LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 9 octobre 2017), que Mme J..., propriétaire de lots dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, a été assignée par le syndicat des copropriétaires en paiement de charges ; que Mme J..., se plaignant des dommages subis par ses lots à la suite d'infiltrations d'eau, a sollicité la condamnation du syndicat des copropriétaires à lui payer des dommages et intérêts pour la remise en état de ses lots et la réparation du préjudice résultant de l'impossibilité de louer ceux-ci ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que Mme J... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande relative à la remise en état des lots ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que Mme J... produisait un rapport d'expertise judiciaire ancien, du 15 septembre 2009, un rapport de visite des services de la commune de Levallois du 13 octobre 2014 et un rapport d'expertise établi le 5 décembre 2015, à la demande de son assureur, et souverainement retenu que ces pièces ne suffisaient pas à établir que les désordres et préjudices allégués étaient imputables au syndicat des copropriétaires, ni qu'ils étaient toujours d'actualité, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a pu en déduire que la demande au titre des travaux de remise en état des lieux ne pouvait être accueillie ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que Mme J... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande au titre de la perte de chance de percevoir des loyers ;
Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que Mme J... ne démontrait pas que ses lots étaient destinés à être loués, ni qu'ils n'avaient pu l'être par la faute du syndicat des copropriétaires, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme J... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille dix-neuf.
Le conseiller rapporteur le president
Le greffier de chambre
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour Mme J...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté la demande de Mme J... tendant à la condamnation du Syndicat des copropriétaires à lui régler la somme de 5 000 euros au titre de remise en état de ses lots ;
AUX MOTIFS QUE «Sur l'insalubrité des lots de Mme J... Mme J... développe les mêmes arguments et produit les mêmes pièces qu'en première instance au soutien de ses nouvelles prétentions. Cependant, c'est par d'exacts motifs que cette cour adopte que les premiers juges ont retenu que Mme J... ne démontrait pas que les désordres et préjudices allégués étaient imputables au syndicat de sorte que sa demande de dommages et intérêts au titre des travaux de remise en état de ses lots ne saurait être accueillie.
En outre, force est de constater que Mme J... ne produit aucun élément nouveau, ni devis relatifs à la réparation des désordres qu'elle invoque de sorte qu'elle est défaillante dans l'administration de la preuve de la réalité et l'actualité tant des préjudices qu'elle invoque que de leur imputabilité au syndicat des copropriétaires.
De plus, comme l'ont relevé fort justement les premiers juges, peu important l'existence de ces désordres, il est patent qu'ils ne la dispenseraient pas de régler régulièrement les charges de copropriété.
Enfin, l'article 1347-1 du code civil dispose que la compensation ne peut avoir lieu qu'entre deux obligations certaines, liquides et exigibles ce que n'établit pas Mme J....
Il découle de l'ensemble des développements qui précèdent que la demande de dommages et intérêts au titre des travaux de remise en état qui n'est pas justifiée ne sera pas accueillie »
(arrêt page 5) ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE «Mme J... sollicite l'autorisation de séquestrer les sommes dues en faisant valoir que le syndicat des copropriétaires ne remplit pas ses obligations d'entretien et de réparation des parties communes. Elle produit à cet effet un rapport d'expertise judiciaire ancien puisqu'il date du 15 septembre 2009 sans justifier des suites judiciaires données à ce rapport. Elle produit également un rapport de visite des services de la ville de Levallois du 13 octobre 2014 et un rapport d'expertise de son assureur du 5 décembre 2015. Ces pièces ne suffisent pas à établir les travaux qui seraient imputables au syndicat des copropriétaires
.
Par conséquent, outre le fait que Mme J... ne peut suspendre son obligation de paiement des charges pour motifs allégués, elle ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'elle subirait du fait de l'absence de réalisation par le syndicat des copropriétaires des travaux lui incombant.
