La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/10/2019 | FRANCE | N°18-18642

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 24 octobre 2019, 18-18642


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 24 mai 2018), que, par acte du 3 juin 2013, M. H..., propriétaire de parcelles de vigne, a conclu avec la SAFER une convention de mise à disposition en vue de permettre à la société civile agricole Domaine de la Grave (la SCA) de procéder à la récolte de l'année ; que, par acte du 28 novembre 2016, il a saisi le tribunal de grande instance en indemnisation pour occupation sans droit ni titre depuis le 30 novembr

e 2013 et arrachage des vignes ; qu'invoquant l'existence d'un bail rural ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 24 mai 2018), que, par acte du 3 juin 2013, M. H..., propriétaire de parcelles de vigne, a conclu avec la SAFER une convention de mise à disposition en vue de permettre à la société civile agricole Domaine de la Grave (la SCA) de procéder à la récolte de l'année ; que, par acte du 28 novembre 2016, il a saisi le tribunal de grande instance en indemnisation pour occupation sans droit ni titre depuis le 30 novembre 2013 et arrachage des vignes ; qu'invoquant l'existence d'un bail rural à son profit, la SCA a soulevé une exception d''incompétence au profit du tribunal paritaire des baux ruraux ;

Attendu que la SCA fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception ;

Mais attendu qu'ayant retenu, exactement, que la convention de mise à disposition conclue par un propriétaire avec la société d'aménagement foncier et d'établissement rural, en application des articles L. 142-6 et L. 142-7 du code rural et de la pêche maritime, est exclusive du statut du fermage et, souverainement, que la SCA, demeurée dans les lieux à l'issue de la convention initiale, ne rapportait pas la preuve, qui lui incombait, d'un accord direct entre M. H... et elle-même pour que l'exploitation des parcelles se poursuive à titre onéreux, dès lors que les pourparlers engagés entre eux en vue d'un bail n'avaient manifestement pas abouti et que les modalités d'un éventuel fermage restaient indéterminables, la cour d'appel a pu en déduire, abstraction faite d'un motif surabondant sur l'appréciation de l'arrachage des plants et de ses conséquences, que l'exception devait être rejetée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la SCA Domaine de la Grave aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCA Domaine de la Grave et la condamne à payer à M. H... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société du Domaine de La Grave.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la SCA DOMAINE DE LA GRAVE ne peut invoquer l'existence d'un bail rural verbal à compter du 1er décembre 2013 et d'avoir rejeté le moyen d'incompétence que celle-ci avait soulevé ;

