La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/11/2019 | FRANCE | N°18-24157

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 28 novembre 2019, 18-24157


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 octobre 2018), que la Ville de Paris a assigné en la forme des référés Mme N..., propriétaire jusqu'au 29 novembre 2016 d'un appartement situé à Paris, en paiement d'une amende civile sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, pour avoir loué ce local de manière répétée sur de courtes durées à une clientèle de passage, en contravention avec les dispositions de l'article L. 631-7 du même code ;

Sur la de

mande de sursis à statuer :

Attendu que Mme N... demande qu'il soit sursis à s...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 octobre 2018), que la Ville de Paris a assigné en la forme des référés Mme N..., propriétaire jusqu'au 29 novembre 2016 d'un appartement situé à Paris, en paiement d'une amende civile sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, pour avoir loué ce local de manière répétée sur de courtes durées à une clientèle de passage, en contravention avec les dispositions de l'article L. 631-7 du même code ;

Sur la demande de sursis à statuer :

Attendu que Mme N... demande qu'il soit sursis à statuer jusqu'à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne sur les questions préjudicielles posées par la Cour de cassation par deux arrêts du 15 novembre 2018 (3e Civ., 15 novembre 2018, pourvoi n° 17-26.156 ; 3e Civ., 15 novembre 2018, pourvoi n° 17-26.158) ;

Mais attendu qu'au regard des griefs formulés par le moyen et portant sur la qualification de local destiné à l'habitation au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, telle que résultant de la définition qui en est donnée par les alinéas 2 à 4 de cet article, et des questions préjudicielles qui ne portent pas sur ce point, la décision de la Cour de justice de l'Union européenne à intervenir n'est pas de nature à influer sur la solution du présent pourvoi ; qu'il n'y a dès lors pas lieu de surseoir à statuer jusqu'au prononcé de celle-ci ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches, qui est recevable :

Attendu que la Ville de Paris fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ qu' à la suite de travaux, effectués postérieurement au 1er janvier 1970, un local peut être réputé affecté à un usage d'habitation, indépendamment de la preuve de son usage à la date du 1er janvier 1970 ; en s'abstenant de rechercher si, à la suite à des travaux effectués postérieurement au 1er janvier 1970 et mentionnés dans la déclaration H2, et dès lors que l'usage d'habitation ainsi que ces travaux étaient mentionnés dans cette déclaration, les locaux n'étaient pas réputés à usage d'habitation indépendamment de la preuve de leur usage à la date du 1er janvier 1970, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation ;

2°/ que l'affectation d'un local à un usage d'habitation peut être établie par tout mode de preuve ; qu'au cas d'espèce, la déclaration H2, faite auprès de l'administration fiscale pour l'établissement des impôts fonciers, mentionnait sous une rubrique intitulée « consistance du logement », dans une sous-rubrique intitulée « pièces et annexes affectées exclusivement à l'habitation », qu'une salle à manger, une chambre, une cuisine, une salle d'eau et une annexe étaient affectés à un usage d'habitation et dans une sous rubrique intitulée « pièces et annexes à usage professionnel » qu'aucune pièce n'était affectée à un usage professionnel ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ces éléments à l'effet de rechercher s'ils ne révélaient pas une affectation à usage d'habitation, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation ;

Mais attendu que les locaux faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel les travaux sont autorisés ; qu'ayant retenu, par une appréciation souveraine de la portée des éléments de preuve soumis à son examen, que la déclaration H2 déposée le 21 octobre 1980 ne prouvait pas que l'appartement en cause était à usage d'habitation au 1er janvier 1970, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche inopérante relative à l'incidence de travaux qui avaient été réalisés postérieurement à cette date et dont il n'était pas soutenu qu'ils avaient fait l'objet d'une autorisation, a légalement justifié sa décision ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la troisième branche du premier moyen et sur le second moyen qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS

DIT n'y avoir lieu de surseoir à statuer ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Ville de Paris aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Ville de Paris et la condamne à payer à Mme N... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la Ville de Paris.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a rejeté la demande de la VILLE DE PARIS visant à faire constater l'existence d'une infraction tendant à l'application d'une peine d'amende, outre une injonction adressée au propriétaire d'avoir à réaffecter les lieux à l'habitation ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur le fond, l'article 631-7 du code de la construction et de l'habitation prévoit que, dans les communes de plus de 200 000 habitants et celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est, dans les conditions fixées par l'article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable. Il définit comme suit les locaux destinés à l'habitation : « Constituent des locaux destinés à l'habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l'article L. 632-1. Pour l'application de la présente section, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au ler janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve ». Dans l'affaire en examen, la ville de Paris, afin de rapporter cette preuve, produit aux débats la copie de la déclaration modèle H 2 remplie par M. Pierre E... en date du 24 octobre 1980 et qui concerne le bien en cause. Il ressort toutefois de l'examen des mentions complétées par M. E... dans ce document que celui-ci a acquis ce bien en janvier 1980, que, dans la rubrique "occupation du local", il a indiqué uniquement que les locaux étaient vacants et en travaux et qu'il n'a renseigné aucune des rubriques relatives à la location dudit bien au ler janvier 1970. Au vu de ces indications, la fiche de révision foncière communiquée par l'appelante, établie en octobre 1980, ne prouve pas à suffisance de droit que l'appartement en cause était à usage d'habitation au 1" janvier 1970. L'affectation du bien appartenant à Mme N... à l'usage d'habitation au 1" janvier 1970 n'étant pas établie, la ville de Paris n'est pas fondée à invoquer un changement d'usage illicite au sens de l'article L. 661-7 du code de la construction et de l'habitation. L'ordonnance attaquée doit donc être confirmée en ce qu'elle a débouté la ville de Paris de ses réclamations pour les motifs qui précèdent et qui se substituent aux siens sur ce point » ;

ALORS QUE, PREMIEREMENT, à la suite de travaux, effectués postérieurement au 1er janvier 1970, un local peut être réputé affecté à un usage d'habitation, indépendamment de la preuve de son usage à la date du 1er janvier 1970 ; en s'abstenant de rechercher si, à la suite à des travaux effectués postérieurement au 1er janvier 1970 et mentionnés dans la déclaration H2, et dès lors que l'usage d'habitation ainsi que ces travaux étaient mentionnés dans cette déclaration, les locaux n'étaient pas réputés à usage d'habitation indépendamment de la preuve de leur usage à la date du 1er janvier 1970, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation ;

ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, l'affectation d'un local à un usage d'habitation peut être établie par tout mode de preuve ; qu'au cas d'espèce, la déclaration H2, faite auprès de l'administration fiscale pour l'établissement des impôts fonciers, mentionnait sous une rubrique intitulée « consistance du logement », dans une sous-rubrique intitulée « pièces et annexes affectées exclusivement à l'habitation », qu'une salle à manger, une chambre, une cuisine, une salle d'eau et une annexe étaient affectés à un usage d'habitation et dans une sous rubrique intitulée « pièces et annexes à usage professionnel » qu'aucune pièce n'était affectée à un usage professionnel ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ces éléments à l'effet de rechercher s'ils ne révélaient pas une affectation à usage d'habitation, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation ;