Mme J... sera donc déboutée de sa demande de consignation des sommes dues au syndicat des copropriétaires » (jugement page 3) ;
ALORS D'UNE PART QUE le jugement doit être motivé ; qu'en l'espèce, l'exposante avait fait valoir que depuis de nombreuses années, ses lots subissent des désordres importants dus à des dégâts des eaux dont l'origine se trouve en toiture, partie commune (conclusions page 3, § 9) ; qu'elle a versé aux débats tout d'abord le rapport du 15 septembre 2009 de M M... O..., expert judiciaire, qui avait constaté « de nombreux désordres
dans les deux pièces occupées par Mme J..., fissures, décollements d'enduit et de peinture, infiltrations » (rapport page 10, en production) ainsi qu'un rapport d'expertise de M C... G... du 5 décembre 2015 qui a confirmé que « depuis 2006, (des) infiltrations récurrentes en provenance de la toiture de l'immeuble endommagent les deux chambres de (Mme J...), copropriétaire occupante au dernier étage de l'immeuble administré par le Cbt Foncia » et que la cause n'a pas été supprimée à la date de cette expertise (rapport page 1, en production) ainsi que des photographies des lieux lui appartenant attestant de la réalité des dommages (photographies en production) et un courrier de Mme Y... R..., adjointe au Maire délégué au logement et à l'amélioration de l'habitat de la Ville de Levallois, du 13 octobre 2014, qui a décrit des « dégradations et infiltrations importantes des murs », des « diverses infiltrations en toiture » et un « dysfonctionnement partiel de l'installation électrique » (courrier en production) ; qu'il résulte de ces pièces à la fois la réalité et l'actualité de ces désordres ; que la Cour d'appel a néanmoins dit que la demande de dommages et intérêts au titre des travaux de remise en état n'est pas justifiée (arrêt page 5, § 8) dans la mesure où l'exposante serait « défaillante dans l'administration de la preuve de la réalité et l'actualité tant des préjudices qu'elle invoque que de leur imputabilité au syndicat des copropriétaires » (arrêt page 5, § 5) et « ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'elle subirait du fait de l'absence de réalisation par le syndicat des copropriétaires des travaux lui incombant » (jugement page 3) ; qu'en rejetant ainsi la demande de Mme J..., par voie de simple affirmation et sans aucune analyse, même succincte, des pièces soumises à son appréciation, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS D'AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHESE QU'en se bornant à rejeter la demande de l'exposante tendant à la condamnation du Syndicat au versement d'une somme de 5 000 euros au titre des travaux de réparation au motif que Mme J... ne produit aucun élément nouveau, ni devis relatif à la réparation des désordres qu'elle invoque (arrêt page 5, § 5) sans rechercher, comme il lui a été demandé, si la réalité et l'actualité des préjudices ne résultaient pas du rapport d'expertise judiciaire dont les constatations ont été confirmées par les photographies, par le rapport ultérieur du 5 décembre 2015 et par la lettre de la Ville de Levallois du 13 octobre 2014 versées aux débats, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil dans sa version applicable aux faits du litige ;
ALORS EN OUTRE QUE le jugement doit être motivé ; que méconnaît les exigences de ce texte le juge du fond qui statue par une affirmation sans réelle motivation ; qu'en l'espèce, l'exposante avait tout d'abord fait valoir que le Syndicat savait que les biens immobiliers, propriété de Mme J..., étaient parfaitement insalubres (conclusions de Mme J... page 2) dans la mesure où il était partie à l'expertise judiciaire confiée à M O... par le Tribunal de grande instance de Nanterre (conclusions page 3) ; qu'il résulte en outre du rapport d'expertise judiciaire que « s'agissant de désordres dont l'origine se situe dans la toiture de l'immeuble, partie commune, le montant des travaux de réfection de la toiture devrait être mise à la charge du Syndicat des copropriétaires » (rapport page 12) et que par lettre de la Ville de Levallois du 13 octobre 2014, Mme R..., adjoint au Maire délégué au Logement et à l'Amélioration de l'Habitat, a demandé au Syndic de remédier à l'ensemble des désordres ; que l'expert M G..., enfin, a adressé son rapport d'expertise au Syndic le 5 décembre 2014 en lui demandant « de prendre toutes les dispositions nécessaires pour rechercher et supprimer la fuite »; que dans