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07/11/2019 | FRANCE | N°19-18262

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 07 novembre 2019, 19-18262


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Reims, 10 octobre 2018) et les pièces de la procédure, le 12 septembre 2018, à la suite d'une crise clastique survenue dans un contexte d'alcoolisation aiguë et de dispute familiale, M. D... a été conduit par les forces de l'ordre au service des urgences du centre hospitalier de Châlons-en-Champagne, où il a été admis à 19 heures 20. Le 13 septembre, son père a demandé son admission en soi

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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Reims, 10 octobre 2018) et les pièces de la procédure, le 12 septembre 2018, à la suite d'une crise clastique survenue dans un contexte d'alcoolisation aiguë et de dispute familiale, M. D... a été conduit par les forces de l'ordre au service des urgences du centre hospitalier de Châlons-en-Champagne, où il a été admis à 19 heures 20. Le 13 septembre, son père a demandé son admission en soins psychiatriques. Il a été examiné par un médecin des urgences, puis par un psychiatre de l'Etablissement public de santé mentale de la Marne (EPSM), qui ont chacun certifié que ses troubles mentaux nécessitaient son admission en soins psychiatriques sans son consentement. Sur la base de ces certificats médicaux, le directeur de l'EPSM a pris, le même jour, une décision d'admission en soins psychiatriques sans consentement à la demande d'un tiers.

2. En application de l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique, le directeur d'établissement a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de prolongation de la mesure.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Énoncé du moyen

3. M. D... fait grief à l'ordonnance de décider la prolongation des soins psychiatriques sans consentement sous la forme de l'hospitalisation complète, alors qu'« il résulte des dispositions de l'article R. 3211-25 du code de la santé publique que le premier alinéa de l'article 641 et le second alinéa de l'article 642 du code de procédure civile ne sont pas applicables à la computation des délais dans lesquels le juge doit être saisi et doit statuer en matière de soins psychiatriques ; qu'en conséquence, le jour de l'événement qui fait courir le délai compte, et il n'y a pas de prorogation lorsque le délai expire un samedi, dimanche ou jour férié ; que dès lors, le placement en isolement étant intervenu le 12 septembre 2018, le juge de la liberté et de la détention a statué après expiration du délai légal le 24 septembre 2018, et le juge délégué par le premier président, tenu de constater que la mainlevée était acquise, a violé, ensemble les articles L. 3211-12-1 IV et R. 3211-25 du code de la santé publique ».

Réponse de la Cour

4. Il résulte de l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique que le délai de douze jours dans lequel le juge des libertés et de la détention doit statuer sur la poursuite d'une mesure de soins psychiatriques sans consentement se décompte depuis la date du prononcé de la décision d'admission.

5. L'ordonnance constate que la décision d'admission en soins psychiatriques sans consentement a été prise par le directeur de l'EPSM le 13 septembre 2018 et que le juge des libertés et de la détention a statué sur la poursuite de la mesure le 24 septembre 2018. Il s'en déduit que celui-ci s'est prononcé dans le délai légal.

6. Par ce motif de pur droit, suggéré en défense et substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues à l'article 620, alinéa 1er, du code de procédure civile, l'ordonnance se trouve légalement justifiée au regard de l'article L. 3211-12-1.

Sur le second moyen

Énoncé du moyen

7. M. D... fait le même grief à l'ordonnance, alors :

1°/ que « l'isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours, il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision d'un psychiatre, prise pour une durée limitée, leur mise en oeuvre doit faire l'objet d'une surveillance stricte confiée par l'établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et un registre est tenu dans l'établissement lequel mentionne pour chaque mesure d'isolement ou de contention, le nom du psychiatre ayant décidé cette mesure, sa date, son heure, sa durée et le nom des professionnels de santé l'ayant surveillée, ce registre doit être présenté au juge des libertés et de la détention dans le cadre de son contrôle ; que les garanties ainsi instituées pas la loi pour la sauvegarde de la liberté individuelle et de la sûreté des personnes ne peuvent être contournées à aucun titre ; qu'en jugeant que ces garanties légales ne s'appliquent que dans les établissements de santé chargés d'assurer les soins psychiatriques sans consentement et non dans les services d'urgence d'un centre hospitalier, le juge délégué par le premier président de la cour d'appel a violé les articles 66 de la Constitution et L. 3222-5-1 du code de la santé publique » ;

