LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 11 mars 2020
Cassation partielle
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 249 FS-P+B+I
Pourvoi n° J 18-23.586
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 11 MARS 2020
La société Bouygues bâtiment Ile-de-France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...], a formé le pourvoi n° J 18-23.586 contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2018 par la cour d'appel d'Orléans (chambre commerciale, économique et financière), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Restauration orléanaise construction (ROC), société par actions simplifiée, dont le siège est [...],
2°/ à la société [...], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...], en la personne de M. K... W..., domicilié [...], prise en qualité de mandataire judiciaire de la société ROC,
3°/ à la société Ajassociés, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , en la personne de M. N... V..., prise en qualité d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de la société ROC,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Bouygues bâtiment Ile-de-France, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat des sociétés Restauration orléanaise construction et [...], ès qualités, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 février 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, M. Remeniéras, Mmes Graff-Daudret, Vaissette, Bélaval, Fontaine, Fevre, MM. Riffaud, Mollard, conseillers, MM. Guerlot, Barbot, Brahic-Lambrey, M. Blanc, Mme Kass-Danno, conseillers référendaires, Mme Henry, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 13 septembre 2018), la société Restauration orléanaise construction (la société ROC) a été mise en redressement judiciaire le 7 mai 2015, la société [...] étant désignée mandataire judiciaire. La société Bouygues bâtiment Ile-de-France (la société Bouygues) a déclaré une créance au titre d'une indemnité pour malfaçons dans l'exécution d'un chantier, qui a été contestée par la société ROC. Par une ordonnance du 16 juin 2016, notifiée le 30 juin suivant, le juge-commissaire a constaté l'existence d'une contestation sérieuse, renvoyé les parties à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois à compter de la notification de sa décision, et sursis à statuer. Une seconde ordonnance, modifiant la première, a invité la société Bouygues à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois à compter de la signification de cette ordonnance.
Examen des moyens
Sur le quatrième moyen, pris dans ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
2. La société Bouygues fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à rectification de la première ordonnance alors :
« 1°/ que les juges sont tenus de vérifier, au besoin d'office, la régularité de leur saisine ; que l'appel contre l'ordonnance rectifiant l'omission matérielle entachant une ordonnance passée en force de chose jugée est irrecevable ; que le juge-commissaire qui renvoie les parties à saisir le juge compétent et ne désigne pas la ou les parties supportant la charge de cette saisine, commet une omission matérielle au sens de l'article 462 du code de procédure civile, dès lors que cette désignation, imposée par l'article R. 624-5 du code de commerce, est une condition d'exercice du recours ; qu'en l'espèce, par une ordonnance du 16 juin 2016, le juge-commissaire avait renvoyé les parties à saisir le juge compétent sans en désigner nommément aucune supportant la charge de cette saisine et par une ordonnance rectificative du 30 janvier 2018 avait complété sa précédente ordonnance en invitant la société Bouygues à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois ; qu'en décidant d'examiner l'appel interjeté par la société ROC contre l'ordonnance rectificative du 30 janvier 2018, tout en constatant que l'ordonnance rectifiée du 16 juin 2016 était passée en force de chose jugée, la cour d'appel a violé l'article 462 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en application de l'article R. 624-5 du code de commerce, le juge-commissaire qui constate l'existence d'une contestation sérieuse renvoie les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente ; que par suite, le juge-commissaire qui se borne à renvoyer les parties à saisir le juge compétent, sans désigner celle tenue de cette saisine, entache sa décision d'une erreur matérielle qui peut être réparée par le juge qui en est à l'origine ; qu'en décidant, en l'espèce, qu'il convenait d'infirmer l'ordonnance rectificative du 30 janvier 2018 au motif que l'ordonnance du 16 juin 2016, qui avait renvoyé les parties à saisir le juge compétent sans en désigner nommément aucune, n'avait pas commis une omission de statuer mais une erreur de droit, la cour d'appel a violé les articles 462 et 480 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
3. L'arrêt retient exactement que si l'article R. 624-5 du code de commerce impose au juge-commissaire de désigner la partie qui devra saisir le juge compétent pour trancher la contestation qui a été déclarée sérieuse, une ordonnance qui, en désignant toutes les parties, ne respecte pas cette règle, est entachée d'une erreur de droit qui ne peut être réparée en application de l'article 462 du code de procédure civile et, faute d'avoir fait l'objet d'une voie de recours, est irrévocable.
4. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé.
