LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 mars 2018), que Mme D... W..., Mme N... W... et M. W... (les consorts W...), propriétaires de lots dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, ont été condamnés à payer au syndicat des copropriétaires une certaine somme au titre des charges de copropriété ; qu'en cours d'instance, ils ont vendu lesdits lots et sollicité le remboursement par le syndicat des copropriétaires d'une partie de la somme retenue par le notaire à la demande du syndic ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande ;
Mais attendu qu'ayant retenu qu'il n'y avait eu ni consentement tacite, ni accord écrit des consorts W... portant acceptation de payer cette somme et que le syndicat des copropriétaires ne disposait d'aucun titre pour solliciter le paiement de dommages-intérêts, de frais de recouvrement et d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la cour d'appel, abstraction faite d'un motif surabondant sur la contrainte exercée par le syndicat sur les consorts W..., a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l'article 1378 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu que, s'il y a eu mauvaise foi de la part de celui qui a reçu, il est tenu de restituer, tant le capital que les intérêts ou les fruits, du jour du paiement ;
Attendu que, pour condamner le syndicat des copropriétaires au paiement des intérêts au taux légal à compter du paiement de la somme qu'il doit restituer, l'arrêt retient que celui-ci a perçu indûment cette somme ;
Qu'en statuant ainsi, sans relever la mauvaise foi du syndicat des copropriétaires, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ;
Attendu que, pour rejeter la demande du syndicat des copropriétaires en paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive, l'arrêt retient qu'elle ne peut être fondée que sur des éléments nouveaux intervenus depuis le jugement, le syndicat ayant renoncé à son appel incident ;
Qu'en statuant ainsi, sans inviter préalablement les parties à s'expliquer sur la renonciation à l'appel incident qu'elle relevait d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne le syndicat des copropriétaires à payer aux consorts W... les intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2016 et en ce qu'il rejette la demande du syndicat des copropriétaires en paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive , l'arrêt rendu le 7 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour le syndicat des copropriétaires du [...]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné le syndicat des copropriétaires du [...] à restituer à Mme D... V... veuve W..., Mme N... W... et M. E... W... la somme de 30.832,27 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2016 ;
AUX MOTIFS QU'« il est acquis aux débats que suivant acte authentique du 2 septembre 2016, les consorts V...-W... ont vendu les lots dont ils étaient propriétaires dans l'immeuble du [...], pour un prix de 970.000 € nets vendeur, et qu'une somme de 84.076,16 € a été versée au syndicat des copropriétaires le 22 septembre 2016 par le notaire chargée de la vente, au vu de l'état daté que lui a remis le syndic ; que la somme de 84.076,16 € perçue par le syndicat le 22 septembre 2016 se décompose de la manière suivante : -provisions exigibles : 5.401,89 €, -charges impayées sur les exercices antérieurs : 46.639,28 €, -somme devenue exigible du fait de la vente : 203,32 €, -indemnité article 700 du code de procédure civile : 15.000 €, - frais de procédure : 1.832,27 €, -dommages-intérêts pour résistance abusive : 15.000 €, total : 84.076,16 € outre, les frais de délivrance de l'état daté : 360,20 € ; que le jugement déféré a : -fixé l'indemnité pour frais irrépétibles à la somme de 2.000 €, -rejeté la demande du syndicat au titre des frais de procédure, -rejeté la demande du syndicat en dommages-intérêts pour résistance abusive ; [
