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19/03/2020 | FRANCE | N°19-11387

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 19 mars 2020, 19-11387


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 mars 2020

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 353 F-P+B+I

Pourvoi n° V 19-11.387

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 MARS 2020

M. F... E..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° V

19-11.387 contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2018 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la caisse locale d...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 mars 2020

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 353 F-P+B+I

Pourvoi n° V 19-11.387

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 MARS 2020

M. F... E..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° V 19-11.387 contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2018 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la caisse locale déléguée à la sécurité sociale des indépendants de Bourgogne - France-Comté, dont le siège est [...] , anciennement dénommée union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) - agence pour la sécurité sociale des indépendants (anciennement RSI),

défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. de Leiris, conseiller référendaire, les observations de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de M. E..., et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 février 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. de Leiris, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre.

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 29 novembre 2018), un tribunal des affaires de sécurité sociale, saisi d'une opposition formée par M. E... contre une contrainte émise à son encontre par la caisse du régime social des indépendants, devenue la caisse locale déléguée à la sécurité sociale des indépendants de Bourgogne - Franche-Comté (la caisse), a validé cette contrainte et condamné, en conséquence, M. E... à verser une certaine somme à cette caisse.

2. M. E... a relevé appel de ce jugement par une déclaration indiquant former un « appel en nullité » puis, a demandé, à l'audience de la cour d'appel, l'annulation de la contrainte pour les motifs qu'il avait invoqués devant le premier juge.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. M. E... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'annulation du jugement et de dire en conséquence que le jugement rendu le 9 janvier 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Dijon produira tous ses effets alors « que lorsque l'appel porte sur la nullité du jugement et non sur celle de l'acte introductif d'instance, la cour d'appel, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, est tenue de statuer sur le fond quelle que soit sa décision sur la nullité ; qu'en se contentant de se prononcer sur la demande tendant à l'annulation du jugement et, à ce titre, de juger non fondé le moyen tiré de l'absence de partialité du tribunal des affaires de sécurité sociale, la cour d'appel, qui n'a pas statué sur le fond de la contestation, ce dont elle était pourtant tenue, a violé l'article 562, alinéa 2, du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 561 et 562, alinéa 2, du code de procédure civile , ensemble l'article 549 du même code :

5. Lorsqu'un appel porte sur la nullité du jugement et non sur celle de l'acte introductif d'instance, la cour d'appel, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, est tenue de statuer sur le fond quelle que soit sa décision sur la nullité.

6. Pour dire que le jugement déféré produira tous ses effets, l'arrêt retient que l'appelant a fait le choix de ne poursuivre que l'annulation du jugement par la voie de son appel, de sorte qu'il n'est pas en droit d'étendre ultérieurement cet appel à une demande de réformation de ce jugement en l'absence d'appel incident de l'Urssaf, qui exclut l'application de l'article 549 du code de procédure civile permettant à une partie, même si elle a été l'auteur d'un appel principal, de former un appel incident à condition qu'il ait été provoqué par l'appel d'une autre partie.

7. En statuant ainsi, alors qu'elle était saisie d'un appel tendant à l'annulation du jugement, ce dont il résultait qu'en réitérant les moyens qu'il avait soumis au premier juge l'appelant ne formait pas un appel incident, la cour d'appel, qui n'a pas statué sur le fond, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

8. Le premier moyen ne formulant aucune critique contre les motifs de l'arrêt fondant la décision de débouter M. E... de sa demande d'annulation du jugement, la cassation ne peut s'étendre à cette disposition de l'arrêt qui n'est pas dans un lien de dépendance avec les dispositions de l'arrêt critiqués par ce moyen.

9. La cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne, toutefois, par voie de conséquence, la cassation des chefs de dispositif qui « déclare irrecevable l'appel incident, formé oralement à l'audience, tendant à la réformation du jugement » et « condamne M. E... à payer le droit prévu à l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale et liquide le montant de ce droit à la somme de 331 euros ».

