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13/05/2020 | FRANCE | N°19-10941

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 13 mai 2020, 19-10941


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 mai 2020

Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 289 F-P+B

Pourvoi n° K 19-10.941

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 MAI 2020

M. T... X..., domicilié [...], a formé le pourvoi n° K 19-10.941 contre

l'arrêt rendu le 27 novembre 2018 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. A... Y..., domicilié [......

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 mai 2020

Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 289 F-P+B

Pourvoi n° K 19-10.941

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 MAI 2020

M. T... X..., domicilié [...], a formé le pourvoi n° K 19-10.941 contre l'arrêt rendu le 27 novembre 2018 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. A... Y..., domicilié [...], défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Acquaviva, conseiller, les observations de la SCP Ghestin, avocat de M. X..., de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. Y..., après débats en l'audience publique du 3 mars 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Acquaviva, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 27 novembre 2018), M. X... a assigné M. Y... devant le tribunal de grande instance de Grenoble en répétition de l'indu.

2. Ce dernier a soulevé l'incompétence de la juridiction française.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. M. X... fait grief à l'arrêt de dire la juridiction française incompétente, alors « que les articles 14 et 15 du code civil qui donnent compétence à la juridiction française à raison de la nationalité française du demandeur pour le premier de ces textes ou du défendeur pour le second de ces textes n'ont lieu de s'appliquer que lorsqu'aucun critère ordinaire de compétence territoriale n'est réalisé en France ; qu'il résulte de l'énoncé des qualités des parties tant par l'ordonnance entreprise que par l'arrêt attaqué que M. Y..., défendeur à l'action de M. X..., est domicilié en France à [...], M. Y... comme M. X... étant de surcroît de nationalité française ; qu'il en résulte que le tribunal de grande instance de Grenoble était selon les règles ordinaires territorialement compétent pour statuer sur la demande de M. X... contre M. Y... ; qu'en accueillant l'exception d'incompétence de M. Y... et en déclarant les juridictions françaises territorialement incompétentes pour connaître du litige au profit des juridictions algériennes, au motif que M. X... aurait renoncé au privilège de juridiction de l'article 15 du code civil quand les juridictions françaises étaient normalement compétentes au regard des règles ordinaires de compétence territoriale, la cour d'appel a violé le texte susvisé par fausse application et les articles 42 et 43 du code de procédure civile par refus d'application. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

3. La recevabilité du moyen est contestée en défense, en raison de sa nouveauté.

4. Le moyen, de pur droit, n'est pas nouveau. Il est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 15 du code civil et l'article 42 du code de procédure civile :

5. Le premier de ces textes, qui donne compétence à la juridiction française en raison de la nationalité du défendeur, n'a vocation à s'appliquer que lorsqu'aucun critère ordinaire de compétence territoriale n'est réalisé en France.

6. Aux termes du second, la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur.

7. Pour déclarer la juridiction française incompétente au profit de la juridiction algérienne, la cour d'appel retient que M. X... a tacitement renoncé à son privilège de juridiction.

8. En statuant ainsi, alors que M. X... soutenait que l'article 15 du code civil était inapplicable, M. Y..., défendeur à l'action, se déclarant lui-même, dans ses conclusions, domicilié en France, de sorte que la juridiction française était territorialement compétente, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. Y... et le condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré les juridictions françaises incompétentes territorialement au profit des juridictions algériennes pour connaître de l'action en répétition de l'indu exercée par M. X... contre M. Y... et d'AVOIR renvoyé M. X... à mieux se pourvoir, le condamnant à payer à M. Y... la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE par application de l'article 776 du code de procédure civile, le juge de la mise en état est compétent, notamment, pour statuer sur les exceptions de compétence ;

que conformément aux dispositions des articles 83 et 84 du code de procédure civile, l'appel litigieux sur la compétence, introduit par M. Y... dans les conditions de forme et de délais, est parfaitement recevable ;

que les parties sont toutes deux de nationalité française ;

que l'article 15 du code civil dispose qu'un français pourra être traduit devant un tribunal en France, pour des obligations par lui contractées en pays étranger, même avec un étranger ;

que toutefois, la partie, qui a précédemment introduit une action identique devant une juridiction étrangère, est réputée avoir tacitement renoncé au privilège de juridiction susvisé ;

qu'en l'espèce, il ressort de l'examen de la teneur du jugement civil du 19 juin 2016 rendu par le tribunal de Batna (Algérie) (pièce 3 de M. Y...) que M. X... a introduit devant cette juridiction une action en restitution de sommes trop versées par lui au titre de l'acte de dépôt, ce qui est identique à l'action introduite par assignation du 19 juin 2017 en restitution de l'indu ;

que par voie de conséquence, M. X..., en ayant saisi la juridiction algérienne d'une action similaire à celle introduite postérieurement devant la juridiction française, a tacitement renoncé au bénéfice des dispositions de l'article 15 du code civil ;

que l'ordonnance déférée doit être infirmée, l'exception d'incompétence élevée par M. Y... accueillie et M. X... renvoyé à mieux se pourvoir ;

que la juridiction française étant incompétente, les demandes de communication de pièces et de provision de M. X... sont irrecevables ;

1°) ALORS QUE les articles 14 et 15 du code civil qui donnent compétence à la juridiction française à raison de la nationalité française du demandeur pour le premier de ces textes ou du défendeur pour le second de ces textes n'ont lieu de s'appliquer que lorsqu'aucun critère ordinaire de compétence territoriale n'est réalisé en France ; qu'il résulte de l'énoncé des qualités des parties tant par l'ordonnance entreprise que par l'arrêt attaqué que M. Y..., défendeur à l'action de M. X..., est domicilié en France à [...], M. Y... comme M. X... étant de surcroît de nationalité française ; qu'il en résulte que le tribunal de grande instance de Grenoble était selon les règles ordinaires territorialement compétent pour statuer sur la demande de M. X... contre M. Y... ; qu'en accueillant l'exception d'incompétence de M. Y... et en déclarant les juridictions françaises territorialement incompétentes pour connaître du litige au profit des juridictions algériennes, au motif que M. X... aurait renoncé au privilège de juridiction de l'article 15 du code civil quand les juridictions françaises étaient normalement compétentes au regard des règles ordinaires de compétence territoriale, la cour d'appel a violé le texte susvisé par fausse application et les articles 42 et 43 du code de procédure civile par refus d'application ;

2°) ALORS AU SURPLUS QUE M. X... faisait valoir dans ses conclusions d'appel qu'outre la nationalité française de M. Y... et sa résidence en France, les remises de fonds qu'il avait faites à ce dernier et dont il demandait la restitution dans la présente instance, avaient été effectuées en France, le litige résultant dès lors de la compétence territoriale des juridictions françaises (concl. p. 3 al. 3 et 7 et p. 5 al. 4) ; qu'en déclarant les juridictions françaises incompétentes pour statuer sur la demande de M. X... au profit des juridictions algériennes, au motif que M. X... aurait tacitement renoncé au privilège de juridiction de l'article 15 du code civil, sans répondre à ses conclusions péremptoires faisant valoir que le litige ressortait de la compétence territoriale des juridictions françaises à raison des critères ordinaires de compétence territoriale et que l'article 15 du code civil français ne trouve pas à s'appliquer, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale - Privilège de juridiction - Article 15 du code civil - Conditions - Absence de critère ordinaire de compétence territoriale en France - Nécessité

L'article 15 du code civil, qui donne compétence à la juridiction française en raison de la nationalité du défendeur, n'a vocation à s'appliquer que lorsqu'aucun critère ordinaire de compétence territoriale n'est réalisé en France


Références :

article 15 du code civil

article 42 du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 27 novembre 2018

A rapprocher : 1re Civ., 19 novembre 1985, pourvoi n° 84-16001, Bull. 1985, I, n° 306 (cassation)


Publications
Proposition de citation: Cass. Civ. 1re, 13 mai. 2020, pourvoi n°19-10941, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles
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Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Ghestin, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Formation : Chambre civile 1
Date de la décision : 13/05/2020
Date de l'import : 21/09/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19-10941
Numéro NOR : JURITEXT000041914554 ?
Numéro d'affaire : 19-10941
Numéro de décision : 12000289
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2020-05-13;19.10941 ?
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