LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
IK
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 janvier 2020
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 40 F-D
Pourvoi n° S 19-10.257
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JANVIER 2020
1°/ la société Axeria prévoyance, société anonyme, dont le siège est [...] ,
2°/ la société April santé prévoyance, société anonyme, dont le siège est [...] ,
ont formé le pourvoi n° S 19-10.257 contre l'arrêt rendu le 8 novembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (3e chambre A), dans le litige les opposant à M. R... S..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Touati, conseiller référendaire, les observations de Me Le Prado, avocat des sociétés Axeria prévoyance et April santé prévoyance, de Me Bertrand, avocat de M. S..., et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 décembre 2019 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Touati, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Rosette, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que M. S..., chirurgien-dentiste, a adhéré par l'intermédiaire de la société April assurances à un contrat d'assurance de groupe souscrit auprès de la société Axeria prévoyance garantissant notamment le versement d'indemnités journalières en cas d'incapacité temporaire de travail ; que l'une des clauses de ce contrat stipulait que les garanties n'étaient plus dues si l'assuré cessait d'appartenir à l'effectif assurable ; que M. S... ayant été placé en liquidation judiciaire par un jugement du 9 décembre 2010, a formé appel et obtenu du premier président de la cour d'appel une ordonnance du 28 janvier 2011 arrêtant l'exécution provisoire du jugement ; que par un arrêt du 23 juin 2011, le jugement ayant prononcé la liquidation judiciaire a été confirmé ; qu'invoquant une incapacité de travail depuis le 3 juin 2011, M. S... a assigné la société April assurances, devenue April santé prévoyance, en paiement de l'indemnité d'assurance et de dommages-intérêts ; que la société Axeria prévoyance est intervenue volontairement à l'instance ; qu'après rejet du pourvoi formé par les sociétés April santé prévoyance et Axeria prévoyance contre un premier arrêt du 25 mars 2015 (Com., 14 juin 2017, pourvoi n° 15-24.188), l'instance s'est poursuivie ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
Attendu que l'arrêt condamne la société April santé prévoyance à payer à M. S... avec la société Axeria prévoyance la somme de 134 095,02 euros au titre de la période d'incapacité totale de travail du 12 juillet 2012 au 15 juillet 2014 et celle de 463 227,61 euros au titre de la période d'invalidité à compter du 15 juillet 2014 jusqu'aux 65 ans de l'assuré ;
Qu'en statuant ainsi, alors que dans ses conclusions d'appel, M. S... avait dirigé ses demandes en paiement des indemnités prévues au contrat exclusivement contre la société Axeria prévoyance, la cour d'appel, qui a modifié les termes du litige, a violé les textes susvisés ;
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu qu'après avoir retenu dans ses motifs qu'aux termes des conditions générales la garantie cesse lorsque l'assuré atteint l'âge requis pour faire valoir ses droits à une pension de vieillesse ou se trouve en pré-retraite et au plus tard à son 65e anniversaire et qu'il appartiendra dès lors à M. S..., aux fins de bénéficier d'une prise en charge jusqu'à ses 65 ans, de justifier auprès des sociétés April santé prévoyance et Axeria prévoyance de sa situation au regard de son régime de retraite, l'arrêt condamne d'emblée les sociétés Axeria prévoyance et April santé prévoyance à payer à M. S... la somme de 463 227,61 euros, au titre de la prise en charge de son invalidité à compter du 15 juillet 2014 jusqu'à ses 65 ans ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif et violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne M. S... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour les sociétés Axeria prévoyance et April santé prévoyance
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, D'AVOIR condamné les sociétés Axeria prévoyance et April santé à payer à M. S... la somme de 134 095,02 euros au titre de la période d'incapacité totale de travail du 12 juillet 2012 au 15 juillet 2014 et une somme de 463 227,61 euros au titre de la période d'invalidité à compter du 15 juillet 2014 jusqu'au 65 ans de l'assuré ;
AUX MOTIFS QUE sur la période du 3 juin 2011 au 11 juillet 2012 : l'arrêt du 2 avril 2015 a condamné les sociétés April Santé Prévoyance et Axeria Prévoyance à prendre en charge les conséquences financières de l'arrêt de travail de M. R... S... pour la période visée et ces sociétés ont indemnisé M. R... S... ;
