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16/01/2020 | FRANCE | N°16-24352

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 16 janvier 2020, 16-24352


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 juin 2016), que la SCI rue Paul Hervieu, assurée auprès de la société Axa, a fait procéder à des travaux de construction de logements après démolition des anciens bâtiments de l'Imprimerie nationale ; que sont intervenues au cours de cette opération la société Archipel, assurée auprès de la société MAF, en qualité de maître d'oeuvre, la société SICRA, en charge de l'ensemble des travaux, et la société VDSTP, sous-trai

tant chargé des terrassement et voiles périmétriques et assuré auprès de la SMABTP de...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 juin 2016), que la SCI rue Paul Hervieu, assurée auprès de la société Axa, a fait procéder à des travaux de construction de logements après démolition des anciens bâtiments de l'Imprimerie nationale ; que sont intervenues au cours de cette opération la société Archipel, assurée auprès de la société MAF, en qualité de maître d'oeuvre, la société SICRA, en charge de l'ensemble des travaux, et la société VDSTP, sous-traitant chargé des terrassement et voiles périmétriques et assuré auprès de la SMABTP devenue la SMA ; qu'une première expertise a été ordonnée en référé préventif le 9 février 2000 ; qu'à la suite de désordres occasionnés aux propriétés voisines par une décompression de terrain, les consorts E... Y... ont sollicité une nouvelle expertise, ainsi que le paiement d'une provision par assignation en référé du 12 septembre 2008 ; que ces demandes ont été rejetées par ordonnance du 17 décembre 2008 ; que, par actes des 21 et 26 octobre 2011 et 4 novembre 2011, les consorts E... Y... ont assigné la SCI rue Paul Hervieu, la société Archipel, la société SICRA et la société VDSTP, ainsi que leurs assureurs respectifs, en indemnisation de leurs préjudices sur le fondement de troubles anormaux du voisinage ;

Attendu que les consorts E... Y... font grief à l'arrêt de déclarer leurs demandes prescrites, alors, selon le moyen :

1°/ que l'action fondée sur un trouble anormal de voisinage est de nature réelle et immobilière et se prescrit par trente ans, lorsqu'elle tend principalement à la réparation de désordres affectant la structure même d'un bien immobilier ; que la nature réelle ou personnelle de l'action se déduit de la nature du trouble invoqué ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que les travaux en litige avaient porté atteinte à la structure même des biens immobiliers des consorts E... Y..., la cour a cependant écarté l'application de la prescription trentenaire, au motif que le trouble émanant du fonds voisin en travaux n'avait pas affecté le fonds dont les consorts E... sont propriétaires, dans ses caractères, dans ses avantages ou utilités, et ne s'était pas traduit par une affectation de leurs prérogatives de propriétaires, dès lors qu'un tel trouble aurait nécessité une réparation en nature, et non une réparation d'ordre pécuniaire, telle que celle réclamée par les consorts E... ; qu'en déniant à l'action fondée sur le trouble anormal de voisinage un caractère réel, au seul motif que la réparation sollicitée n'était pas en nature, mais d'ordre pécuniaire, la cour, qui a fait dépendre la nature de l'action, de la nature de l'indemnité réclamée et non de la nature du trouble, a violé l'article 2227 du code civil ;

2°/ que, dans son rapport d'expertise, M. J... indique : « 25 octobre 2001 : examen des nouveaux désordres dans les pavillons de la [...] » et rappelle dans sa réponse au dire de Me H..., conseil des époux R... et E..., du 10 décembre 2001, « que les pavillons tant de M. E... que de M. R... ne sont pas fondés, ils sont posés sur une dalle sur les remblais et qu'il est inévitable, compte tenu des désordres de décompression de terrain, que ceux-ci ne soient pas encore stabilisés en décembre 2001 » ; qu'en énonçant qu'il résultait du rapport d'expertise que les désordres causés aux biens des consorts E... Y... avaient cessé de s'aggraver à la fin du mois de juillet 2001, la cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise et a violé l'article 1134 ancien du code civil ;

3°/ qu'en énonçant qu'il résultait du rapport d'expertise que les désordres avaient cessé de s'aggraver à la fin du mois de juillet 2001, sans répondre aux conclusions des appelants qui faisaient valoir que l'expert avait constaté l'existence de nouveaux désordres le 25 octobre 2001 et que les désordres de décompression de terrain n'étaient pas encore stabilisés en décembre 2001, de sorte que le point de départ du délai de prescription décennale ne pouvait être fixé avant le 1er janvier 2002, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que les actions en responsabilité exercées par les tiers à l'encontre des constructeurs se prescrivent pas dix ans à compter de la réception des travaux ; qu'en énonçant que le point de départ du délai de prescription décennal ne peut se situer à la date de réception des travaux, dès lors que ce délai particulier prévu en matière de construction, n'est pas applicable aux tiers à l'opération de construction, la cour d'appel a violé l'article 1792-4-3 du code civil ;

