LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 février 2020
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 153 F-D
Pourvoi n° Q 18-18.094
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 FÉVRIER 2020
1°/ M. U... Y...,
2°/ Mme X... Y...,
tous deux domiciliés [...] ,
ont formé le pourvoi n° Q 18-18.094 contre l'arrêt rendu le 15 mai 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (1re chambre A), dans le litige les opposant à la société Sacogiva, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Barbieri, conseiller, les observations de Me Haas, avocat des consorts Y..., de la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat de la société Sacogiva, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Barbieri, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix en Provence, 15 mai 2018), que, par actes des 14 avril 2006 et 25 juin 2008, les consorts Y... ont promis à la société anonyme de construction et de gestion immobilière de la commune d'Aix-en-Provence (la Sacogiva) de résilier le bail rural dont ils étaient titulaires sur des parcelles acquises par celle-ci pour la réalisation d'un projet immobilier, en contrepartie d'une indemnité sous forme de dation en paiement de parcelles construites, d'appartements et d'annexes ; que la réitération par acte authentique, prévue le 31 mars 2009, n'est pas intervenue, les consorts Y... ayant invoqué le défaut d'exécution des engagements pris par le constructeur et sollicité en référé la désignation d'un expert ; que, par acte du 14 juin 2013, la Sacogiva, justifiant d'un procès-verbal notarié de carence du 28 mars précédent, les a assignés en signature sous astreinte et paiement de pénalités ; que les consorts Y... ont demandé reconventionnellement la remise en état de parcelles et des dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt de les condamner à signer l'acte authentique, ainsi qu'à payer certaines sommes, et de rejeter leurs demandes ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant recherché la commune intention des parties et analysé la configuration des lieux décrite par l'expert judiciaire, la cour d'appel a, sans dénaturation, retenu que l'avenant du 25 juin 2008 ne prévoyait pas que les parcelles appartenant aux consorts Y..., dont aucune n'était enclavée, disposeraient chacune d'un accès ;
Attendu, en deuxième lieu, que la cour d'appel, qui a souverainement retenu que les consorts Y... ne souffraient d'aucun manquement contractuel, notamment au titre d'un trouble de jouissance, a nécessairement écarté la gêne que ceux-ci imputaient à la rampe d'accès créée sur le terrain qui leur avait été cédé ;
Attendu, en troisième lieu, que, les consorts Y... n'ayant pas soutenu que les travaux de voirie et réseaux ne fussent pas déjà accomplis, la cour d'appel a pu retenir, abstraction faite d'un motif surabondant sur l'absence de conditions suspensives en évoquant la création, que les servitudes de tréfonds seraient juridiquement instituées par l'acte définitif ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt de les condamner à payer une certaine somme au titre de la clause pénale et d'ordonner la restitution des sommes payées par la Sacogiva pour retard de livraison ;
Mais attendu que la cour d'appel n'a pas retenu que la Sacogiva avait satisfait à ses engagements seulement en cause d'appel mais que les consorts Y... n'étaient pas fondés à paralyser le programme immobilier au moins depuis le 28 mars 2013, date du procès-verbal notarié de carence, ce qui justifiait le paiement des pénalités qui leur incombait et le remboursement de celles dont la Sacogiva avait fait l'avance ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des consorts Y... et les condamne à payer à la société Sacogiva la somme de 3 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Haas, avocat aux Conseils, pour les consorts Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué infirmatif D'AVOIR condamné les consorts Y... à signer l'acte authentique reprenant les termes du protocole du 14 avril 2006 tels que modifiés par avenant du 15 juin 2008, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, D'AVOIR débouté les consorts Y... de leur demande en remise en état des parcelles [...] et [...], D'AVOIR condamné in solidum les consorts Y... à payer à la société SACOGIVA la somme de 79 000 euros au titre de la clause pénale et D'AVOIR ordonné la restitution à la société SACOGICA de la somme de 3 000 euros par mois qu'elle a versé à compter du 28 mars 2013 entre les mains des consorts Y... puis d'un séquestre ;
AUX MOTIFS QUE si M. U... et Mme X... Y... n'ont pas qualité pour solliciter la remise en état de la parcelle [...] dont ils ne sont pas encore propriétaires, ils peuvent soutenir que cette remise en état de celle-ci pourrait être un préalable nécessaire à la signature de l'acte pour correspondre à un manquement de la société SACOGIVA à ses obligations contractuelles ; que les consorts Y... s'abstiennent toutefois de mentionner l'existence d'une procédure de référé qu'ils avaient eux-mêmes engagée contre la société SACOGIVA estimant que le permis de construire obtenu par cette société n'était pas conforme au protocole signé entre les parties ; que cette procédure a conduit le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence à ordonner une expertise judiciaire le 2 mai 2012 aux fins : « (