qu'à compter du 15 juillet 2012 : les conditions générales du contrat souscrit par M. R... S... prévoient que peut adhérer et être assurée, notamment, toute personne exerçant la profession de chirurgien dentiste et que les garanties prennent fin dès que l'assuré cesse d'appartenir à l'effectif assurable ou cesse de réaliser les conditions pour être bénéficiaire ; que les sociétés April Santé Prévoyance et Axeria Prévoyance contestent leur garantie, faisant valoir qu'au titre de la pathologie de M. R... S..., identifiée à compter du 15 juillet 2011 suite à l'expertise diligentée, ce dernier ne faisait plus partie de l'effectif assurable, sa société ayant été liquidée ; que dans son rapport en date du 21 novembre 2015, le docteur X..., psychiatre, conclut à : la réalité d'un état anxio-dépressif majeur réactionnel et secondaire à une affection médicale (diabète non équilibré) et à d'autres facteurs de stress ; qu'il précise de même que : l'évolution de cet état dépressif reste intiment lié (...) à l'évolution du diabète ou de ses éventuelles complications somatiques ; qu'il résulte ainsi de cet examen, que M. R... S... souffre d'un diabète de type II et qu'il a développé un syndrome anxio-dépressif majeur secondaire, réactionnel à son état de santé physique, ces deux pathologies coexistant depuis l'origine et n'étant pas, comme le soutiennent les sociétés April Santé Prévoyance et Axeria Prévoyance, indépendantes l'une de l'autre, l'expert soulignant d'ailleurs que l'évolution de l'état dépressif est intiment liée à celle de son diabète ; que dès lors, le diabète, associé à un syndrome anxio-dépressif, est la cause de l'arrêt de travail, et est le fait générateur des prestations dues en application du contrat de prévoyance en ce qu'il est antérieur à la cessation d'activité provoquée par la liquidation judiciaire ; que les prestations, du fait des garanties souscrites, sont donc dues ;
que sur l'indemnisation : le docteur X... a conclu : R... S... s'est trouvé, au sens contractuel, en état d'incapacité temporaire totale de travail pour ses troubles dépressifs du 15 juillet 2011 au 14 juillet 2014 ; qu'à la date du 15 juillet 2014, son état psychique pouvait être considéré comme consolidé avec un état d'invalidité professionnelle d'origine psychique à 40% ; qu'il y a donc lieu, concernant la période du 12 juillet 2012 au 14 juillet 2014 de condamner les sociétés April Santé Prévoyance et Axeria Prévoyance à payer à M. R... S... une somme de : 182,94 euros (indemnité journalière non contestée par les parties) X 733 jours = 134 095,02 euros ; que concernant la période postérieure au 15 juillet 2014 (date de la consolidation fixée par l'expertise) M. R... S... a été placée en invalidité, avec un taux retenu de 40% ; qu'il y a donc lieu de condamner les sociétés April Santé Prévoyance et Axeria Prévoyance à prendre en charge les conséquences financières du placement en invalidité de M. R... S..., étant précisé qu'aux termes des conditions générales la garantie cesse : lorsque l'assuré atteint l'âge requis pour faire valoir ses droits à une pension de vieillesse ou se trouve en pré-retraite et au plus tard à son 65ème anniversaire ; qu'il appartiendra dès lors à M. R... S..., aux fins de bénéficier d'une prise en charge jusqu'à ses 65 ans, de justifier auprès des sociétés April Santé Prévoyance et Axeria Prévoyance de sa situation au regard de son régime de retraite ; que M. R... S... n'apporte aucun élément tendant à démontrer, comme il le soutient, une obligation de prise en charge, hors situation de retraite, jusqu'à l'âge de 67 ans ; qu'en effet, les conditions générales prévoient : suite à la réforme des retraites (loi 2010-1330), l'âge maximal de fin des garanties, à l'exception de la garantie « Perte de Profession » est prorogé de deux ans ; que cette prorogation de garantie ne s'applique pas aux sinistres dont l'indemnisation a débuté avant le 1er juillet 2011, ce qui est le cas en l'espèce ;
1°) ALORS QU'une partie ne peut être condamnée au profit d'une autre qui n'a formulé aucune demande à son encontre ; que la cour d'appel ayant, dans son arrêt partiellement avant dire droit du 2 avril 2015, confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a mis hors de cause la société April santé prévoyance, M. S... sollicitait la condamnation de la seule société Axeria prévoyance à lui verser une indemnisation au titre du contrat d'assurances ;
que dès lors en condamnant la société April santé prévoyance, avec la société Axeria prévoyance, à payer à M. S... une indemnisation au titre de la période d'incapacité totale de travail et au titre de la période d'invalidité, la cour a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°) ALORS en outre et en toute hypothèse QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité et que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut au défaut de motifs ; que statuant sur le montant de l'indemnisation due à M. S... au titre de l'invalidité, à compter de la date de consolidation (15 juillet 2014), la cour d'appel a retenu, dans sa motivation, que, suivant les conditions générales, les sociétés Axeria prévoyance et April santé devaient prendre cette indemnisation en charge jusqu'à ce que l'assuré atteigne l'âge requis pour faire valoir ses droits à une pension de vieillesse ou se trouve en pré-retraite, et au plus tard à son 65ème anniversaire, de sorte que M. R... S... devrait, pour une prise en charge jusqu'à 65 ans, justifier auprès des sociétés Axeria prévoyance et April santé de sa situation au regard de son régime de retraite ; mais que dans le dispositif de sa décision, la cour d'appel a néanmoins d'emblée condamné les sociétés Axeria prévoyance et April santé à payer à M. [...] la somme de 463 227,61 euros, au titre de la prise en charge de son invalidité à compter du 15 juillet 2014 jusqu'à ses 65 ans ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, a privé sa décision de motifs, et a violé l'article 455 du code de procédure civile.