5°/ que l'interruption de la prescription est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée ; qu'en l'espèce, la cour a énoncé que le défaut de signification de l'ordonnance de référé ne pouvait faire échec au caractère non avenu de l'interruption de prescription résultant du rejet définitif des demandes formées dans le cadre du référé ; qu'en statuant de la sorte, alors que faute de signification de l'ordonnance de référé, une voie de recours suspensive d'exécution pourrait toujours être exercée à son encontre, de sorte que le rejet des demandes des consorts E... n'étant pas définitif, l'assignation en référé du 19 septembre 2008 a interrompu le délai de prescription, la cour d'appel a violé l'article 2243 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant retenu à bon droit que l'action en responsabilité fondée sur un trouble anormal du voisinage constitue, non une action réelle immobilière, mais une action en responsabilité civile extra-contractuelle soumise à une prescription de dix ans en application de l'article 2270-1, ancien, du code civil, réduite à cinq ans à compter de l'entrée en vigueur de l'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, le délai restant à courir à compter de l'entrée en vigueur de ce texte étant inférieur à cinq ans, et constaté, sans dénaturation du rapport d'expertise, que les désordres s'étaient stabilisés une fois les travaux de consolidation réalisés le 31 juillet 2001 sans aggravation ultérieure démontrée, la cour d'appel en a exactement déduit que le délai de prescription expirait le 31 juillet 2011, de sorte que l'action engagée le 25 octobre 2011 était prescrite ;

Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a retenu à bon droit que l'action de l'article 1792-4-3 du code civil, réservée au maître de l'ouvrage, n'est pas ouverte aux tiers à l'opération de construction agissant sur le fondement d'un trouble du voisinage ;

Attendu, enfin, qu'ayant constaté que le rejet de l'ensemble des demandes présentées au juge des référés, qui avait épuisé sa saisine, était définitif au sens de l'article 2243 du code civil, à défaut de signification de l'ordonnance du 17 décembre 2008 dans les deux ans de son prononcé, la cour d'appel en a exactement déduit que l'interruption de la prescription consécutive à l'assignation devant cette juridiction était non avenue ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les consorts E... Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour les consorts E... Y....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables car prescrites les demandes formées M. X... E..., Mme B... Y... et Mme N... Y... ;