2°/ que « le pôle châlonnais de psychiatrie rassemble des structures de soins au sein même du centre hospitalier de Châlons-en-Champagne, un accueil des urgences psychiatriques y étant assuré 24h/24 dans le cadre d'une convention de partenariat ; que le requérant a été hospitalisé dès le 12 septembre 2018 aux urgences psychiatriques de l'Hôpital de Châlons-en-Champagne ; qu'en jugeant que les garanties légales ne s'appliquent que dans les établissements de santé chargés d'assurer les soins psychiatriques sans consentement et non dans les services d'urgence d'un centre hospitalier, le juge délégué par le premier président de la cour d'appel a violé les articles 66 de la Constitution et L. 3222-5-1 du code de la santé publique ».

Réponse de la Cour

8. Il résulte des articles L. 3211-12, L. 3211-12-1 et L. 3216-1 du code de la santé publique qu'il n'appartient pas au juge des libertés et de la détention de se prononcer sur la mise en oeuvre d'une mesure médicale, distincte de la procédure de soins psychiatriques sans consentement qu'il lui incombe de contrôler.

9. L'ordonnance constate que M. D... a été placé sous contention dans une chambre d'isolement d'un service d'urgence.

10. Il s'en déduit que cette mesure médicale échappait au contrôle du juge des libertés et de la détention.

11. Par ce motif de pur droit substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues aux articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'ordonnance se trouve légalement justifiée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat aux Conseils, pour M. D...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne en date du 24 septembre 2018 disant que l'hospitalisation complète du requérant peut être poursuivie

AUX MOTIFS QUE
Sur le délai dans lequel le juge des libertés et de la détention a statué
D'après les dispositions de l'article L3211-12-1 du code de la santé publique, le juge des libertés et de la détention doit statuer avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de l'admission prononcée en application des chapitres II ou III du présent titre ou de l'article L3214-3 du même code.
En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que M. D... a été admis en soins psychiatriques sous la forme initiale d'une hospitalisation complète par décision du directeur de l'établissement public de santé mentale (EPSM) de la Marne en date du 13 septembre 2018.
Cependant, il apparaît au vu de la fiche de synthèse en date du 12 septembre 2018, versée aux débats par le conseil de M. D..., que celui-ci, qui faisait preuve d'une agitation violente, a été placé en isolement avec menottes aux poignets et aux chevilles dès le 12 septembre 2018, à 19h20, aux fins de mise en observation pour suspicion de troubles mentaux et du comportement.
Mais, en statuant le 24 septembre 2018, le juge des libertés et de la détention a bien statué avant l'expiration du délai de douze jours à compter du 12 septembre 2018.

ALORS QUE il résulte des dispositions de l'article R 3211-25 du Code de la santé publique que le premier alinéa de l'article 641 et le second alinéa de l'article 642 du code de procédure civile ne sont pas applicables à la computation des délais dans lesquels le juge doit être saisi et doit statuer en matière de soins psychiatriques ; qu'en conséquence, le jour de l'évènement qui fait courir le délai compte, et il n'y a pas de prorogation lorsque le délai expire un samedi, dimanche ou jour férié ; que dès lors, le placement en isolement étant intervenu le 12 septembre 2018, le juge de la liberté et de la détention a statué après expiration du délai légal le 24 septembre 2018, et le juge délégué par le premier président, tenu de constater que la mainlevée était acquise, a violé, ensemble les articles L 3211-12-1 IV et R 3211-25 du Code de la santé publique.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne en date du 24 septembre 2018 disant que l'hospitalisation complète du requérant peut être poursuivie