Sur les deuxième et troisième moyens, réunis
Enoncé du moyen
5. La société Bouygues fait grief à l'arrêt de la déclarer forclose et déclarer impossible sa demande en fixation de sa créance alors :
« 1°/ que le droit d'accès au juge impose de garantir l'existence d'un droit de recours effectif soumis à des conditions claires et prévisibles ; qu'en l'espèce, dès lors que l'ordonnance du juge-commissaire du 16 juin 2016 avait sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir sur le fond de la contestation soulevée par la société ROC, et qu'une mesure d'expertise judiciaire était en cours afin de permettre à la juridiction compétente de trancher cette contestation, la société Bouygues n'avait aucune raison d'interjeter appel de cette ordonnance afin de voir préciser quelle partie devait saisir le juge compétent sur le fond du litige ; qu'en décidant que, faute pour les parties d'avoir interjeté appel de cette ordonnance, la société Bouygues devait être déclarée forclose pour n'avoir pas saisi le juge compétent dans le délai de l'article R. 624-5 du code de commerce, la cour d'appel a violé les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que le droit d'accès au juge impose de garantir l'existence d'un droit de recours effectif soumis à des conditions claires et prévisibles ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que l'ordonnance du 16 juin 2016 était entachée d'une erreur de droit en faisant peser sur l'ensemble des parties à l'instance l'obligation de saisir le juge compétent, en contradiction avec les conditions posées à l'article R. 624-5 du code de commerce imposant de désigner celle des parties encourant la forclusion prévue au texte ; que dans ces conditions, la société Bouygues était dans l'incapacité de savoir qu'il lui incombait de saisir le juge compétent à peine de forclusion ; qu'en constatant néanmoins cette forclusion à l'encontre de la société Bouygues, la cour d'appel a violé les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
3°/ que toute personne a droit au respect de ses biens ; qu'à cet égard, constitue une atteinte disproportionnée au droit au respect des biens l'extinction d'une créance résultant de la mise en oeuvre d'une forclusion dont le créancier n'a pas été préalablement et suffisamment avertie ; qu'en décidant, en l'espèce, que la société Bouygues supportait rétrospectivement l'obligation de saisir le juge compétent à peine de forclusion de sa créance, tout en constatant que l'ordonnance du 16 juin 2016 n'avait pas mis spécifiquement cette obligation à sa charge, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
4°/ qu'en l'absence de désignation par le juge-commissaire, il appartient à la partie qui y a intérêt de saisir, à peine de forclusion, le juge compétent pour trancher sa contestation lorsque celle-ci échappe aux pouvoirs du juge-commissaire à raison de son caractère sérieux ; qu'en l'espèce, il est constant que le juge-commissaire avait été saisi par le mandataire judiciaire à la procédure de redressement judiciaire de la société ROC à l'effet de contester la déclaration de créance de la société Bouygues ; qu'en décidant de prononcer la forclusion à l'égard de la société Bouygues, tout en constatant que l'ordonnance du juge-commissaire du 16 juin 2016 n'avait pas mis spécialement à la charge de cette société l'obligation de saisir le juge compétent, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles L. 624-2 et R. 624-5 du code de commerce ;
5°/ qu'il appartient à la partie désignée à cet effet de saisir, à peine de forclusion, le juge compétent pour trancher sa contestation lorsque celle-ci échappe aux pouvoirs du juge-commissaire à raison de son caractère sérieux ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a interprété l'ordonnance du 16 juin 2016 en ce sens qu'elle a mis à la charge de l'ensemble des parties à l'instance la charge de saisir le juge compétent pour trancher la contestation soulevée par le mandataire judiciaire à l'encontre de la créance déclarée par la société Bouygues ; qu'il en résultait qu'en l'absence de saisine du juge compétent, la forclusion affectait en premier lieu la contestation du mandataire judiciaire, en sorte que l'admission de la créance s'imposait ; qu'en décidant de prononcer la forclusion à l'encontre de la société Bouygues, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles L. 624-2 et R. 624-5 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
6. L'arrêt constate d'abord par motifs adoptés que la société Bouygues a déclaré une créance de dommages-intérêts au titre de malfaçons non encore établies, une expertise étant en cours, et par motif propre une créance de pénalités de retard.
7. Il retient ensuite qu'il appartenait donc à cette société, à peine de forclusion, de saisir la juridiction compétente pour voir trancher la contestation concernant ces créances.
8. Ayant fait ressortir l'intérêt qu'avait la société Bouygues à saisir le juge compétent, la cour d'appel a tiré les conséquences légales de ses constatations sans porter une atteinte disproportionnée ni au droit d'accès au juge, le juge-commissaire ayant clairement indiqué que les parties avaient un délai d'un mois pour saisir le juge de la contestation à peine de forclusion, ni par voie de conséquence au droit du créancier au respect de ses biens.
