LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 janvier 2020
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 213 F-P+B+I
Pourvoi n° Z 18-21.300
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 JANVIER 2020
L'Établissement public foncier de Normandie (EPIC), établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Z 18-21.300 contre l'arrêt rendu le 20 juin 2018 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Haute-Normandie, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brinet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de l'Établissement public foncier de Normandie, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Haute-Normandie, et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 janvier 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Brinet, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 20 juin 2018), l'établissement public foncier de Normandie (l'établissement public) a fait l'objet d'un contrôle portant sur les années 2010 à 2012 par l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Haute-Normandie (l'URSSAF), ayant donné lieu à deux lettres d'observations du 2 août 2013, concernant notamment l'assujettissement à la contribution d'assurance chômage des rémunérations des fonctionnaires détachés au sein de l'établissement public. Ce dernier a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le second moyen, ci-après annexé
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Et sur le premier moyen, ci-après annexé
Enoncé du moyen
3. L'établissement public fait grief à l'arrêt de le débouter de son recours.
Réponse de la Cour
4. En application de l'article 45 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat, le fonctionnaire détaché est soumis aux règles régissant la fonction qu'il exerce par l'effet de son détachement, à l'exception des dispositions relatives aux contrats à durée déterminée et aux indemnités de licenciement, ou de toute disposition législative, réglementaire ou conventionnelle prévoyant le versement d'indemnités de licenciement ou de fin de carrière. Dès lors, la rémunération des fonctionnaires détachés au sein d'un établissement public entrant dans le champ de l'article L. 5424-1, 3° du code du travail est comprise dans l'assiette des contributions d'assurance chômage dues par cet établissement.
5. L'arrêt constate que l'établissement public assure son personnel contre le risque de perte d'emploi au titre de l'assurance chômage.
6. Il en résulte que l'URSSAF était fondée à procéder au redressement des contributions d'assurance chômage dues par l'établissement public en réintégrant dans leur assiette les rémunérations versées aux fonctionnaires détachés en son sein.
7. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par l'article 620, alinéa 1er du code de procédure civile et après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code, la décision déférée se trouve légalement justifiée de ce chef.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'Établissement public foncier de Normandie aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par M. Pireyre, président de chambre, et par Mme Pontonnier, greffier de chambre présent lors de la mise à disposition de l'arrêt le vingt-trois janvier deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour l'Établissement public foncier de Normandie
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré fondé le chef de redressement de l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DE NORMANDIE (EPF) relatif à l'assujettissement des fonctionnaires détachés au régime d'assurance chômage, à hauteur des sommes de 15.166 € en cotisations et de 2.760 € en majorations de retard au titre de l'année 2010, et des sommes de 34.448 € en cotisation et de 4.045 € en majoration de retard au titre des années 2011 et 2012 et d'AVOIR débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
AUX MOTIFS QUE «Sur l'assujettissement à l'assurance chômage des fonctionnaires détachés : L'EPF Normandie conteste le redressement en faisant valoir que les fonctionnaires en détachement ne peuvent bénéficier des prestations du Pôle Emploi dans la mesure où ils réintègrent obligatoirement leur corps d'origine à l'expiration d'un détachement , et que l'assurance-chômage étant par définition une assurance contre le risque de privation d'emploi, le fonctionnaire en détachement qui n'est pas licencié à l'issue de sa mission ne peut en bénéficier. Cependant, aux termes de l'article L. 5422-13 du code du travail, sauf dans les cas prévus à l'article L. 5424-1, dans lesquels l'employeur assure lui-même la charge et la gestion de l'allocation d'assurance, tout employeur assure contre le risque de privation d'emploi tout salarié. Ainsi, lorsqu'une personne ayant le statut de fonctionnaire exerce une activité salariée dans une entreprise relevant du champ d'application du régime d'assurance chômage au titre d'un détachement, celle-ci