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23/10/2019 | FRANCE | N°18-18405

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 23 octobre 2019, 18-18405


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1789 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Eclair Group ayant détruit au cours de leur développement les négatifs de deux jours de tournage du film "Grace de Monaco" que la société Stone Angels lui avait confiés, celle-ci et son assureur "tous risques productions", la société Circles Group, l'ont assignée en responsabilité, ainsi que son assureur, la société Axa France Iard (la société Axa) ; que la société Eclair Group a é

té mise en liquidation judiciaire et M. S... nommé en qualité de liquidateur judiciaire...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1789 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Eclair Group ayant détruit au cours de leur développement les négatifs de deux jours de tournage du film "Grace de Monaco" que la société Stone Angels lui avait confiés, celle-ci et son assureur "tous risques productions", la société Circles Group, l'ont assignée en responsabilité, ainsi que son assureur, la société Axa France Iard (la société Axa) ; que la société Eclair Group a été mise en liquidation judiciaire et M. S... nommé en qualité de liquidateur judiciaire ;

Attendu que pour rejeter les demandes de la société Circles Group, l'arrêt relève que le défaut d'entretien reproché à la société Eclair Group n'est qu'affirmé par l'expert mandaté par la société Circles Group, qui n'a ni analysé la cause technique de la rupture de l'axe mouillant de la machine, ni comparé son usure à celle des autres pièces de même nature qui n'ont pas rompu ; qu'il retient que la faute retenue par le tribunal n'est pas caractérisée et qu'en conséquence, en l'état des investigations, la rupture de cet axe mouillant doit être déclarée fortuite ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors que dans le cas où l'ouvrier, au sens de l'article 1789 du code civil, fournit seulement son travail ou son industrie, si la chose vient à périr, l'ouvrier n'est tenu que de sa faute, ce dont il résulte qu'en l'espèce c'était à la société Eclair Group d'établir qu'elle n'avait commis aucune faute à l'origine de la perte des négatifs, la cour d'appel, qui a déduit l'existence d'une cause fortuite de l'absence de preuve par les sociétés Stone Angels et Circles Group d'une faute de la société Eclair, a inversé la charge de la preuve et violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de la société Circles Group et la condamne aux dépens de première instance et d'appel, l'arrêt rendu le13 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la société Axa France Iard aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille dix-neuf, et signé par lui, Mme Vaissette, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de Mme Fontaine, conseiller rapporteur, empêché, et Mme Labat, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Circles Group

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir débouté la société anonyme de droit luxembourgeois Circles Group de toutes ses demandes.

AUX MOTIFS QUE : « Sur la responsabilité de la société Eclair Group :

qu'il est constant que les bobines des tournages du film Grace de Monaco des 15 et 16 novembre 2012 ont été endommagées lors de leur traitement par la société Eclair Group ;

que la société Stone Angels et son assureur, la société Circles Group, recherchent sa responsabilité sur le fondement du contrat d'entreprise ou du contrat de louage d'ouvrage de l'article 1710 du code civil pour le travail de laboratoire et celui du contrat de dépôt de l'article 1915 du même code pour la conservation des pellicules, faisant peser sur elle des obligations de résultat et de restitution, sauf pour elle à démontrer l'existence d'une cause exonératoire ;

qu'elles soutiennent en l'espèce que la société Eclair Group n'a, non seulement, pas satisfait à ses obligations mais s'est en outre rendue fautive d'un défaut d'entretien de son matériel de traitement des pellicules cinématographiques, dont il ressort des éléments versés aux débats, que l'axe mouillant qui s'est rompu était d'origine et avait donc douze ans d'âge ;

que la Selarl C. S..., ès qualité de liquidateur judiciaire, et la société Axa France Iard plaident pour leur part l'absence de faute de la société Eclair Group, l'assimilant à celle de l'ouvrier telle que la mentionne l'article 1789 du code civil, au constat d'une rupture totalement imprévisible et accidentelle de l'axe mouillant sans manquement à une obligation d'entretien ;

que selon l'article 1789 du code civil : "dans le cas où l'ouvrier fournit seulement son travail ou son industrie, si la chose vient à périr, l'ouvrier n'est tenu que de sa faute" ;

que sur la relation entre la société Stone Angles et la société Eclair Group, conclue à titre onéreux, ce qui n'est pas la caractéristique d'un contrat de dépôt, force est de constater que la faute de la société Eclair Group, au titre du contrat de louage d'ouvrage, consistant en un défaut d'entretien de l'appareillage Photomec, retenue par le tribunal, ne trouve son fondement que dans les dires de l'expert de la société Circles Group, I... A..., qui, portant une appréciation juridique sur ses constats, a estimé que la rupture de l'axe mouillant se déduisait de l'ancienneté de la machine, qui n'était plus sous garantie ni entretenue régulièrement, sans documenter la nécessité qu'il y avait à entretenir particulièrement cette pièce, notamment au regard des prescriptions du constructeur, sans analyser la cause technique de sa rupture, ni comparer son usure à celle des autres pièces de même nature qui n'ont pas rompu ;

que la cour estime ainsi que la faute retenue par le tribunal n'est pas caractérisée et ne peut donc être valablement retenue à l'encontre de la société Eclair group, la rupture de cet axe mouillant devant être déclarée fortuite en l'état des investigations ;

réformant le jugement entrepris sur ce point, la cour déboutera donc la société Circles Group et la société Stone Angels de toutes leurs demandes à l'encontre de la société Eclair group, représentées par son liquidateur judiciaire, la Selarl C. S... et son assureur, la société Axa France Iard » ;

ALORS QUE le locateur d'ouvrage, débiteur des objets qui lui ont été confiés, n'est libéré qu'en établissant que ceux-ci ont péri sans sa faute; qu'en infirmant le jugement entrepris en ce qu'il avait retenu la responsabilité de la société Eclair Group au titre des pellicules détruites lors du sinistre du 19 novembre 2012, au motif que la faute de la société Eclair Group dans la destruction des pellicules n'était pas suffisamment caractérisée par le rapport de l'expert de la société Circles Group (v. arrêt attaqué p. 11, §7), cependant qu'il appartenait à la seule société Eclair Group d'établir, pour s'exonérer de sa responsabilité, que les pellicules lui ayant été confiées par le maître de l'ouvrage n'avaient pas été détruites par sa faute, et non à la société Circles Group, souscripteur d'assurance du maître d'ouvrage, d'établir la faute de la société Eclair Group, la Cour d'appel a méconnu la présomption de faute pesant sur l'entrepreneur et inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1789 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-18405
Date de la décision : 23/10/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 13 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 23 oct. 2019, pourvoi n°18-18405


Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent , SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.18405
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