AUX MOTIFS QUE
Sur la violation de l'article L3222-5-1 du code de la sauté publique
Il résulte des pièces versées aux débats, et notamment du compte rendu médical de passage de M. D... aux urgences et de la fiche de prescription et de surveillance établis le 12 septembre 2018 que le requérant, très agité et combattif et visiblement alcoolisé, amené menotté par la police, a été pris en charge par le docteur L... J..., médecin urgentiste, et que, outre l'administration de 10 mg de valium, il a été placé immédiatement à l'isolement dans une chambre fermée avec la police.
L'usage de l'isolement et de la contention, pratiques de dernier recours, ne peut être mis en oeuvre, en application de l'article L3222-5-1 du code de la santé publique, que sur décision d'un psychiatre et pour une durée limitée.
Or, le docteur J... est, d'après le compte rendu de l'hôpital, médecin urgentiste et non psychiatre.
De plus, M. D... n'a été examiné par un psychiatre que le 13 septembre, à 10h30, en la personne du docteur R....
Cependant, les conditions posées par l'article L3222-5-1 du code de la santé publique ne s'appliquent que dans les établissements de santé chargés d'assurer les soins psychiatriques sans consentement.
En l'espèce, M. D... a été admis aux urgences du centre hospitalier de Châlons-en-Champagne, établissement à vocation généraliste qui doit être distingué de l'établissement public de santé mentale (EPSM) de la Marne, qui, lui, est assujetti aux dispositions du code de la santé publique invoqué par le conseil de M. D....
Dès lors, le moyen soulevé par M. D... est inopérant.

1°) ALORS QUE l'isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours, il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision d'un psychiatre, prise pour une durée limitée, leur mise en oeuvre doit faire l'objet d'une surveillance stricte confiée par l'établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et un registre est tenu dans l'établissement lequel mentionne pour chaque mesure d'isolement ou de contention, le nom du psychiatre ayant décidé cette mesure, sa date, son heure, sa durée et le nom des professionnels de santé l'ayant surveillée, ce registre doit être présenté au juge des libertés et de la détention dans le cadre de son contrôle ; que les garanties ainsi instituées pas la loi pour la sauvegarde de la liberté individuelle et de la sûreté des personnes ne peuvent être contournées à aucun titre ; qu'en jugeant que ces garanties légales ne s'appliquent que dans les établissements de santé chargés d'assurer les soins psychiatriques sans consentement et non dans les services d'urgence d'un centre hospitalier, le juge délégué par le premier président de la cour d'appel a violé les articles 66 de la constitution et L.3222-5-1 du Code de la santé publique ;

2°) ALORS QUE le pôle châlonnais de psychiatrie rassemble des structures de soins au sein même du centre hospitalier de Châlons-en-Champagne, un accueil des urgences psychiatriques y étant assuré 24h/24 dans le cadre d'une convention de partenariat ; que le requérant a été hospitalisé dès le 12 septembre 2018 aux urgences psychiatriques de l'Hôpital de Châlons-en-Champagne ; qu'en jugeant que les garanties légales ne s'appliquent que dans les établissements de santé chargés d'assurer les soins psychiatriques sans consentement et non dans les services d'urgence d'un centre hospitalier, le juge délégué par le premier président de la cour d'appel a violé les articles 66 de la constitution et L.3222-5-1 du Code de la santé publique.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-18262
Date de la décision : 07/11/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

SANTE PUBLIQUE - Lutte contre les maladies et les dépendances - Lutte contre les maladies mentales - Modalités de soins psychiatriques - Droits des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques - Mesures d'isolement et de contention - Contrôle par le juge des libertés et de la détention (non)

Le placement sous contention dans une chambre d'isolement d'un service d'urgence constitue une mesure médicale qui ne relève pas du contrôle du juge des libertés et de la détention


Références :

Sur le numéro 1 : article L. 3211-12-1 du code de la santé publique.
Sur le numéro 2 : articles L. 3211-12, 3211-12-1 et 3216-1 du code de la santé publique

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 10 octobre 2018

N1 Sur le point de départ du délai dans lequel le juge des libertés et de la détention doit statuer, à rapprocher :1re Civ., 5 février 2014, pourvoi n° 11-28564, Bull. 2014, I, n° 20 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 07 nov. 2019, pourvoi n°19-18262, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:19.18262
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