9. D'où il suit que le moyen n'est pas fondé
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, et sur le quatrième moyen, pris en sa première branche
10. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche
Exposé du moyen
11. La société Bouygues fait grief à l'arrêt de constater la forclusion et l'impossibilité qui en résulte pour elle de solliciter la fixation de sa créance au passif de la société Restauration orléanaise construction alors « que le juge-commissaire qui renvoie les parties à mieux se pourvoir en raison d'une contestation sérieuse est tenu de surseoir à statuer sur l'admission de la créance au passif de la procédure collective ; qu'en l'espèce, constatant l'existence d'une contestation sérieuse, l'ordonnance du 16 juin 2016, devenue irrévocable, a sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir sur le fond de la contestation élevée par la société ROC ; qu'en retenant que, sous l'empire des nouveaux textes, le juge-commissaire ne pouvait plus surseoir à statuer, la cour d'appel a violé les articles L. 624-2 et R. 624-5 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article R. 624-5 du code de commerce, dans sa rédaction issue du décret du 30 juin 2014 ;
12. Le juge-commissaire qui, en application de ce texte, constate l'existence d'une contestation sérieuse, renvoie les parties à mieux se pourvoir et invite l'une d'elles à saisir le juge compétent pour trancher cette contestation, reste compétent, une fois la contestation tranchée ou la forclusion acquise, pour statuer sur la créance déclarée, en l'admettant ou en la rejetant.
13. Pour constater l'impossibilité pour la société Bouygues, par suite de la forclusion, de demander la fixation de sa créance, l'arrêt retient que le juge-commissaire ne pouvait, dans son ordonnance du 16 juin 2016, surseoir à statuer et que la juridiction compétente pour trancher la contestation dont la créance était l'objet avait seule compétence pour fixer celle-ci au passif.
14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il constate l'impossibilité pour la société Bouygues bâtiment Ile-de-France de solliciter la fixation de sa créance de 290 801,89 euros au titre du chantier J... au passif de la société Restauration orléanaise construction, l'arrêt rendu le 13 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Condamne la société Bouygues bâtiment Ile-de-France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Bouygues bâtiment Ile-de-France.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR constaté la forclusion et l'impossibilité qui en résulte pour la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France de solliciter la fixation de sa créance de 290.801,89 euros au passif de la société Restauration Orléanaise Construction (ROC) ;
AUX MOTIFS QUE l'ordonnance déférée, après avoir constaté qu'aucune partie n'avait été invitée à saisir le juge du fond, a dit n'y avoir forclusion ; qu'après avoir indiqué dans ses motifs, que l'ordonnance devait être "rectifiée'', le juge commissaire a mentionné dans le dispositif de sa décision : "Constatons l'absence de désignation de la partie devant saisir la juridiction compétente dans l'ordonnance du 16 juin 2016, Disons que de ce fait il n'y a pas lieu à prononcer la forclusion, Confirmons l'existence d'une contestation sérieuse, Complétons notre ordonnance du 16 juin 2017 [2016] et y ajoutons les mots "Invitons en conséquence la société 80 Bouygues Bâtiment Ile-de-France à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance" ; qu'il résulte de cette rédaction du dispositif de l'ordonnance attaquée, qui a seul l'autorité de la chose jugée, que le premier juge a ainsi procédé à la rectification d'une omission de statuer – et non à la rectification d'une erreur matérielle – ce qui est confirmé par le fait que la notification de l'ordonnance mentionne que la voie de recours est l'appel et non le pourvoi devant la Cour de cassation qui aurait été seul ouvert aux parties par l'article 462 du code de procédure civile après rectification d'une erreur matérielle ; qu'il n'est autrement contesté que la créance de Bouygues fait l'objet d'une contestation sérieuse ; qu'aux termes de l'article R. 624-5 du code de commerce dans sa version modifiée par le décret du 30 juin 2014 et antérieure au 6 mai 2017, seule applicable à l'ordonnance du 16 juin 2016 : "Lorsque le juge commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance, spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin à peine de forclusion, à moins de contredit dans les cas où cette voie de recours est ouverte" ; qu'en l'espèce si, dans son ordonnance en date du 16 juin 2016, le juge commissaire a bien renvoyé les parties à mieux se pourvoir, il a omis de désigner à qui, du créancier, du débiteur ou du mandataire judiciaire, il appartenait de saisir la juridiction compétente ; qu'il importe peu que les parties n'aient pas sollicité cette désignation puisque l'article R. 624-5 du code de commerce l'exige ; que cependant le juge-commissaire n'a pas simplement, dans son ordonnance, omis d'indiquer à qui incombait la saisine de la juridiction du fond mais a expressément mentionné qu'il appartenait "aux parties" de la saisir ; qu'il a ainsi commis, non une omission de statuer, mais une erreur de droit en désignant "les parties" au lieu