 3 Epis ne disposait manifestement pas de la trésorerie suffisante pour faire face à ses charges ; que si par ailleurs M. N... dit que la SAS Société Nouvelle Les 3 Epis ne pouvait pas disposer d'un compte bancaire en raison de l'impossibilité de la faire immatriculer, il produit pourtant des relevés de comptes de cette dernière à la Caisse d'Epargne du 18 mars 2014 au 13 janvier 2015, la convention d'ouverture du compte datant du 14 mars 2014 ; qu'en outre, les versements de la SARL Alice Cap Ferret vers la SAS Société Nouvelle Les 3 Epis ne sont intervenus qu'à compter du 11 mai 2014 (4 fois 10 000 €, 1500 €, 7000 € et 29 207,15 € le 31 décembre 2014) et ceux de la SARL Alice Arcachon (3 fois 5 000 € et une fois 7 000 €) ne sont intervenus qu'entre juillet 2014 et août 2014. A noter également un transfert de 6 000 € de la SARL Alice Cap Ferret vers la SAS Société Nouvelle Les 3 Epis le 2 mai 2014 et des transferts de fonds provenant de cette société vers la SARL Alice Arcachon en février 2014 ; qu'en tout état de cause, les apports extérieurs manifestent l'absence de fonds propres et l'insuffisance de la trésorerie de la SAS Société Nouvelle Les 3 Epis pour faire face aux charges courantes, ce dès le début de l'exploitation ; qu'enfin, si M. N... invoque pour sa défense la perte du contrat avec France Loisirs, il en eu connaissance dès le mois de février 2014 par le courrier de cette société en date du 19 février 2014 ; qu'à partir de ce moment là, il aurait pu procéder plus tôt à la déclaration de cessation des paiements ; qu'en tout état de cause, même si cette société avait maintenu ses relations contractuelles, il n'est pas établi que cela aurait empêché la cessation des paiements, le chiffre d'affaires généré par ce contrat n'étant que de 30 % (cf courrier de M. N... du 21 février 2014 adressé à France Loisirs) en l'absence de fonds propres de la SAS Société Nouvelle Les 3 Epis ; qu'enfin, en ce qui concerne la gestion du personnel, bien que M. N... incrimine le comportement vindicatif de ce dernier à son égard, force est de constater que 9 salariés ont fait l'objet d'un licenciement jugé abusif par arrêt de la cour d'appel de Limoges du 15 mai 2017, si bien que sommes dues par la SAS Société Nouvelle Les 3 Epis à l'égard de ces salariés s'élève à la somme de 146 479.27 € selon état des créances salariales à la date du 4 avril 2017 ; que la cour d'appel de Limoges dans ses arrêts du 15 mai 2017 a caractérisé les fautes de gestion de l'employeur à l'égard du personnel par un versement fractionné du salaire sans l'accord des salariés, l'absence de maintien du salaire pendant les arrêts de travail alors que l'employeur pouvait bénéficier de la subrogation, l'absence d'adhésion à un service de santé au travail inter-entreprises, le prélèvement indu de cotisations d'assurance vieillesse sur le salaire ; que le document remis aux délégués du personnel pour le 4 juillet 2014 qui, certes, analyse la situation de l'entreprise vise principalement au licenciement d'une dizaine de salariés pour cause économique ; qu'il ne permet donc pas de rapporter la preuve d'une gestion efficiente ; qu'ainsi, M. N... a commis des fautes dans la gestion du personnel qui ont eu également pour effet d'endetter la SAS Société Nouvelle Les 3 Epis ; qu'ainsi, l'ensemble de ces fautes de gestion commises par M. N... ont