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le jugement rendu le 9 janvier 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Dijon produira tous ses effets, déclare irrecevable l'appel incident, formé oralement à l'audience, tendant à la réformation du jugement, condamne M. E... à payer le droit prévu à l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale et liquide le montant de ce droit à la somme de 331 euros, l'arrêt rendu le 29 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;

Condamne la caisse locale déléguée à la sécurité sociale des indépendants de Bourgogne - Franche-Comté aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la caisse locale déléguée à la sécurité sociale des indépendants de Bourgogne - Franche-Comté à payer à M. E... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour M. E...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

M. E... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande d'annulation du jugement et d'avoir en conséquent dit que le jugement rendu le 9 janvier 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Dijon produira tous ses effets ;

AUX MOTIFS QUE le président a, à l'audience, attiré l'attention des parties sur le fait qu'un « appel-nullité » ne tendait qu'à l'annulation du jugement et non à sa réformation, et leur a demandé de présenter leurs observations sur la possibilité d'ajouter à l'audience une demande de réformation ; que M. E... a indiqué avoir utilisé un formulaire obtenu auprès d'un groupement dont il est membre ; que la déclaration d'appel est ainsi rédigée : « Je fais appel en NULLITE du jugement du 9/01/2018 ... L'appel nullité est de droit quand sont portées des atteintes graves aux droits fondamentaux. Tel est le cas, le tribunal ayant fait preuve d'une partialité systématique à l'avantage de mon adversaire en refusant d'appliquer les dispositions européennes et les lois françaises qui les ont transposées, violant ainsi les dispositions de la constitution française et de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui donnent à tout justiciable le droit d'un tribunal impartial » ; qu'aux termes de l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel ; que M E... s'est en réalité situé dans ce cadre légal et non dans celui de l'appel-nullité permis seulement, alors qu'aucun recours n'est normalement ouvert, en cas d'excès de pouvoir commis par une juridiction ; que son appel est donc recevable ; que M E... a fait le choix de ne poursuivre que l'annulation du jugement par la voie de son appel ; qu'il n'est pas en droit d'étendre maintenant cet appel à une demande de réformation de ce jugement ; que l'URSSAF ne forme aucun appel incident puisqu'elle demande au fond la confirmation du jugement ; qu'il n'y a donc pas lieu à application de l'article 549 du code de procédure civile qui permet à une partie, même si elle a été l'auteur d'un appel principal, de former un appel incident à condition qu'il ait été provoqué par l'appel d'une autre partiel ; que le tribunal des affaires de sécurité sociale a loyalement exposé les arguments de fait et de droit soutenus par M E... et y a répondu : - au sujet de la qualité juridique du RSI, en retenant, après rappel des dispositions des articles L.111-2-2 et L.111-1 du code de la sécurité sociale et des directives communautaires assurances n°92/96 et 92/49, que chaque Etat restait libre d'organiser son propre système de protection obligatoire, que le principe de mise en concurrence ne concernait pas la protection sociale obligatoire et que l'affiliation à un régime de sécurité sociale conformément à la législation nationale applicable était et demeurait obligatoire, - en ajoutant qu'en tant qu'organisme légal de sécurité sociale, le RSI ne relevait pas du code de la mutualité, - au sujet de la capacité des caisses du RSI à ester en justice, qu'elles avaient la personnalité morale conformément à l'article L.611-3 du code de la sécurité sociale, que l'article L.133-6-4 ancien lui avait confié le recouvrement amiable ou contentieux des cotisations, que l'article R.631-2 avait organisé les relations entre caisse nationale et caisses de bases et que les caisses, non créées par arrêté préfectoral, tenaient de plein droit de la loi capacité et qualité à agir, - au sujet de la contrainte, face au décompte précis et détaillé des cotisations dues, que M E... ne démontrait aucunement l'existence d'une erreur sur les revenus pris en compte et le calcul des cotisations ; que le tribunal a ainsi statué par une motivation suffisamment développée ; qu'il ne résulte pas des termes même de son jugement que ni l'interprétation ni l'application qu'il a faites des règles juridiques invoquées ait pu dégénérer en une quelconque partialité en faveur du RSI ; que M E... n'apporte pas d'autres éléments susceptibles de le faire présumer ; que les arrêts de la Cour de justice des communautés européennes dont se prévaut l'URSSAF sont plutôt de nature à conforter l'appréciation du tribunal : - dans son arrêt du 7 février 1984 (Duphar BV et autres contre Etat néerlandais., affaire 238/82), cette cour a posé pour principe (considérant n°16) que le droit communautaire ne portait pas atteinte à la compétence des Etats membres pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale, ici en matière de dispositions destinées à régler la consommation de produits pharmaceutiques dans l'intérêt de l'équilibre financier de leurs régimes d'assurance de soins de santé, - plus nettement dans son arrêt du 26 mars 1996 (L... B... e.a. contre Mutuelle de prévoyance sociale d'Aquitaine e.a., n°C-238/94) dont le sommaire indique que : « l'article 2, paragraphe 2, de la directive 92/49, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie et modifiant les directives 73/239 et 88/357, doit être interprété en ce sens que des régimes de sécurité sociale, tels que les régimes légaux de sécurité sociale français dont relèvent l'assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles, l'assurance vieillesse des professions artisanales et l'assurance vieillesse des professions industrielles et commerciales, sont exclus du champ d'application de la directive 92/49. En effet, cette disposition établit clairement qu'elle exclut du champ d'application de la directive non seulement les organismes de sécurité sociale, mais également les assurances et les opérations qu'ils effectuent à ce titre. En outre, les États membres ont conservé leur compétence pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale, et donc pour organiser des régimes obligatoires fondés sur la solidarité, régimes qui ne pourraient survivre si la directive qui implique la suppression de l'obligation d'affiliation devait leur être appliquée » ; que si M E... demeure libre de la contester, l'adoption de cette solution par le tribunal ne peut pas être considérée comme une marque de partialité ; qu'en conséquence, M E... doit être débouté de sa demande d'annulation du jugement ;

