LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 janvier 2020
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 67 FS-P+B+I
Pourvoi n° V 19-10.375
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JANVIER 2020
1°/ Mme P... G...,
2°/ M. X... S...,
tous deux domiciliés [...],
ont formé le pourvoi n° V 19-10.375 contre l'arrêt rendu le 14 novembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 3), dans le litige les opposant :
1°/ à la commune de [...] agissant par son maire, domicilié en cette qualité [...],
2°/ à M. I... V..., domicilié [...], en qualité de maire de la commune de [...],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de Mme G... et de M. S..., de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la commune de [...] et de M. V..., et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 17 décembre 2019 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, MM. Pronier, Nivôse, Mme Greff-Bohnert, MM. Bech, Boyer, conseillers, Mmes Guillaudier, Georget, Renard, Djikpa, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 novembre 2018), rendu en référé, Mme G... est propriétaire d'une parcelle cadastrée [...] et située à [...], qu'elle a reçue en donation en avril 2004.
2. Se plaignant de divers aménagements réalisés sur ce terrain, classé en zone naturelle par le plan local d'urbanisme, et de la construction d'un chalet en bois où Mme G... réside avec M. S... et leurs enfants communs, la commune de [...] les a assignés en référé pour obtenir la démolition des constructions et l'expulsion des occupants.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Mme G... et M. S... font grief à l'arrêt d'accueillir la demande en démolition, alors qu' « il appartient au juge, en matière de violation d'une règle d'urbanisme lors de l'édification d'une construction, d'apprécier concrètement si une mesure de remise en état, impliquant l'expulsion d'une famille et la destruction de son logement, porterait une atteinte disproportionnée au droit de ses membres au respect de leur vie privée et familiale et de leur domicile ; qu'en se bornant à prendre en considération l'importance purement théorique de l'irrégularité affectant les constructions des consorts G... et S... par rapport aux dispositions d'urbanisme, et à affirmer péremptoirement que le droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile ne fait pas obstacle à la protection de l'environnement assurée par des dispositions d'urbanisme impératives destinées à préserver l'intérêt public de la commune et de ses habitants, sans rechercher concrètement, comme elle y était expressément invitée, si les mesures d'expulsion et de destruction des constructions litigieuses qu'elle envisageait de prononcer étaient de nature à porter une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale et de leur domicile, dès lors que le couple habitait avec ses trois enfants mineurs sur ce terrain depuis l'acquisition du bien en 2004, que M. S... était inscrit comme artisan au registre des métiers à cette adresse, que leur fille, Mlle P... S..., était scolarisée à l'école de [...], et que l'environnement immédiat de leur parcelle était par ailleurs très urbanisé, avec de nombreuses constructions pavillonnaires de l'autre côté de la rue, et se situait au croisement de deux voies de circulation équipées en eau, électricité et réseaux d'assainissement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 809 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
4. Aux termes de ce texte :
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ».
5. Pour accueillir la demande de démolition, l'arrêt retient que le droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile ne fait pas obstacle à la protection de l'environnement assurée par des dispositions d'urbanisme impératives destinées à préserver l'intérêt public de la commune et de ses habitants, que les droits fondamentaux invoqués par Mme G... et M. S... ne sauraient ôter au trouble que constitue la violation réitérée et en toute connaissance de cause des règles d'urbanisme en vigueur son caractère manifestement illicite et que les mesures de démolition et d'expulsion sollicitées sont proportionnées au droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile de Mme G... et M. S..., l'expulsion devant s'entendre des constructions à vocation d'habitation édifiées sur la parcelle [...] et non de l'ensemble de la parcelle puisque Mme G... en est propriétaire.
6. En se déterminant ainsi, par un motif inopérant tiré de ce que la mesure d'expulsion ne concerne que les constructions à usage d'habitation, sans rechercher concrètement, comme il le lui était demandé, si les mesures ordonnées étaient proportionnées au regard du droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile de Mme G... et de M. S..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la commune de [...] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour Mme G... et M. S...
Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR ordonné, à défaut de départ volontaire dans les formes et délais prévus par les articles L. 412-1 à L. 412-8 du code des procédures civiles d'exécution, l'expulsion de Madame P... G... et Monsieur X... S... et de tous occupants de leur chef de ces constructions sur la parcelle [...] , et dont la présence a été constatée par la SCP [...], dans son procès-verbal du 21 juillet 2017, ainsi que l'enlèvement et le gardiennage des objets mobiliers se trouvant dans ces constructions au jour de l'expulsion (sauf à ce que ces objets soient emportés par les personnes expulsées), ainsi que le déplacement des véhicules, et ce, avec l'assistance d'un serrurier et de la force publique, et d'AVOIR ordonné, mais uniquement à l'expiration du délai d'expulsion, la démolition aux frais avancés de la commune (mais pour le compte de Madame P... G... et de Monsieur X... S...) de la construction édifiée de type chalet en bois sur la parcelle [...] , propriété de Madame P... G... sise [...] ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur les demandes de démolition et d'expulsion : en vertu de l'article 809 alinéa l°' du code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s"in1posent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; l'application de ce texte n'est pas subordonnée à la preuve de l'urgence de la mesure sollicitée, ni à la preuve de l'absence de contestation sérieuse ; pour s'opposer aux demandes de démolition et d'expulsion présentées, les appelants font valoir, en l'espèce, que l'existence d'un trouble manifestement illicite n'est pas établie dès lors que les constructions concernées ne sont pas celles visées par les décisions pénales qui ont été rendues, qu'elles n'ont donné lieu à l'établissement d'aucun procès-verbal d'infraction, et qu'elles font l'objet d'une demande de permis de construire déposée le 6 novembre 2017 ; ils soutiennent, en outre, que le classement de la parcelle [...] en zone NC du plan local d'urbanisme de la commune de [...] est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; un procès-verbal de constat d'huissier a été dressé par la SCP [...], le 21 juillet 2017, en exécution de l'ordonnance de référé du 22 juin 2017, confirmée par un arrêt rendu le 12 avril 2018 par la cour d'appel de ce siège, qui a relevé la présence sur la parcelle [...] d'aménagements du terrain (enrobé bitumeux et pavage, coffrets électriques, plaques et poteaux en béton, points d'alimentation en eau et électricité) ainsi que d'une construction de type chalet en bois servant d'habitation à Madame P... G... et Monsieur X... S... ; il n'est pas contesté que ledit chalet, dont la démolition est sollicitée par la commune, est une construction nouvelle, distincte de celles visées par l'arrêt définitif rendu le 8 décembre 2011 par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de PARIS ; la réalité du trouble manifestement illicite invoqué par la commune ne saurait pour autant être appréciée sans tenir compte du fait que de précédentes constructions réalisées sur la même parcelle ont déjà été déclarées irrégulières par ladite décision qui a déclaré Madame P... G... coupable d'infractions au code de l'urbanisme ; il résulte, à cet égard, des pièces versées aux débats que la parcelle [...] , issue de la division de parcelle [...] , a été classée par décision du conseil général de SEINE ET MARNE du 30 janvier 1995 dans le périmètre des Espaces Naturels Sensibles puis en zone naturelle de type NDa au plan d'occupation des sols de la commune révisé et approuvé le 25 juin 1999, classement maintenu en zone naturelle dans le plan local d'urbanisme de 2008, que la zone NDa est un « secteur à vocation dominante agricole et forestière », laquelle est restrictive quant aux possibilités d'utilisation du sol et que celles-ci, prévues à l'article N 2.2 du plan local d'urbanisme, permettent seulement « l'aménagement, l'extension mesurée ou la reconstruction après sinistre des bâtiments existants, sans changement de destination, ni création de logements supplémentaires » et « l'agrandissement ou la transformation des établissements artisanaux ou agricoles » ; les photographies aériennes produites par les appelants relatives à l'environnement de la parcelle et le fait qu'ils invoquent selon lequel Monsieur Q..., précédent propriétaire de la parcelle [...] , avait obtenu du maire de