LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 octobre 2017 ), Mme V... a été engagée, le 1er décembre 1987, en qualité de guichetière par la caisse de Crédit mutuel de Cannes. Le 1er janvier 1994, elle a été promue chargée de clientèle. Après un congé sabbatique de onze mois, puis un congé sans solde, elle a été engagée à compter du 8 octobre 2009 par la caisse de Crédit mutuel enseignant d'Aix Marseille en qualité de chargée de clientèle à temps complet. Son contrat de travail a été suspendu pour cause de maladie à compter du 3 octobre 2013.
2. Le 3 décembre 2013, la salariée a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir le prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur et paiement de diverses indemnités.
3. Par jugement du 10 septembre 2015, cette juridiction l'a déboutée de toutes ses demandes.
4. En cause d'appel, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail et demandé à la cour d'appel de dire que cette prise d'acte avait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
5. Par arrêt du 27 octobre 2017, la cour d'appel a confirmé le jugement sauf à préciser que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail était devenue sans objet et dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail intervenue le 15 janvier 2016 avait eu les effets d'une démission.
6. La cour d'appel a relevé que les manquements de l'employeur fondant la demande de résiliation judiciaire du contrat dont le conseil de prud'hommes avait été saisi le 3 décembre 2013 étaient les mêmes que ceux invoqués au soutien de sa prise d'acte, parmi lesquels le fait de lui avoir imposé à l'issue de son congé sabbatique, en 2009, des modifications unilatérales de son contrat de travail, et retenu que la demande relative à des faits d'inexécution du contrat antérieurs au 3 décembre 2011 était prescrite.
Examen des moyens
Enoncé du premier moyen, pris en sa première branche
7. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail en date du 15 janvier 2016 a eu les effets d'une démission et de la débouter de toutes ses demandes alors que « l'action portant sur une prise d'acte de la rupture du contrat de travail se prescrit à compter de la date à laquelle la rupture est intervenue ; qu'en l'espèce, il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que l'action de Mme V... tendait à voir dire et juger que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la salariée reprochant notamment à son employeur de lui avoir imposé une modification de son contrat de travail au retour de son congé sabbatique ; qu'en refusant d'examiner ce grief au motif que la demande relative à des faits d'inexécution du contrat tenant à la modification du contrat de travail intervenue en octobre 2009 était prescrite, la cour d'appel a violé l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige ».
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 :
8. Pour dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par la salariée a eu les effets d'une démission et débouter l'intéressée de toutes ses demandes, la cour d'appel retient que la prescription des actions portant sur l'exécution du contrat de travail, spécifique depuis l'article L. 1471-1 du code du travail issu de la loi du 14 juin 2013, est biennale, que l'action a été introduite le 3 décembre 2013, soit après la date de promulgation de ladite loi, que les dispositions transitoires de l'article 21 V de la loi du 14 juin 2013 ne sont pas applicables, nonobstant le caractère continu du manquement allégué.
9. Elle en déduit que la demande relative à des faits d'inexécution du contrat antérieurs au 3 décembre 2011 est prescrite.
10. Cependant, en cas de prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail, l'action visant à imputer cette rupture à l'employeur se prescrit à compter de la date de cette prise d'acte, peu important l'ancienneté des manquements de l'employeur, invoqués à son soutien, que le juge doit examiner.