AUX MOTIFS QUE, l'action engagée n'était pas une action réelle immobilière, la prescription trentenaire de l'article 2227 du code civil n'est pas applicable ; que l'action des consorts E... étant fondée sur la théorie du trouble anormal de voisinage et l'article 1382 du code civil, cette action, de nature quasi délictuelle, était soumise à une prescription de 10 ans suivant l'ancienne rédaction de l'article 2270-1 du code civil ; que cette prescription a été ramenée à 5 ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, l'action étant désormais régie, au regard de la prescription, par les dispositions de l'article 2224 du code civil disposant que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer » ; que compte tenu des éléments du dossier, le point de départ de la prescription pour une action fondée sur les troubles anormaux de voisinage, est la date à laquelle les consorts E... Y... ont connu ou auraient dû connaître des faits leur permettant d'exercer leur action ; que cette connaissance des faits se situe en réalité à la date à laquelle ces désordres ont cessé de s'aggraver ; qu'au vu du rapport d'expertise de M. J..., désigné dans le cadre d'un référé préventif, cette apparition des désordres se situe, comme l'a relevé le premier juge, à partir de février 2001 avec une aggravation se poursuivant jusqu'à la fin de juillet 2001 ; que le point de départ du délai de prescription pour agir en réparation des dommages, se situe donc au plus tard non pas au 15 juin 2011 [il faut lire : 15 juin 2001] comme l'indique le tribunal, mais à la date du 31 juillet 2001 ; que ce point de départ ne pouvait être reporté à la date du rapport de l'expert le 18 septembre 2003, comme le soutiennent à tort les appelants, les faits étant déjà connus par eux depuis février 2001, étant relevé que la connaissance des faits, doit être distinguée de la question de l'évaluation du préjudice, laquelle n'a pu être chiffrée et déterminée que grâce au rapport de l'expert ; que la modification du délai de prescription intervenue en 2008 ne peut avoir eu pour effet de faire courir un nouveau délai de prescription pour 5 ans ; que compte tenu des dispositions transitoires de la loi (article 26), le nouveau délai de 5 ans s'appliquait certes aux prescriptions en cours à compter du jour de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, mais ne pouvait excéder la durée du délai prévu par la loi antérieure ; que pour un point de départ situé au 31 juillet 2001, le délai expirait avant la loi de 2008 au 31 juillet 2011 ; que depuis 2008, le délai de prescription ne pouvait être valable que pour la durée restant à courir qui expirait toujours le 31 juillet 2011 ; que le point de départ de ce délai ne pouvait se situer à la date de réception des travaux comme le soutiennent encore à tort les appelants, ce délai particulier prévu en matière de construction, ne pouvant leur être appliqué en raison du fait qu'ils n'étaient pas parties, mais tiers à l'opération de construction ; que s'agissant de l'interruption de la prescription, les actes suspensifs ou interruptifs de prescription dont se prévalent les appelants ne sont pas non plus opérants ; qu'en effet, la prescription n'a pu être suspendue par le référé préventif comme le prévoit l'article 2239 du code civil, cette cause de suspension du délai de prescription, introduite par la loi du 17 juillet 2008, n'existant pas avant la réforme de la prescription et l'expertise J... étant déjà terminée bien avant l'entrée en vigueur de la loi ainsi que l'avait relevé le premier juge ; qu'elle n'a pu davantage être interrompue par l'assignation en référé provision des époux E... du 19 septembre 2009 [il faut lire : 19 septembre 2008], dont les demandes ont été rejetées par une ordonnance de référé du 17 décembre 2008 ; que contrairement à ce que soutiennent les appelants qui affirment que leur demande n'a pas été définitivement rejetée faute de signification de l'ordonnance, l'interruption est selon l'article 2243 du code civil « non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée » ; que le défaut de signification de l'ordonnance de référé ne peut faire échec au caractère non avenu de l'interruption de prescription résultant du rejet définitif des demandes formées dans le cadre du référé ; qu'au vu de cet ensemble d'éléments, l'action au fond engagée par les consorts E... et Y... par leur assignation du 25 octobre 2011 est bien prescrite ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevables comme prescrites, les demandes formées par les appelants ; que ces derniers seront donc déboutés de l'intégralité de leurs demandes ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE, sur la prescription, les troubles anormaux de voisinage sont soit réels soit personnels ; selon qu'il s'agit d'une action réelle ou personnelle, le délai sera trentenaire, ou décennal ou encore quinquennal selon la loi applicable, une réforme de la prescription étant intervenue en 2008 ; sur l'application éventuelle d'une prescription trentenaire, que l'article 2227 du code civil dispose : « le droit de propriété est imprescriptible. Sous cette réserve, les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer » ; que ce texte qui ne protège que le droit de propriété d'un bien immobilier, suppose une atteinte à ce droit ; qu'une description des désordres, et une analyse des modalités de réparation pourront permettre au tribunal de déterminer le cadre de l'action engagée par les consorts E... ; sur l'analyse des désordres, qu'il résulte du rapport d'expertise demandé à titre préventif, que le sinistre est survenu pendant les travaux de terrassement (pages 73 et 99), comme pour les autres fonds voisins ; que ce sinistre s'est manifesté par : - des désordres très importants