] que devant la cour, les consorts V...-W... contestent seulement le jugement en ce qu'il les a condamné aux dépens, ainsi qu'à payer au syndicat la somme de 2.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'ils formulent surtout une demande de remboursement de la somme de 30.832,27 € ((31.832,27 € figurant sur l'état daté – 1.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile alloué par le conseiller de la mise en état au terme de l'ordonnance du 30 mars 2016) indûment perçue, selon eux, par le syndicat ; qu'ils soutiennent à cet égard que, doté de l'autorité de la chose jugée, le jugement déféré emporte pour conséquence l'inexistence des prétendues créances suivantes du syndicat : -créance d'un montant de 14.000 € (après déduction de la somme de 1.000 € allouée par le conseiller de la mise en état) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, alors que le tribunal n'a accordé que 2.000 € au syndicat, -créance d'un montant de 1.832,27 € au titre des frais de procédure que les premiers juges ont rejeté, -créance d'un montant de 15.000 € de dommages-intérêts pour résistance abusive, alors que le jugement a débouté le syndicat de sa demande de ce chef ; que le syndicat des copropriétaires réplique qu'en procédant au règlement de la somme de 84.076,16 € les consorts V...-W... en ont accepté tacitement le quantum et s'oppose sur le fondement des articles 1103 à 1104 du code civil (ancien article 1134), à la demande de remboursement de la somme de 30.832,27 € ; qu'en réalité, il n'y a pas eu de consentement tacite des consorts V...-W... ; que pour poursuivre la vente amiable des lots afin de payer la dette de charges de la succession et de l'indivision successorale, ils ne pouvaient que donner instruction au notaire chargé de la vente des lots de payer la somme réclamée par le syndicat puisque celui-ci avait conditionné la mainlevée de l'hypothèque qu'il avait prise sur les biens litigieux au versement de la somme de 84.076,16 €, faute de quoi le syndicat aurait poursuivi la procédure de vente des biens sur saisie immobilière qu'il avait entamé, ce qui aurait eu pour effet de réduire leur part dans le prix de vente ; qu'il n'y a pas eu d'accord écrit dans les conditions de l'article 1359 nouveau du code civil (ancien article 1341) au terme duquel les consorts V...-W... aurait accepté de payer au syndicat la somme de 30.832,27 € ; qu'au contraire, le syndicat a exercé une contrainte sur les consorts V...-W... en subordonnant la mainlevée de l'hypothèque prise sur les biens litigieux au versement de la somme de 84.076,16 €, incluant celle de 30.832,27 € alors qu'il ne disposait d'aucun titre pour solliciter le paiement de dommages-intérêts, de frais de recouvrement et d'une indemnité de 15.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ; que ce paiement ne vaut donc pas acceptation de la réclamation du syndicat relative aux dommages-intérêts, frais de procédure et frais irrépétibles que le tribunal a rejeté pour les deux premières et fixé à une somme de 2.000 € pour la dernière ; qu'il ne vaut que pour le montant de créance de charges du syndicat ; que de plus, alors que rien ne l'y obligeait, dans ces dernières écritures, le syndicat a renoncé à l'appel incident qu'il avait formé dans ses premières conclusions sur le rejet par les premiers juges de ses demandes relatives aux frais de recouvrement et aux dommages et intérêts et sur la somme allouée par application de l'article 700 du code de procédure civile, puisqu'il demande la confirmation du jugement ; que les consorts V...-W... sollicitent également la confirmation du jugement sur le rejet par le tribunal des demandes du syndicat au titre des frais de recouvrement et des dommages-intérêts ; que le jugement est donc définitif sur ces deux points ; qu'il résulte de ce qui précède que le syndicat a perçu indûment la somme de 30.832,27 € ; qu'il doit être condamné la restituer, avec intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2016, date du paiement, par application des articles 1302-1 et 1352-7 nouveaux du code civil (ancien articles 1376 et 1378) » ;
ALORS QUE la violence ne vicie le consentement que lorsqu'elle est de telle nature que, sans elle, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes ; qu'en se bornant à énoncer, pour juger qu'il n'y a pas eu de consentement tacite des consorts V...-W... au paiement de la somme de 84.076,16 euros, que le consentement de ceux-ci a été donné sous la contrainte du syndicat des copropriétaires, sans s'assurer que, sans cette contrainte, les consorts V...-W... n'auraient pas contracté ou auraient contracté à des conditions substantiellement différentes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1112 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné le syndicat des copropriétaires du [...] à restituer à Mme D... V... veuve W..., Mme N... W... et M. E... W... la somme de 30.832,27 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2016 ;
