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14/11/2019 | FRANCE | N°18-21723

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 novembre 2019, 18-21723


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les deux moyens réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 juin 2018), que le groupe UTC Fire § Security, conglomérat industriel américain, organisé autour de cinq secteurs d'activité, comprend en France dix sept sociétés, détenues par la société Sicli holding dont le siège est à [...] ; qu'un comité d'entreprise européen a été mis en place regroupant les sociétés du secteur sécurité-incendie auquel appartiennent toutes les sociétés françaises ; que, le 1er juillet 2016,

le comité d'entreprise d'une des filiales françaises, la société Chubb France, auquel ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les deux moyens réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 juin 2018), que le groupe UTC Fire § Security, conglomérat industriel américain, organisé autour de cinq secteurs d'activité, comprend en France dix sept sociétés, détenues par la société Sicli holding dont le siège est à [...] ; qu'un comité d'entreprise européen a été mis en place regroupant les sociétés du secteur sécurité-incendie auquel appartiennent toutes les sociétés françaises ; que, le 1er juillet 2016, le comité d'entreprise d'une des filiales françaises, la société Chubb France, auquel s'est joint par intervention le comité d'entreprise de l'UES Delta security solutions, a assigné la société Sicli holding et les dix sept filiales françaises (les sociétés) pour demander la mise en place d'un comité de groupe ;

Attendu que les sociétés font grief à l'arrêt de constater que la société Sicli holding était une société dominante et de lui ordonner de mettre en place un comité de groupe regroupant ses dix-sept filiales alors selon le moyen :

1°/ que la mise en place d'un comité de groupe n'est pas obligatoire lorsque la société holding française n'est pas la société dominante du groupe, étant elle-même contrôlée par une société ayant son siège social à l'étranger ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que la société Sicli holding était contrôlée par deux sociétés situées à l'étranger, dont la société Chubb International, située aux Pays-Bas, à hauteur de 69,25 % ; qu'il résultait ainsi des propres constatations l'arrêt que la société Sicli holding n'était pas la société dominante du groupe, et que la création d'un comité de groupe n'était donc pas obligatoire ; que dès lors, en jugeant que la société dominante n'était « pas nécessairement celle qui se situait au plus haut niveau de l'organigramme, à savoir au niveau des deux sociétés étrangères susvisées », et en jugeant pour cette raison qu'il incombait aux sociétés intimées de prouver que la société Sicli holding, « supposée dominante », était une pure société de participation et ne s'immisçait pas dans la gestion des filiales concernées, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 2331-1 du code du travail, ensemble l'article L. 2331-4 du même code ;

2°/ que ne sont pas considérées comme entreprises dominantes, les sociétés de participation financière, dont l'unique objet est la prise de participation dans d'autres entreprises, la gestion et la mise en valeur de ces participations, sans que ces sociétés s'immiscent directement ou indirectement dans la gestion des entreprises concernées ; que la simple circonstance que le dirigeant de la société holding soit également le dirigeant des autres entreprises du groupe, ne suffit pas à caractériser une immixtion de la société holding dans la gestion de ces entreprises ; que dès lors, en se bornant à relever, pour juger qu'il existait un « faisceau d'indices qui permet d'affirmer que la société Sicli Holding n'est pas une « pure » société de participation financière », que « l'influence de la société Sicli Holding sur les dix-sept autres sociétés du groupe découle déjà du fait que M. X..., président de la société Sicli holding, est également président des sociétés du sous-groupe dit Vulcain et du sous-groupe dit Delta security, mais aussi dirigeant des sociétés Vendôme, Aitec, et co-gérant de la société Chubb France, de sorte que seules trois des dix-sept sociétés du groupe (...) n'ont pas pour dirigeant M. X..., lequel concentre donc l'essentiel des pouvoirs de direction au sein des sociétés françaises du groupe, tout en étant le représentant légal des deux sociétés étrangères détenant la société Sicli Holding », et que la société holding prenait les décisions stratégiques du groupe UTC dans la mesure où M. X... en contrôlait la gestion, sans constater aucun acte d'immixtion de la société Sicli holding dans la gestion des filiales concernées en lien avec la qualité de dirigeant de M. X..., la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser une immixtion de la société Sicli holding dans la gestion des sociétés concernées, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2331-4 du code du travail ;