) d'indiquer les limites des propriétés respectives des parties, et procéder à des opérations de bornage si celles-ci s'avèrent nécessaires, et d'indiquer si les travaux de réalisation des projets immobiliers de la société SACOGIVA ont constitué des empiétements sur les parcelles de l'indivision Y... ou s'ils ont modifié les conditions d'accès à la voie publique » ; que le rapport d'expertise de M. E... porte largement sur les demandes ici présentées par les consorts Y..., à savoir la remise en état de la parcelle [...] par la suppression de la rampe d'accès ou des murs de soutènement et la réouverture de la parcelle 47 ; que l'expert désigné, M. E..., a déjà répondu et ce, avec une précision technique que les consorts Y... ne discutent pas, feignant de l'ignorer dans leurs écrits ; que l'expert souligne qu'aucun débordement des ouvrages réalisés n'est à déplorer, qu'il a noté une simple gêne esthétique, que la société SACOGIVA avait respecté les techniques de construction et de protection des personnes, que les consorts Y... ne se sont pas rendus compte et ont sous-estimé la hauteur cumulée figurant sur le permis de construire obtenu, un parapet de protection protégeant l'accès par des véhicules longs à la future plate-forme des bus étant prévue, ce qui donne une impression d'enfoncement, que les consorts Y... peuvent seulement réclamer la mise en place d'un crépi ou d'une végétalisation haute pour casser cette impression, qu'en ce qui concerne l'accès par l'ancien portail donnant sur la route des Milles, qui figurait dans le protocole de 2006, les parties étaient convenues seulement de laisser « un accès par le portail actuel ou dans son voyage voisinage immédiat » sans davantage de précision ; que l'expert observe que cet accès étant dangereux, a été abandonné et qu'il a été remplacé par la rampe d'accès entièrement sise sur la parcelle [...] ; que la propriété des consorts est bien desservie y compris la villa implantée sur la parcelle [...] ; que l'expert ajoute : « la disparition de l'entrée au n°630 et son remplacement par une rampe d'accès sont à mon sens conformes aux accords signés entre les parties. Seuls l'esthétisme de l'ouvrage ainsi que la gêne peuvent être soulevée par les consorts Y... et peut faire l'objet d'une appréciation. Quant à l'accès par le n°650 utilisé couramment et usuellement par les consorts Y..., la lecture des actes n'apporte aucun fondement juridique à cet accès qui cependant a toujours fait l'objet d'une tolérance mutuelle (
). En outre la société s'est engagée « dès avant la régularisation de l'acte authentique de dation paiement, à créer un accès indépendant aux parcelles n° 47 et [...] en fonction du plan définitif d'aménagement, sans que cela procure une gêne particulière » » ; qu'il ressort de ce rapport que la parcelle [...] a toujours une superficie de 410 m², M. E... ayant procédé à un relevé d'état des lieux sur lequel a été reporté le plan de division et de bornage du cabinet Boulay ; que cette parcelle [...] incluse dans la dation en paiement a été créée cependant pour servir d'assiette à la construction de la rampe d'accès qui a été clairement établie ; que la parcelle [...] n'est pas enclavée ; que deux accès permettent d'y accéder ainsi qu'à la parcelle [...] et non un accès chacune ce qui n'était pas prévu ; que les servitudes de tréfonds seront établies lorsque les consorts Y... se résoudront à passer l'acte ; qu'en aucun cas la servitude de passage des canalisations grevant les parcelles [...] et [...], ni la création d'un accès indépendant n'ont été institués comme des conditions suspensives ; qu'en conséquence les consorts Y... ne peuvent prétendre échapper à leurs engagements contractuels en soutenant que la société n'aurait pas respecté les siens ; que les consorts Y... ne souffrent d'aucun manquement contractuel donnant lieu au paiement de dommages-intérêts, et notamment au titre d'un trouble de jouissance et qu'il y a lieu de rejeter la demande de remise en état des parcelles [...] et [...] ; que les biens pour lesquels les consorts ont opté sont livrés, tant les appartements habitables que les garages, la société étant désormais prête à livrer trois garages fermés en box en sous-sol comme cela était prévu, soit au choix des consorts, six emplacements de stationnement ouverts en sous-sol ; que les consorts Y... ne sont pas fondés à refuser de signer l'acte authentique portant réitération de l'accord des parties du 14 avril 2006 et du 25 juin 2008 ; qu'il y a lieu de leur faire injonction sous astreinte de signer l'acte authentique ;
ALORS, 1°), QUE les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté peut forcer l'autre à l'exécution lorsque celle-ci est possible ou refuser d'exécuter son obligation si l'inexécution est suffisamment grave ; que, par l'avenant du 25 juin 2008, la société SACOGIVA s'était engagée « dès avant la régularisation de l'acte authentique de dation en paiement à créer un accès indépendant aux parcelles [...] et [...] » ; qu'en retenant, pour dire que la société SACOGIVA n'avait pas manqué à ses obligations que celle-ci ne s'était pas obligée à assurer une entrée distincte pour chacune des parcelles [...] et [...], la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue l'ordonnance du 10 février 2016 ;