manifestement contribué à l'insuffisance d'actif de la SAS Société Nouvelle Les 3 Epis ; que sa responsabilité se trouve donc pleinement engagée et il doit être condamné à supporter l'intérgralité du passif retenu, soit la somme de 383 615,68 euros ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE pour sa défense, M. N... fait valoir les difficultés qu'il a rencontrées alors qu'elles démontrent au contraire une légèreté condamnable de M. N... dont la société au capital de 4 000 euros ne disposait pas de toute évidence de fonds propres pour asusrer le fonctionnement du fonds de commerce qu'elle a acquis pour 1 euros ; que M. N... ne peut pas se cacher derrière les difficultés d'ordre administratif inhérentes à toute reprise de fonds de commerce dans un cadre judiciaire pour obérer l'imprudence et la légèreté dont il a fait preuve en reprenant ce fonds de commerce ; qu'il ne peut pas non plus reporter la faute sur les co-contractants ; que le repreneur a eu connaissance de tous les contrats : contrats de travail qu'il a repris dans son offre contrairement au partenariat « France Loisirs » qui n'en faisait pas partie ; que la situation du fonds de commerce était conforme à ce qui a été acquis ; qu'ainsi aucun loyer n'a été payé depuis la prise de possession par le repreneur, alors que le droit au bail constitue pour cette activité un élément essentiel du fonds de commerce et que son montant est connu ; qu'enfin malgré les difficultés qu'il a rencontrées et qui se seont aggravées faute d'apport financier suffisanrt, M. N... a procédé à la déclarartion de cessation des paiements avec retard puisqu'il aurait dû y procéder dès le 2e trimestre 2014 ; que M. N... ne répond pas précisément aux accusations de gestion imprudente et négligente du mandataire judiciaire qui lui reproche des mouvements de fonds anormaux vers la société Alice Cap Feret et pour son propre compte, ce qui a appauvri la Société Nouvelle 3 Epis ; qu'elles viennent confirmer que M. N... a poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, l'exploitation déficitiaire du fonds de commerce rachtée par la Sas Société Nouvelle Les 3 Epis qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements ; que dès lors il est démontré que M. N... a repris un fonds de commerce sans donner aucun moyen fnancier à la société qu'il a créée de poursuivre son activité ; qu'il ne pouvait ignorer les charges qui pesaient sur le repreneur et l'absence totale de trésorerie s'agissant de la reprise d'un fonds dans le cadre d'une liquidation judiciaire ; que malgré cette erreur initiale, il a poursuivi l'activité déficitaire malgré le commandement visant la clause résolutoire délivrée le 1/4/2014 par le bailleur, l'ordonnance de référé du 10/07/2014 qui a constaté la résiliation du bail et l'impossibilité de régler les salaires dès le mois de seprtembre 2014 ; qu'ainsi en créant une société sans apports de fonds propres suffisanrts pour assurer son fonctionnement dans des conditioosn normales et en poursuivant l'activité sans prendre aucune mesure pour remédier à cette insuffisance de fonds propres, M. N... a commis des fautes de gestion qui ont directement contribué à l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de la Sas Société Nouvelle Les 3 Epis qu'il est condamné à supporter en application de l'article L. 651-2 du code de commerce ;