3°/ que la simple circonstance que la société holding ait le pouvoir de désigner le gérant de l'une de ses filiales, ne suffit pas à caractériser l'immixtion de la société holding dans la gestion de l'entreprise concernée ; que dès lors, en jugeant que la désignation par la société Sicli holding du gérant de la société Chubb France « influ[ait] nécessairement sur la gestion de la société », aux motifs que « la société Sicli Holding est la seule associée commanditée de la société en commandite simple Chubb France, de sorte que c'est la société Sicli Holding qui désigne seule le gérant de la société Chubb France », la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser une immixtion de la société Sicli holding dans la gestion de cette société, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2331-4 du code du travail ;

4°/ que la simple circonstance que les sociétés d'un groupe forment un ensemble économique cohérent, avec intégration des matériels et des services associés, et que des convergences se soient développées entre ces sociétés, n'est pas de nature à établir l'immixtion de la société holding dans la gestion de ses filiales ; que dès lors, à supposer que la cour d'appel ait entendu déduire l'immixtion de la société Sicli holding dans la gestion de ses filiales concernées, de ce que « l'ensemble de ces dix-sept sociétés constitue un ensemble économique, opérant dans le même secteur de la sécurité/gardiennage/télésurveillance et la sécurité incendie, avec intégration des matériels et des services associés », et de ce que « des convergences se sont développées entre ces différentes sociétés », la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2331-4 du code du travail ;

5°/ qu'en se fondant sur l'acquisition en 2016 par la société Sicli holding de six sociétés du groupe Vulcain pour les inclure comme filiales dans le groupe, et sur la réorganisation consécutive à ces acquisitions, pour en déduire que la société Sicli holding prenait les décisions stratégiques économiques et financières du groupe UTC et qu'elle n'était donc pas une « pure » société de participation financière, sans répondre au moyen des sociétés intimées qui faisaient valoir que le procès-verbal de l'assemblée générale du 28 avril 2016 « n'évoqu[ait] aucun acte de gestion de la société Sicli Holding mais fait simplement référence à une problématique de « reclassement des titres » afin que les sociétés du groupe Vulcain puissent faire partie du groupe d'intégration fiscale », comme l'avait justement décidé les premiers juges, lesquels avaient en outre relevé que ce procès-verbal ne visait « en aucun cas une gestion effective des sociétés concernées », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°/ que le juge est tenu de respecter et de faire respecter le principe de la contradiction ; qu'en jugeant, pour retenir que la société Sicli holding s'immisçait dans la gestion de certaines filiales, que « selon le procès-verbal de délibération du 26 novembre 2013, statue sur la création d'une filiale la société Sicli Opérations France et l'acquisition par cette filiale d'une partie du fonds de commerce de la société UTC Fire et Security Services, sur la recapitalisation de la société Vendôme », sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations sur ce moyen qu'elle relevait d'office, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

7°/ qu'en déduisant l'immixtion de la société Sicli holding dans la gestion de ses filiales, de ce que « selon le procès-verbal de délibération du 26 novembre 2013, statue sur la création d'une filiale la société Sicli Opérations France et l'acquisition par cette filiale d'une partie du fonds de commerce de la société UTC Fire et Security Services, sur la recapitalisation de la société Vendôme », cependant que ces actes relevaient de l'activité de société de participation financière de la société Sicli holding ainsi que de l'exercice de ses droits d'associé, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser une immixtion de la holding dans la gestion des sociétés concernées, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2331-4 du code du travail ;

Mais attendu, d'abord, qu'aux termes de l'article L. 2331-1 du code du travail, un comité de groupe doit être constitué au sein du groupe formé par une entreprise dominante dont le siège social est situé sur le territoire français et les entreprises qu'elle contrôle ; qu'il est sans incidence que l'entreprise dominante située en France soit elle-même contrôlée par une ou plusieurs sociétés domiciliées à l'étranger ;