ET ALORS QUE, TROISIEMEMENT, en annexe de cette même déclaration H2 figurait un document intitulé « relevé de propriété » établi par l'administration fiscale, visant le lot [...], appartenant à Madame N... et mentionnait sous une sous-rubrique Af (affectation) la lettre H (habitation) ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ces éléments, éventuellement rapprochés de ceux mentionnés à la première branche, les juges du fond ont de nouveau privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a rejeté la demande de la VILLE DE PARIS visant à faire constater l'existence d'une infraction tendant à l'application d'une peine d'amende, outre une injonction adressée au propriétaire d'avoir à réaffecter les lieux à l'habitation ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur le fond, l'article 631-7 du code de la construction et de l'habitation prévoit que, dans les communes de plus de 200 000 habitants et celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est, dans les conditions fixées par l'article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable. Il définit comme suit les locaux destinés à l'habitation : « Constituent des locaux destinés à l'habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l'article L. 632-1. Pour l'application de la présente section, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au ler janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve ». Dans l'affaire en examen, la ville de Paris, afin de rapporter cette preuve, produit aux débats la copie de la déclaration modèle H 2 remplie par M. Pierre E... en date du 24 octobre 1980 et qui concerne le bien en cause. Il ressort toutefois de l'examen des mentions complétées par M. E... dans ce document que celui-ci a acquis ce bien en janvier 1980, que, dans la rubrique "occupation du local", il a indiqué uniquement que les locaux étaient vacants et en travaux et qu'il n'a renseigné aucune des rubriques relatives à la location dudit bien au ler janvier 1970. Au vu de ces indications, la fiche de révision foncière communiquée par l'appelante, établie en octobre 1980, ne prouve pas à suffisance de droit que l'appartement en cause était à usage d'habitation au 1" janvier 1970. L'affectation du bien appartenant à Mme N... à l'usage d'habitation au 1" janvier 1970 n'étant pas établie, la ville de Paris n'est pas fondée à invoquer un changement d'usage illicite au sens de l'article L. 661-7 du code de la construction et de l'habitation. L'ordonnance attaquée doit donc être confirmée en ce qu'elle a débouté la ville de Paris de ses réclamations pour les motifs qui précèdent et qui se substituent aux siens sur ce point » ;

ALORS QUE, PREMIEREMENT, le local doit être considéré comme étant à usage d'habitation, non seulement dans l'hypothèse où il était affecté à l'habitation le 1er janvier 1970, mais également dans l'hypothèse où, postérieurement à cette date, il a été affecté à l'usage d'habitation, sachant que dans cette hypothèse, il est considéré comme étant à usage d'habitation dès qu'il reçoit cette affectation ; qu'en s'abstenant de rechercher si le local n'avait pas été affecté à l'habitation postérieurement au 1er janvier 1970 était indifférente, les juges du fond ont violé l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation ;

ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, l'affectation d'un local à un usage d'habitation peut être établie par tout mode de preuve ; qu'au cas d'espèce, la déclaration H2, faite auprès de l'administration fiscale pour l'établissement des impôts fonciers, mentionnait sous une rubrique intitulée « consistance du logement », dans une sous-rubrique intitulée « pièces et annexes affectées exclusivement à l'habitation », qu'une salle à manger, une chambre, une cuisine, une salle d'eau et une annexe étaient affectés à un usage d'habitation et dans une sous rubrique intitulée « pièces et annexes à usage professionnel » qu'aucune pièce n'était affectée à un usage professionnel ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ces éléments à l'effet de rechercher s'ils ne révélaient pas une affectation à usage d'habitation, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation ;

ET ALORS QUE, TROISIEMEMENT, en annexe de cette même déclaration H2 figurait un document intitulé « relevé de propriété » établi par l'administration fiscale, visant le lot [...], appartenant à Madame N... et mentionnait sous une sous-rubrique Af (affectation) la lettre H (habitation) ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ces éléments, éventuellement rapprochés de ceux mentionnés à la première branche, les juges du fond ont de nouveau privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-24157
Date de la décision : 28/11/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

URBANISME - Logements - Changement d'affectation - Article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation - Local à usage d'habitation - Caractérisation - Conditions - Détermination

URBANISME - Affectation des immeubles - Local à usage d'habitation - Caractérisation - Conditions - Détermination BAIL D'HABITATION - Bail soumis à la loi du 6 juillet 1989 - Changement d'affectation des locaux - Conditions - Détermination

La caractérisation de la destination à l'habitation d'un local au sens de l'article L. 631-7, alinéa 3, du code de la construction et de l'habitation ne peut résulter de la réalisation, postérieurement au 1er janvier 1970, de travaux n'ayant pas fait l'objet d'une autorisation


Références :

article L. 631-7, alinéa 3, du code de la construction et de l'habitation

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11 octobre 2018

Sur la définition des locaux à usage d'habitation au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, à rapprocher : 3e Civ, 28 novembre 2019, pourvoi n° 18-23769, Bull. 2019, (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 28 nov. 2019, pourvoi n°18-24157, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Hémery, Thomas-Raquin et Le Guerer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.24157
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award