de préciser à laquelle incombait l'obligation de saisine ; qu'une erreur de droit ne peut être rectifiée et, qu'aucune des parties n'ayant formé un recours contre cette première ordonnance, elle est désormais irrévocable et doit recevoir application ; que les jurisprudences produites par l'appelante sont toutes antérieures au 30 juin 2014, date d'entrée en vigueur du décret ayant modifié les dispositions de l'article R. 624-5 susvisé ; qu'avant cette date, le juge-commissaire qui constatait l'existence d'une contestation sérieuse devait surseoir à statuer et inviter les parties à saisir la juridiction compétente ; qu'il restait donc saisi de la question de la fixation de la créance litigieuse ; que désormais;, le juge commissaire ne peut surseoir à statuer mais doit inviter les parties à mieux se pourvoir ; qu'il en résulte qu'il est entièrement dessaisi du pouvoir de fixer la créance, un tel pouvoir revenant exclusivement à la juridiction du fond ; que le juge commissaire ne peut donc plus rejeter une créance après s'être déclaré incompétent pour en connaître mais qu'il peut cependant constater, par une stricte application de sa première ordonnance, qu'est forclose la partie qu'il a désignée pour saisir le juge du fond compétent pour fixer la créance ; qu'en l'espèce, le juge-commissaire a invité les deux parties à saisir la juridiction du fond ; que les deux parties ont été régulièrement avisées qu'en cas d'absence de saisine dans le délai d'un mois, la forclusion serait acquise ; que cette même décision irrévocable a constaté l'existence d'une contestation sérieuse portant sur la créance de Bouygues, constituée de pénalités de retard ; que Bouygues, qui ne disposait d'aucun titre, n'ignorait donc pas que, si elle ne saisissait pas le juge compétent dans le délai imparti pour faire fixer sa créance, la forclusion intervenue empêcherait de voir fixer cette créance au passif de ROC ; qu'il convient dès lors de constater que la forclusion est intervenue et d'infirmer la décision déférée ;
1) ALORS QUE commettent un excès de pouvoir les juges qui méconnaissent l'étendue juridictionnelle de leur saisine ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'ordonnance du 16 juin 2016, qui n'était pas déférée par l'appel, était devenue irrévocable, et que l'ordonnance du 30 janvier 2018, seule frappée d'appel, n'avait pu opérer aucune rectification de cette première ordonnance ; qu'il en résultait que le juge-commissaire, qui avait sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir sur le fond, restait saisi de la contestation relative à la déclaration de la créance de 290.801,89 euros effectuée par la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France ; qu'en décidant néanmoins que cette société était forclose en cette action, et qu'elle ne pouvait plus prétendre à voir fixer cette créance au passif de la société ROC, la cour d'appel, qui n'était pas saisie de l'appel de l'ordonnance du 16 juin 2016, a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, en violation des articles 379, 480 et 562 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE le juge-commissaire qui renvoie les parties à mieux se pourvoir en raison d'une contestation sérieuse est tenu de surseoir à statuer sur l'admission de la créance au passif de la procédure collective ; qu'en l'espèce, constatant l'existence d'une contestation sérieuse, l'ordonnance du 16 juin 2016, devenue irrévocable, a sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir sur le fond de la contestation élevée par la société ROC ; qu'en retenant que, sous l'empire des nouveaux textes, le juge-commissaire ne pouvait plus surseoir à statuer, la cour d'appel a violé les articles L. 624-2 et R. 624-5 du code de commerce ;
3) ALORS QU'il n'appartient pas aux juges de modifier les conditions de recours juridictionnels prévues par les textes ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que le juge-commissaire avait commis une erreur de droit dans son ordonnance du 16 juin 2016 en faisant peser sur l'ensemble des parties à l'instance l'obligation de saisir le juge compétent pour trancher la contestation sérieuse relative à la créance déclarée au passif de la société ROC ; qu'en décidant néanmoins de faire produire effet à cette erreur et de prononcer en conséquence la forclusion de la créance de la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France, faute pour celle-ci d'avoir saisi le juge compétent dans le délai d'un mois suivant la notification de cette ordonnance, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir, en violation des articles L. 624-2 et R. 624-5 du code de commerce.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR constaté la forclusion et l'impossibilité qui en résulte pour la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France de solliciter la fixation de sa créance de 290.801,89 euros au passif de la société Restauration Orléanaise Construction (ROC) ;