Attendu, ensuite, que si l'article L. 2331-4 du code du travail exclut notamment de la qualification d'entreprises dominantes les sociétés de participation financière visées au point c du paragraphe 5 de l'article 3 du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 sur les concentrations, c'est à la condition, toutefois, que les droits de vote attachés aux participations détenues ne soient exercés, notamment par la voie de la nomination des membres des organes de direction et de surveillance des entreprises dont elles détiennent des participations, que pour sauvegarder la pleine valeur de ces investissements et non pour déterminer directement ou indirectement le comportement concurrentiel de ces entreprises, c'est-à-dire à la condition, précisée par l'article 5 du paragraphe 3 de la directive 78/660/CEE du Conseil auquel renvoient les dispositions du règlement précité, que la société de participation financière ne s'immisce pas directement ou indirectement dans la gestion des entreprises filiales ;

Et attendu que la cour d'appel a constaté que la société Sicli holding, domiciliée en France, détentrice directement ou indirectement de la quasi-totalité du capital des dix-sept autres sociétés françaises et dirigée par le même représentant légal que quatorze de ces dix-sept filiales, intervenait en amont des décisions prises par les filiales, en se prononçant par délibérations sur les projets d'acquisition, de vente de parts, de création de nouvelles filiales, ainsi que sur les opérations de concentration au sein des sociétés françaises permettant de réorganiser les pôles d'activité entre ces dernières ; qu'elle a pu en déduire, sans encourir les griefs énoncés par les sixième et septième branches du moyen, que la société Sicli holding, dès lors qu'elle s'immisçait dans la gestion des sociétés filiales au sens de l'article 5 du paragraphe 3 de la directive 78/660/CEE du Conseil, n'était pas exclusivement une société de participation financière et qu'elle constituait l'entreprise dominante, pour la mise en place du comité de groupe prévue à l'article L. 2331-1 du code du travail, du groupe formé avec ses dix-sept filiales, peu important qu'elle soit elle-même détenue par deux sociétés ayant leur siège social à l'étranger ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les dix-huit sociétés demanderesses aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les dix-huit sociétés demanderesses à payer aux comités d'entreprise de la société Chubb France, de l'UES Delta sécurity solutions, au syndicat de la métallurgie des Nord et Est de Seine, au syndicat de la métallurgie Ile-de-France CGC et au syndicat CGT Chubb, la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour les sociétés Chubb France, Delta Télésurveillance TSC, Delta Télésurveillance TSL, Vigitel Télésurveillance services, Vulcain prévention incendie, Cemis système de sécurité incendie, Française de préventique, Sammiee, CPSA, Securitex détection incendie, Sicli holding, Sicli Opérations France, UTC Fire Safety, Vendôme, Aitec, Delta security solutions holding, Delta security solutions et Delta Sécurflam

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR constaté que la société Sicli Holding était une société dominante et de lui avoir ordonné de mettre en place un comité de groupe regroupant ses dix-sept filiales Chubb France, UTC Fire Safety Emea, Sicli Opérations France, Vendôme, Aitec, Delta Security Solutions Holding, Delta Security Solutions, Delta Sécurflam, Delta Télésurveillance TSC, Delta Télésurveillance TSL, Vigitel Télésurveillance Services, Vulcain Prévention Incendie, Cémis Système de Sécurité Incendie, Société Française de Préventique, Société et Agence de Matériel et de Maintenance Incendie d'Electronique et d'Electricité, CPSA, et Securitex Détection Incendie ;

AUX MOTIFS QUE « l'article L. 2334-1 du code du travail est applicable à toutes les sociétés d'un groupe qui ont leur siège social en France, indépendamment du fait que la société holding supposée dominante, ici la société Sicli Holding, soit contrôlée par deux sociétés situées à l'étranger, en l'espèce la société Chubb International (située aux Pays-Bas, pays où l'impôt sur les sociétés est plus bas qu'en France) à hauteur de 69,25 % et la société UTC FetS Luxembourg à hauteur de 30,75 % ; que comme le soutiennent valablement les syndicats, la société dominante n'est pas nécessairement celle qui se situe au plus haut niveau de l'organigramme, à savoir au niveau des deux sociétés étrangères susmentionnées ; qu'il appartient donc aux sociétés intimées de rapporter la preuve contraire que la société Sicli Holding n'exerce pas cette influence dominante, à savoir ne s'immisce pas directement ou indirectement dans la gestion des entreprises, et qu'elle est seulement une pure société de participation au sens de l'article L. 2331-4 du code du travail » ;

