LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles L. 622-21 et L. 622-22 du code de commerce ;
Attendu que l'instance en référé tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une provision n'est pas une instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur, au sens du second de ces textes, de sorte qu'une cour d'appel, statuant sur l'appel formé par ce dernier contre l'ordonnance l'ayant condamné au paiement d'une provision, doit infirmer cette ordonnance et dire n'y avoir lieu à référé, la demande en paiement étant devenue irrecevable en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictée par le premier texte susvisé ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en matière de référé, que le 28 août 2015, Mme I... a assigné en référé la société Clever Invest en paiement d'une provision sur le complément de prix stipulé par un acte de cession de parts sociales conclu entre ces parties le 31 mars 2014 ; que la société Clever Invest ayant été mise en sauvegarde le 27 juin 2017, son administrateur et son mandataire judiciaires ont fait appel de l'ordonnance du 4 juillet 2017 ayant accueilli la demande de provision ;
Attendu que l'arrêt condamne la société Clever Invest, son administrateur et son mandataire judiciaires, ès qualités, au paiement d'une provision sur le complément du prix des parts sociales et qu'un second arrêt, rectificatif, substitue à cette condamnation en paiement une fixation de la créance de complément de prix au passif de la procédure collective de la société Clever invest ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la cour d'appel, qui était tenue de relever, au besoin d'office, l'irrecevabilité de la demande en paiement d'une provision et de constater qu'il revenait au seul juge-commissaire de se prononcer sur la déclaration de créance, ce qui la privait du pouvoir de statuer sur la créance, même en se bornant à la fixer, a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avertissement délivré aux parties ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 mars 2018 et rectifié le 28 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Infirme l'ordonnance rendue le 4 juillet 2017 par le président du tribunal de commerce de Paris ;
Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de Mme I... ;
Condamne Mme I... aux dépens, incluant ceux exposés devant les juges du fond ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Clever Invest, à la société CID et associés, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Clever Invest, et à la société Alliance, en qualité de mandataire judiciaire de la société Clever Invest, la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour Mme X..., ès qualités, et les sociétés Clever Invest et Alliance, ès qualités
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Clever Invest, Maître X..., en sa qualité d'administrateur judiciaire, et Maître D... O..., en sa qualité de mandataire judiciaire, à régler à Madame I... la somme de 390 261 euros au titre de provision sur le complément du prix de cession des parts sociales de la société Performance Partner, les intérêts étant arrêtés à la date du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde de la société Clever Invest ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' aux termes de l'article 873 du code civil, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ; que, pour condamner la société Clever Invest à payer à Mme I... une provision de 375 525 euros, le premier juge s'est fondé sur les articles 7 et 8 de l'acte de cession des parts sociales de la société Performance Partners signé entre les parties le 31 mars 2014 ; qu'il n'est pas contesté que cet article stipule, outre le paiement d'un prix « ferme et définitif » de 850.000 euros pour l'ensemble des 100 parts sociales cédées, celui d'un « complément de prix » d'un montant maximum de 275.000 euros établi sur la base d'un chiffre d'affaires à encaisser en 2014 comme exposé à l'article 8 qui indique que : « Le complément de prix a été établi sur la base d'un chiffre d'affaires hors taxe à facturer par la Société Performance Partner en 2014 d'un montant de 367.000 euros auprès de clients identifiés et dont le détail par client figure dans un état contradictoire. Cette somme sera payable par le cessionnaire en fonction de la date d'encaissement des factures correspondantes et au prorata des montants hors taxes encaissés selon les modalités suivantes : - le 31 décembre 2014 pour toutes les sommes encaissées avant cette date. Par exception. la somme de cinquante mille (50 000) euros sera versée le 10 du mois suivant l'encaissement à compter de ce jour des premiers cinquante mille euros (50.000 €), ' - au plus tard le dernier jour du mois de leur encaissement pour toutes les sommes encaissées après le 31 décembre 2014 ; A défaut de paiement aux échéances visées ci-dessus, une majoration de 10 % et un intérêt égal à 3 fois le taux de l'intérêt légal serait dû par le cessionnaire à la cédante, calculé à compter du 1er jour ouvré suivant la date d'échéance concernée, sans que le cessionnaire puisse se prévaloir de cette stipulation pour différer le paiement » ; qu'il est établi qu'à la suite de l'ordonnance entreprise, la société Clever Invest a bénéficié de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde par jugement rendu le 27 juin 2017 par le tribunal de commerce de Nanterre ; que Mme I... a déclaré sa créance par courrier du 7 juillet 2017 ; que, pour contester l'ordonnance entreprise, l'appelante cherche à établir l'existence d'une contestation sérieuse fondée sur l'absence de bonne foi des consorts I..., sur la nullité du complément de prix stipulé dans les articles 7 et 8 du contrat, et sur les agissements déloyaux des consorts I...; que la connaissance éventuelle que peuvent avoir les consorts I... des choix effectués par la société Clever Invest de limiter le versement de dividendes et de privilégier le remboursement de ses dettes auprès de la banque HSBC dans le cadre d'un protocole conclu avec cette dernière, dont le premier juge a retenu à bon droit qu'il n'était pas opposable à Mme I..., est sans effet sur les obligations résultant clairement des articles 7 et 8 du contrat conclu le 31 mars 2014 entre les parties ; que, sur la nullité alléguée de la clause de complément de prix, c'est en vain que l'appelante fait valoir des considérations d'ordre fiscal selon lesquelles le complément de prix devait présenter un caractère aléatoire à la date de réalisation de la cession et être indexé sur les performances futures de la société ; que la fraude alléguée par l'appelante apparaît d'autant moins établie qu'il n'est pas contesté que la sanction éventuelle du défaut d'aléa consisterait pour l'administration fiscale à dénier au cédant le bénéfice du régime plus favorable des plus-values de cession de valeurs mobilières, lequel a été accordé par l'administration dans une décision du 8 novembre 2017 ; qu'en outre il apparaît établi qu'un audit mené en préalable à l'acquisition du fonds de commerce par la société Clever Invest a mis en évidence l'existence de factures émises par la société Performance Partner avant la cession et restant à régler après celle-ci, expliquant par-là la stipulation d'un complément de prix, au demeurant caractérisé par l'aléa inhérent à tout recouvrement de factures ; qu'il s'en déduit que l'argument tiré de la prétendue nullité de la clause de complément de prix ne saurait prospérer ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE nous relevons que le complément de prix de 275.000 € non payé à Mme I... n'est pas contesté par la société Clever Invest ; qu'elle s'appuie sur le contenu d'un protocole transactionnel signé entre son client et la Banque HSBC, qui interdirait le versement à Mme I... de toutes sommes tant que la dette échelonnée par la banque HSBC ne serait pas soldée ; que nous relevons cependant que Mme I... n'est pas partie à ce protocole et qu'il ne lui est donc pas opposable ; que nous relevons également que cette dernière ne s'oppose pas à l'échelonnement de la dette ; qu'en conséquence, nous condamnerons la SAS Clever Invest à payer à Mme I... la somme de 375.525 €, intérêts compris (
) ;
1°) ALORS QUE dans leurs conclusions d'appel n° 2 récapitulatives et en réplique, signifiées le 31 janvier 2018 (p. 9 in fine et p.20 in limine), Mme et M. I... demandaient, non pas de condamner la société Clever Invest, Me X..., ès-qualités et Me O..., ès-qualités, à payer à Mme I... la somme de 390.261 € à titre de provision sur le complément du prix mais bien de fixer la créance détenue par Mme I... sur Clever Invest à la somme de 390.261 € au titre du complément de prix, tandis que la société Clever Invest, Me X..., ès-qualités et Me O..., ès-qualités sollicitaient dans leurs conclusions d'appel (notifiées le 26 octobre 2017, p.19) un débouté ; qu'en condamnant ces derniers à régler à Mme I... la somme de 390.321 € au titre de provision sur le complément de prix, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a donc violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance tend à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; qu'en l'espèce, en condamnant la société Clever Invest, Me X..., ès-qualité et Me O..., ès-qualités, à régler à Mme I... la somme de 390.261 €
à titre de provision sur le complément du prix de cession des parts sociales de la société Performance Partner, la cour d'appel a, en toute hypothèse, violé l'article L. 622-21 du code de commerce, ensemble l'article L. 622-17 du même code ;
AUX MOTIFS D'AUTRE PART QUE sur les agissement déloyaux reprochés aux consorts I..., l'appelante, pour caractériser la violation par M. I... de la clause de non-concurrence figurant à l'article 11 de l'acte de cession du 31 mars 2014, lui fait grief de sa candidature aux fonctions d'administrateur de la Fédération nationale des métiers du stationnement au titre de la société BL Partner, alors qu'avant la cession il représentait la société cédée auprès de cette fédération ; que l'article 11 de l'acte de cession prévoit effectivement que les consorts I... « s'interdisent de participer (...) à des activités de même nature que celles exploitées et développées par les sociétés Performance Partner et Yellow and Co ou susceptibles de les concurrencer, et notamment à ne pas acquérir, prendre ou détenir une quelconque participation dans une société exploitant