ALORS, 2°) et en tout état de cause, QUE les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté peut refuser d'exécuter son obligation si l'inexécution est suffisamment grave ; qu'aux termes des actes des 14 avril 2006 et 25 juin 2008, la société SACOGIVA s'était engagée à ce que l'accès créé n'entraîne aucune gêne pour les consorts Y... ; qu'en retenant que la société SACOGIVA n'avait pas manqué à ses obligations après avoir pourtant relevé que, selon l'expert, dont elle s'était appropriée les conclusions, la rampe d'accès édifiée sur la parcelle [...] pour assurer la desserte des parcelles [...] et HY 226 constituait une gêne pour les consorts Y..., la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
ALORS, 3°), QUE les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté peut refuser d'exécuter son obligation si l'inexécution est suffisamment grave ; que, par l'avenant du 25 juin 2008, la société SACOGIVA s'était expressément engagée à constituer une servitude de passage et de canalisations grevant les parcelles [...] et [...] « dès avant la régularisation de l'acte authentique » ; qu'en relevant, pour dire que la société SACOGIVA n'avait pas manqué à ses obligations, que les servitudes de tréfonds seront établies lorsque les consorts Y... se résoudront à passer l'acte authentique, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
ALORS, 4°), QUE les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté peut refuser d'exécuter son obligation si l'inexécution est suffisamment grave ; qu'en considérant que ni la création d'un passage indépendant aux parcelles [...] et [...] ni la constitution de servitudes de tréfonds n'avaient été érigées en conditions suspensives, cependant que cette circonstance inopérante ne pouvait interdire les consorts Y... de se prévaloir du manquement de la société SACOGIVA à ses obligations pour refuser de passer l'acte authentique, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs inopérants, a violé les articles 1181 et 1184 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué infirmatif D'AVOIR condamné les consorts Y... à payer à la société SACOGIVA la somme de 79 000 euros au titre de la clause pénale et D'AVOIR ordonné la restitution à la société SACOGIVA de la somme mensuelle de 3 000 euros qu'elle a versée depuis le 28 mars 2013 entre les mains des consorts Y... puis d'un séquestre à compter du 20 février 2015 ;
AUX MOTIFS QU'en ce qui concerne le montant de la clause pénale stipulée en cas de refus de réitérer après sommation sous 15 jours, que la société SACOGIVA expose que la commercialisation du programme immobilier a été retardée en raison de l'insécurité juridique qu'ont fait planer les consorts Y... en refusant abusivement de réitérer la résiliation du bail rural par acte authentique depuis la sommation interpellative d'avoir à comparaître le 28 mars 2013 par devant Me Lameta ; que le montant de la clause pénale fixé à 79 000 euros n'est pas discuté par les appelants qui en contestent seulement le principe ; qu'ils seront condamnés à verser à la société SACOGIVA ce montant contractuellement stipulé ; que par ailleurs à compter du 28 mars 2013 la société SACOGIVA n'était plus redevable des indemnités de retard à la livraison fixées par le contrat à 1 000 euros par mois pour la villa et 2 000 euros par mois pour les appartements promis, soit 3 000 euros au total ; qu'il y a lieu de faire droit à la demande de restitution de ce montant qui a été versé par la société entre les mains des consorts Y..., puis entre les mains d'un séquestre à compter de l'ordonnance du juge de la mise en état du 20 février 2015 ;
ALORS, 1°),QU'une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave ; qu'en considérant, pour faire application de la clause pénale stipulée dans l'acte du 14 avril 2006, que les consorts Y... avaient abusivement refusé de passer l'acte authentique depuis la sommation du 28 mars 2013 cependant qu'il résultait de ses propres constatations que ce n'est qu'à hauteur d'appel que la société SACOGIVA avait été en mesure de livrer aux consorts Y... les trois garages fermés qu'elle s'était engagée à leur livrer, de sorte qu'à la date de la sommation du 28 mars 2013, la société SACOGIVA n'avait pas respecté son obligation de délivrance, ce qui autorisait les consorts Y... à refuser de passer l'acte authentique, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1152 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
ALORS, 2°), QUE les actes des 14 avril 2006 et 25 juin 2008 prévoyaient que faute d'avoir pu livrer aux consorts Y... les deux appartements et les garages y attenant au plus tard le 31 décembre 2009, la société SACOGIVA s'engageait à leur verser la somme de 2 000 euros par mois de retard ; qu'en ordonnant à la société SACOGIVA la restitution des sommes qu'elle avait versées à ce titre à compter du 28 mars 2013 cependant qu'il résultait de ses propres constatations que ce n'est qu'à hauteur d'appel qu'elle avait été en mesure de se conformer à ses obligations et de livrer aux consorts Y... les deux garages fermés, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1152 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.