doit contribuer au régime d'assurance chômage. La somme est due, quelle que soit la probabilité d'occurrence du risque. En conséquence, les rémunérations versées par ces employeurs sont assujetties aux contributions d'assurance chômage et, le cas échéant, aux cotisations AGS. En revanche, ces rémunérations ne sont pas assujetties à la contribution exceptionnelle de solidarité. L'EPF Normandie qui fonctionne comme un Établissement public industriel et commercial entre bien dans le champ d'application du régime d'assurance chômage. Le droit au versement d'une allocation chômage est ouvert aux fonctionnaires même s'ils retrouvent à l'issue de leur mission leur corps d'origine ainsi qu'il ressort de l'article L. 5424-1 du code du travail » ;
ET AUX MOTIFS QUE « Sur la bonne foi et la demande de remise des majorations de retard : Hormis l'application de l'article R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution, seul le directeur de l'URSSAF a qualité pour ordonner le sursis à poursuites pour le règlement de cotisations, pénalités et majorations de retard » ;
1/ ALORS QU'en application des articles L. 5422-13, L. 5424-1 et L. 5424-2 du code du travail, le personnel des établissements publics à caractère industriel et commercial des collectivités territoriales ne relève du régime d'assurance chômage obligatoire qu'en cas d'adhésion à ce régime par option irrévocable de l'établissement ; que tel que le soutenait l'EPF NORMANDIE, qui a le statut d'établissement public industriel et commercial, en l'absence d'adhésion de sa part au régime d'assurance chômage obligatoire au titre des fonctionnaires de droit public détachés de manière temporaire en son sein, ces derniers ne relevaient pas de ce régime ; qu'en retenant au contraire que dès lors que le personnel salarié de l'EPF NORMANDIE relevait du champ d'application du régime d'assurance chômage obligatoire, ce régime devait également s'appliquer par principe aux fonctionnaires temporairement détachés au sein de l'établissement, la cour d'appel a violé les articles L. 5422-13, L. 5424-1 et L. 5424-2 du code du travail ;
2/ ALORS QU'en retenant que dès lors que le personnel salarié de l'EPF NORMANDIE relevait du champ d'application du régime d'assurance chômage obligatoire, ce régime devait également s'appliquer par principe aux fonctionnaires détachés temporairement au sein de l'établissement, sans constater que l'URSSAF de Haute-Normandie ait apporté la preuve de l'adhésion de l'EPF NORMANDIE, par option irrévocable, au régime d'assurance chômage obligatoire pour les fonctionnaires détachés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 5422-13, L. 5424-1 et L. 5424-2 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré fondé le chef de redressement de l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DE NORMANDIE (EPF) relatif à l'assujettissement des fonctionnaires détachés au régime d'assurance chômage à hauteur des sommes de 2.760 € en majorations de retard au titre de l'année 2010 et de 4.045 € en majoration de retard au titre des années 2011 et 2012 et d'AVOIR débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la bonne foi et la demande de remise des majorations de retard : Hormis l'application de l'article R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution, seul le directeur de l'URSSAF a qualité pour ordonner le sursis à poursuites pour le règlement de cotisations, pénalités et majorations de retard » ;
ALORS QUE tout jugement doit être motivé ; qu'en vertu des dispositions de l'article R.243-20 du code de la sécurité sociale la demande gracieuse en réduction des majorations et pénalités de retard doit être accordée à l'employeur dès lors qu'il a procédé au règlement de la totalité des cotisations ayant donné lieu à l'application des majorations et que sa bonne foi est démontrée ; qu'en l'espèce l'EPF NORMANDIE a formulé, par courrier du 27 décembre 2013, une demande de remise des majorations de retard auprès du directeur de l'URSSAF de Seine Maritime (pièce d'appel n° 15) ; qu'elle a indiqué dans ce courrier avoir procédé au règlement des contributions demandées dans le délai de trente jours et a fait valoir la bonne foi de l'EPF NORMANDIE qui n'a pas volontairement méconnu le droit applicable ; qu'en se bornant néanmoins à retenir, pour écarter cette demande de remise de majorations de retard, que « seul le directeur de l'URSSAF a qualité pour ordonner le sursis à poursuites pour le règlement de cotisations, pénalités et majorations de retard », sans précisément vérifier si le directeur de l'URSSAF de Seine Maritime, devenue l'URSSAF de Haute Normandie, avait effectivement pris en compte la demande de remise de majorations de retard présentée par l'EPF NORMANDIE et, à tout le moins, avait motivé un refus d'accorder une telle remise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R.243-20 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige.