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04/12/2019 | FRANCE | N°18-24428

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 04 décembre 2019, 18-24428


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que R...-W... Y... est né le [...] de Mme Y..., sans filiation paternelle déclarée ; que, par acte du 21 mars 2012, celle-ci, agissant en qualité de représentante légale du mineur, a assigné M. E... devant un tribunal en recherche de paternité ;

Sur les premier et troisième moyens, ci-après annexés :

Attendu qu'il n'y pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassa

tion ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu l'article 2224 du code civil ;

Attendu que,...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que R...-W... Y... est né le [...] de Mme Y..., sans filiation paternelle déclarée ; que, par acte du 21 mars 2012, celle-ci, agissant en qualité de représentante légale du mineur, a assigné M. E... devant un tribunal en recherche de paternité ;

Sur les premier et troisième moyens, ci-après annexés :

Attendu qu'il n'y pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu l'article 2224 du code civil ;

Attendu que, si la règle "aliments ne s'arréragent pas" ne s'applique pas à l'obligation d'entretien, l'action en paiement d'une contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant est soumise à la prescription quinquennale prévue par ce texte ;

Attendu que, pour condamner M. E... à payer à Mme Y... une contribution à l'entretien et à l'éducation depuis la naissance de son fils, l'arrêt retient que la règle "aliments ne s'arréragent pas" est sans application en la matière ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la demande de Mme Y... n'était pas prescrite, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. E... à verser à Mme Y..., depuis le 26 février 1998, date de naissance de l'enfant, une somme mensuelle de 600 euros au titre de sa participation à l'entretien et à l'éducation de l'enfant R...-W..., l'arrêt rendu le 25 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre décembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour M. E...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, rendu par une formation composée de Mme T... G..., Mme Dominique B... et M. K... Q..., d'avoir fixé à la somme mensuelle de 600 euros de la naissance jusqu'au 31 décembre 2012, puis à celle de 400 euros à compter du 1er janvier 2013 la contribution de l'exposant à l'entretien et à l'éducation de son fils et condamné M. E... à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

ALORS QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial et que l'exigence d'impartialité doit s'apprécier objectivement ; que l'arrêt a été rendu sur appel d'un jugement du 19 janvier 2016 faisant suite à un jugement du 16 avril 2013 du tribunal de grande instance de Paris ; que l'arrêt mentionne que le délibéré de la cour d'appel s'est déroulé en présence de l'un des membres de la formation du tribunal ayant prononcé le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 16 avril 2013, qui avait statué sur les exceptions de péremption et de prescription et ordonné l'expertise sollicitée par la mère de l'enfant ; qu'en statuant dans ces conditions, alors que la présence de ce juge à son délibéré était de nature à faire peser sur la juridiction un soupçon légitime de partialité, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir fixé la contribution de l'exposant à l'entretien et à l'éducation de R...-W... Y... à la somme mensuelle de 600 euros depuis la naissance de l'enfant ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « c'est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont statué sur la contribution à l'entretien de R...-W... Y... » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' « il résulte des articles 203 et 310-1 du code civil que les effets d'une déclaration judiciaire de paternité remontent à la naissance de l'enfant et que la règle « aliments ne s'arréragent pas » ne s'applique pas à la contribution d'un parent à l'entretien et à l'éducation de son enfant ; que l'obligation de contribuer à l'entretien de l'enfant remonte à la date de sa naissance, soit en l'occurrence le 26 février 1998 (
) ; que par ailleurs, il convient de rappeler que Mme Y... avait assigné une première fois M. E... en recherche de paternité le 17 février 2000 et que dans ce cadre, les parties avaient régularisé un protocole d'accord transactionnel, signé par M. E... le 19 septembre 2000, aux termes duquel il s'était engagé à contribuer à l'entretien et à l'éducation de l'enfant à hauteur de 4 000 francs (soit 609,80 euros) de la signature du protocole à décembre 2004 inclus, puis de 5 000 francs (soit 762,25 euros) à partir de janvier 2005 jusqu'à la majorité de R...-W... et au-delà en cas de poursuite de ses études ; ce protocole a vraisemblablement été respecté dans un premier temps puisque Mme Y... communique la photocopie d'un chèque de 4 000 francs émanant de M. E... libellé à son nom le 26 août 2000 » ;

ALORS QUE si les effets d'une paternité judiciairement déclarée remontent à la naissance de l'enfant et si la règle « aliments ne s'arréragent pas » ne s'applique pas à l'obligation d'entretien, l'action en paiement d'une contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant est soumise à la prescription quinquennale, de sorte que les arrérages de pension ne peuvent être réclamés pour la période antérieure à cinq ans avant l'assignation en recherche de paternité ; qu'en énonçant que « l'obligation de contribuer à l'entretien de l'enfant remont(ait) à la date de sa naissance, soit en l'occurrence le 26 février 1998 » et en condamnant M. E... à verser des sommes depuis cette date, lorsque ce dernier invoquait la prescription de la créance, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. E... à payer à son fils la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « c'est par des motifs exacts et pertinents, que la cour adopte, que les premiers juges ont statué sur les demandes de dommages et intérêts, tant de Mme Y... que de M. E... » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' « il est constant que Mme Y... a introduit une première action en recherche de paternité à l'encontre de M. E... en 2000, soit alors que R...-W... avait deux ans, qu'elle n'a cependant pas poursuivie ; qu'il s'en suit que M. E... ne pouvait à compter de ce moment ignorer sa possible paternité et qu'il l'a d'ailleurs assumée en s'investissant auprès de l'enfant mais seulement sur une courte période ; ce faisant, R...-W... a grandi avec une filiation paternelle connue mais non établie ; qu'il est indéniable que la résistance de son père et son désintérêt après des périodes d'investissement, qui caractérisent une faute au sens de l'article 1382 du code civil, lui ont causé un préjudice moral qui doit être indemnisé » ;

1°/ ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité de Mme Y... a été écartée par les juges du fond, bien qu'elle ait agi en son seul nom personnel, en raison du droit de l'enfant d'agir en recherche de paternité et de l'intérêt qu'il trouve à connaître ses origines, ce qui limitait donc les effets de la décision de ce chef à la demande aux fins d'établissement de la filiation, et à celle, subséquente, de contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant ; qu'en recevant la demande de réparation du préjudice moral formée par Mme Y... « au nom de R...-W... Y... », la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction et violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ ALORS QUE la responsabilité du fait personnel n'est engagée que si celui auquel le préjudice est imputé a commis une faute ; qu'en jugeant que M. E... avait commis une faute en faisant preuve de résistance et de désintérêt après des périodes d'investissement auprès de l'enfant, sans rechercher, comme cela lui était demandé, d'abord, si le doute qui entoure toujours la paternité n'était pas renforcé par la circonstance que Mme Y... était mariée pendant la période légale de la conception de l'enfant, ensuite, si la persistance de ce doute n'était pas imputable à Mme Y... elle-même, qui avait refusé de soumettre l'enfant à l'expertise qu'elle avait pourtant commencé par solliciter et, enfin, si Mme Y... n'avait pas fait obstacle au développement des relations de l'enfant avec l'exposant, malgré les tentatives que ce dernier avait faites, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 ancien, désormais 1240 du code civil ;

3°/ ALORS QUE la responsabilité civile a pour objet la réparation du préjudice subi, que le juge doit caractériser ; que la cour d'appel, pour juger que R...-W... Y... avait subi un préjudice moral causé par la faute de M. E..., a retenu qu'il avait grandi avec une « filiation paternelle connue mais non établie » ; qu'en statuant ainsi, alors que seule l'expertise finalement réalisée en 2013 a permis d'établir la certitude de la paternité de M. E..., de sorte que ce n'est qu'à cette date que la filiation paternelle de l'enfant a été « connue », la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien, désormais 1240 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-24428
Date de la décision : 04/12/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 25 septembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 04 déc. 2019, pourvoi n°18-24428


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent , SCP Marlange et de La Burgade

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.24428
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