et développant de telles activités. (...) Par exception, Monsieur ou madame I... pourront, soit personnellement, soit par l'intermédiaire d'une structure ad' hoc, exercer une activité de même nature sous la condition d'intervenir pour le compte ou à la demande du cessionnaire ou des sociétés Performance Partner et Yellow and Co » ; que toutefois il n'est pas démontré en quoi l'adhésion à la Fédération nationale des métiers du stationnement, organisme à but non lucratif, pourrait à elle seule constituer un acte de concurrence déloyale ; qu'il n'est pas contesté que M. I... n'est plus membre du conseil d'administration de cette fédération ; que ni la circonstance que M. I... a pu, à la faveur de ses fonctions auprès de cette fédération, se voir confier des missions de conseil et des missions d'études, ni le préjudice qui pourrait en résulter pour la société Clever Invest ne sont démontrés avec le degré d'évidence requis devant la juridiction des référés, alors qu'il est établi par les pièces non contestées versées aux débats que c'est pour le compte de la société Performance Partner que M. I... a effectué des prestations facturées par la société BL Partner entre le 15 décembre 2014 et le 30 juillet 2015 ; qu'il s'en déduit que la contestation sérieuse, susceptible de fonder une demande de provision sur dommages et intérêts devant la juridiction des référés, n'est pas établie en l'espèce ; que la demande sera donc rejetée ; que, si l'interprétation du contrat conclu entre les parties le 31 mars 2014 ne relève pas du pouvoir d'appréciation du juge des référés, il y a lieu, par application des stipulations claires du contrat qui ne requièrent aucune interprétation, de relever l'absence de contestation sérieuse de l'obligation qui incombe à la société Clever Invest de régler le complément de prix stipulé ; que l'ordonnance entreprise sera confirmée sur ce point ;
3°) ALORS QUE la clause de non-concurrence stipulée dans l'acte de cession du 31 mars 2014 prévoyait que les époux I... s'interdisaient « de participer ou de s'intéresser, directement ou indirectement, à quelque titre (
) et sous quelque forme que ce soit, à des activités de même nature que celles exploitées et développées par les sociétés Performance Partners et Yellow and Co (
) » ; qu'un simple acte de concurrence constituait une violation de cette clause, quand bien même ne fût-il pas « déloyal » ; que dès lors, en énonçant qu'« il n'est pas démontré en quoi l'adhésion à la fédération nationale des métiers du stationnement, organisme à but non lucratif, pourrait à elle seule constituer un acte de concurrence déloyale », la cour d'appel a ajouté une condition à la loi des parties et, partant, a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ;
4°) ALORS QUE la clause de non-concurrence interdisait aux époux I... de s'intéresser, « sous quelque forme que ce soit », à des activités « susceptibles » de concurrencer les activités de la société Clever Invest ; que celle-ci soutenait que l'appartenance à l'organe collégial qu'est le conseil d'administration de la fédération plaçait M. I... « en mesure de pouvoir en retirer des missions de conseil et d'études », activités précisément au coeur celles exploitées par les filiales de Clever Invest, donc directement concurrentes (conclusions d'appel pp. 16 et 17) ; que la question relative à la fonction exercée par M. I... au sein de la FNMS et à son incidence sur le manquement à l'obligation de non-concurrence constituait une contestation sérieuse, faisant obstacle à l'octroi de toute provision ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a tranché une contestation sérieuse, en violation de l'article 873 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QUE la violation d'une obligation de ne pas faire que constitue une obligation de non-concurrence entraîne une présomption de responsabilité du débiteur de l'obligation de sorte que le créancier de celle-ci n'a pas à prouver l'existence de son préjudice ; que dès lors, en l'espèce, en relevant que le préjudice qui aurait pu résulter, pour la société Clever Invest, du manquement par M. I... à son obligation de non-concurrence n'était pas démontré avec évidence, quand ce préjudice s'inférait de la violation même de l'obligation, la cour d'appel a violé les articles 1145 et 1147 du code civil, ensemble l'article 873 du code de procédure civile ;
6°) ALORS QUE la circonstance selon laquelle « M. I... n'est plus membre du conseil d'administration de cette fédération » était sans emport sur la violation de son obligation de non-concurrence pendant la période d'effet de celle-ci ; qu'en se déterminant de la sorte, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 873 du code civil ;
7°) ALORS QUE la circonstance selon laquelle M. I... aurait, entre le 15 décembre 2014 et le 30 juillet 2015, effectué des prestations pour le compte de la société Performance Partners, par le biais de BL Partner, n'excluait pas l'exercice d'une activité concurrente par cette même société ; qu'en conséquence, en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel a encore statué par un motif inopérant et a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 873 du code civil.