11. En statuant comme elle l'a fait alors qu'elle constatait que la salariée avait pris acte de la rupture en cause d'appel, le 15 janvier 2016, de sorte que l'action s'y rapportant n'était pas atteinte par la prescription, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, ni sur les trois autres moyens, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il précise que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail est devenue sans objet, l'arrêt rendu le 27 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la caisse de Crédit mutuel enseignant d'Aix Marseille aux dépens ;
Rejette la demande formée par la caisse de Crédit mutuel enseignant d'Aix Marseille en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la caisse de Crédit mutuel enseignant d'Aix Marseille à payer à Mme V... la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme V...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Mme V... en date du 16 janvier 2016 a eu les effets d'une démission et D'AVOIR débouté Mme V... de toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail; que cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission; qu'il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur; que l'écrit par lequel il prend acte de la rupture de son contrat de travail ne fixe pas les limites du litige; qu'il y a lieu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit; que la prise d'acte entraînant la cessation immédiate du contrat de travail, l'action préalable en résiliation judiciaire devient sans objet; qu'il convient donc de se prononcer uniquement sur la prise d'acte, mais en prenant en compte tous les manquements invoqués par la salariée également à l'appui de l'action en résiliation judiciaire; que les manquements de l'employeur fondant la demande de résiliation judiciaire du contrat, dont le conseil de prud'hommes de Marseille a été saisi le 3 décembre 2013, sont les mêmes que ceux invoqués au soutien, de la prise d'acte; que cependant, l'appelante récapitule ainsi ses griefs : lui avoir imposé, à l'issue de son congé sabbatique des modifications unilatérales de son contrat de travail qui ont perduré jusqu'en 2013,lui avoir imposé une modification abusive de son contrat de travail portant une atteinte excessive à son droit au repos et au respect de sa vie privée et familiale, lui faire subir une discrimination, en raison de ses convictions religieuses alors que les nouveaux horaires n'ont pas été généralisés et qu'un aménagement individuel de la prestation de travail ou une mutation aurait pu être organisée, avoir violé son obligation de sécurité en raison notamment d'une enquête tardive sur le harcèlement moral dénoncé et d'une surcharge de travail; que sur les modifications unilatérales du contrat de travail à l'issue du congé sabbatique: Madame V... soutient qu'à l'expiration de son congé sabbatique en mai 2007, aucune proposition de réemploi ne lui a été adressée par la société Crédit Mutuel Méditerranéen qui l'a laissée ainsi pendant plus de deux ans, sans salaire, sans indemnité, ni fourniture de travail avant de modifier considérablement ses fonctions (opérations de crédit, de téléphonie et d'assurance avec des objectifs à atteindre), ses responsabilités et sa durée contractuelle de travail avec une répartition différente de ses horaires de travail) en 2009; qu'elle soutient que ce manquement ne saurait être atteint par la prescription dans la mesure où, à la date de la saisine de la juridiction le 3 décembre 2013, son contrat de travail était toujours en cours, et où le manquement était toujours réel et même aggravé le 3 octobre 2013 à l'occasion de l'instauration d'une nouvelle répartition du travail sur la semaine; que la Caisse de Crédit mutuel enseignant d'Aix-Marseille fait valoir que toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans et que Madame V... n'est pas recevable à agir en décembre 2013 en raison d'une prétendue modification de son contrat intervenue en octobre 2009; qu' elle soutient que ne peuvent être retenus à l'appui d'une demande de résiliation judiciaire des faits dont l'ancienneté démontre qu'ils n'ont pas fait obstacle à la poursuite du contrat; qu'elle rappelle qu'au moment de sa reprise d'activité, la salariée était en congé sans solde depuis trois ans et demi pour convenances personnelles et que les règles du congé sabbatique avec garantie de réemploi ne s'appliquent pas ; que la prescription des actions portant sur l'exécution du contrat de travail, spécifique depuis l'article L. 1471-1 du code du travail issu de la loi du 14 juin 2013, est biennale; qu'en l'espèce, l'action ayant été introduite le 3 décembre 2013, soit après la date de promulgation de ladite loi, les dispositions transitoires de l'article 21 V de la loi du 14 juin 2013 ne sont pas applicables, nonobstant le caractère continu du manquement allégué, et la demande relative à des faits d'inexécution du contrat antérieurs au 3 décembre 2011 est prescrite;
1°) ALORS QUE l'action portant sur une prise d'acte de la rupture du contrat de travail se prescrit à compter de la date à laquelle la rupture est intervenue ; qu'en l'espèce, il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que l'action de Mme V... tendait à voir dire et juger que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la salariée reprochant notamment à son employeur de lui avoir imposé une modification de son contrat de travail au retour de son congé sabbatique ; qu'en refusant d'examiner ce grief au motif que la demande relative à des faits d'inexécution du contrat tenant la modification du contrat de travail intervenue en octobre 2009 était prescrite, la cour d'appel a violé l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige ;
