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14/11/2019 | FRANCE | N°17-29029

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 14 novembre 2019, 17-29029


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 12 septembre 2017), que, le 11 octobre 2010, la société Distri Olonzac, locataire de locaux à usage de supermarché appartenant à la société Marco Olonzac, a sollicité le renouvellement du bail à compter du 1er janvier 2011, moyennant une diminution du loyer ; que, le 24 novembre 2010, la bailleresse a accepté le renouvellement avec un loyer déplafonné ; que la locataire a saisi le juge des loyers en fixation du loyer ;

Sur le premier moyen, ci-ap

rès annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spéc...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 12 septembre 2017), que, le 11 octobre 2010, la société Distri Olonzac, locataire de locaux à usage de supermarché appartenant à la société Marco Olonzac, a sollicité le renouvellement du bail à compter du 1er janvier 2011, moyennant une diminution du loyer ; que, le 24 novembre 2010, la bailleresse a accepté le renouvellement avec un loyer déplafonné ; que la locataire a saisi le juge des loyers en fixation du loyer ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article L. 145-34 du code de procédure civile ;

Attendu que l'arrêt, qui fixe le loyer à la valeur locative, retient que les conséquences sur la valeur locative de la modification de la destination de l'activité prévue au bail pourraient contrebalancer celles des désordres sur le bâtiment, que les infiltrations en toiture, dont l'existence n'est pas démontrée à la date de renouvellement du bail, et la suppression de l'accès ne diminuent pas la valeur locative, que ni le risque de remise en cause de l'exploitation d'une station-service ni le déclassement du bâtiment ne sont avérés et qu'il faut tenir compte de l'incidence de la prise en charge par le preneur de la taxe foncière, d'une évolution démographique et d'un développement de la zone légèrement favorable ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, s'il existait une modification notable des éléments mentionnés aux paragraphes 1 à 4 de l'article L. 145-33 du code de commerce et permettant de déplafonner le loyer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette des débats les pièces n° 21, 22, 23, et 24, produites par la société Distri Olonzac en annexe de ses écritures remises le 6 et le 7 juin 2017, et retient pour cette partie les écritures et pièces annexes déposées le 12 mai 2017, l'arrêt rendu le 12 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur le surplus, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne la société Marco Olonzac aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Marco Olonzac ; la condamne à payer à la société Distri Olonzac la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société Distri Olonzac.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir écarté des débats les pièces n° 21, 22, 23, et 24, produites par la SARL DISTRI OLONZAC en annexe de ses écritures remises le 6 et le 7 juin 2017, et retenu pour cette partie les écritures et pièces annexes déposées le 12 mai 2017 ;

Aux motifs que « sur les pièces et écritures dans les débats La cour observe que la production de trois pièces nouvelles annexées à des écritures la veille de la clôture le 6 juin 2017, puis encore d'une quatrième pièce nouvelle avec des écritures le jour de la clôture le 7 juin 2017, ne remplit pas les conditions d'une loyauté du débat contradictoire au regard des dispositions des articles 15 et 16 du code de procédure civile. Il en résulte que la cour écartera des débats les pièces n° 21, 22, 23, et 24, produites par la SARL Distri Olonzac en annexe de ses écritures du 6 et 7 juin 2017, et s'en tiendra pour cette partie aux écritures et pièces annexes déposées le 12 mai 2017 » ;

Alors qu'en affirmant, pour écarter les pièces n° 21, 22, 23, et 24, produites par la SARL Distri Olonzac en annexe de ses écritures du 6 et 7 juin 2017, qu'elles portent atteinte au principe de la contradiction, sans toutefois expliquer, même sommairement, en quoi elles n'avaient pas été déposées temps utiles avant l'ordonnance de clôture, la cour d'appel a privé sa décision de base légale à l'aune de l'article 15 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé le loyer du bail renouvelé à compter du 1er janvier 2011 au montant annuel de 47.931,50 € hors taxes et d'avoir dit que les parties contractantes pourront réclamer le paiement ou le remboursement des sommes éventuellement dues ou payées indûment au titre des loyers échus et effectivement acquittés depuis le 1er janvier 2011 ;

Aux motifs que « sur le montant du loyer.