AUX MOTIFS QUE l'ordonnance déférée, après avoir constaté qu'aucune partie n'avait été invitée à saisir le juge du fond, a dit n'y avoir forclusion ; qu'après avoir indiqué dans ses motifs, que l'ordonnance devait être "rectifiée'', le juge commissaire a mentionné dans le dispositif de sa décision : "Constatons l'absence de désignation de la partie devant saisir la juridiction compétente dans l'ordonnance du 16 juin 2016, Disons que de ce fait il n'y a pas lieu à prononcer la forclusion, Confirmons l'existence d'une contestation sérieuse, Complétons notre ordonnance du 16 juin 2017 [2016] et y ajoutons les mots "Invitons en conséquence la société 80 Bouygues Bâtiment Ile-de-France à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance" ; qu'il résulte de cette rédaction du dispositif de l'ordonnance attaquée, qui a seul l'autorité de la chose jugée, que le premier juge a ainsi procédé à la rectification d'une omission de statuer – et non à la rectification d'une erreur matérielle – ce qui est confirmé par le fait que la notification de l'ordonnance mentionne que la voie de recours est l'appel et non le pourvoi devant la Cour de cassation qui aurait été seul ouvert aux parties par l'article 462 du code de procédure civile après rectification d'une erreur matérielle ; qu'il n'est autrement contesté que la créance de Bouygues fait l'objet d'une contestation sérieuse ; qu'aux termes de l'article R. 624-5 du code de commerce dans sa version modifiée par le décret du 30 juin 2014 et antérieure au 6 mai 2017, seule applicable à l'ordonnance du 16 juin 2016 : "Lorsque le juge commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance, spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin à peine de forclusion, à moins de contredit dans les cas où cette voie de recours est ouverte" ; qu'en l'espèce si, dans son ordonnance en date du 16 juin 2016, le juge commissaire a bien renvoyé les parties à mieux se pourvoir, il a omis de désigner à qui, du créancier, du débiteur ou du mandataire judiciaire, il appartenait de saisir la juridiction compétente ; qu'il importe peu que les parties n'aient pas sollicité cette désignation puisque l'article R. 624-5 du code de commerce l'exige ; que cependant le juge-commissaire n'a pas simplement, dans son ordonnance, omis d'indiquer à qui incombait la saisine de la juridiction du fond mais a expressément mentionné qu'il appartenait "aux parties" de la saisir ; qu'il a ainsi commis, non une omission de statuer, mais une erreur de droit en désignant "les parties" au lieu de préciser à laquelle incombait l'obligation de saisine ; qu'une erreur de droit ne peut être rectifiée et, qu'aucune des parties n'ayant formé un recours contre cette première ordonnance, elle est désormais irrévocable et doit recevoir application ; que les jurisprudences produites par l'appelante sont toutes antérieures au 30 juin 2014, date d'entrée en vigueur du décret ayant modifié les dispositions de l'article R. 624-5 susvisé ; qu'avant cette date, le juge-commissaire qui constatait l'existence d'une contestation sérieuse devait surseoir à statuer et inviter les parties à saisir la juridiction compétente ; qu'il restait donc saisi de la question de la fixation de la créance litigieuse ; que désormais;, le juge commissaire ne peut surseoir à statuer mais doit inviter les parties à mieux se pourvoir ; qu'il en résulte qu'il est entièrement dessaisi du pouvoir de fixer la créance, un tel pouvoir revenant exclusivement à la juridiction du fond ; que le juge commissaire ne peut donc plus rejeter une créance après s'être déclaré incompétent pour en connaître mais qu'il peut cependant constater, par une stricte application de sa première ordonnance, qu'est forclose la partie qu'il a désignée pour saisir le juge du fond compétent pour fixer la créance ; qu'en l'espèce, le juge-commissaire a invité les deux parties à saisir la juridiction du fond ; que les deux parties ont été régulièrement avisées qu'en cas d'absence de saisine dans le délai d'un mois, la forclusion serait acquise ; que cette même décision irrévocable a constaté l'existence d'une contestation sérieuse portant sur la créance de Bouygues, constituée de pénalités de retard ; que Bouygues, qui ne disposait d'aucun titre, n'ignorait donc pas que, si elle ne saisissait pas le juge compétent dans le délai imparti pour faire fixer sa créance, la forclusion intervenue empêcherait de voir fixer cette créance au passif de ROC ; qu'il convient dès lors de constater que la forclusion est intervenue et d'infirmer la décision déférée ;
1) ALORS QUE le droit d'accès au juge impose de garantir l'existence d'un droit de recours effectif soumis à des conditions claires et prévisibles ; qu'en l'espèce, dès lors que l'ordonnance du juge-commissaire du 16 juin 2016 avait sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir sur le fond de la contestation soulevée par la société ROC, et qu'une mesure d'expertise judiciaire était en cours afin de permettre à la juridiction compétente de trancher cette contestation, la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France n'avait aucune raison d'interjeter appel de cette ordonnance afin de voir préciser quelle partie devait saisir le juge compétent sur le fond du litige ; qu'en décidant que, faute pour les parties d'avoir interjeté appel de cette ordonnance, la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France devait être déclarée forclose pour n'avoir pas saisi le juge compétent dans le délai de l'article R. 624-5 du code de commerce, la cour d'appel a violé les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