ALORS QUE la mise en place d'un comité de groupe n'est pas obligatoire lorsque la société holding française n'est pas la société dominante du groupe, étant elle-même contrôlée par une société ayant son siège social à l'étranger ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que la société Sicli Holding était contrôlée par deux sociétés situées à l'étranger, dont la société Chubb International, située aux Pays-Bas, à hauteur de 69,25 % (arrêt attaqué, p. 8 8 § 6) ; qu'il résultait ainsi des propres constatations l'arrêt que la société Sicli Holding n'était pas la société dominante du groupe, et que la création d'un comité de groupe n'était donc pas obligatoire ; que dès lors, en jugeant que la société dominante n'était « pas nécessairement celle qui se situait au plus haut niveau de l'organigramme, à savoir au niveau des deux sociétés étrangères susvisées », et en jugeant pour cette raison qu'il incombait aux sociétés intimées de prouver que la société Sicli Holding, « supposée dominante », était une pure société de participation et ne s'immisçait pas dans la gestion des filiales concernées (arrêt attaqué, p. 8 §§ 7-8), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 2331-1 du code du travail, ensemble l'article L. 2331-4 du même code.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
, subsidiaire

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR constaté que la société Sicli Holding était une société dominante et de lui avoir ordonné de mettre en place un comité de groupe regroupant ses dix-sept filiales Chubb France, UTC Fire Safety Emea, Sicli Opérations France, Vendôme, Aitec, Delta Security Solutions Holding, Delta Security Solutions, Delta Sécurflam, Delta Télésurveillance TSC, Delta Télésurveillance TSL, Vigitel Télésurveillance Services, Vulcain Prévention Incendie, Cémis Système de Sécurité Incendie, Société Française de Préventique, Société et Agence de Matériel et de Maintenance Incendie d'Electronique et d'Electricité, CPSA, et Securitex Détection Incendie ;