Aux motifs que « le débat est essentiellement probatoire. Il est ainsi constant que postérieurement à l'expiration de la convention conclue avec la SAFER, l'appelante a continué à occuper les parcelles litigieuses.
Il s'agit donc de déterminer si cette occupation a été consentie par M. H..., pour une exploitation agricole et à titre onéreux. Une telle démonstration emporterait application du statut du fermage nonobstant l'absence de bail écrit, celui-ci n'étant pas une condition de l'existence d'un bail rural.
Si l'appelante a la faculté de se prévaloir d'un bail verbal, c'est bien sur elle que repose la charge de la preuve que les conditions d'application du statut du fermage sont remplies.
Or, nonobstant les nouveaux éléments produits, la cour ne peut que constater que l'appelante ne rapporte pas la preuve qui lui incombe.
En effet, il est constant que la convention d'occupation initiale dont le terme était fixé au 30 novembre 2013 était exclusive du statut du fermage. Il est exact que postérieurement l'appelante avait toujours les parcelles à sa disposition et que des discussions ont eu lieu entre les parties pour convenir d'un bail rural. La signature de la demande d'autorisation d'exploiter en date du 29 novembre 2013 est en elle-même inopérante. En effet, ce document stipulait expressément qu'il n'emportait aucun engagement de louer ou vendre les parcelles, peu important qu'il puisse s'agir d'une lettre type.
Pour le surplus, il est justifié de discussions dont il n'est pas démontré qu'elles aient abouti à un accord. En effet, si en l'absence de signature du projet de bail, il est parfaitement possible d'envisager l'application du statut du fermage encore faut-il qu'il soit démontré la réalité de l'accord des parties de sorte que l'absence de signature procéderait uniquement d'une omission touchant à "l'instrumentum" mais non pas au "negotium" de cet acte.
Or, en l'espèce il n'est pas établi l'existence d'un accord. En effet, il existe des discordances entre l'ensemble des éléments produits. Le projet d'acte de bail rural prévoyait qu'il était consenti à compter du 1er janvier 2015, ce qui laisse sans explication toute la période de l'année civile 2014. Des échanges de courrier électronique produits, il apparaît que le notaire de l'appelante demandait une date de signature en proposant certaines "particularités" du bail. Celles-ci étaient refusées par le notaire de l'intimé comme contraires au statut du fermage. Si ce notaire faisait état d'un accord entre les parties sur les replantations, il n'en demeure pas moins qu'il indiquait qu'il devait être stipulé à part du bail de sorte que les conditions de celui-ci n'étaient pas définies et qu'il n'est pas justifié d'un accord des parties sur le contenu et les modalités de l'acte distinct qui était lui aussi envisagé. In fine, l'appelante se prévaut d'un courrier électronique en date du 4 mars 2016 où le notaire de M. H... demande à sa consoeur de lui confirmer par écrit la résiliation pure et simple et sans indemnité de la location des parcelles par votre cliente.
Cette formulation est certes de nature à faire naître un certain doute. Toutefois, alors qu'il n'est pas justifié d'une réponse à ce courrier, ce document est insuffisant pour caractériser l'existence d'un accord entre les parties pour une mise à disposition des parcelles et à titre onéreux étant observé que la cour n'est pas en mesure de déterminer quelles étaient les modalités du fermage que les parties auraient adoptées.
Pour le surplus les observations des parties sur l'accord de M. H... à l'arrachage des plants de vigne et la nécessité d'y procéder au regard du cahier des charges de l'appellation relèvent du fond mais ne permettent pas de caractériser l'application du statut du fermage.
Dès lors que l'appelante ne rapporte pas la preuve qui lui incombe, c'est à bon droit que le premier juge a rejeté l'exception d'incompétence. L'ordonnance sera confirmée » ;

