LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 mai 2020
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n° 294 F-D
Pourvoi n° A 19-10.265
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 MAI 2020
M. H... S..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° A 19-10.265 contre l'arrêt rendu le 8 novembre 2018 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre A), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. P... I..., domicilié [...] , représenté par sa tutrice l'Association tutélaire de Vaucluse, donne le siège est [...] ,
2°/ à Mme V... I..., épouse C..., domiciliée [...] ,
3°/ à Mme O... I..., épouse N..., domiciliée [...] ,
4°/ à M. G... I..., domicilié [...] ,
5°/ à M. U... I..., domicilié [...] ,
6°/ à M. F... I..., domicilié [...] ,
7°/ à Mme Q... S..., veuve I..., domiciliée [...] ,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Poinseaux, conseiller, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. S..., de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. P... I..., représenté par l'Association tutélaire de Vaucluse, de MM. G..., U... et F... I... et de Mmes V... et O... I..., après débats en l'audience publique du 3 mars 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Poinseaux, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 8 novembre 2018), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 16 septembre 2014, pourvoi n° 13-20.211), L... I... est décédé le [...], laissant pour lui succéder sept enfants, P..., O..., G..., U..., F..., V... et X..., depuis décédée, ainsi que son épouse, Mme S....
2. Au moment de son décès, L... I... vivait avec Mme S... dans une maison édifiée sur des parcelles de terre, acquises suivant acte notarié du 10 août 1990 par M. S..., fils de sa future épouse, moyennant le prix de 180 000 francs (27 441 euros).
3. Des difficultés sont survenues lors des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. M. S... fait grief à l'arrêt de dire que le terrain situé à [...] a été acquis par H... S... en simulant l'identité réelle du propriétaire qui était en réalité L... I..., que la construction de la maison édifiée sur ce terrain l'a été avec des deniers propres de ce dernier et que la valeur de cet immeuble doit être rapportée à l'actif de sa succession pour sa valeur à déterminer à la date la plus proche du partage, alors :
« 1°/ que les jugements devant être motivés à peine de nullité, les juges doivent indiquer les pièces sur lesquelles ils se fondent ; qu'en affirmant, pour faire droit aux demandes des consorts I..., que le compte de M. L... I... a été débité le 10 août 1990 de la somme de 193 500 francs « qui correspond au prix de l'acquisition du terrain de [...] et des frais d'acquisition », après avoir constaté que ledit terrain avait été acheté par M. S... le 10 août 1990 « au prix de 180 000 francs » sans préciser sur quels éléments de preuve elle se fondait pour considérer que le montant du prix d'achat du terrain et des frais d'acquisition s'élevait à 193 500 francs, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge est tenu de ne pas dénaturer les conclusions des parties ; qu'en affirmant qu' « il est en outre constant qu'il [H... S...] n'a jamais occupé la maison de [...] » cependant que M. S... soutenait au contraire avoir vécu dans la maison litigieuse jusqu'en janvier 1995, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de M. S... et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3°/ que le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en affirmant que « les mouvements qui apparaissent sur les comptes de L... I... entre octobre 1990 et octobre 1991 correspondent au prix de la construction édifiée sur le terrain de [...] acquis par H... S... avec des deniers appartenant à L... I..., L... I... étant alors marié avec Mme Y... T... sous le régime de la communauté légale et ne voulant pas que la maison qu'il faisait construire rentre dans l'actif de la communauté », la cour d'appel a statué par voie de simple affirmation et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que les jugements devant être motivés à peine de nullité, les juges doivent indiquer les pièces sur lesquelles ils se fondent ; qu'en affirmant que « les mouvements qui apparaissent sur les comptes de L... I... entre octobre 1990 et octobre 1991 correspondent au prix de la construction édifiée sur le terrain de [...] acquis par H... S... avec des deniers appartenant à L... I... », sans préciser sur quels éléments de preuve elle se fondait pour retenir que le prix de la construction litigieuse correspondait aux mouvements bancaires relevés, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que les jugements devant être motivés à peine de nullité, les juges doivent indiquer les pièces sur lesquelles ils se fondent ; qu'en affirmant que « les mouvements qui apparaissent sur les comptes de L... I... entre octobre 1990 et octobre 1991 correspondent au prix de la construction édifiée sur le terrain de [...] acquis par H... S... avec des deniers appartenant à L... I..., L... I... étant alors marié avec Mme Y... T... sous le régime de la communauté légale et ne voulant pas que la maison qu'il faisait construire rentre dans l'actif de la communauté », sans préciser sur quels éléments de preuve elle se fondait pour considérer que la volonté de L... I... était d'éviter que la maison construite entre dans l'actif de la communauté, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. L'arrêt relève, d'abord, que L... I... a rencontré Mme S... en 1988, alors qu'il était encore dans les liens du mariage avec Mme T..., sa deuxième épouse commune en biens, dont il n'a divorcé que le 16 septembre 1993 et que telle était sa situation lors de l'acquisition du terrain litigieux et de la construction de la maison, achevée au mois d'octobre 1991 et où il a habité avec Mme S..., sans jamais acquitter de loyer. Il observe, ensuite, que celui-ci, selon l'attestation d'un notaire, s'était proposé d'acquérir lui-même les parcelles litigieuses et qu'il avait déposé, dès le 26 juillet 1990, une demande de permis pour y construire une maison individuelle. Il constate, encore, qu'il disposait alors, grâce à la vente de parcelles de terre et d'une maison d'habitation en 1989 et 1990, d'un capital de 795 000 francs (121 197 euros), tandis que M. S..., âgé de 25 ans, était encore étudiant. Il ajoute, enfin, que les mouvements sur ses comptes font apparaître des virements de son compte titres vers son compte courant et le paiement, le jour même de l'acquisition du terrain, d'une somme de 193 500 francs (29 499 euros) et, d'octobre 1990 à octobre 1991, de sommes d'un montant total supérieur à 650 000 francs (99 092 euros).
6. De ses constatations, fondées sur les éléments de preuve produits par les parties, la cour d'appel a souverainement déduit, par une décision suffisamment motivée, que le défunt avait affecté ces fonds au paiement du prix du terrain, augmenté des frais d'achat, et de celui de la construction de la maison, en simulant un achat par M. S... pour que ces biens ne rentrent pas dans l'actif de la communauté.
7. Le moyen, inopérant en sa seconde branche, qui critique un motif surabondant, n'est pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. S... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. S... et le condamne à payer à M. P... I... représenté par l'association ATV, à Mmes V... et O... I..., et à MM. G..., U... et F... I... la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, signé par Mme Auroy, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour M. S...
Il est fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué D'AVOIR dit et jugé que le terrain situé à [...] , cadastré section [...] et [...] a été acquis par H... S... au moyen d'une simulation sur l'identité réelle du propriétaire qui était en réalité L... I..., dit et jugé que la construction de la maison édifiée sur ce terrain l'a été au moyen de deniers propres de L... I..., jugé que la valeur de l'immeuble cadastré à [...], section [...] et [...], doit être rapportée à l'actif de la succession de L... I... pour sa valeur à déterminer à la date la plus proche du partage, jugé que la valeur de l'immeuble viendra accroître l'actif successoral et être pris en compte pour le calcul de la quotité disponible ;
AUX MOTIFS QUE en l'espèce, il est établi par une attestation de Maître E... M..., notaire à [...] en date du 18 juillet 1990 que L... I... se proposait d'acquérir une parcelle de terrain à bâtir appartenant aux consorts K... sise à [...] , cadastrée section [...] et [...], pour une superficie de 1996 m² ; que L... I... a déposé le 26 juillet 1990, une demande de permis de construire une maison individuelle sur le terrain, lequel a été délivré par le maire de [...] le 18 octobre 1990 ; que la déclaration d'ouverture du chantier a été effectuée le 26 octobre 1990 et la maison a été achevée au mois d'octobre 1991 ; que L... I... a vécu dans cette maison jusqu'à son décès avec sa troisième épouse, Mme Q... S..., rencontrée en 1988 alors qu'il était dans les liens d'une précédente union avec sa seconde épouse, Mme Y... T..., qu'il avait épousée le [...] sans contrat de mariage préalable ; que le mariage des époux Y... T...-L... I... a été dissous par jugement du tribunal de grande instance d'Avignon du 16 septembre 1993 ; qu'aux termes d'un acte notarié du 10 août 1990, H... S..., fils unique de Mme Q... S..., a acquis des consorts K... le terrain susvisé situé à [...] au prix de 180 000 francs ; que le prix a été payé comptant par l'acquéreur ainsi qu'il résulte de la comptabilité du notaire ; que L... I... était propriétaire à [...] (Vaucluse) de diverses parcelles de terre cadastrées section [...], [...], [...], [...] et [...] ainsi que d'une maison d'habitation édifiée sur les parcelles [...] et [...], qu'il a vendus dans l'année précédant la construction de sa maison d'habitation à [...] aux termes de trois actes notariés : - par acte du 28 novembre 1989, il a vendu aux époux A... partie de la parcelle cadastrée [...] et la moitié indivise des parcelles [...] et [...] à usage de chemin, au prix de 160 000 francs ; - par acte du 13 juin 1990, il a vendu à M. J... la maison d'habitation au prix de 445 000 francs ; - par acte des 10 et 11 décembre 1990, il a vendu la parcelle cadastrée [...], le solde de la parcelle [...] et la moitié indivise des parcelles [...] et [...] à usage de chemin aux époux R..., au prix de 190 000 francs ; qu'il disposait ainsi d'un capital de 795 000 francs ; que l'examen des comptes bancaires de L... I... au cours des années 1990 et 1991 démontre que le 7 août 1990, il a procédé à un virement en provenance de son compte titres d'un montant de 193 500 euros ; que son compte a été débité, le 10 août 1990, de la même somme, qui correspond au prix de l'acquisition du terrain de [...] et des frais d'acquisition ; que pendant toute la durée de la construction de la maison, d'octobre 1990 à octobre 1991, L... I... a procédé à des paiements d'un montant supérieur de 650 000 francs à partir de ses comptes bancaires, approvisionnés au moyen de fonds provenant de son compte titres ; que lors de l'acquisition du terrain litigieux et pendant la construction de la maison, H... S..., alors