AUX MOTIFS QUE « le comité de groupe reçoit des informations sur l'activité, la situation financière, l'évolution et les prévisions d'emploi annuelles ou pluriannuelles et les actions éventuelles de prévention envisagées compte tenu de ces prévisions, dans le groupe et dans chacune des entreprises qui le composent ; qu'il reçoit communication, lorsqu'ils existent, des comptes et du bilan consolidés ainsi que du rapport du commissaire aux comptes correspondant ; que le comité de groupe peut à ce titre se faire assister d'un expert-comptable désigné au niveau de la société dominante et qui intervient dans la holding et les sociétés contrôlées (article L. 2334-4 du code du travail) ; qu'il est informé, dans ces domaines, des perspectives économiques du groupe pour l'année à venir ; que lui sont communiqués les avis rendus dans le cadre de la procédure de consultation annuelle des comités d'entreprises à propos des orientations stratégiques (article L. 2332-51 du code du travail) ; que le comité de groupe permet donc la représentation des travailleurs au niveau du groupe de sociétés et leur information sur les orientations stratégiques d'une filiale, choix qui se prennent au niveau de la holding qui décide des choix stratégiques du groupe (projet d'investissement, fusion, réorganisation, introduction d'une nouvelle technologie ou décision de mutations technologiques) qui peuvent aller jusqu'à des licenciements économiques ; qu'en l'espèce, il s'agit de déterminer si, d'une part, la société Sicli Holding est une société dominante au sens de l'article L. 2331-1 du code du travail à l'égard des 17 autres sociétés intimées du groupe Chubb, et d'autre part si, bien que répondant aux critères posés par l'article précité pour être présumée comme une société dominante, elle ne serait pas considérée comme telle, en application de l'article L. 2331-4 du code du travail, si elle est une société de participation financière, dont l'objet unique est la prise de participation dans d'autres entreprises sans ingérence directe ou indirecte dans la gestion de ces entreprises ; que se pose la problématique de l'articulation entre ces deux articles, car le fait pour la société Sicli Holding de détenir, en tant que société holding, des participations à 100 % dans ces 17 sociétés filiales (comme détaillé plus bas), peut faire présumer qu'elle donne les grandes directions de la politique de développement de ses sociétés et participe aux décisions les plus importantes, comme le prévoit l'article L. 233-3 du code de commerce ; qu'[il convient de rappeler les dispositions des articles L. 2331-1 du code du travail, lesquelles renvoient notamment aux dispositions de l'article L. 233-3 du code de commerce] ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que l'existence d'un comité de groupe dépend du contrôle final de la société dominante sur chacune des sociétés filiales, c'est-à-dire la possibilité, en raison des majorités détenues de nommer les organes sociaux et donc de déterminer les décisions de l'entreprise contrôlée ; que le contrôle est également dépendant du représentant légal de chaque société, qui est en l'espèce M. X..., pour 14 des 17 sociétés françaises du groupe ; qu'en outre, comme le soutiennent valablement les syndicats et le comité d'entreprise de l'UES, la société Sicli Holding est la seule associée commanditée de la société en commandite simple Chubb France, de sorte que c'est la société Sicli Holding qui désigne seule le gérant de la société Chubb France, décision qui influe nécessairement sur la gestion de cette société (selon l'extrait K-bis M. X... était en outre le co-gérant de la société Chubb France) ; qu'en l'espèce, il est acquis, au vu de l'organigramme produit par les 18 sociétés intimées et des extraits K-bis de ces sociétés, que la SAS Sicli Holding, dont le siège social se situe à Cergy et dont le président est M. X... selon l'extrait K-bis du 8 juin 2016, détient la majorité du capital des 17 autres sociétés intimées, lesquelles ont toutes leur siège social en France (
) ; que l'ensemble de ces 17 sociétés constitue un ensemble économique cohérent, opérant dans le même secteur de la sécurité/gardiennage/télésurveillance et la sécurité incendie, avec intégration des matériels et des services associés ; que des convergences se sont développées entre ces différentes sociétés, comme l'utilisation de services partagés (intégration de l'activité incendie de Delta, harmonisation sociale, regroupement des services payes et achat, contrôle de la sous-traitance
), à compter de 2017 entre la société Chubb France d'une part, et les sociétés du sous-groupe Delta Security, mais aussi de la société Aitec (activités multi marques et intra-groupe) d'autre part, comme cela ressort de l'information du comité d'entreprise le 23 juillet 2015 et le 23 juin 2016 ; que selon la lettre interne de la société Chubb France en date de juillet 2017, la société Aitec regroupe depuis janvier 2017 une partie des activités des sociétés Delta Sécurflam, Delta Security Solutions et Aitec, soit les trois activités incendie multi marques du groupe ; qu'il résulte des textes sus-énoncés et de ces éléments sur l'organisation du groupe et des 17 sociétés que la société Sicli Holding est présumée détenir le contrôle des 17 sociétés susvisées et exercer sur ces dernières une influence dominante, en raison de la détention directe ou indirecte de la totalité ou de la quasi-totalité de leur capital, lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de ces sociétés, outre le pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance de ces sociétés ; que l'article L. 2331-4 du code du travail est applicable à toutes les sociétés d'un groupe qui ont leur siège social en France, indépendamment du fait que la société holding supposée dominante, ici la société Sicli Holding, soit contrôlée par deux sociétés situées à l'étranger, en l'espèce la société Chubb International (située aux Pays-Bas, pays où l'impôt sur les sociétés est plus bas qu'en France) à hauteur de 69,25 % et la société UTC FetS Luxembourg à hauteur de 30,75 % ; que comme le soutiennent valablement les syndicats, la société dominante n'est pas nécessairement celle qui se situe au plus haut niveau de l'organigramme, à savoir au niveau des deux sociétés étrangères susmentionnées ; qu'il appartient donc aux sociétés intimées de rapporter la preuve contraire que la société Sicli Holding n'exerce pas cette influence dominante, à savoir ne s'immisce pas directement ou indirectement dans la gestion de ces entreprises, et qu'elle est seulement une pure société de participation au sens de l'article L. 2331-4 du code du travail ; (
) que l'article L. 2331-4 du code du travail dispose que ne sont pas considérées comme entreprises dominantes, les entreprises mentionnées aux points a et c du paragraphe 5 de l'article 3 du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 sur les concentrations, à savoir les sociétés de participation financière, dont l'objet unique est la prise de participation dans d'autres entreprises, la gestion et la mise en valeur de ces participations, sans que ces sociétés ne s'immiscent directement ou indirectement dans la gestion de ces entreprises ; que dans son arrêt du 28 juin 2017, la Cour de cassation a jugé que les renvois de l'article L. 2331-4 du code du travail au règlement CE n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 sur les concentrations, étaient clairs (
) ; qu'il existe en l'espèce un faisceau d'indices qui permet d'affirmer que la société Sicli Holding n'est pas une « pure » société de participation financière au sens de la combinaison des directives européennes susvisées auxquelles se réfère l'article L. 2331-4 du code du travail ; qu'en effet, l'influence de la société Sicli Holding sur les 17 autres sociétés du groupe, découle déjà du fait que M. X..., président de la société Sicli Holding, est également président des sociétés du sous-groupe dit Vulcain et du sous-groupe dit Delta Security, mais aussi dirigeant des sociétés Vendôme, Aitec et co-gérant de la société Chubb France, de sorte que seules trois des 17 sociétés du groupe, à savoir les sociétés Vulcain Prévention Incendie, UTC Fire Safety Emea et Sicli Opérations France, n'ont pas pour dirigeant M. X..., lequel concentre donc l'essentiel des pouvoirs de direction au sein des sociétés françaises du groupe, tout en étant représentant légal des deux sociétés étrangères détenant la société Sicli Holding ; qu'en avril 2016, la société Chubb France a informé le comité d'entreprise que 6 sociétés du groupe Vulcain allaient être cédées à la société Sicli Holding appartenant au groupe UTC, ce qui constituait une opération de concentration, à laquelle participait la société Chubb France ; qu'or, ce projet a été directement validé par le procès-verbal de délibération des associés de la société Sicli Holding en date du 28 avril 2016 sur l'acquisition des sociétés du groupe Vulcain, où il est dit que l'assemblée générale prend connaissance de l'intention de la société de « rationnaliser l'organisation des sociétés cibles (du groupe Vulcain) et notamment de préserver les spécialisations métier des différents pôles d'activité du groupe » ; quel les autres procès-verbaux de délibération de la société Sicli Holding produits font état de décisions prises sur les acquisitions de parts de sociétés ou de vente de parts de sociétés du groupe, sur des garanties bancaires liées à ces acquisitions, mais aussi, selon le procès-verbal de délibération du 26 novembre 2013, statue sur la création d'une filiale de la société Sicli Opérations France et l'acquisition par cette filiale d'une partie du fonds de commerce de la société UTC Fire Security Services, sur la recapitalisation de la société Vendôme ; qu'on peut en déduire que la société Sicli Holding prend les décisions stratégiques tant économiques et financières du groupe UTC (acquisitions d'autres sociétés pour les inclure comme filiales dans le groupe, réorganisation suite à ces acquisitions, comme lors de l'acquisition des sociétés du groupe Vulcain), au-delà de ses liens capitalistiques avec ses filiales dont elle détient la totalité ou la quasi-totalité des parts sociales, dans la mesure où un seul homme, M. X..., en contrôle la gestion soit directement en tant que gérant soit en tant que président selon les formes sociales des filiales, soit indirectement dans le second sous-groupe dit Delta Security ; qu'en conséquence, la cour, infirmant le jugement, enjoindra à la société Sicli Holding, société dominante à l'égard de ses 17 filiales, de mettre en place un comité de groupe regroupant les 17 autre sociétés intimées (
) » ;

