LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 juin 2020
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n° 408 F-P+B
Pourvoi n° D 19-25.540
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. S....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 26 novembre 2019.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 JUIN 2020
M. X... S..., domicilié chez M. et Mme G... I..., [...], actuellement hospitalisé au [...], a formé le pourvoi n° D 19-25.540 contre l'ordonnance rendue le 11 octobre 2019 par le premier président de la cour d'appel de Besançon, dans le litige l'opposant :
1°/ au préfet du Doubs, domicilié La City, 3 avenue Louise Michel, 25044 Besançon cedex 3,
2°/ au procureur général près la cour d'appel de Besançon, domicilié en son parquet général, 1 rue Mégevand, 25000 Besançon,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Auroy, conseiller doyen, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. S..., de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat du préfet du Doubs, et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 26 mai 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Auroy, conseiller doyen rapporteur, M. Acquaviva, conseiller, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Besançon, 11 octobre 2019), et les pièces de la procédure, le 27 mars 2019, la chambre de l'instruction a déclaré M. S... pénalement irresponsable en raison du trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au moment des faits et ordonné son hospitalisation complète sur le fondement de l'article 706-135 du code de procédure pénale.
2. Le 19 septembre 2019, en application de l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique, le préfet a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de poursuite de la mesure.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. M. S... fait grief à l'ordonnance de prolonger la mesure, alors « que, si le juge des libertés et de la détention est saisi après l'expiration du délai de quinze jours prévu au 3° du I de l'article L. 3211-12-1, il constate sans débat que la mainlevée de l'hospitalisation complète est acquise, à moins qu'il ne soit justifié de circonstances exceptionnelles à l'origine de la saisine tardive et que le débat puisse avoir lieu dans le respect des droits de la défense ; que la loi se borne à exiger de l'autorité chargée de saisir le juge qu'elle sache compter un délai pour agir à temps, et ne lui impose nullement de recourir à un outil informatique ; qu'en tenant dès lors le dysfonctionnement, au demeurant contesté, d'un outil informatique pour une circonstance exceptionnelle justifiant une saisine tardive, le magistrat délégué par le premier président a violé le I, 3°, et le IV de l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique. »
Réponse de la Cour
4. Il résulte du I de l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique que le juge des libertés et de la détention est saisi quinze jours au moins avant l'expiration du délai de six mois à compter de toute décision judiciaire prononçant l'hospitalisation en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale, et de son IV que, s'il est saisi après l'expiration de ce premier délai, le juge constate sans débat que la mainlevée de l'hospitalisation complète est acquise, à moins qu'il ne soit justifié de circonstances exceptionnelles à l'origine de la saisine tardive et que le débat puisse avoir lieu dans le respect des droits de la défense.
5. Ayant constaté que la copie d'écran du fichier Hopsyweb relative au dossier de M. S... révélait que, pour une raison inexpliquée, alors que le début d'hospitalisation était indiqué au 27 mars 2019, la date limite mentionnée pour la saisine du juge des libertés et de la détention était celle, tardive, du 19 septembre 2019, le premier président a pu en déduire que la défaillance de l'outil informatique constituait une circonstance exceptionnelle à l'origine du retard de la saisine.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. S... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juin deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat aux Conseils, pour M. S...
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir autorisé la poursuite de l'hospitalisation complète de l'exposant
AUX MOTIFS PROPRES QUE :
Sur l'existence de circonstances exceptionnelles à l'origine de la saisine tardive du juge des libertés et de la détention
II s'évince des pièces communiquées tant par le Préfet du Doubs que par le conseil de l'appelant que la gestion des dossiers d'hospitalisation sans consentement est opérée par l'Agence Régionale de Santé au moyen d'un logiciel informatique dénommé Hopsyweb mis à sa disposition à l'initiative du ministère de la Santé. La fiabilité de cet outil de gestion ne peut être remise en cause, faute de quoi l'ensemble des procédures relatives à cette matière aurait donné lieu à des difficultés notoires, s'agissant d'un contentieux sensible.
Cependant au vu de la copie de la fiche informatique relative au dossier de M. X... S..., il apparaît que, pour une raison inexpliquée, alors que la date de début d'hospitalisation était correctement renseignée soit le 27 mars 2019, la date limite mentionnée pour la saisine du juge des libertés et de la détention était celle tardive du 19 septembre2019.
Dès lors c'est avec raison que le premier juge a admis que la défaillance de l'outil informatique habituellement utilisé en la matière constituait pour l'autorité chargée de le saisir en vue d'un contrôle systématique d'une mesure d'hospitalisation, une circonstance exceptionnelle à l'origine de la saisine tardive constatée, étant observé que la production d'un constat d'huissier ne serait pas de nature à authentifier le contenu de la fiche informatique précitée obtenue après capture d'écran, Dès lors que, nonobstant la saisine tardive du juge, une audience a pu être normalement tenue avant l'expiration de la mesure d'hospitalisation, dans le respect des droits de la personne hospitalisée et de ses défenseurs, le juge des libertés et de la détention de Montbéliard était bien fondé à rejeter l'exception d'irrégularité de la procédure qui lui avait été soumise.
L'ordonnance frappée d'appel sera confirmée sur ce point.
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS DU PREMIER JUGE QUE
Le requérant justifie de circonstances exceptionnelles ayant motivé la saisine tardive et hors délai du juge des libertés et de la détention. Cette saisine tardive s'explique par le dysfonctionnement de l'outil de gestion « HOSPYWEB » » imposé par le ministère pour le suivi des dossiers qui indiquait une saisine au 19/09/19 et non au 12/09/19. Le Préfet a justifié de ce dysfonctionnement par la communication d'une capture d'écran de la fiche relative à M. S... Il s'agit là manifestement de circonstances exceptionnelles qui ont été prises en considération par le juge soussigné qui a audiencé, dans le respect des droits de la défenses, l'examen de la situation de M. S... à l'audience de ce jour.
L'intégralité de la procédure a été communiquée en temps et en heure à son conseil.
La procédure n'est par conséquent entachée d'aucune irrégularité.
ALORS QUE si le juge des libertés et de la détention est saisi après l'expiration du délai de quinze jours prévu au 3° du I de l'article L.3211-12-1, il constate sans débat que la mainlevée de l'hospitalisation complète est acquise, à moins qu'il ne soit justifié de circonstances exceptionnelles à l'origine de la saisine tardive et que le débat puisse avoir lieu dans le respect des droits de la défense ; que la loi se borne à exiger de l'autorité chargée de saisir le juge qu'elle sache compter un délai pour agir à temps, et ne lui impose nullement de recourir à un outil informatique ; qu'en tenant dès lors le dysfonctionnement, au demeurant contesté, d'un outil informatique pour une circonstance exceptionnelle justifiant une saisine tardive le magistrat délégué par le premier président a violé le I 3° et le IV de l'article L.3211-12-1 du code de la santé publique.