2°) ALORS, en toute hypothèse, QU' en cas de réduction de la durée du délai de prescription, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'à supposer que la prescription ait couru à compter la date de la modification du contrat de travail imposée à Mme V... en octobre 2009, la nouvelle prescription biennale applicable aux actions portant sur l'exécution du contrat de travail n'a commencé à courir qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 14 juin 2013 sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée de trente ans antérieurement prévue ; qu'en jugeant néanmoins que la demande relative à des faits d'inexécution du contrat antérieurs au 3 décembre 2011 était prescrite, la cour d'appel a violé les articles L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, 2222 et 2224 du code civil et 21-V de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Mme V... en date du 16 janvier 2016 a eu les effets d'une démission et D'AVOIR débouté Mme V... de toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS QU' il est constant que, sans qu'un vice du consentement soit invoqué, Mme V... a signé le 13 octobre 2009 un contrat de travail l'affectant à la Caisse de crédit mutuel enseignant d'Aix Marseille en qualité de chargée de clientèle à temps complet, acceptant ainsi ses nouvelles fonctions et responsabilités ainsi qu'un horaire de travail à temps complet, stipulé « conforme à l 'horaire en vigueur au sein de la caisse » ; que Mme V... a apposé la mention « pas d'accord » le 9 septembre 2013 sur le document d'information sur les horaires d'ouverture aux sociétaires du CME d'Aix-en-Provence à compter du 1er octobre suivant ; que cependant, cette nouvelle répartition du temps de travail résulte de l'accord collectif sur le temps travail - produit par la salariée - signé le 4 juillet 2013 par les organisations syndicales représentatives du Crédit Mutuel Méditerranéen et applicable à compter du 1er octobre suivant ; qu' il est manifeste, en l'état du simple renvoi à titre informatif aux horaires de l'entreprise dans le contrat de travail, le repos du samedi ne saurait être considéré comme contractualisé ; qu'il n'est pas démontré par ailleurs qu'il en allait différemment précédemment, à la lecture des différents contrats de travail signés depuis son entrée dans le groupe Crédit Mutuel Méditerranéen ; que la salariée ne saurait, à défaut de tout élément permettant de vérifier que son employeur connaissait le caractère déterminant de son jour de repos le samedi, invoquer un quelconque droit acquis à ce sujet ; que par conséquent, à défaut de clause contractuelle expresse excluant le travail du samedi, la Caisse de crédit mutuel enseignant d'Aix Marseille, avec cette nouvelle répartition du travail hebdomadaire, a fait usage de son pouvoir de direction à l'égard de Mme V... et n'avait pas obligation de recueillir son accord ; que par ailleurs, la nouvelle répartition du travail critiquée s'entendant du mardi 8h40 au samedi 12h25, soit 4,5 jours par semaine de travail, ne constitue aucunement un bouleversement du rythme de travail de la salariée et s'avère conforme aux dispositions des articles L. 3132-1 et suivants du code du travail ; qu' aucune atteinte au droit au repos n'est donc démontrée ; qu'enfin, aucun élément n'est produit permettant de vérifier les contraintes familiales ou privées alléguées comme étant atteintes par cette répartition hebdomadaire du travail ; que ce grief ne saurait donc être retenu ;
1°) ALORS QU' en présence d'une atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos, l'instauration d'une nouvelle répartition du travail entre les jours de la semaine constitue une modification du contrat de travail qui ne peut lui être imposée ; qu'en se bornant à affirmer qu'aucun élément n'était produit permettant de vérifier les contraintes familiales ou privées alléguées comme étant atteintes par la nouvelle répartition hebdomadaire du travail sans rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, si l'obligation de travailler le samedi imposée à Mme V..., de confession juive et pratiquante, n'était pas incompatible avec ses convictions religieuses qui interdisent toute activité professionnelle le samedi, jour de shabbat, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1134 devenu 1103 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;