Et aux motifs éventuellement adoptés que « selon l'article 77 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, lorsqu'il ne se prononce pas sur le fond du litige, mais que la détermination de la compétence dépend d'une question de fond, le juge doit, dans le dispositif du jugement, statuer sur cette question de fond et sur la compétence par des dispositions distinctes, de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de M. H... statuer sur le fond en application de l'article 76 du même code, dans les dispositions sont inapplicables devant le juge de la mise en état dans les pouvoirs sont strictement limitées par l'article 771, en l'espèce par l'examen de l'exception d'incompétence.
En l'espèce, il résulte des productions que M. H..., par acte sous-seing privé du 3 juin 2013, assigné avec la SAFER Aquitaine Atlantique d'une convention de mise à disposition sans pacte de préférence, conclut à l'application des articles L 142-6 et L 142-7 du code rural, pour des parcelles de vignes dont il est propriétaire sur la commune de [...] ce pour une surface de 3 ha 27 a et 51 ca, d'une durée correspondant à une campagne qui commencera courir le 25 décembre 2012 pour se terminer le 30 novembre 2013, et que par courrier recommandé du 16 juillet 2016, avec accusé de réception signée le 21 un juillet 2016, le conseil de M. H... a informé la SCA de l'existence de cette convention arrivant à terme le 30 novembre 2013, laquelle ne stipulait pas un renouvellement par tacite reconduction, de sorte que la SCI va n'a plus aucun titre d'occupation ni d'exploitation à compter de cette date, en reprochant à la société d'avoir procédé à l'arrachage des vignes lui appartenant au cours de l'année 2014 puis, après l'avoir mis devant le fait accompli, lui a demandé de signer un bail à long terme alors qu'il n'a jamais donné son accord ni sur l'arrachage ni sur le bail à long terme ni sur aucune prise de possession de ses terres, d'où un préjudice dont ils réclament indemnisation à hauteur de la somme réclamée dans l'assignation introductive d'instance.
En réponse à l'assignation introductive d'instance, la SCA soulève un moyen d'incompétence du tribunal de grande instance au motif que M. K... a mis à disposition à titre onéreux au profit de la SCA, à compter du 1er décembre 2013, les parcelles précitées dont il est propriétaire, de sorte qu'en application des articles L 411-1 et L 491-1 du code rural et de la pêche maritime, la compétence de ce litige revient de droit au tribunal des baux ruraux de Bordeaux.
La SCA fait valoir que M. H... a signé le 29 novembre 2013 une demande d'autorisation d'exploiter, produite aux débats, au bénéfice de la SCA, concernant les parcelles précitées, en application des dispositions des articles L. 331-1 à L. 331-11 et R. 331-1 à R. 331-7du code rural et elle produit également, d'une part, un document d'une page qu'elle qualifie de bail précaire, portant sa signature au 3 juin 2013, consenti par la SAFER et ayant pour objet l'exploitation des vignes mises à disposition dans la convention précitée devant se terminer le 30 novembre 2013 et, d'autre part, un projet de bail rural entre les parties, dans la durée de neuf ans commence rétroactivement au 1er janvier 2015 stipulant que les parcelles étaient déjà louées au preneur en vertu d'un bail précaire SAFER pour la durée allant du 21 mars 2013 au 30 novembre 2013 et que le preneur est ensuite resté en place et a procédé à l'arrachage de la totalité des plantations existantes à ses frais exclusifs avec l'accord exprès du bailleur, aucun fermage n'est tendu pour cette période, projet toutefois non signé par les parties.
Elle fait également valoir qu'après avoir exploité les parcelles appartenant à M. H... en exécution d'un bail précaire consenti par la SAFER, pour une période identique à celle de la convention de mise à disposition, au terme de ce bail et la continuer à exploiter les parcelles litigieuses avec l'accord du propriétaire dès qu'il a signé la demande d'autorisation d'exploiter le 29 novembre 2013 manifestant de la volonté H... de lui laisser poursuivre l'exploitation dès le lendemain du terme du bail précaire, outre la production d'attestation des participants aux travaux d'arrachage des vignes au mois de mai 2014 confirmant que ce dernier récupérait les piquets au fur et à mesure de l'arrachage ainsi que la production d'une facture du 31 mai 2014 relative aux travaux d'arrachage intégralement payés par la SCA en contrepartie du bail consenti de sorte qu'il ne peut être soutenue une mise à disposition gratuite des terres, montant de la facture (6288 €) équivalente à trois années de redevance annuelle consentie par la SAFER (2252, 97 €) en exécution de la convention de mise à disposition.
Enfin, la SCA soutient que M. H... n'a pas souhaité signer le projet de bail précité dès lors qu'il a souhaité offrir les parcelles litigieuses à la vente après le décès de son père.
De l'examen de l'ensemble des documents produits et des moyens rappelés ci-dessus, il ressort que M. H... a mis les parcelles en vignes dont il est propriétaire à la disposition de la SAFER par la convention à effet du 21 mars 2013 jusqu'au 30 novembre 2013, cette dernière ayant consenti une location à la SCA pour la même période, laquelle n'est pas soumise aux règles du statut des baux ruraux, à la seule exception des conditions de fixation du prix.