la commune, en 1974, l'autorisation d'y transférer son activité de récupération de pièces automobiles ne sont pas de nature à remettre valablement en cause le classement en Zone naturelle de la parcelle [...] , issue de sa division, dès lors que la commune de [...] justifie de ce que Monsieur Q... a été déclaré coupable d'infractions au plan d'occupation des sols de la commune et condamné à remettre en état le terrain qui était alors classé en zone agricole ; s'il ressort des documents versés aux débats par les appelants que Madame P... G... a déposé une demande de permis de construire le 6 novembre 2017, soit postérieurement à la délivrance de l'assignation, et qu'une instance est pendante devant le tribunal administratif de MELUN, par elle saisi d'une demande d'annulation de l'arrêté du maire de la commune du 28 novembre 2017, qui a refusé ladite demande, il apparaît que les dispositions du plan local d'urbanisme font manifestement obstacle à la régularisation des constructions édifiées sur la parcelle, la construction nouvelle réalisée ne relevant nullement des dispositions de l'article N22 précitées ; la demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction administrative présentée par les appelants ne saurait, en conséquence, être accueillie ; il résulte, par ailleurs, des énonciations de l'ordonnance du 20 décembre 2017, qui ne sont pas remises en cause sur ce point, que l'acte notarié du 20 avril 2004, contenant donation, précise expressément que les donataires ont pris connaissance, tant par eux-mêmes que par la lecture qui leur en a été faite par le notaire, des divers certificats d'urbanisme desquels il résulte notamment que le bien est situé en Zone naturelle de protection paysagère à vocation forestière et agricole où toute autre occupation des sols est interdite, ledit acte mentionnant en outre que le terrain est « non viabilisé et non constructible » ; il apparaît, dès lors, que Madame P... G..., qui était informée, dès 2004, des règles d'urbanisme applicables à la parcelle [...] , et qui a été condamnée par une décision pénale définitive pour y avoir contrevenu, a néanmoins fait le choix de réaliser, sans avoir même tenté au préalable d'obtenir une décision l'y autorisant, une nouvelle construction à vocation d'habitation sur ce terrain sur lequel toute construction demeurait prohibée en vertu de la réglementation en vigueur ; le droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile ne fait pas obstacle à la protection de l'environnement assurée par des dispositions d'urbanisme impératives destinées à préserver l'intérêt public de la commune et de ses habitants ; il se déduit de l'ensemble de ces éléments que les droits fondamentaux invoqués par les appelants ne sauraient ôter au trouble que constitue la violation réitérée et en toute connaissance de cause des règles d'urbanisme en vigueur son caractère manifestement illicite, et que les mesures de démolition et d'expulsion sollicitées sont proportionnées au droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile des appelants, étant précisé que l'expulsion doit s'entendre, ainsi que l'a justement retenu le premier juge, des constructions à vocation d'habitation édifiées sur la parcelle [...] et non de l'ensemble de la parcelle puisque Madame P... G... en est propriétaire ; il convient, par conséquent, de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 20 décembre 2017 par le juge des référés du tribunal de grande instance de MEAUX ainsi que l'ordonnance rectificative du 7 mars 2018 » (arrêt pp. 7 à 9) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « la juridiction observe que les défendeurs contestent l'existence d'un trouble manifestement illicite en soulignant l'absence de décision pénale concernant les constructions concernées, l'illégalité du PLU et le dépôt d'une demande de permis de construire de nature à régulariser la situation et dont l'appréciation relève de l'autorité et des juridictions administratives ; en vertu de l'article 809, alinéa 1er du code de procédure civile, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. L'application de cette disposition ne nécessite le constat ni de l'absence de contestation sérieuse, ni de l'urgence ; en l'espèce, il convient d'examiner les demandes formulées par la commune de [...] pour la parcelle des défendeurs afin d'examiner si la demande de démolition et d'expulsion est fondée