1°) ALORS, de première part, QUE ne sont pas considérées comme entreprises dominantes, les sociétés de participation financière, dont l'unique objet est la prise de participation dans d'autres entreprises, la gestion et la mise en valeur de ces participations, sans que ces sociétés s'immiscent directement ou indirectement dans la gestion des entreprises concernées ; que la simple circonstance que le dirigeant de la société holding soit également le dirigeant des autres entreprises du groupe, ne suffit pas à caractériser une immixtion de la société holding dans la gestion de ces entreprises ; que dès lors, en se bornant à relever, pour juger qu'il existait un « faisceau d'indices qui permet d'affirmer que la société Sicli Holding n'est pas une « pure » société de participation financière », que « l'influence de la société Sicli Holding sur les dix-sept autres sociétés du groupe découle déjà du fait que M. X..., président de la société Sicli Holding, est également président des sociétés du sous-groupe dit Vulcain et du sous-groupe dit Delta Security, mais aussi dirigeant des sociétés Vendôme, Aitec, et co-gérant de la société Chubb France, de sorte que seules trois des dix-sept sociétés du groupe (
) n'ont pas pour dirigeant M. X..., lequel concentre donc l'essentiel des pouvoirs de direction au sein des sociétés françaises du groupe, tout en étant le représentant légal des deux sociétés étrangères détenant la société Sicli Holding » (arrêt attaqué, p. 9 § 7), et que la société holding prenait les décisions stratégiques du groupe UTC dans la mesure où M. X... en contrôlait la gestion (arrêt attaqué, p. 10 § 2), sans constater aucun acte d'immixtion de la société Sicli Holding dans la gestion des filiales concernées en lien avec la qualité de dirigeant de M. X..., la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser une immixtion de la société Sicli Holding dans la gestion des sociétés concernées, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2331-4 du code du travail ;

2°) ALORS, de deuxième part, QUE la simple circonstance que la société holding ait le pouvoir de désigner le gérant de l'une de ses filiales, ne suffit pas à caractériser l'immixtion de la société holding dans la gestion de l'entreprise concernée ; que dès lors, en jugeant que la désignation par la société Sicli Holding du gérant de la société Chubb France « influ[ait] nécessairement sur la gestion de la société », aux motifs que « la société Sicli Holding est la seule associée commanditée de la société en commandite simple Chubb France, de sorte que c'est la société Sicli Holding qui désigne seule le gérant de la société Chubb France » (arrêt attaqué, p. 7 § 4), la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser une immixtion de la société Sicli Holding dans la gestion de cette société, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2331-4 du code du travail ;

3°) ALORS, de troisième part, QUE la simple circonstance que les sociétés d'un groupe forment un ensemble économique cohérent, avec intégration des matériels et des services associés, et que des convergences se soient développées entre ces sociétés, n'est pas de nature à établir l'immixtion de la société holding dans la gestion de ses filiales ; que dès lors, à supposer que la cour d'appel ait entendu déduire l'immixtion de la société Sicli Holding dans la gestion de ses filiales concernées, de ce que « l'ensemble de ces dix-sept sociétés constitue un ensemble économique, opérant dans le même secteur de la sécurité/gardiennage/télésurveillance et la sécurité incendie, avec intégration des matériels et des services associés », et de ce que « des convergences se sont développées entre ces différentes sociétés » (arrêt attaqué, p. 8 §§ 2 à 4), la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2331-4 du code du travail ;