1° ALORS QUE l'absence de déclaration de cessation des paiements n'est pas constitutive d'une faute de gestion lorsque le dirigeant a demandé et obtenu l'ouverture d'une procédure de conciliation; qu'en jugeant que constituait une faute de gestion le fait, pour M. N..., de ne pas avoir déclaré l'état de cessation des paiements et sollicité l'ouverture d'une procédure de redressement ou liquidation judiciaire de la Société Nouvelle Les 3 Epis Brive, quand elle constatait que M. N... avait sollicité et obtenu l'ouverture d'une procédure de conciliation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation de l'article L. 651-2 du code de commerce ;

2° ALORS QUE l'insuffisance des apports consentis à une société lors de sa constitution, qui est imputable aux associés, ne constitue pas une faute de gestion ; qu'en retenant néanmoins, en l'espèce, que M. N... s'était rendu coupable d'une faute de gestion en créant une société sans apports de fonds propres suffisants pour assurer son fonctionnement dans des conditions normales, la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de commerce ;

3° ALORS QUE la poursuite d'une activité déficitaire n'est pas constitutive d'une faute de gestion dès lors qu'existent des perspectives de redressement ; qu'en se bornant à relever, pour reprocher à M. N... de ne pas avoir mis fin plus tôt à l'activité, que la Société Nouvelle Les 3 Epis Brive s'était retrouvée dès le départ confrontée à d'importantes difficultés notamment financières, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la poursuite, pendant un temps, de l'activité, nonobstant son caractère déficitaire, n'était pas justifiée par le fait que M. N... avait repris un fonds de commerce en liquidation judiciaire, dans une optique de maintien d'activité et d'emploi, conformément aux objectifs assignés aux procédures collectives, que son projet de reprise avait été validé par le tribunal qui considérait que la cession à M. N... constituait une possibilité de redressement du fonds, et qu'il ne pouvait donc immédiatement « jeter l'éponge », dans les semaines suivant l'arrêté du plan, sans avoir tenté de remédier aux problèmes, notamment par une conciliation avec les créanciers sociaux, une concertation avec les salariés, une réorganisation de l'entreprise, la recherche de nouveaux partenaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci, à l'encontre de M. N..., pour une période de dix ans ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article L 653–8 du code de commerce dispose que « Dans les cas prévus aux articles L 653–3 à L 653–6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci... » ; Dernier alinéa : « Elle [l'interdiction] peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L 653–1 qui a omis de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir par ailleurs, demander l'ouverture d'une procédure de conciliation » ; que cette interdiction est donc applicable dans le cas d'une déclaration tardive, au-delà du délai de 45 jours, de la cessation des paiements ; qu'il est constant que M. N... a déclaré la cessation des paiements tardivement, en octobre 2014, au lieu du 1er avril 2014 ; qu'en conséquence, et au vu des fautes de gestion ci-dessus énoncées, et de ce que il a rencontré le même type de difficultés pour l'exploitation d'un fonds de commerce à Bergerac (Forum) et à Bordeaux (société de distribution du Grand Bordeaux), il convient de prononcer à son encontre une interdiction de gérer pendant dix ans ; que le jugement rendu par le tribunal de Commerce de Brive le 29 août 2017 sera donc confirmé sur ce point ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE l'attitude de M. N... qui a continué l'activité déficitaire malgré la fin du bail, le mécontentement des salariés payés tardivement puis plus du tout, sans procédet à la déclaration de cessation des paiements fixée au 1er avril 2014, justifie qu'il soit fait application à son encontre des dispositions de l'article L. 653-8 du code de commerce et le tribunal le condamne à une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute personne morale ayant une activité économique pour une durée de dix ans ;

1° ALORS QUE la cassation à intervenir sur une quelconque des branches du premier moyen de cassation entrainera, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a prononcé à l'encontre de M. N... une mesure d'interdiction de gérer pour une période de dix ans en s'appuyant sur les fautes de gestion imputées à M. N... dans le cadre de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2° ALORS QU'en toute hypothèse, seul peut être sanctionné par une interdiction de gérer le dirigeant qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation ; qu'en se bornant, pour prononcer à l'encontre de M. N... une mesure d'interdiction de gérer pendant dix ans, à relever qu'il n'avait déclaré l'état de cessation des paiements, caractérisé dès le 1er avril 2014 selon le tribunal de la procédure collective, que le 30 octobre 2014, sans établir la mauvaise foi de M. N... dans ce retard, et alors que ce dernier avait sollicité et obtenu du tribunal de commerce la désignation d'un administrateur ad hoc de la société afin de trouver une issue amiable avec les créanciers sociaux, la cour d'appel a violé l'article L. 653-8 du code de commerce dans sa version issue de la loi no2015-990 du 6 août 2015 applicable en l'espèce ;

3° ALORS QUE les fautes dans la gestion du personnel ne sont pas sanctionnées par une interdiction de gérer ; qu'en relevant, pour prononcer à l'encontre de M. N... une mesure d'interdiction de gérer pendant dix ans, qu'il avait commis des fautes dans la gestion du personnel, la cour d'appel a violé les articles L. 653-1, L. 653-4, L. 653-5 et L. 653-8 du code de commerce ;

4° ALORS QUE seul peut être sanctionné par une interdiction de gérer le dirigeant qui a poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ; qu'en se bornant, pour prononcer à l'encontre de M. N... une mesure d'interdiction de gérer pendant dix ans, à relever qu'il avait poursuivi abusivement l'exploitation déficitaire de la Société Nouvelle Les 3 Epis Brive sans nullement caractériser l'intérêt personnel que M. N... aurait tiré de la poursuite d'exploitation, la cour d'appel a violé l'article L. 653-4 4° du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19-10341
Date de la décision : 17/06/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Responsabilités et sanctions - Responsabilité pour insuffisance d'actif - Domaine d'application - Exclusion - Cas - Insuffisance des apports consentis à une société lors de sa constitution

L'insuffisance des apports consentis à une société lors de sa constitution, qui est imputable aux associés, ne constitue pas, en soi, une faute de gestion dont les dirigeants auraient à répondre, en application de l'article L. 651-2 du code de commerce


Références :

Sur le numéro 1 : article L. 653-8, alinéa 3, du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015
Sur le numéro 2 : article L. 651-2 du code de commerce

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 13 novembre 2018

N2 Sur l'absence de caractérisation d'une faute de gestion pour insuffisance d'apports, à rapprocher :Com., 10 mars 2015, pourvoi n° 12-15505, Bull. 2015, IV, n° 47 (cassation partielle)


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 17 jui. 2020, pourvoi n°19-10341, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
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