qui ont affecté le « bâtiment jardin» (« le sol s'est décompressé, engendrant des désordres dans les sols carrelés perpendiculaires au chantier engendrant des désordres dans toutes les pièces ») ; qu'ils sont plus exactement apparus dès les premiers travaux d'exécution des voiles contre-terre sous le mur séparatif entre le bâtiment et le chantier, et qui se sont accentués de façon importante lors du remplacement des butons provisoires en bois par les butons métalliques définitifs avant exécution des voiles et radier, - des désordres de déstabilisations légers consécutifs à la décompression du jardin donnant sur le chantier, ainsi que des désordres de structures dans l'appentis (donnant sur le jardin accueillant une salle de bains 1930) qui ont été observés dans le « bâtiment rue » (désordres d'embellissement caractérisés essentiellement par des fissurations) ; que depuis, les désordres se sont stabilisés, et des travaux réparatoires ont pu être envisagés ; sur les règles de prescription applicables : qu'il ressort du rapport de l'expert, qui évalue le préjudice des consorts E... à la somme de 156.689,26 € TTC, qu'une réparation d'ordre pécuniaire est envisagée ; que les consorts E... ne réclament d'ailleurs que des dommages et intérêts en réparation de leurs différents préjudices ; que le trouble émanant du fonds voisin en travaux, n'a donc pas affecté le fonds dont les consorts E... sont propriétaires, dans ses caractères, dans ses avantages ou utilités, et ne s'est pas traduit par une affectation de leurs prérogatives de propriétaires, qui aurait nécessité une réparation en nature, qui n'est donc pas réclamée ; que sans remettre en cause l'existence d'un préjudice, le tribunal est donc amené à considérer qu'il ne s'agit pas dans ce cas d'une véritable atteinte au droit de propriété auquel la prescription trentenaire serait applicable ; que dès lors, le tribunal retient que la situation ainsi créée ne ressort que de la seule responsabilité civile quasi-délictuelle ; que la prescription trentenaire n'est donc pas applicable ; sur l'irrecevabilité soulevée : qu'en application des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008 portant réforme des prescriptions civiles, les dispositions de cette loi réduisant la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de cette loi (soit le 18 juin 2008), sans cependant que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; que si le délai de prescription quinquennal prévu par la loi du 17 juin 2008 commence à courir à compter du 18 juin 2008, cela ne peut cependant aboutir à allonger la durée de la prescription au-delà de la date à laquelle le précédent délai de prescription, plus long, expirait ; qu'en matière d'action en responsabilité quasi-délictuelle, l'article 2270-1 prévoyait que les actions en responsabilité civile extra-contractuelles se prescrivaient par 10 ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation ; que les arguments des consorts E..., concernant « la naissance de la créance indemnitaire », qui n'ont pas de traduction juridique, seront donc écartés ; qu'il convient donc, en l'espèce, de déterminer la date à laquelle cette prescription a commencé à courir, et la date à laquelle elle a expiré ; que les consorts E... soutiennent que la prescription a commencé à courir au jour du dépôt du rapport, soit le 18 septembre 2003 ; rappelons que dans le cas d'espèce, les opérations d'expertise sont intervenues dans un cadre préventif, avant le début des travaux, et que toutes les parties conviées dont les consorts E..., en présence de l'expert, ont été attentives à l'apparition des désordres ; que dans ce cadre précis, la date de dépôt du rapport ne peut être confondue avec la date de manifestation du dommage, ou bien même de son aggravation, point de départ des délais au terme de l'article pré-cité ; qu'il résulte du rapport d'expertise que chronologiquement, les travaux ont commencé début janvier 2001, que les désordres sont apparus environ 15 jours après le coulage de la partie haute du voile, qu'ils se sont accentués fins mars 2001, puis à la mi-juin 2001 (le 27 juillet 2001 et à la mi-août 2001, l'expert ne constate plus d'aggravation mais au contraire une stabilisation ; que si ultérieurement, les consorts E... allèguent une aggravation des désordres, en l'absence de preuve contradictoire, ils ne le démontrent pas ; que ni leur lettre du 9 septembre 2002, ni celle du 27 mars 2003, ne sont des preuves de l'aggravation des désordres ; que dans un dire du 30 avril 2003, ils prétendent que des fissures en façade apparaissent ; or l'agrandissement de photographies prises avant les travaux ont prouvé que ces fissures existaient préalablement (pages 86 et 87 du rapport) ; que c'est donc au plus tard à compter du 15 juin 2001, que le délai à l'encontre d'un éventuel responsable a commencé à courir ; qu'il n'y a donc pas lieu d'appliquer la prescription quinquennale, puisqu'à la date de l'entrée en vigueur de la loi, il restait moins de 5 ans à courir ; qu'aucune cause de suspension n'est par ailleurs valablement intervenue, aucune impossibilité d'agir ne pouvant être constatée, l'assignation en référé du 19 septembre 2008, qui s'est soldée par un débouté de la demande d'expertise et de la demande de provision par décision en date du 17 décembre 2008 (décision sur le fond même du référé), n'étant nullement une cause de suspension efficace du délai, la durée de l'expertise, terminée avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, ne l'étant pas davantage, en application des textes applicables avant la réforme ; que les consorts E..., ayant saisi la présente juridiction par acte introductif d'instance du 26 octobre 2011, leur action est prescrite ; que leurs demandes sont irrecevables ;

