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24/10/2019 | FRANCE | N°18-22332

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 24 octobre 2019, 18-22332


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 2224 et 2251 du code civil ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel, que M. F... a confié la défense de ses intérêts à M. A... (l'avocat) en vue de la cession de ses actions dans la société GDA à la société Amidis et compagnie ; qu'un désaccord étant survenu sur le montant de la rémunération de l'avocat, celui-ci a saisi le bâtonnier de l'ordre par lettre du 26 mars

2016 d'une demande de fixation des honoraires litigieux ;

Attendu que pour déclarer ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 2224 et 2251 du code civil ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel, que M. F... a confié la défense de ses intérêts à M. A... (l'avocat) en vue de la cession de ses actions dans la société GDA à la société Amidis et compagnie ; qu'un désaccord étant survenu sur le montant de la rémunération de l'avocat, celui-ci a saisi le bâtonnier de l'ordre par lettre du 26 mars 2016 d'une demande de fixation des honoraires litigieux ;

Attendu que pour déclarer recevable cette action après avoir relevé qu'il n'était pas contesté que la prescription quinquennale avait couru à compter du 15 novembre 2007, l'ordonnance retient que l'avocat avait été autorisé par le juge de l'exécution le 7 août 2009 à faire pratiquer une saisie conservatoire au préjudice de M. F... en garantie de sa créance d'honoraires, à charge pour lui d'accomplir les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire dans le mois suivant l'exécution de la mesure à peine de caducité, ce qui n'a pas été fait en l'espèce, et qu'en l'absence de toute réclamation ou demande de restitution de la part de M. F... jusqu'à la main levée de cette saisie conservatoire le 21 juillet 2015, ce dernier a tacitement renoncé à la prescription ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la renonciation tacite non équivoque de M. F... à se prévaloir de la prescription, laquelle ne pouvait se déduire de sa seule inaction prolongée, le premier président a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 21 juin 2018, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne M. A... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à M. F... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour M. F...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré recevable l'action en fixation des honoraires de M. A... et d'AVOIR confirmé l'ordonnance de taxe d'honoraires du Bâtonnier de l'Ordre des Avocats au barreau des Pyrénées Orientales du 16 novembre 2016 ;