2) ALORS QUE le droit d'accès au juge impose de garantir l'existence d'un droit de recours effectif soumis à des conditions claires et prévisibles ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que l'ordonnance du 16 juin 2016 était entachée d'une erreur de droit en faisant peser sur l'ensemble des parties à l'instance l'obligation de saisir le juge compétent, en contradiction avec les conditions posées à l'article R. 624-5 du code de commerce imposant de désigner celle des parties encourant la forclusion prévue au texte ; que dans ces conditions, la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France était dans l'incapacité de savoir qu'il lui incombait de saisir le juge compétent à peine de forclusion ; qu'en constatant néanmoins cette forclusion à l'encontre de la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France, la cour d'appel a violé les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
3) ALORS QUE toute personne a droit au respect de ses biens ; qu'à cet égard, constitue une atteinte disproportionnée au droit au respect des biens l'extinction d'une créance résultant de la mise en oeuvre d'une forclusion dont le créancier n'a pas été préalablement et suffisamment avertie ; qu'en décidant, en l'espèce, que la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France supportait rétrospectivement l'obligation de saisir le juge compétent à peine de forclusion de sa créance, tout en constatant que l'ordonnance du 16 juin 2016 n'avait pas mis spécifiquement cette obligation à sa charge, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
TROISIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR constaté la forclusion et l'impossibilité qui en résulte pour la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France de solliciter la fixation de sa créance de 290.801,89 euros au passif de la société Restauration Orléanaise Construction (ROC) ;
AUX MOTIFS QUE l'ordonnance déférée, après avoir constaté qu'aucune partie n'avait été invitée à saisir le juge du fond, a dit n'y avoir forclusion ; qu'après avoir indiqué dans ses motifs, que l'ordonnance devait être "rectifiée'', le juge commissaire a mentionné dans le dispositif de sa décision : "Constatons l'absence de désignation de la partie devant saisir la juridiction compétente dans l'ordonnance du 16 juin 2016, Disons que de ce fait il n'y a pas lieu à prononcer la forclusion, Confirmons l'existence d'une contestation sérieuse, Complétons notre ordonnance du 16 juin 2017 [2016] et y ajoutons les mots "Invitons en conséquence la société 80 Bouygues Bâtiment Ile-de-France à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance" ; qu'il résulte de cette rédaction du dispositif de l'ordonnance attaquée, qui a seul l'autorité de la chose jugée, que le premier juge a ainsi procédé à la rectification d'une omission de statuer – et non à la rectification d'une erreur matérielle – ce qui est confirmé par le fait que la notification de l'ordonnance mentionne que la voie de recours est l'appel et non le pourvoi devant la Cour de cassation qui aurait été seul ouvert aux parties par l'article 462 du code de procédure civile après rectification d'une erreur matérielle ; qu'il n'est autrement contesté que la créance de Bouygues fait l'objet d'une contestation sérieuse ; qu'aux termes de l'article R. 624-5 du code de commerce dans sa version modifiée par le décret du 30 juin 2014 et antérieure au 6 mai 2017, seule applicable à l'ordonnance du 16 juin 2016 : "Lorsque le juge commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance, spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin à peine de forclusion, à moins de contredit dans les cas où cette voie de recours est ouverte" ; qu'en l'espèce si, dans son ordonnance en date du 16 juin 2016, le juge commissaire a bien renvoyé les parties à mieux se pourvoir, il a omis de désigner à qui, du créancier, du débiteur ou du mandataire judiciaire, il appartenait de saisir la juridiction compétente ; qu'il importe peu que les parties n'aient pas sollicité cette désignation puisque l'article R. 624-5 du code de commerce l'exige ; que cependant le juge-commissaire n'a pas simplement, dans son ordonnance, omis d'indiquer à qui incombait la saisine de la juridiction du fond mais a expressément mentionné qu'il appartenait "aux parties" de la saisir ; qu'il a ainsi commis, non une omission de statuer, mais une erreur de droit en désignant "les parties" au lieu de préciser à laquelle incombait l'obligation de saisine ; qu'une erreur de droit ne peut être rectifiée et, qu'aucune des parties n'ayant formé un recours contre cette première ordonnance, elle est désormais irrévocable et doit recevoir application ; que les jurisprudences produites par l'appelante sont toutes antérieures au 30 juin 2014, date d'entrée en vigueur du décret ayant modifié les dispositions de l'article R. 624-5 susvisé ; qu'avant cette date, le juge-commissaire qui constatait l'existence d'une contestation sérieuse devait surseoir à statuer et inviter les parties à saisir la juridiction compétente ; qu'il restait donc saisi de la question de la fixation de la créance litigieuse ; que désormais;, le juge commissaire ne peut surseoir à statuer mais doit inviter les parties à mieux se pourvoir ; qu'il en résulte qu'il est entièrement dessaisi du pouvoir de fixer la créance, un tel pouvoir revenant exclusivement à la juridiction du fond ; que le juge commissaire ne peut donc plus rejeter une créance après s'être déclaré incompétent pour en connaître mais qu'il peut cependant constater, par une stricte application de sa première ordonnance, qu'est forclose la partie qu'il a désignée pour saisir le juge du fond compétent pour fixer la créance ; qu'en l'espèce, le juge-commissaire a invité les deux parties à saisir la juridiction du fond ; que les deux parties ont été régulièrement avisées qu'en cas d'absence de saisine dans le délai d'un mois, la forclusion serait acquise ; que cette même décision irrévocable a constaté l'existence d'une contestation sérieuse portant sur la créance de Bouygues, constituée de pénalités de retard ; que Bouygues, qui ne disposait d'aucun titre, n'ignorait donc pas que, si elle ne saisissait pas le juge compétent dans le délai imparti pour faire fixer sa créance, la forclusion intervenue empêcherait de voir fixer cette créance au passif de ROC ; qu'il convient dès lors de constater que la forclusion est intervenue et d'infirmer la décision déférée ;
1) ALORS QU'en l'absence de désignation par le juge-commissaire, il appartient à la partie qui y a intérêt de saisir, à peine de forclusion, le juge compétent pour trancher sa contestation lorsque celle-ci échappe aux pouvoirs du juge-commissaire à raison de son caractère sérieux ; qu'en l'espèce, il est constant que le juge-commissaire avait été saisi par le mandataire judiciaire à la procédure de redressement judiciaire de la société ROC à l'effet de contester la déclaration de créance de la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France ; qu'en décidant de prononcer la forclusion à l'égard de la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France, tout en constatant que l'ordonnance du juge-commissaire du 16 juin 2016 n'avait pas mis spécialement à la charge de cette société l'obligation de saisir le juge compétent, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles L. 624-2 et R. 624-5 du code de commerce ;
2) ALORS QU'il appartient à la partie désignée à cet effet de saisir, à peine de forclusion, le juge compétent pour trancher sa contestation lorsque celle-ci échappe aux pouvoirs du juge-commissaire à raison de son caractère sérieux ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a interprété l'ordonnance du 16 juin 2016 en ce sens qu'elle a mis à la charge de l'ensemble des parties à l'instance la charge de saisir le juge compétent pour trancher la contestation soulevée par le mandataire judiciaire à l'encontre de la créance déclarée par la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France ; qu'il en résultait qu'en l'absence de saisine du juge compétent, la forclusion affectait en premier lieu la contestation du mandataire judiciaire, en sorte que l'admission de la créance s'imposait ; qu'en décidant de prononcer la forclusion à l'encontre de la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles L. 624-2 et R. 624-5 du code de commerce.
QUATRIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu à rectification de l'ordonnance du 16 juin 2016, et d'AVOIR constaté la forclusion et l'impossibilité qui en résulte pour la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France de solliciter la fixation de sa créance de 290.801,89 euros au passif de la société Restauration Orléanaise Construction (ROC) ;
AUX MOTIFS QUE l'ordonnance déférée, après avoir constaté qu'aucune partie n'avait été invitée à saisir le juge du fond, a dit n'y avoir forclusion ; qu'après avoir indiqué dans ses motifs, que l'ordonnance devait être "rectifiée'', le juge commissaire a mentionné dans le dispositif de sa décision : "Constatons l'absence de désignation de la partie devant saisir la juridiction compétente dans l'ordonnance du 16 juin 2016, Disons que de ce fait il n'y a pas lieu à prononcer la forclusion, Confirmons l'existence d'une contestation sérieuse, Complétons notre ordonnance du 16 juin 2017 [2016] et y ajoutons les mots "Invitons en conséquence la société 80 Bouygues Bâtiment Ile-de-France à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance" ; qu'il résulte de cette rédaction du dispositif de l'ordonnance attaquée, qui a seul l'autorité de la chose jugée, que le premier juge a ainsi procédé â la rectification d'une omission de statuer – et non à la rectification d'une erreur matérielle – ce qui est confirmé par le fait que la notification de l'ordonnance mentionne que la voie de recours est l'appel et non le pourvoi devant la Cour de cassation qui aurait été seul ouvert aux parties par l'article 462 du code de procédure civile après rectification d'une erreur matérielle ; qu'il n'est autrement contesté que la créance de Bouygues fait l'objet d'une contestation sérieuse ; qu'aux termes de l'article R. 624-5 du code de commerce dans sa version modifiée par le décret du 30 juin 2014 et antérieure au 6 mai 2017, seule applicable à l'ordonnance du 16 juin 2016 : "Lorsque le juge commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance, spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin à peine de forclusion, à moins de contredit dans les cas où cette voie de recours est ouverte" ; qu'en l'espèce si, dans son ordonnance en date du 16 juin 2016, le juge commissaire a bien renvoyé les parties à mieux se pourvoir, il a omis de désigner à qui, du créancier, du débiteur ou du mandataire judiciaire, il appartenait dc saisir la juridiction compétente ; qu'il importe peu que les parties n'aient pas sollicité cette désignation puisque l'article R. 624-5 du code de commerce l'exige ; que cependant le juge-commissaire n'a pas simplement, dans son ordonnance, omis d'indiquer à qui incombait la saisine de la juridiction du fond mais a expressément mentionné qu'il appartenait "aux parties" de la saisir ; qu'il a ainsi commis, non une omission de statuer, mais une erreur de droit en désignant "les parties" au lieu de préciser à laquelle incombait l'obligation de saisine ; qu'une erreur de droit ne peut être rectifiée et, qu'aucune des parties n'ayant formé un recours contre cette première ordonnance, elle est désormais irrévocable et doit recevoir application ; que les jurisprudences produites par l'appelante sont toutes antérieures au 30 juin 2014, date d'entrée en vigueur du décret ayant modifié les dispositions de l'article R. 624-5 susvisé ; qu'avant cette date, le juge-commissaire qui constatait l'existence d'une contestation sérieuse devait surseoir à statuer et inviter les parties à saisir la juridiction compétente ; qu'il restait donc saisi de la question de la fixation de la créance litigieuse ; que désormais;, le juge commissaire ne peut surseoir à statuer mais doit inviter les parties à mieux se pourvoir ; qu'il en résulte qu'il est entièrement dessaisi du pouvoir de fixer la créance, un tel pouvoir revenant exclusivement à la juridiction du fond ; que le juge commissaire ne peut donc plus rejeter une créance après s'être déclaré incompétent pour en connaître mais qu'il peut cependant constater, par une stricte application de sa première ordonnance, qu'est forclose la partie qu'il a désignée pour saisir le juge du fond compétent pour fixer la créance ; qu'en l'espèce, le juge-commissaire a invité les deux parties à saisir la juridiction du fond ; que les deux parties ont été régulièrement avisées qu'en cas d'absence de saisine dans le délai d'un mois, la forclusion serait acquise ; que cette même décision irrévocable a constaté l'existence d'une contestation sérieuse portant sur la créance de Bouygues, constituée de pénalités de retard ; que Bouygues, qui ne disposait d'aucun titre, n'ignorait donc pas que, si elle ne saisissait pas le juge compétent dans le délai imparti pour faire fixer sa créance, la forclusion intervenue empêcherait de voir fixer cette créance au passif de ROC ; qu'il convient dès lors de constater que la forclusion est intervenue et d'infirmer la décision déférée ;
1) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a d'abord constaté que, dans son ordonnance du 16 juin 2016, le juge-commissaire avait renvoyé les parties à mieux se pourvoir, mais qu'il avait omis de désigner qui du créancier, du débiteur ou du mandataire judiciaire devait saisir la juridiction compétente (arrêt, p. 4, in limine) ; qu'en affirmant ensuite que le juge-commissaire n'avait pas omis d'indiquer à qui incombait la saisine mais qu'il avait désigné à cet effet l'ensemble des parties (p. 4, § 3 et 4), la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE les juges sont tenus de vérifier, au besoin d'office, la régularité de leur saisine ; que l'appel contre l'ordonnance rectifiant l'omission matérielle entachant une ordonnance passée en force de chose jugée est irrecevable ; que le juge-commissaire qui renvoie les parties à saisir le juge compétent et ne désigne pas la ou les parties supportant la charge de cette saisine, commet une omission matérielle au sens de l'article 462 du code de procédure civile, dès lors que cette désignation, imposée par l'article R. 624-5 du code de commerce, est une condition d'exercice du recours ; qu'en l'espèce, par une ordonnance du 16 juin 2016, le juge-commissaire avait renvoyé les parties à saisir le juge compétent sans en désigner nommément aucune supportant la charge de cette saisine et par une ordonnance rectificative du 30 janvier 2018 avait complété sa précédente ordonnance en invitant la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois ; qu'en décidant d'examiner l'appel interjeté par la société ROC contre l'ordonnance rectificative du 30 janvier 2018, tout en constatant que l'ordonnance rectifiée du 16 juin 2016 était passée en force de chose jugée, la cour d'appel a violé l'article 462 du code de procédure civile ;
3) ALORS, subsidiairement, QU'en application de l'article R 624-5 du code de commerce, le juge-commissaire qui constate l'existence d'une contestation sérieuse renvoie les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente ; que par suite, le juge-commissaire qui se borne à renvoyer les parties à saisir le juge compétent, sans désigner celle tenue de cette saisine, entache sa décision d'une erreur matérielle qui peut être réparée par le juge qui en est à l'origine ; qu'en décidant, en l'espèce, qu'il convenait d'infirmer l'ordonnance rectificative du 30 janvier 2018 au motif que l'ordonnance du 16 juin 2016, qui avait renvoyé les parties à saisir le juge compétent sans en désigner nommément aucune, n'avait pas commis une omission de statuer mais une erreur de droit, la cour d'appel a violé les articles 462 et 480 du code de procédure civile.