eu égard à la situation des constructions et de la situation des défendeurs ; il peut être souligné en premier lieu que la contestation du classement de la parcelle litigieuse en zone naturelle, l'erreur manifeste d'appréciation et la possibilité de régulariser la situation actuelle ne reposent que sur la production de deux pièces ; la première consiste en une lettre du maire de [...] datée du 28 mars 1974 autorisant le précédent propriétaire, Monsieur Q..., à transférer son activité de récupération de pièces automobiles sur la parcelle dont s'agit ; cette pièce fait référence à une situation parfaitement connue des juridictions, pénales et civiles, qui se sont prononcées dans le cadre du litige tel qu'il le sera rappelé ci-après ; la seconde consiste au contraire en un récépissé d'une demande de permis de construire déposée depuis l'assignation en date du 8 novembre 2017 ; ce récépissé n'est accompagné d'aucun élément du dossier déposé ; les décisions pénales et civiles précédentes, toutes définitives, ont rappelé que la parcelle [...] , issue de la division de la parcelle [...] a été classée par décision du Conseil général de SEINE ET MARNE du 30 janvier 1995 dans le périmètre des Espaces Naturels Sensibles puis en zone naturelle de type NDa au plan d'occupation des sols de la commune révisé et approuvé le 25 juin 1999, classement maintenu en zone naturelle dans le plan local d'urbanisme de 2008 ; la zone NDa est un « secteur à vocation dominante agricole et forestière », laquelle est restrictive quant aux possibilités d'utilisation du sol. Ces dernières, prévues à l'article N2.2 du plan local d'urbanisme permettent seulement « l'aménagement, l'extension mesurée ou la reconstruction après sinistre des bâtiments existants, sans changement de destination, ni création de logements supplémentaires » et « l'agrandissement ou la transformation des établissements artisanaux ou agricoles » ; ces décisions ont encore souligné que l'acte notarié du 20 avril 2004 contenant donation précise expressément que les donataires ont pris connaissance, tant par eux-mêmes que par la lecture qui leur en a été faite par le notaire, des divers certificats d'urbanisme desquels il résulte notamment que le bien est situé en zone naturelle de protection paysagère à vocation forestière et agricole où toute autre occupation des sols est interdite, acte qui spécifie par ailleurs que le terrain est « non viabilisé et non constructible » ; par arrêt définitif du 8 décembre 2011 la chambre des appels correctionnels de la cour d`appel de PARIS a confirmé la décision du tribunal correctionnel de MEAUX du 6 mai 2009 quant à l'obligation de procéder à la démolition des constructions irrégulières en application des dispositions de l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme ; depuis ces décisions pénales définitives, le constat d'huissier de la SCP [...], huissiers de justice, du 21 juillet 2017 décrit la présence sur la parcelle [...] d'aménagements du terrain de type, notamment, un enrobé bitumeux et pavage, coffrets électriques, plaques et poteaux en béton, points d'alimentation en eau et électricité et une construction de type chalet en bois qui sert d'habitation aux défendeurs ; il peut être encore rappelé que la commune de [...] n'a eu de cesse de manifester sa désapprobation face aux violations des règles d'urbanisme et d'utiliser, depuis de très nombreuses années, et dès l'origine de la propriété des consorts C..., toutes les voies de droit pour y mettre un terme ; l'exécution de la décision pénale ayant autorité de chose jugée, tel qu'il l'a été constaté par procès-verbal du 21 juillet 2017 ne replace pas les parties dans la position et le débat antérieurs aux décisions intervenues concernant des constructions nouvelles qu'ils auraient édifiées en lieux et place des anciennes constructions démolies et dans les mêmes conditions d'irrégularité ; l'édification de constructions nouvelles sur la parcelle [...] , non contestée par les défendeurs, a conduit la commune de [...] à les faire ainsi assigner pour demander, outre leur expulsion, la démolition de ces constructions sur le fondement des dispositions de l'article 809 du code de procédure civile ; les constructions décrites par le constat d'huissier du 21 juillet 2017, présentent le même caractère fixe au sein d'aménagements sur la même parcelle classée également et invariablement en zone N du