LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 11 mai 2017 et 9 novembre 2017), que la société MS distribution, spécialisée dans le commerce de gros de produits alimentaires, a signé le 8 février 2012 avec la société Omniburo un bon de commande portant sur la fourniture de six photocopieurs et conclu, le même jour, quatre contrats de maintenance ; que reprochant à la société Omniburo la non-conformité du matériel livré et le non-respect de ses engagements contractuels, la société MS distribution a, par lettre du 23 septembre 2013, résilié l'ensemble des contrats, avec effet au 1er juillet 2013 ; que par acte du 23 octobre 2013, la société Omniburo, après une mise en demeure restée infructueuse, a assigné la société MS distribution, devant le tribunal de commerce de Marseille, en paiement de l'indemnité de résiliation anticipée prévue aux contrats, de diverses factures et de dommages-intérêts pour résistance abusive ; que la société MS distribution a contesté ces demandes et invoqué, subsidiairement, la nullité de la clause d'indemnité de résiliation, créant un déséquilibre significatif à son détriment, en application de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce dans sa rédaction alors applicable ; que le tribunal ayant condamné la société MS distribution au paiement d'une certaine somme à titre d'indemnité de résiliation, celle-ci a formé appel devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, qui, par un arrêt avant-dire droit du 11 mai 2017, a invité les parties à présenter leurs observations sur la fin de non-recevoir, tirée des dispositions d'ordre public des articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce, qu'elle a relevée d'office ;
Sur le pourvoi, en ce qu'il est formé contre l'arrêt avant-dire droit du 11 mai 2017, après avertissement délivré aux parties :
Vu l'article 978 du code de procédure civile ;
Attendu que le mémoire en demande ne contenant aucun moyen dirigé contre l'arrêt avant-dire droit du 11 mai 2017, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé contre cette décision ;
Et sur le moyen unique du pourvoi, en ce qu'il est formé contre l'arrêt du 9 novembre 2017, après avertissement délivré aux parties :
Attendu que la société MS distribution fait grief à l'arrêt du 9 novembre 2017 de déclarer irrecevable son appel interjeté devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence contre le jugement du 16 juin 2014 alors, selon le moyen :
1°/ que seule la cour d'appel de Paris est investie de pouvoirs juridictionnels lui permettant de statuer en application des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce ; que les autres cours d'appels demeurent investies du pouvoir de trancher les prétentions des parties qui ne sont pas fondées sur ce texte ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté que l'article L. 442-6 du code de commerce n'était invoqué qu'à l'appui de la demande subsidiaire de la société MS distribution ; qu'il en résultait que la cour d'appel était tenue de connaître la demande principale de la société MS distribution, qui n'était aucunement fondée sur ce texte ; qu'en décidant l'inverse, la cour d'appel a méconnu ses pouvoirs, en violation des articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce, ensemble l'article R. 311-3 du code de l'organisation judiciaire ;
2°/ que pour relever d'office son incompétence au profit de la cour d'appel de Paris par application des articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce, encore faut-il que la cour d'appel soit saisie d'un litige portant sur l'application du premier de ces textes ; qu'en l'espèce, dans ses dernières conclusions d'appel, la société MS distribution s'était désistée de ses demandes fondées sur l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce, de sorte que la cour d'appel d'Aix-en-Provence n'était saisie d'aucun litige relatif à l'application de ce texte ;
Mais attendu que selon l'article D. 442-3 du code de commerce, la cour d'appel de Paris est seule investie du pouvoir de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par les juridictions spécialement désignées dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 de ce code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 ; que l'inobservation de cette règle est sanctionnée par une fin de non-recevoir ; qu'il ressort des énonciations du jugement et de l'arrêt avant-dire droit que la société MS distribution avait saisi le tribunal de commerce de Marseille d'une demande subsidiaire fondée sur l'article L. 442-6 du code de commerce ; que, dès lors, seule la cour d'appel de Paris pouvait connaître de l'appel formé contre le jugement entrepris, qui avait été rendu par une juridiction spécialement désignée pour connaître de cette demande, fût-elle formée à titre subsidiaire ; que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, l'arrêt du 9 novembre 2017 se trouve légalement justifié ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
CONSTATE LA DECHEANCE du pourvoi en ce qu'il est formé contre l'arrêt avant-dire droit rendu le 11 mai 2017 ;
REJETTE le pourvoi en ce qu'il est formé contre l'arrêt du 9 novembre 2017 ;
Condamne la société MS distribution aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Omniburo la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille dix-neuf, signé par lui et Mme Labat, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société MS distribution
Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir jugé irrecevable l'appel interjeté devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence par la société MS Distribution contre le jugement du 16 juin 2014 ;
aux motifs que « les réclamations de la société MS Distribution sont fondées notamment sur l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce sanctionnant le fait « de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » ; qu'or ce texte précise dans son III alinéa 5 que « les litiges relatifs à l'application du présent article sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret », tandis que l'article D. 442-3, alinéa 2, du même code attribue compétence à la [seule] cour d'appel de Paris pour connaître des jugements ayant statué en application de l'article L. 442-6 ; que l'inobservation de ces textes, que nul n'est censé ignorer, est sanctionnée par une fin de non-recevoir, puisque cette compétence territoriale est d'ordre public ; que la société MS Distribution, dans ses conclusions du 10 février 2017 antérieures à l'arrêt avant dire droit du 11 mai 2017, n'avait pas invoqué à titre principal l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce, le dispositif de celles-ci, qui seul a été examiné par la cour en vertu de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, mentionne cette application « subsidiairement », et non à titre infiniment subsidiaire comme le prétend aujourd'hui ce plaideur ; que cependant l'invocation de cet article L. 442-6 à quelque titre que ce soit, principal ou subsidiaire, rend incompétente une cour d'appel autre que celle de Paris ; que par ailleurs la société MS Distribution ne peut ni reprocher à la société Omniburo d'avoir attendu le jour de l'audience du 16 mars 2017 pour soulever l'irrégularité de l'appel puisque c'est la cour elle-même qui a soulevé ce problème, ni après ledit arrêt, renoncer à se prévaloir de ce texte ; que c'est donc à bon droit que la société Omniburo demande à la cour de se déclarer incompétente » ;
alors 1°) que seule la cour d'appel de Paris est investie de pouvoirs juridictionnels lui permettant de statuer en application des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce ; que les autres cours d'appels demeurent investies du pouvoir de trancher les prétentions des parties qui ne sont pas fondées sur ce texte ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté que l'article L. 442-6 du code de commerce n'était invoqué qu'à l'appui de la demande subsidiaire de la société MS Distribution ; qu'il en résultait que la cour d'appel était tenue de connaître la demande principale de l'exposante, qui n'était aucunement fondée sur ce texte ; qu'en décidant l'inverse, la cour d'appel a méconnu ses pouvoirs, en violation des articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce, ensemble l'article R. 311-3 du code de l'organisation judiciaire ;
alors 2°) que pour relever d'office son incompétence au profit de la cour d'appel de Paris par application des articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce, encore faut-il que la cour d'appel soit saisie d'un litige portant sur l'application du premier de ces textes ; qu'en l'espèce, dans ses dernières conclusions d'appel (prod), la société MS Distribution s'était désistée de ses demandes fondées sur l'application de l'article L du code de commerce, de sorte que la cour d'appel d'Aix-en-Provence n'était saisie d'aucun litige relatif à l'application de ce texte ;
Qu'en relevant toutefois son incompétence au profit de la cour d'appel de Paris, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a violé, par fausse application, les articles L 442-6 et D du code de commerce, ensemble et l'article R 311-3 du code de l'organisation judiciaire.