la mesure où il est incontestable d'une part que les dommages résultaient d'une défaillance de la toiture, partie commune et d'autre part que la réparation des parties communes fait partie des obligations du Syndicat, il n'est pas sérieusement contestable que sont imputables à ce Syndicat les préjudices causés aux parties privatives d'un copropriétaire par un manquement du Syndicat à son obligation de réparation ; qu'en rejetant la demande de l'exposante en disant que « Mme J... ne démontrait pas que les désordres et préjudices allégués étaient imputables au Syndicat de sorte que sa demande de dommages et intérêts au titre des travaux de remise en état de ses lots ne saurait être accueillie » (arrêt page 5), la cour d'appel a statué par une motivation de pure forme, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHESE QU'en se bornant à rejeter la demande de l'exposante tendant à la condamnation du Syndicat au paiement des travaux de réparation au motif que Mme J... « ne démontrait pas que les désordres et préjudices allégués étaient imputables au Syndicat » (arrêt page 5, § 5) sans rechercher, comme il lui a été demandé, s'il ne résultait pas du rapport d'expertise judiciaire dont les constatations ont été confirmées par les photographies, par le rapport ultérieur du 5 décembre 2015 et par la lettre de la Ville de Levallois du 13 octobre 2014 versés aux débats, que les désordres étaient imputables au Syndicat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil dans sa version applicable aux faits du litige.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté la demande de Mme J... tendant à la condamnation du Syndicat des copropriétaires à lui régler la somme de 15 000 euros au titre de la perte de chance de percevoir des loyers locatifs ;
AUX MOTIFS QUE « Sur le préjudice résultant d'une perte de chance de percevoir des revenus locatifs Mme J... se borne à soutenir que l'absence de mesure prise par le syndicat à faire face à la sauvegarde de l'immeuble et compte tenu de l'état de vétusté avancée de ses logements, elle n'a pu procéder à leur location et que, si elle avait pu les louer au cours de ces cinq dernières années, elle aurait pu percevoir 13 620 euros pour le lot n° 131 et 17 160 euros pour le lot n° 133 de sorte que le syndicat devra, selon elle, être condamné à lui verser 15 000 euros en réparation de la perte de chance réparable, la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable.
En l'espèce, Mme J... ne démontre nullement que ces lots étaient destinés à être loués ni qu'ils n'ont pu l'être en raison du comportement condamnable du syndicat des copropriétaires. En d'autres termes, elle ne rapporte pas la preuve de la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable imputable au syndicat.
Il découle de ce qui précède que sa demande, injustifiée, ne sera pas accueillie » (arrêt pages 5 et 6) ;
ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, Mme J... avait fait valoir qu'elle « ne peut jouir pleinement de ses lots dont elle est propriétaire
ces locaux sont parfaitement insalubres, il pleut dans ses parties privatives, il n'y a plus de plancher ni de sous toiture. En outre, elle ne peut mettre en location ces deux chambres de service qu'elle pourra facilement louer, notamment à des jeunes étudiants à la recherche de petit logement proche de Paris, ce qui lui occasionne une perte de revenus non négligeable » (conclusions page 6) ; qu'il résulte en effet du rapport de l'expert judiciaire, des photographies et du rapport d'expertise amiable versés aux débats l'existence de nombreux désordres et notamment des fissures, décollement d'enduit et de peinture, infiltrations (rapport page 10) ; que par lettre du 13 octobre 2014, l'adjointe du maire de la Ville de Levallois a en outre constaté le mauvais état général des parties communes ; qu'en se bornant à rejeter la demande de Mme J... tendant à la condamnation du Syndicat des copropriétaires à lui régler la somme de 15 000 euros au titre de la perte de chance de percevoir des loyers locatifs, au motif qu'elle « ne rapporte pas la preuve de la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable imputable au syndicat » (arrêt pages 5 et 6), sans rechercher, comme il le lui avait été demandé, s'il ne résultait pas de ces pièces l'impossibilité de louer ces chambres, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil dans sa version applicable aux faits du litige.
Le greffier de chambre