L'origine du litige entre les parties a son origine dans la poursuite de l'exploitation des terres par la SCA qui a procédé à une déclaration d'intention d'arrachage de plantations auprès de la direction générale des douanes le 24 avril 2014 et a sollicité l'intervention d'une entreprise viticole et de travaux publics pour l'arrachage de la vigne avec le paiement par la SCA de la facture du 31 mars 2014 pour la prestation effectuée, d'un montant TTC de 6 288€.
Il convient de constater que la demande d'autorisation d'exploiter précitée, signée par H... mentionne expressément "pour information, il vous est signalé que cette lettre ne vous engage pas à me louer ou vendre les parcelles, objet de la demande", de sorte que ce seul document ne peut en soi constituer la preuve de la volonté du propriétaire de consentir un bail rural à la SCA, y compris sous la forme verbale, dès lors que si l'article L 411-4 du code rural et de la pêche maritime prévoit que les contrats de baux ruraux doivent être écrits, aucune sanction n'étant prévue à ce manquement, l'alinéa deux de cet article prévoyant que les baux conclus verbalement sont censés faits pour novembre dans les conditions du contrat type départemental, rendant ainsi possible l'existence d'un bail verbal qui pose toutefois un problème de preuve laquelle peut être apportée par tous moyens, en conformité avec le dernier alinéa de l'article 411-1.
Il appartient à la SCA de prouver l'existence du bail verbal à compter du 1er décembre 2013, c'est-à-dire principalement en application de l'article L 411-1, qu' il s'agit d'une mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploitation pour y exercer une activité agricole définie à l'article L 311-1, sous la forme d'un bail verbal, aux fins de contredire la thèse du propriétaire soutenant qu'il s'agit d'une occupation sans titre, occupation pouvant également relever du régime du prêt à usage commodat lequel échappe au statut du fermage.
Si l'exercice d'une activité agricole n'est pas contestable, s'agissant de l'exploitation de vignes, il reste à déterminer le caractère onéreux ou gratuit de la mise à disposition, la preuve du caractère onéreux résultant de l'existence d'une contrepartie à la mise à disposition.
La SCA soutient, que le montant des travaux d'arrachage réalisés en 2014, dans les conditions précitées, est de nature à justifier d'une contrepartie à. la mise à disposition à compter du 1er décembre 2013 des vignes appartenant à M. H..., et lors que le montant de la facture correspond au paiement de trois années de redevance fixée par convention de mise à disposition à la SAFER.
De l'examen de l'ensemble de la chronologie des faits exposés ci-dessus et des moyens respectifs de chacune des parties, il ressort que la preuve incombant à la SCA se prévalant d'un bail rural verbal à compter du 1er décembre 2013 n'est pas rapportée au regard notamment du caractère onéreux de la mise à disposition des terres précédemment exploitées en exécution du bail consenti par la SAFER elle-même bénéficiaire d'une convention de mise à disposition sous pacte de préférence pour une période d'un an non renouvelable, alors même que la demande d'autorisation d'exploiter signer le 21 novembre 2013 par M. H... mentionne expressément qu'elle ne vaut pas engagement à louer les terres et que le coût les travaux d'arrachage invoqués pris en charge par la SCA ne peut être qualifiés de loyer du bail verbal en raison du préjudice invoqué par le propriétaire des terres, outre l'absence de signature de M H... sur le projet de bail produit aux débats.
Il s'ensuit qu'il ne sera pas fait droit au moyen d'incompétence soulevé » ;

Alors que, d'une part, toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime est régie par les dispositions du titre premier du livre IV du même code ; qu'en retenant qu'il n'existe pas d'accord des parties pour une mise à disposition des vignes, quand elle constatait pourtant elle-même que l'exposante avait été laissée en possession des parcelles appartenant à Monsieur H..., à l'expiration de la convention de mise à disposition, le 1er décembre 2013, ce dont il se déduisait l'accord de ce dernier à une telle mise à disposition, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constations et violé l'article L. 411-1, alinéa 1er du Code rural et de la pêche maritime ;

Alors que, d'autre part, toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime est régie par les dispositions du titre premier du livre IV du même code ; qu'en retenant que le coût des travaux d'arrachage pris en charge par la SCA ne peut être qualifié de loyer, au motif inopérant que le propriétaire des terres invoque un préjudice, quand l'allégation d'un préjudice prétendument subi par Monsieur H... n'était pourtant pas de nature à exclure la qualification de loyer de ces travaux d'arrachage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-18642
Date de la décision : 24/10/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 24 mai 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 24 oct. 2019, pourvoi n°18-18642


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.18642
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award