AUX MOTIFS QU'« il résulte de ce qui précède que le syndicat a perçu indûment la somme de 30.932,27 € ; qu'il doit être condamné à la restituer, avec intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2016, date du paiement, par application des articles 1302-1 et 1352-7 nouveaux du code civil, ancien articles 1376 et 1378 » ;
ALORS QUE seul celui qui a reçu de mauvaise foi doit les intérêts à compter du paiement ; qu'en fixant le point de départ des intérêts à courir sur la somme à restituer à la date du paiement de celle-ci, sans rechercher si cette somme a été reçue par le syndicat des copropriétaires de bonne ou de mauvaise foi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1378 devenu l'article 1352-7 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté le syndicat des copropriétaires du [...] de sa demande tendant à voir condamner les consorts V...-W... à lui payer la somme de 30.832,27 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
AUX MOTIFS QU'« il s'agit d'une demande nouvelle née de la survenance de la vente des lots litigieux et de l'apurement consécutif de la dette de charges des consorts V...-W... ; qu'elle ne peut être fondée que sur des éléments nouveaux intervenus depuis le jugement, le syndicat ayant renoncé à son appel incident sur le rejet par les premiers juges de ses demandes au titre des frais de recouvrement et dommages-intérêts ; que les moyens soulevés par le syndicat sur son préjudice antérieur né de la carence des consorts V...-W... à payer les charges de copropriété sont donc inopérants ; qu'il lui appartenait de maintenir son appel incident sur ce point ainsi que sur les frais de recouvrement, ce qu'il n'a pas fait ; que depuis le jugement, les consorts V...-W... ont tout mis en oeuvre pour aboutir à la vente des lots et payer les sommes réclamées par le syndicat ; que postérieurement au jugement, ils n'ont fait preuve d'aucune résistance abusive au paiement de leur dette ; que le syndicat des copropriétaires doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts ;
1°) ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de fait ou de droit qu'il a relevés d'office sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en retenant que le syndicat des copropriétaires a renoncé à son appel incident sur le rejet par les premiers juges de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et que seuls des éléments nouveaux intervenus depuis le jugement pouvaient en conséquence fonder sa demande d'appel de dommages et intérêts pour procédure abusive, la cour d'appel a fondé sa décision sur un moyen qu'elle a relevé d'office sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations, en violation de l'article 16 du code de procédure civile ;
2°) ALORS, en tout état de cause, QUE les conclusions qui tendent à la confirmation d'un jugement frappé d'appel ne valent pas acquiescement à cette décision et n'excluent pas la possibilité de prendre des conclusions d'appel incident ; que, dans ses conclusions récapitulatives d'appel, si le syndicat des copropriétaires a demandé la confirmation du jugement rendu le 1er décembre 2015 par le tribunal de grande instance de Paris, il a également demandé la condamnation des consorts V...-W... au paiement de la somme de 30.832,27 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et ainsi pris des conclusions d'appel incident ; qu'en retenant, pour juger que seuls des éléments nouveaux intervenus depuis le jugement pouvaient fonder la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive du syndicat des copropriétaires, que celui-ci avait renoncé à son appel incident sur le rejet par les premiers juges de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, la cour d'appel a violé l'article 548 du code de procédure civile ;
3°) ALORS, en tout état de cause, QUE les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ; qu'en retenant, pour débouter le syndicat des copropriétaires de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, qu'il s'agit d'une demande nouvelle née de la survenance de la vente des lots litigieux et de l'apurement consécutif de la dette de charges des consorts V...-W..., quand cette demande, qui ne différait que par son montant de sa demande originaire de dommages et intérêts pour résistance abusive, tendait aux mêmes fins, la cour d'appel a violé l'article 565 du code de procédure civile.