ALORS QUE, DE PREMIÈRE PART, l'action fondée sur un trouble anormal de voisinage est de nature réelle et immobilière et se prescrit par trente ans, lorsqu'elle tend principalement à la réparation de désordres affectant la structure même d'un bien immobilier ; que la nature réelle ou personnelle de l'action se déduit de la nature du trouble invoqué ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que les travaux en litige avaient porté atteinte à la structure même des biens immobiliers des consorts E... Y..., la cour a cependant écarté l'application de la prescription trentenaire, au motif que le trouble émanant du fonds voisin en travaux n'avait pas affecté le fonds dont les consorts E... sont propriétaires, dans ses caractères, dans ses avantages ou utilités, et ne s'était pas traduit par une affectation de leurs prérogatives de propriétaires, dès lors qu'un tel trouble aurait nécessité une réparation en nature, et non une réparation d'ordre pécuniaire, telle que celle réclamée par les consorts E... ; qu'en déniant à l'action fondée sur le trouble anormal de voisinage un caractère réel, au seul motif que la réparation sollicitée n'était pas en nature, mais d'ordre pécuniaire, la cour, qui a fait dépendre la nature de l'action, de la nature de l'indemnité réclamée et non de la nature du trouble, a violé l'article 2227 du code civil ;

ALORS QUE, DE DEUXIÈME PART, dans son rapport d'expertise, M. J... indique : « 25 octobre 2001 : examen des nouveaux désordres dans les pavillons de la [...] » (Prod. 4, rapport p. 30) et rappelle dans sa réponse au dire de Me H..., conseil des époux R... et E..., du 10 décembre 2001, « que les pavillons tant de M. E... que de M. R... ne sont pas fondés, ils sont posés sur une dalle sur les remblais et qu'il est inévitable, compte tenu des désordres de décompression de terrain, que ceux-ci ne soient pas encore stabilisés en décembre 2001 » (Prod. 4, rapport p. 95) ; qu'en énonçant qu'il résultait du rapport d'expertise que les désordres causés aux biens des consorts E... Y... avaient cessé de s'aggraver à la fin du mois de juillet 2001, la cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise et a violé l'article 1134 ancien du code civil ;

ALORS QUE, DE TROISIÈME PART, en énonçant qu'il résultait du rapport d'expertise que les désordres avaient cessé de s'aggraver à la fin du mois de juillet 2001, sans répondre aux conclusions des appelants qui faisaient valoir que l'expert avait constaté l'existence de nouveaux désordres le 25 octobre 2001 et que les désordres de décompression de terrain n'étaient pas encore stabilisés en décembre 2001, de sorte que le point de départ du délai de prescription décennale ne pouvait être fixé avant le 1er janvier 2002, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.

ALORS QUE, DE QUATRIÈME PART, les actions en responsabilité exercées par les tiers à l'encontre des constructeurs se prescrivent pas dix ans à compter de la réception des travaux ; qu'en énonçant que le point de départ du délai de prescription décennal ne peut se situer à la date de réception des travaux, dès lors que ce délai particulier prévu en matière de construction, n'est pas applicable aux tiers à l'opération de construction, la cour d'appel a violé l'article 1792-4-3 du code civil ;

ALORS QUE, DE CINQUIÈME PART, l'interruption de la prescription est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée ; qu'en l'espèce, la cour a énoncé que le défaut de signification de l'ordonnance de référé ne pouvait faire échec au caractère non avenu de l'interruption de prescription résultant du rejet définitif des demandes formées dans le cadre du référé ; qu'en statuant de la sorte, alors que faute de signification de l'ordonnance de référé, une voie de recours suspensive d'exécution pourrait toujours être exercée à son encontre, de sorte que le rejet des demandes des consorts E... n'étant pas définitif, l'assignation en référé du 19 septembre 2008 a interrompu le délai de prescription, la cour d'appel a violé l'article 2243 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 16-24352
Date de la décision : 16/01/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

PRESCRIPTION CIVILE - Interruption - Acte interruptif - Assignation en référé - Ordonnance de référé - Effet interruptif - Conditions - Détermination - Portée

A défaut de signification de l'ordonnance dans les deux ans de son prononcé, le rejet de l'ensemble des demandes par le juge des référés, qui a épuisé sa saisine, est définitif, de sorte que l'interruption de la prescription consécutive à l'assignation en référé est non avenue


Références :

Sur le numéro 1 : article 2270-1 ancien du code civil

article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008.
Sur le numéro 2 : article 1792-4-3 du code civil.
Sur le numéro 3 : article 2243 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 29 juin 2016

N1 Sur la prescription de l'action en responsabilité extra-contractuelle pour troubles anormaux de voisinage, à rapprocher :2e Civ., 13 septembre 2018, pourvoi n° 17-22474, Bull. 2018, II, (rejet).N2 Sur l'indemnisation du préjudice subi par le tiers pour trouble de jouissance résultant des désordres de construction, à rapprocher :3e Civ., 18 janvier 2006, pourvoi n° 03-20999 et 04-10.250, Bull. 2006, III, n° 19 (cassation)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 16 jan. 2020, pourvoi n°16-24352, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Boulloche, SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Gadiou et Chevallier, SCP Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:16.24352
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