PLU ; l'amorce de débat sur la régularité de ce PLU eu égard à la situation de 1974 n'est nullement étoffée, ni pertinente au regard des décisions qui viennent d'être rappelées ; par ailleurs, les développements du PLU relatifs à des extensions ou aménagements de constructions existantes doivent, manifestement et sans contestation possible, s'entendre de constructions ou aménagements qui ont été autorisés ce qui n'est nullement le cas des éléments en cause comme il l'a été rappelé ; le dépôt d'une demande de permis de construire, en cours de procédure, dont le contenu n'est pas détaillé, s'analyse comme étant de pure circonstance ; il renforce le caractère illicite de l'existant ; enfin, l'édification de ces constructions et/ou ouvrages altère la vocation de la zone N et constitue un trouble manifestement illicite compte-tenu des prescriptions du PLU en vigueur pour la ville de [...] ; il convient donc d'ordonner la démolition de ces constructions et ouvrages et, préalablement à cette démolition, d'ordonner l'expulsion de Madame P... G... et de Monsieur X... S... de ces constructions et ouvrages situés sur la parcelle n° [...] dans les termes du dispositif ci-après ; ces mesures sont proportionnelles au droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile eu égard à la commission d'une voie de fait en procédant à des constructions sur un terrain dont les propriétaires connaissaient dès le début de sa possession le caractère inconstructible en raison de son placement en zone de protection paysagère ; l'importance de la violation répétée et en parfaite connaissance des dispositions réglementaires s'imposant à tous, destinées à préserver l'intérêt public, justifie les mesures ordonnées ; l'expulsion s'entend des constructions à vocation d'habitation édifiées de façon illicite sur cette parcelle et non de l'ensemble de la parcelle, puisque Madame P... G... en est propriétaire ; l'assistance de la force publique sera ordonnée, ainsi que l'enlèvement et le gardiennage des objets mobiliers trouvés dans les constructions illicites et non récupérés par leurs propriétaires ; il peut être précisé que le gardiennage ne concerne pas celui des véhicules de Madame P... G... ou Monsieur X... S... ou des occupants de leur chef dont la présence ne constitue pas un trouble manifestement illicite dans la mesure où il n'est pas établi que ces véhicules ont vocation à stationner de manière permanente sur les lieux ; leur déplacement peut seul être envisagé dans la mesure où leur positionnement perturberait l'exécution de la décision » (ord. du 20 décembre 2017, pp. 4 à 6) ;
ALORS QU'il appartient au juge, en matière de violation d'une règle d'urbanisme lors de l'édification d'une construction, d'apprécier concrètement si une mesure de remise en état, impliquant l'expulsion d'une famille et la destruction de son logement, porterait une atteinte disproportionnée au droit de ses membres au respect de leur vie privée et familiale et de leur domicile ; qu'en se bornant à prendre en considération l'importance purement théorique de l'irrégularité affectant les constructions des consorts G... et S... par rapport aux dispositions d'urbanisme, et à affirmer péremptoirement que le droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile ne fait pas obstacle à la protection de l'environnement assurée par des dispositions d'urbanisme impératives destinées à préserver l'intérêt public de la commune et de ses habitants, sans rechercher concrètement, comme elle y était expressément invitée (conclusions, pp. 36 à 44), si les mesures d'expulsion et de destruction des constructions litigieuses qu'elle envisageait de prononcer étaient de nature à porter une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale et de leur domicile, dès lors que le couple habitait avec ses trois enfants mineurs sur ce terrain depuis l'acquisition du bien en 2004, que Monsieur S... était inscrit comme artisan au registre des métiers à cette adresse, que leur fille, Mademoiselle P... S..., était scolarisée à l'école de [...], et que l'environnement immédiat de leur parcelle était par ailleurs très urbanisé, avec de nombreuses constructions pavillonnaires de l'autre côté de la rue, et se situait au croisement de deux voies de circulation équipées en eau, électricité et réseaux d'assainissement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 809 du code de procédure civile.