LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 19 mars 2020
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 408 FS-P+B+I
Pourvoi n° X 18-23.782
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 MARS 2020
La société Banque calédonienne d'investissement, société anonyme d'économie mixte, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° X 18-23.782 contre l'arrêt rendu le 5 juillet 2018 par la cour d'appel de Nouméa (chambre civile), dans le litige l'opposant à M. S... X..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Leroy-Gissinger, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Banque calédonienne d'investissement, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 février 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Leroy-Gissinger, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mmes Kermina, Maunand, M. Fulchiron, conseillers, M. de Leiris, Mmes Lemoine, Jollec, M. Cardini, Mme Dumas, conseillers référendaires, M. Aparisi, avocat général référendaire, et Mme Thomas, greffier de chambre.
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 5 juillet 2018) la Banque calédonienne d'investissement (la banque) a fait pratiquer, le 6 septembre 2016, une saisie-arrêt à l'encontre de M. X... sur le fondement d'un arrêt de la cour d'appel de Nouméa du 8 janvier 2009, devenu irrévocable par suite du rejet du pourvoi formé à son encontre (1re Civ., 23 février 2012, pourvoi n° 09-13.113).
2. La banque ayant sollicité, le 12 septembre 2016, la validation de cette mesure d'exécution, le tribunal de première instance de Nouméa a rejeté la demande, au motif que l'exécution de l'arrêt était prescrite.
3. La banque a formé un pourvoi contre l'arrêt ayant confirmé cette décision et, à l'occasion de celui-ci, a sollicité le renvoi au Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité.
4. Par arrêt du 20 juin 2019 (2e Civ., 20 juin 2019, pourvoi n° 18-23.782), la Cour a rejeté cette demande.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite son action en recouvrement et d'ordonner la mainlevée de la saisie pratiquée sur le compte de M. X..., alors que « l'abrogation à intervenir de l'article 25 de la loi n° 2008-561 en ce qu'il exclut l'application de l'article 23 de la même loi en Nouvelle-Calédonie privera de fondement juridique l'arrêt attaqué. »
Réponse de la Cour
6. La demande de transmission au Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 25 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 a été rejetée par arrêt du 20 juin 2019 (2e Civ., 20 juin 2019, pourvoi n° 18-23.782).
7. Le moyen, tiré de l'abrogation de cette disposition n'est, dès lors, pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
8. La banque fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ qu'avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile, la poursuite de l'exécution d'une décision de justice était soumise à la prescription de droit commun de trente ans et non pas à la prescription décennale de l'article 23 de la même loi, ni à la prescription quinquennale de droit commun relative aux actions portant sur des créances mobilières ou personnelles ; qu'en application de l'article 26 III de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, lorsqu'une instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la présente loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne ; qu'au cas présent, l'instance initiale ayant donné lieu au titre exécutoire litigieux a été introduite par une requête d'appel en date du 25 juin 2007, antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, de sorte que l'action devait être poursuivie selon la loi ancienne ; l'article 2262 du code civil alors en vigueur prévoyait un délai de prescription de trente ans applicable aux titres exécutoires ; qu'en conséquence, l'exécution d'un titre né d'une instance ouverte antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 était régie par les dispositions de la loi ancienne ; qu'en faisant application de la prescription quinquennale issue de la loi du 17 juin 2008, la cour d'appel a violé l'article 26 III de la loi n° 2008-561 ensemble, par refus d'application, l'article 2262 ancien du code civil ;
2°/ qu'en toute hypothèse, le titre exécutoire litigieux étant né d'une procédure antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, le principe de sécurité juridique interdit de faire application audit titre d'une loi postérieure réduisant les délais de prescription de trente ans à cinq ans ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le principe de sécurité juridique. »
Réponse de la cour
9. Ayant constaté que l'action en exécution du titre exécutoire du 8 janvier 2009, qui constitue une instance distincte de celle engagée afin de faire établir judiciairement l'existence de la créance de la banque, avait été introduite après l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, c'est à bon droit et sans méconnaître le principe de sécurité juridique, que la cour d'appel a retenu que cette action n'était pas soumise au délai de prescription trentenaire.