âgé de 25 ans, était encore étudiant et effectuait seulement des jobs d'été ; qu'à l'issue de ses études, il a été embauché en octobre 1991 par la société SSII, avec un salaire mensuel de 1 300 francs ; qu'il est en outre constant qu'il n'a jamais occupé la maison de [...], et que L... I... ne lui a jamais payé de loyer ; que les mouvements qui apparaissent sur les comptes de L... I... entre octobre 1990 et octobre 1991 correspondent au prix de la construction édifiée sur le terrain de [...] acquis par H... S... avec des deniers appartenant à L... I..., L... I... étant alors marié avec Mme Y... T... sous le régime de la communauté légale et ne voulant pas que la maison qu'il faisait construire rentre dans l'actif de la communauté ; qu'il résulte de l'ensemble des observations qui précèdent que le bien acquis par H... S... a été en réalité financé par L... I... qui y a construit sa maison d'habitation au moyen de ses deniers personnels et en a conservé l'usage et la maîtrise jusqu'à son décès ; que la simulation doit dès lors être admise, de sorte qu'il y a lieu d'en déduire que le propriétaire réel de la maison d'habitation sise à [...] sur le terrain cadastré [...] et [...] était en réalité L... I... et doit être réintégrée dans l'actif de la succession ;
ALORS QUE 1°), les jugements devant être motivés à peine de nullité, les juges doivent indiquer les pièces sur lesquelles ils se fondent ; qu'en affirmant, pour faire droit aux demandes des consorts I..., que le compte de M. L... I... a été débité le 10 août 1990 de la somme de 193 500 francs « qui correspond au prix de l'acquisition du terrain de [...] et des frais d'acquisition » (arrêt, p 8, §1), après avoir constaté que ledit terrain avait été acheté par M. S... le 10 août 1990 « au prix de 180 000 francs » (arrêt, p. 7, §4), sans préciser sur quels éléments de preuve elle se fondait pour considérer que le montant du prix d'achat du terrain et des frais d'acquisition s'élevait à 193 500 francs, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile,
ALORS QUE 2°), le juge est tenu de ne pas dénaturer les conclusions des parties ; qu'en affirmant qu'« il est en outre constant qu'il [H... S...] n'a jamais occupé la maison de [...] » (arrêt, p. 8, §4), cependant que M. S... soutenait au contraire avoir vécu dans la maison litigieuse jusqu'en janvier 1995 (conclusions, p. 13), la cour d'appel a dénaturé les conclusions de M. S... et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE 3°), le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en affirmant que « les mouvements qui apparaissent sur les comptes de L... I... entre octobre 1990 et octobre 1991 correspondent au prix de la construction édifiée sur le terrain de [...] acquis par H... S... avec des deniers appartenant à L... I..., L... I... étant alors marié avec Mme Y... T... sous le régime de la communauté légale et ne voulant pas que la maison qu'il faisait construire rentre dans l'actif de la communauté » (arrêt, p. 8, §5), la cour d'appel a statué par voie de simple affirmation et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS QUE 4°), les jugements devant être motivés à peine de nullité, les juges doivent indiquer les pièces sur lesquelles ils se fondent ; qu'en affirmant que « les mouvements qui apparaissent sur les comptes de L... I... entre octobre 1990 et octobre 1991 correspondent au prix de la construction édifiée sur le terrain de [...] acquis par H... S... avec des deniers appartenant à L... I... » (arrêt, p. 8, §5), sans préciser sur quels éléments de preuve elle se fondait pour retenir que le prix de la construction litigieuse correspondait aux mouvements bancaires relevés, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS QUE 5°), les jugements devant être motivés à peine de nullité, les juges doivent indiquer les pièces sur lesquelles ils se fondent ; qu'en affirmant que « les mouvements qui apparaissent sur les comptes de L... I... entre octobre 1990 et octobre 1991 correspondent au prix de la construction édifiée sur le terrain de [...] acquis par H... S... avec des deniers appartenant à L... I..., L... I... étant alors marié avec Mme Y... T... sous le régime de la communauté légale et ne voulant pas que la maison qu'il faisait construire rentre dans l'actif de la communauté » (arrêt, p. 8, § 5), sans préciser sur quels éléments de preuve elle se fondait pour considérer que la volonté de L... I... était d'éviter que la maison construite entre dans l'actif de la communauté, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.