2°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner, même sommairement, les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que Mme V... a régulièrement versé aux débats (pièce n° 18 de son bordereau de communication de pièces) un courrier adressé le 15 novembre 2013 au président du conseil d'administration du Crédit mutuel enseignant à sa demande pour exposer le motif de sa demande d'aménagement de ses horaires et aux termes duquel elle a indiqué « comme vous le savez, mes pratiques et convictions religieuses m'interdisent de travailler le samedi », « comme évoqué à plusieurs reprises et notamment, lors de notre entretien courant juillet 2013, cette nouvelle répartition de l'horaire de travail implique un bouleversement très important dans l'organisation de ma vie personnelle et porte une atteinte excessive à mes convictions et pratiques religieuses » ; qu'en affirmant qu'aucun élément ne permettait de vérifier que son employeur connaissait le caractère déterminant de son jour de repos le samedi sans s'expliquer sur ce courrier, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'aux termes d'un avenant établi le 30 septembre 2004, Mme V... a bénéficié d'un temps partiel de 80 % et ses horaires ont été contractualisés de la manière suivante « Vos journées de présence demeurent les lundi, mardi, jeudi et vendredi toute la journée. Vos nouveaux horaires sont les suivants : matin : 8h30-12h30, après-midi : 13h30-16h20 » ;
qu'en affirmant que les différents contrats de travail signés par Mme V... depuis son entrée dans le groupe Crédit Mutuel Méditerranée ne démontraient pas que le repos du samedi était contractualisé, la cour d'appel a dénaturé l'avenant du 30 septembre 2004 en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Mme V... en date du 16 janvier 2016 a eu les effets d'une démission et D'AVOIR débouté Mme V... de toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE Mme V... reproche à son employeur de lui imposer de travailler le samedi qui est pour elle jour de shabbat ; qu'elle soutient que son employeur porte atteinte à sa liberté religieuse, par mesure discriminatoire indirecte, sans justifier de ce que sa décision est proportionnée aux exigences requises et justifiée par le travail à accomplir ;
qu'elle rappelle que l'application des nouveaux horaires n'est pas générale puisque le siège social à Marseille ainsi que plusieurs autres agences à Marseille, à Nice, à Grasse et Monaco sont fermées le samedi ; qu'elle estime que son employeur pouvait individualiser ses horaires pour la satisfaire, aménagement qui n'aurait pas été incompatible avec l'organisation et le fonctionnement de son agence ou pouvait lui rechercher une solution de mutation ou de permutation de poste, compte tenu de son profil et de la taille du groupe ; qu'elle souligne que les nouveaux aménagements imposés n'étaient ni justifiés, ni proportionnés, ni insurmontables ; que pour étayer ses affirmations, elle produit notamment le document d'information sur les horaires d'ouverture des agences à compter du 1er octobre 2013 portant mention manuscrite de sa part "pas d'accord" en date du 9 septembre 2013 et son courrier du 15 novembre 2013 faisant état de ses pratiques et convictions religieuses lui interdisant de travailler le samedi ; que cependant, ces éléments ne permettent pas de supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, le changement des horaires résultant non d'une décision visant spécifiquement la salariée mais de l'accord du 4 juillet 2013 applicable à tous et sous-tendu par des critères objectifs économiques et commerciaux- pour répondre totalement aux attentes de la clientèle – notamment ;
1°) ALORS, d'une part, QU' il résulte des articles L. 1121-1, L. 1132-1 et L. 1133-1 du code du travail, mettant en oeuvre en droit interne les dispositions des articles 2, § 2, et 4, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, que les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché ; qu'une règle interne d'une entreprise privée est susceptible de constituer une discrimination indirecte au sens de l'article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/78/CE s'il est établi que l'obligation en apparence neutre qu'elle prévoit entraîne, en fait, un désavantage particulier pour les personnes adhérant à une religion ou à des convictions données, à moins qu'elle ne soit objectivement justifiée par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires, ce qu'il appartient au juge de vérifier ; qu'à l'appui de sa demande tendant à voir requalifier sa prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme V... a reproché à son employeur d'avoir modifié, malgré son refus, ses horaires en lui imposant à partir d'octobre 2013 de travailler le samedi alors que ses pratiques et convictions religieuses lui interdisent de travailler le samedi, jour de shabbat dans la religion juive ; qu'en affirmant que les éléments avancés par Mme V... ne permettaient pas de supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte dès lors que le changement d'horaire résultait non d'une décision visant spécifiquement la salariée mais d'un accord d'entreprise du 4 juillet 2013, applicable à tous sans rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, si l'obligation de travailler le samedi - jour de shabbat-, en apparence neutre n'entrainait pas, en fait, un désavantage particulier pour les personnes de confession juive, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 1121-1, L. 1132-1, dans sa rédaction applicable, L. 1133-1, L. 1321-3, 2°, du code du travail, dans sa rédaction applicable, ensemble de l'article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 2, § 2, et 4, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;