4°) ALORS, de quatrième part, QU'en se fondant sur l'acquisition en 2016 par la société Sicli Holding de six sociétés du groupe Vulcain pour les inclure comme filiales dans le groupe, et sur la réorganisation consécutive à ces acquisitions, pour en déduire que la société Sicli Holding prenait les décisions stratégiques économiques et financières du groupe UTC (arrêt attaqué, p. 10 § 2 et p. 9 avant-dernier §) et qu'elle n'était donc pas une « pure » société de participation financière (arrêt attaqué, p. 9 § 6), sans répondre au moyen des sociétés intimées qui faisaient valoir que le procès-verbal de l'assemblée générale du 28 avril 2016 « n'évoqu[ait] aucun acte de gestion de la société Sicli Holding mais fait simplement référence à une problématique de « reclassement des titres » afin que les sociétés du groupe Vulcain puissent faire partie du groupe d'intégration fiscale », comme l'avait justement décidé les premiers juges, lesquels avaient en outre relevé que ce procès-verbal ne visait « en aucun cas une gestion effective des sociétés concernées » (conclusions d'appel, p. 24 dernier §, et p. 25), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°) ALORS, de cinquième part, QUE le juge est tenu de respecter et de faire respecter le principe de la contradiction ; qu'en jugeant, pour retenir que la société Sicli Holding s'immisçait dans la gestion de certaines filiales, que « selon le procès-verbal de délibération du 26 novembre 2013, statue (sic) sur la création d'une filiale la société Sicli Opérations France et l'acquisition par cette filiale d'une partie du fonds de commerce de la société UTC Fire et Security Services, sur la recapitalisation de la société Vendôme » (arrêt attaqué, p. 10 § 1), sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations sur ce moyen qu'elle relevait d'office, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

6°) ALORS, de sixième part, QU'en déduisant l'immixtion de la société Sicli Holding dans la gestion de ses filiales, de ce que « selon le procès-verbal de délibération du 26 novembre 2013, statue sur la création d'une filiale la société Sicli Opérations France et l'acquisition par cette filiale d'une partie du fonds de commerce de la société UTC Fire et Security Services, sur la recapitalisation de la société Vendôme » (arrêt attaqué, p. 10 § 1), cependant que ces actes relevaient de l'activité de société de participation financière de la société Sicli Holding ainsi que de l'exercice de ses droits d'associé, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser une immixtion de la holding dans la gestion des sociétés concernées, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2331-4 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-21723
Date de la décision : 14/11/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

REPRESENTATION DES SALARIES - Comité de groupe - Constitution - Conditions - Entreprise dominante - Définition - Siège social situé sur le territoire français - Applications diverses - Entreprise ayant son siège social en France - Entreprise contrôlée par une ou plusieurs sociétés domiciliées à l'étranger - Absence d'incidence sur la qualification d'entreprise dominante - Portée

REPRESENTATION DES SALARIES - Comité de groupe - Constitution - Conditions - Entreprise dominante - Définition - Exclusion - Société de participation financière - Limites - Immixtion directe ou indirecte dans la gestion des entreprises filiales - Portée

Aux termes de l'article L. 2331-1 du code du travail, un comité de groupe doit être constitué au sein du groupe formé par une entreprise dominante dont le siège social est situé sur le territoire français et les entreprises qu'elle contrôle. Il est sans incidence que l'entreprise dominante située en France soit elle-même contrôlée par une ou plusieurs sociétés domiciliées à l'étranger. Par ailleurs, si l'article L. 2331-4 du code du travail exclut notamment de la qualification d'entreprises dominantes les sociétés de participation financière visées au point c du § 5 de l'article 3 du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 sur les concentrations, c'est à la condition, toutefois, que les droits de vote attachés aux participations détenues ne soient exercés, notamment par la voie de la nomination des membres des organes de direction et de surveillance des entreprises dont elles détiennent des participations, que pour sauvegarder la pleine valeur de ces investissements et non pour déterminer directement ou indirectement le comportement concurrentiel de ces entreprises, c'est-à-dire à la condition, précisée par l'article 5, § 3, de la directive 78/660/CEE du Conseil du 25 juillet 1978 auquel renvoient les dispositions du règlement précité, que la société de participation financière ne s'immisce pas directement ou indirectement dans la gestion des entreprises filiales


Références :

articles L. 2331-1 et L. 2331-4 du code du travail

article 5, § 3, de la directive 78/660/CEE du Conseil du 25 juillet 1978 concernant les comptes annuels de certaines formes de sociétés

article 3, § 5, point c, du règlement (CE) n°139/2004 du Conseil
du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 28 juin 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 nov. 2019, pourvoi n°18-21723, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Cathala
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 24/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.21723
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