Le litige porte sur la fixation d'un loyer de renouvellement d'un bail commercial de neuf ans à compter du 1er janvier 2011. L'article L 145-33 du code de commerce énonce que le montant du loyer du bail renouvelé doit correspondre à la valeur locative, déterminée à défaut d'accord au regard de 5 critères énumérés. Dans sa version en vigueur à la date du renouvellement du bail à laquelle le juge doit se placer pour fixer le montant du loyer, l'article L 145-34 énonce qu'à moins d'une modification notable des éléments 1 à 4 de l'article précédent, la variation ne peut excéder celle intervenue depuis la fixation initiale du bail expiré de l'indice trimestriel du coût de la construction ou des loyers commerciaux publié par l'INSEE.
Le loyer initial du bail expiré avait été fixé à la somme de 32 700 € hors-taxes.
L'expert judiciaire expose dans ses conclusions que le sapiteur qu'il avait mandaté a proposé aux termes de l'examen de toutes les considérations des parties une valeur locative au moment de son rapport d'un montant de 47 931, 50 € hors-taxes, montant qui pourrait être ramené à 47 065 € en tenant compte de la modification de la destination de l'activité, de la disparition de l'accès arrière, et de l'absence de réparations sur le bâtiment, ou augmenté à 60 893 € dans le cas d'une remise en service de l'accès arrière et d'une remise en état du bâtiment avec la prise en compte de la modification d'activité.
L'expert précise que le problème de l'accès fermé devrait être prochainement résolu, et que les travaux de reprise en toiture et éventuellement de l'adjonction d'une isolation pouvaient être évalués à des montants respectifs TTC de 37 707,13 € et 12 127,44 €.
Le rapport déposé par le sapiteur auquel l'expert judiciaire se réfère expressément procède à l'évaluation de la valeur locative par un examen détaillé et argumenté des critères 1 à 4 de l'article L 145-33 du code de commerce, dont la modification notable pourrait seule valider un déplafonnement au regard de la variation des indices de référence.
Les parties qui ne réclament pas une mesure de contre-expertise n'apportent pas dans les débats d'éléments nouveaux qui n'auraient pas été ou pu être soumis au contradictoire des opérations d'expertise, de sorte que le juge peut utilement se référer à une appréciation résultant des investigations de la mesure d'instruction effectuée.
Ces investigations conduisent à proposer une valeur locative révisée en fonction de l'indice de référence (au 1er janvier 2013), sur la base d'une valeur moyenne de 85 € le mètre carré, d'un montant annuel de 47 931,50 € hors-taxes.
Les débats à l'audience et les pièces communiquées par les parties ne permettent pas utilement de retenir une appréciation certaine des circonstances et des responsabilités, ni même de l'imputabilité, ni des conséquences économiques précises, de l'évolution d'une activité initiale de supermarché alimentaire vers une activité de réserves de produits et de ventes de jardinerie, comme des désordres invoqués en toiture, ou encore de la suppression d'une voie d'accès à l'arrière.
La cour observe que le sapiteur énonce sans être sérieusement critiqué que les conséquences sur la valeur locative de la modification de la destination de l'activité prévue au bail pourraient raisonnablement contrebalancer celles des désordres sur le bâtiment.
À ce titre, le bailleur énonce sans être utilement contredit que les infiltrations en toiture ne sont pas démontrées à la date de renouvellement du bail en janvier 2011 et qu'il n'a pas été mis en demeure d'y remédier, que le preneur ne démontre pas une diminution consécutive de son chiffre d'affaires.
Par ailleurs, le preneur ne démontre pas un impact économique particulier de la suppression d'une voie d'accès dans le cadre d'une activité qu'il a modifiée sans apporter la preuve d'une autorisation du bailleur ni d'une nécessité impérative d'adaptation qu'il invoque.
Un courrier du directeur de l'agence technique départementale du conseil général daté du 6 juillet 2011 indique que les travaux sur la voirie de création d'un trottoir au droit de l'ancien accès supprimé ne sont pas à l'origine de la suppression de l'accès « dont la fermeture physique a été réalisée antérieurement sous la responsabilité de l'occupant des lieux et la décision d'aménager l'espace a été prise sur la base du constat de la fermeture de l'accès par son bénéficiaire ».
Au vu de ces observations, le premier juge a retenu à tort une diminution de la valeur locative au montant de 3 7 665 ,71 C « si l'on prend en considération l'état des bâtiments et la suppression de l'accès ».
Il a de même retenu à tort une diminution supplémentaire au regard d'un risque de remise en cause de l'exploitation d'une station-service, alors que ce risque n'est pas actuellement établi en absence de difficultés de fonctionnement.
Le premier juge a en revanche retenu des motifs pertinents de fixation de la valeur locative que la cour adopte, concernant l'incidence de la prise en charge par le preneur de la taxe foncière, d'une évolution démographique et de développement de la zone légèrement favorable, l'adéquation entre les locaux et l'activité initialement prévue au bail, concernant enfin l'absence de risque réel d'un déclassement effectif du local limitant la fréquentation à 50 personnes à la fois.
La cour retiendra en conséquence la valeur locative proposée en premier lieu par les investigations de l'expertise judiciaire au montant annuel de 47 931,50 C hors taxes.
Sur le point de départ du nouveau loyer fixé et les conséquences du bail commercial de neuf ans à compter du 1er janvier 2011.
Il en résulte que les parties contractantes pourront réclamer le paiement ou le remboursement des sommes éventuellement dues ou payées indûment au titre des loyers échus et effectivement acquittés depuis le 1 er janvier 2011 » ;

Alors que, d'une part, à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice sur lequel le loyer est indexé ; qu'en se fondant, pour déplafonner le loyer et le fixer à la valeur locative, sur l'incidence de la prise en charge par le preneur de la taxe foncière, une évolution démographique et de développement de la zone légèrement favorable, l'adéquation entre les locaux et l'activité initialement prévue au bail et sur l'absence de risque réel d'un déclassement effectif du local limitant la fréquentation à 50 personnes à la fois, sans avoir toutefois relevé une modification notable des éléments de 1° à 4° de l'article L. 145-33 du Code de commerce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-33 et L. 145-34 du Code de commerce ;

Alors que, d'autre part, en estimant que le loyer devait être fixé à la valeur locative, sans avoir répondu au chef des conclusions d'appel de l'exposante, selon lequel le bâtiment était affecté d'un problème important d'isolation thermique (conclusions de l'exposante, p. 11, § 2 et s.), la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;

Alors que, enfin, les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal de grande instance ou le juge qui le remplace ; qu'en énonçant que les parties contractantes pourront réclamer le paiement ou le remboursement des sommes éventuellement dues ou payées indûment au titre des loyers échus et effectivement acquittés depuis le 1er janvier 2011, quand un tel paiement ne constitue pourtant pas une contestation relative à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, la cour d'appel a violé l'article R. 145-23 du Code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 17-29029
Date de la décision : 14/11/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 12 septembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 14 nov. 2019, pourvoi n°17-29029


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.29029
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