ALORS QUE lorsque l'appel porte sur la nullité du jugement et non sur celle de l'acte introductif d'instance, la cour d'appel, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, est tenue de statuer sur le fond quelle que soit sa décision sur la nullité ; qu'en se contentant de se prononcer sur la demande tendant à l'annulation du jugement et, à ce titre, de juger non fondé le moyen tiré de l'absence de partialité du tribunal des affaires de sécurité sociale, la cour d'appel, qui n'a pas statué sur le fond de la contestation, ce dont elle était pourtant tenue, a violé l'article 562, alinéa 2, du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

M. E... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable son appel, tendant à la réformation du jugement, formé oralement à l'audience ;

AUX MOTIFS QUE M E... a fait le choix de ne poursuivre que l'annulation du jugement par la voie de son appel ; qu'il n'est pas en droit d'étendre maintenant cet appel à une demande de réformation de ce jugement ; que l'URSSAF ne forme aucun appel incident puisqu'elle demande au fond la confirmation du jugement ; qu'il n'y a donc pas lieu à application de l'article 549 du code de procédure civile qui permet à une partie, même si elle a été l'auteur d'un appel principal, de former un appel incident à condition qu'il ait été provoqué par l'appel d'une autre partie ;

ALORS QU'en matière de sécurité sociale le juge doit, tout en faisant observer le principe de la contradiction, se prononcer sur toutes les demandes formulées devant lui jusqu'à la clôture des débats ; qu'en jugeant que M E... avait fait le choix de ne poursuivre que l'annulation du jugement par la voie de son appel et qu'il n'était pas en droit d'étendre à l'audience cet appel à une demande de réformation de ce jugement, la cour d'appel a violé les articles 931, 933 et 946 du code de procédure civile, ensemble l'article R.142-28 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable à la cause.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-11387
Date de la décision : 19/03/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

APPEL CIVIL - Effet dévolutif - Portée - Jugement sur le fond - Annulation - Effet

APPEL CIVIL - Effet dévolutif - Portée - Jugement sur le fond - Annulation - Moyens de réformation du jugement de l'appelant - Recevabilité

Il résulte de l'application des articles 561 et 562, alinéa 2, du code de procédure civile que lorsqu'un appel porte sur la nullité du jugement et non sur celle de l'acte introductif d'instance, la cour d'appel, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, est tenue de statuer sur le fond quelle que soit sa décision sur la nullité. Il en découle que les moyens de réformation que l'appelant formule dans ses conclusions ne s'analysent pas en un appel incident. Encourt en conséquence la censure l'arrêt d'une cour d'appel qui, après avoir écarté les moyens d'annulation du jugement par l'appelant, refuse de statuer sur le fond de l'affaire, au motif que l'appelant n'était pas recevable à former un appel incident en l'absence d'appel incident de l'intimé


Références :

articles 549, 561 et 562, alinéa 2, du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 29 novembre 2018

A rapprocher : 2e Civ., 9 décembre 1997, pourvoi n° 96-12472, Bull. 1997, II, n° 302 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 19 mar. 2020, pourvoi n°19-11387, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.11387
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