10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne la société Banque calédonienne d'investissement aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Banque calédonienne d'investissement ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Banque calédonienne d'investissement.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir, par confirmation, déclaré prescrite l'action en recouvrement de la BCI et ordonné la mainlevée de la saisie attribution pratiquée par la banque sur le compte de M. X... ;
aux motifs propres que « L'action de la BCI se fonde sur un titre émanant de la cour d'appel de Nouméa ; l'article 111-4 al 1 du code des procédures civiles d'exécution dispose "L'exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l'art L 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long...". Cet article n'est pas applicable en Nouvelle-Calédonie, où il n'est pas prévu dans la législation locale, de délai spécifique en matière de titre exécutoire. Dans le silence des textes, il convient donc de s'attacher aux dispositions du code civil qui distingue entre les actions personnelles ou mobilières soumises à un délai de prescription quinquennale (article 2224) et les actions réelles immobilières soumises à un délai de prescription trentenaire (article 2227 du code civil). En l'espèce, la créance reconnue par l'arrêt est de nature mobilière de sorte que l'action en recouvrement du titre se trouve soumise à la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil. La BCI a saisi le tribunal de première instance de Nouméa par acte du 12 septembre 2016 en exécution d'un arrêt de la cour d'appel de Nouméa rendu le 08/01/2009 revêtu de la formule exécutoire. Le recours en cassation, voie extraordinaire de recours n'étant pas suspensif d'exécution, le point de départ de la prescription commençait à courir le 05/02/2009, date de signification de l'arrêt du 08/01/2009, de sorte que le délai de cinq ans était expiré lorsque la saisie-arrêt a été pratiquée le 6 septembre 2016. Le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a déclaré prescrite l'action en recouvrement de la BCI. La saisie-arrêt pratiquée en vertu d'un titre prescrit qui équivaut à l'absence de titre est nulle. La mainlevée en sera ordonnée » ;
et aux motifs adoptés que « selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'une décision est exécutoire lorsque les voies de recours ordinaires n'ont pas été exercées ou lorsqu'elles ont été épuisées, conformément aux articles 500 et 501 du code de procédure civile de la NOUVELLE-CALÉDONIE ; que conformément à l'article 579 du même code, le pourvoi en cassation, voie extraordinaire de recours, n'est pas suspensif d'exécution ; que la BANQUE CALÉDONIENNE D'INVESTISSEMENT a saisi la présente juridiction par acte du 12 septembre 2016, en exécution d'un arrêt de la cour d'appel de NOUMÉA du 8 janvier 2009 revêtu de la formule exécutoire, alors qu'un pourvoi formé contre l'arrêt du 8 janvier 2009 avait entretemps été rejeté par la Cour de cassation le 23 février 2012 ; qu'un délai supérieur à 5 ans s'étant écoulé entre l'arrêt de la cour d'appel de NOUMÉA du 8 janvier 2009 et l'action engagée par la créancière en exécution de cette décision, l'action de la BANQUE CALÉDONIENNE D'INVESTISSEMENT sera déclarée irrecevable, comme prescrite » ;
alors que l'abrogation à intervenir de l'article 25 de la loi n° 2008-561 en ce qu'il exclut l'application de l'article 23 de la même loi en Nouvelle-Calédonie privera de fondement juridique l'arrêt attaqué.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir, par confirmation, déclaré prescrite l'action en recouvrement de la BCI et ordonné la mainlevée de la saisie attribution pratiquée par la banque sur le compte de M. X... ;