2°) ALORS, d'autre part, QU'une règle interne d'une entreprise privée est susceptible de constituer une discrimination indirecte au sens de l'article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/78/CE s'il est établi que l'obligation en apparence neutre qu'elle prévoit entraîne, en fait, un désavantage particulier pour les personnes adhérant à une religion ou à des convictions données, à moins qu'elle ne soit objectivement justifiée par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires, ce qu'il appartient au juge de vérifier ; qu'en présence du refus d'une salariée de travailler le samedi, jour de shabbat dans la religion juive, il appartient à l'employeur de rechercher si, tout en tenant compte des contraintes inhérentes à l'entreprise, et sans que celle-ci ait à subir une charge supplémentaire, il lui est possible de proposer à la salariée un poste de travail n'impliquant pas de travailler le samedi ; qu'en se bornant à affirmer que l'accord du 4 juillet 2013, ayant institué le changement d'horaires, était sous-tendu par des objectifs économiques et commerciaux pour répondre totalement aux attentes de la clientèle sans rechercher ainsi qu'elle était invitée à le faire, si, comme l'avait demandé Mme V..., l'employeur n'aurait pas pu aménager ses horaires ou chercher une solution de mutation dans une autre agence du groupe n'ouvrant pas le samedi plutôt que de lui imposer une nouvelle répartition de ses horaires incompatible avec ses pratiques religieuses , la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 1121-1, L. 1132-1, dans sa rédaction applicable, L. 1133-1, L. 1321-3, 2°, du code du travail, dans sa rédaction applicable, ensemble de l'article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 2, § 2, et 4, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Mme V... en date du 16 janvier 2016 a eu les effets d'une démission et D'AVOIR débouté Mme V... de toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE pour établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, H... V..., qui se plaint des attaques, reproches, pressions diverses de la part de sa directrice ainsi que d'une surcharge de travail anormale, produit aux débats notamment : -son courrier du 15 novembre 2013 dans lequel elle rappelle avoir bénéficié depuis toujours d'une répartition des horaires de travail sur la semaine du lundi matin au vendredi soir, à l'exclusion du travail le samedi, et dans lequel elle dénonce des faits de harcèlement moral de la part de la directrice Madame Y... décrite comme multipliant les pressions, des remarques journalières à son égard pour rentabiliser davantage encore les résultats de l'agence", l'inondant d' e-mails, de nombreux appels téléphoniques lui rappelant sans cesse les chiffres à réaliser, de SMS sur son portable personnel pour connaître le nombre de souscriptions téléphoniques réalisé, et ce malgré ses alertes répétées pour remédier à cette situation au besoin par un renfort en moyens humains, dénonçant des attaques personnelles sur ses pratiques religieuses " je t'ai donné tes fêtes" , réflexions blessantes et discriminantes se répercutant négativement sur ses conditions de travail et son état de santé, ("stress au travail, déprime, état anxieux, douleurs cervicales, douleurs lombaires, boules d'angoisse"), -son courrier du 6 décembre 2013 dans lequel elle confirme que son état de santé ne lui permet pas de participer à un entretien et lui "interdit tout contact avec son milieu professionnel" en réponse au courrier du 29 novembre 2013 de l'employeur lui proposant un entretien dans le cadre d'une enquête consécutive à la dénonciation de faits de harcèlement moral, -des avis d'arrêt de travail portant mention " syndrome anxieux" en date du 3 octobre 2013, portant mentions "syndrome anxio-dépressif réactionnel sévère" en date du 5 décembre 2013, puis "état dépressif' de janvier à juillet 2014, -un certificat du Docteur I... faisant état pour l'appelante d'un traitement antidépresseur et de la contre-indication de tout contact avec son milieu professionnel, -une prescription médicamenteuse en date du 26 novembre 2013 (Seroplex et Lexomil) ; que ces pièces, réitérant les doléances de la salariée ou les reflétant sans être corroborées par aucun élément objectif, en l'absence de toute donnée sur le management de Madame Y..., ses propos, ses exigences éventuelles, ou sur l'activité, les attributions et la surcharge de travail alléguées notamment n' établissent pas la matérialité d'éléments de faits précis et concordants laissant supposer l'existence d' un harcèlement moral à l'encontre de H... V... ; que le grief de harcèlement moral ne saurait donc être retenu ;
1°) ALORS QUE pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, les juges du fond doivent examiner chacun des faits invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux produits, et apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en retenant que le grief de harcèlement moral ne pouvait être retenu sans examiner l'ensemble des faits invoqués par Mme V... parmi lesquels l'obligation qui lui a été imposée de travailler le samedi, jour de shabbat, malgré ses demandes d'aménagement d'horaires ou de mutation dans une autre agence ainsi que la dégradation de son état de santé médicalement établie par ses arrêts de travail et des certificats médicaux, la cour d'appel a violé l'article 1154-1 du code du travail ;
2°) ALORS QUE la cassation à intervenir sur les deuxième et/ou troisième moyen de cassation entraînera par voie de conséquence l'annulation du chef de dispositif ayant rejeté les demandes de Mme V..., notamment au titre du harcèlement moral en application de l'article 624 du code de procédure civile.