AUX MOTIFS QUE l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques dispose que les honoraires de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous-seing privé et de plaidoiries sont fixées en accord avec le client, et qu'à défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celuici ; qu'il convient en outre de rappeler que la procédure de taxation d'honoraire ne peut pas avoir pour objet d'examiner la qualité de la prestation de l'avocat en fonction du résultat obtenu devant les juridictions saisies ni surtout la responsabilité éventuelle d'avocat au cas de prestation estimée insuffisante par le client ; qu'en effet, le bâtonnier ainsi saisi n'est pas compétent pour juger les éventuels manquements reprochés par des clients à leur avocat qui relèvent du juge de la responsabilité civile professionnelle ou éventuellement de l'autorité disciplinaire pour les manquements déontologiques ; Sur la recevabilité de l'action en paiement d'honoraires ; qu'en l'espèce, l'action de Me A... est régie par les dispositions de l'article 2224 du code civil qui prévoit une prescription de cinq ans, l'intervention de celui-ci s'inscrivant dans le cadre des affaires à caractère professionnel de son client ; qu'au regard des dispositions de l'article 2244 du code civil, le délai de prescription ou le délai de forclusion est interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code de procédure civile exécution ou un acte d'exécution forcée ; qu'en l'espèce, la facture d'honoraires du 15 novembre 2007 constitue le point de départ de la prescription, ce qui n'est pas contesté. Il est acquis qu'un procès-verbal de saisie conservatoire de créances a été établi en date du 14 août 2009 à l'encontre de M. K... F..., visant une facture de prestation comportant un solde d'honoraires après règlement d'un acompte arrêté à la somme de 8611,20 euros ttc ; que ce procès-verbal faisait suite à une ordonnance du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Perpignan en date du 7 août 2009, autorisant M. A... à faire pratiquer une saisie conservatoire au préjudice de M. K... F... pour sûreté et garanties de la créance d'honoraires ainsi que les frais et dépens subséquents, à charge pour le créancier, dans le mois suivant l'exécution de la mesure à peine de caducité, d'introduire une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire ; qu'en l'espèce, cela n'a pas été le cas, car la procédure en paiement des honoraires n'a été engagée auprès du bâtonnier de l'ordre des avocats de Perpignan que le 26 mars 2016, de sorte que l'autorisation de faire pratiquer une saisie conservatoire était caduque ; qu'en conséquence, même si la caducité ayant atteint cette mesure d'exécution l'a privée rétroactivement de tous ses effets, de sorte que cette caducité n'a pas eu d'effet sur l'interruption de la prescription, il y a lieu toutefois de constater qu'en l'absence de toute réclamation ou demande de restitution de la part de M. K... F... jusqu'à la mainlevée de saisie conservatoire le 21 juillet 2015, celui-ci a renoncé tacitement à la prescription, au sens de l'article 2251 du code civil, et qu'il est manifeste qu'il attendait l'issue de l'action en recherche de responsabilité de son avocat, soit l'arrêt de la première chambre civile de la cour de cassation, en date du 3 juin 2015 qui est liée à l'action en paiement d'honoraires ; Sur le fond : que s'agissant de la demande en paiement d'honoraires, il y a lieu de constater que M. A... a bien accompli des diligences en dépit d'une erreur matérielle dans la clause de libellé du prix mentionné à l'acte définitif, étant rappelé qu'il n 'y a pas lieu dans le cadre de cette procédure d'examiner la qualité de la prestation de l'avocat en fonction du résultat obtenu devant les juridictions saisies ni surtout la responsabilité éventuelle de l'avocat au cas de prestation estimée insuffisante par le client. Il est constant en l'espèce qu'il n'y a pas eu de convention d'honoraires, et qu'en conséquence il convient d'apprécier les honoraires sollicités par M. A... en fonction des critères ci-dessus rappelés ; que compte tenu de la complexité du dossier et au vu des pièces, 60 heures de diligences peuvent être retenues, soit 15 heures de rendez-vous et préparation du dossier, rendez-vous signature, 12 heures d'étude et validation des projets d'actes et 33 heures pour les contacts et la gestion matérielle du dossier ; que la charge de travail mise en compte de 60 heures est donc parfaitement justifiée par M. A..., de sorte qu'il y a lieu de valider le nombre d'heures décompté ; que le prix horaire de 150 € l'heure ht qui correspond à l'expérience de M. A..., à la complexité de ce dossier et aux diligences effectuées est donc justifié ; par voie de conséquence, le recours de M. K... F... sera rejeté et l'ordonnance de taxe d'honoraires du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau des Pyrénées orientales en date du 16 novembre 2016 sera confirmée ; (arrêt attaqué p.3 al. 4, 5, 6, p. 4, p. 5 al ; 1 à 4) ;

1°) ALORS QUE la renonciation tacite à la prescription ne peut résulter que de circonstances établissant sans équivoque la volonté de ne pas s'en prévaloir ; que l'ordonnance attaquée énonce seulement que la renonciation tacite de M. F... à la prescription se déduit de ce qu'il n'a pas réclamé la restitution des fonds inscrits sur le compte Carpa de M. A... malgré la caducité de la saisie conservatoire ; qu'en se bornant à se prononcer sur la base de la seule inaction prolongée de M. F..., qui est nécessairement équivoque, sans constater aucun acte positif de sa part susceptible de caractériser la renonciation tacite, le premier président a privé sa décision de base légale au regard des articles 2224 et 2251 du Code civil ;

2°) ALORS QUE la renonciation tacite à se prévaloir de la prescription ne peut résulter que d'actes accomplis en connaissance de cause ; qu'en omettant de rechercher si M. F... avait connaissance du fait que la mesure de saisie conservatoire était caduque et qu'il aurait pu revendiquer le versement des sommes inscrites sur le compte Carpa de M. A... deux ans après la date du procès-verbal de saisie conservatoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2224 et 2251 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-22332
Date de la décision : 24/10/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 21 juin 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 24 oct. 2019, pourvoi n°18-22332


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Ghestin, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.22332
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