aux motifs propres que « L'action de la BCI se fonde sur un titre émanant de la cour d'appel de Nouméa ; l'article 111-4 al 1 du code des procédures civiles d'exécution dispose "L'exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l'art L 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long...". Cet article n'est pas applicable en Nouvelle-Calédonie, où il n'est pas prévu dans la législation locale, de délai spécifique en matière de titre exécutoire. Dans le silence des textes, il convient donc de s'attacher aux dispositions du code civil qui distingue entre les actions personnelles ou mobilières soumises à un délai de prescription quinquennale (article 2224) et les actions réelles immobilières soumises à un délai de prescription trentenaire (article 2227 du code civil). En l'espèce, la créance reconnue par l'arrêt est de nature mobilière de sorte que l'action en recouvrement du titre se trouve soumise à la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil. La BCI a saisi le tribunal de première instance de Nouméa par acte du 12 septembre 2016 en exécution d'un arrêt de la cour d'appel de Nouméa rendu le 08/01/2009 revêtu de la formule exécutoire. Le recours en cassation, voie extraordinaire de recours n'étant pas suspensif d'exécution, le point de départ de la prescription commençait à courir le 05/02/2009, date de signification de l'arrêt du 08/01/2009, de sorte que le délai de cinq ans était expiré lorsque la saisie-arrêt a été pratiquée le 6 septembre 2016. Le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a déclaré prescrite l'action en recouvrement de la BCI. La saisie-arrêt pratiquée en vertu d'un titre prescrit qui équivaut à l'absence de titre est nulle. La mainlevée en sera ordonnée » ;
et aux motifs adoptés que « selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'une décision est exécutoire lorsque les voies de recours ordinaires n'ont pas été exercées ou lorsqu'elles ont été épuisées, conformément aux articles 500 et 501 du code de procédure civile de la NOUVELLE-CALÉDONIE ; que conformément à l'article 579 du même code, le pourvoi en cassation, voie extraordinaire de recours, n'est pas suspensif d'exécution ; que la BANQUE CALÉDONIENNE D'INVESTISSEMENT a saisi la présente juridiction par acte du 12 septembre 2016, en exécution d'un arrêt de la cour d'appel de NOUMÉA du 8 janvier 2009 revêtu de la formule exécutoire, alors qu'un pourvoi formé contre l'arrêt du 8 janvier 2009 avait entretemps été rejeté par la Cour de cassation le 23 février 2012 ; qu'un délai supérieur à 5 ans s'étant écoulé entre l'arrêt de la cour d'appel de NOUMÉA du 8 janvier 2009 et l'action engagée par la créancière en exécution de cette décision, l'action de la BANQUE CALÉDONIENNE D'INVESTISSEMENT sera déclarée irrecevable, comme prescrite » ;
alors 1°/ qu'avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile, la poursuite de l'exécution d'une décision de justice était soumise à la prescription de droit commun de trente ans et non pas à la prescription décennale de l'article 23 de la même loi, ni à la prescription quinquennale de droit commun relative aux actions portant sur des créances mobilières ou personnelles ; qu'en application de l'article 26 III de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, lorsqu'une instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la présente loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne ; qu'au cas présent, l'instance initiale ayant donné lieu au titre exécutoire litigieux a été introduite par une requête d'appel en date du 25 juin 2007, antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, de sorte que l'action devait être poursuivie selon la loi ancienne ; l'article 2262 du code civil alors en vigueur prévoyait un délai de prescription de 30 ans applicable aux titres exécutoires ; qu'en conséquence, l'exécution d'un titre né d'une instance ouverte antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 était régie par les dispositions de la loi ancienne ; qu'en faisant application de la prescription quinquennale issue de la loi du 17 juin 2008, la cour d'appel a violé l'article 26 III de la loi n° 2008-561 ensemble, par refus d'application, l'article 2262 ancien du code civil ;
alors 2°/ qu'en toute hypothèse, le titre exécutoire litigieux étant né d'une procédure antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, le principe de sécurité juridique interdit de faire application audit titre d'une loi postérieure réduisant les délais de prescription de 30 ans à 5 ans ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le principe de sécurité juridique.