LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 juillet 2018), que V... J... est décédé le [...] en laissant pour lui succéder ses cinq enfants, D..., M..., L..., B... et V..., ce dernier étant institué légataire universel ; que le syndicat des copropriétaires d'un immeuble dépendant de la succession a demandé la désignation d'un mandataire successoral ;
Attendu que M. V... et Mme L... J... font grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen, que l'inertie, la carence ou la faute d'un ou plusieurs héritiers ne peuvent justifier la désignation d'un mandataire successoral que si celles-ci ont des conséquences, non point sur la gestion des biens dont ils ont hérité, mais sur l'administration de la succession, ce qui suppose qu'il y ait une succession à administrer ; que tel ne saurait être le cas en présence d'un légataire universel, seul propriétaire des biens issus de la succession, qui n'est plus à administrer ; qu'en décidant y avoir lieu à désignation d'un mandataire successoral aux motifs inopérants que M. V... J..., légataire universel de V... J..., n'a pas fait diligence pour publier son titre et refuse de payer les charges de copropriété, ce qui est de nature à paralyser le fonctionnement de la copropriété, et qu'il existe une mésentente avec trois héritiers réservataires qui s'inquiètent de la dégradation de l'actif provenant de la succession, toutes circonstances impuissantes à caractériser l'existence d'une succession qu'il y aurait lieu d'administrer, la cour d'appel a violé l'article 813-1 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt énonce exactement que l'article 813-1 du code civil n'est pas réservé aux successions indivises, mais a vocation à s'appliquer à toute succession et que, si le légataire universel n'est pas en indivision avec les autres héritiers réservataires, la mauvaise gestion et la diminution du patrimoine successoral compromettent leur intérêt commun ; qu'il relève que, depuis le décès de V... J..., une grande partie des charges de copropriété est impayée, que M. V... J... les a contestées sans toutefois engager d'action pour faire trancher ce litige, qu'aucune attestation immobilière portant sur la propriété des lots n'a été publiée depuis huit années, ce qui entrave les diligences que le syndicat des copropriétaires peut entreprendre pour recouvrer la dette et qu'il n'est pas démenti que l'immeuble se dégrade, en l'absence d'entretien et de travaux ; qu'il ajoute que la situation conflictuelle entre le légataire universel et les autres héritiers réservataires retarde également le règlement de la succession ; que de ces énonciations et constatations, caractérisant l'inertie et la carence du légataire universel dans l'administration de la succession et la mésentente entre héritiers, la cour d'appel a pu déduire qu'il convenait de désigner un mandataire successoral ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. V... et Mme L... J... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à Mme W..., prise en qualité de mandataire successoral à l'effet d'administrer provisoirement la succession de V... J..., la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour M. et Mme J....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir nommé Maître H... W... en qualité de mandataire successoral, à l'effet d'administrer provisoirement la succession de V... J...,
AUX MOTIFS QUE depuis le décès de V... J... le [...], une grande partie des charges de copropriété est restée impayée, le légataire universel les estimant indues, sans qu'aucune action ne soit engagée pour faire trancher cette contestation ; que cette attitude est fautive dès lors que la résistance au paiement sans action judiciaire aux fins de faire examiner les points litigieux est de nature à paralyser le fonctionnement normal d'une copropriété ; qu'aucune attestation immobilière portant sur la propriété de lots n'a été publiée depuis bientôt huit ans, situation qui, si elle laisse quelque possibilité d'action au créancier, limite et gêne considérablement les diligences qu'il peut entreprendre pour recouvrer la dette ; que si le légataire universel n'est pas en indivision avec les autres héritiers réservataires, ces derniers détiennent une créance à son égard au titre de leur réserve, de sorte que la mauvaise gestion et la diminution du patrimoine successoral compromet grandement l'intérêt commun des héritiers, étant observé que l'application des dispositions de l'article 813-3 du code civil n'est nullement réservée au cas de l'indivision mais a vocation à concerner toute succession ; qu'en outre, l'unicité de gestion et de propriété entre les mains du légataire universel du patrimoine successoral, loin d'écarter toute mésentente est bien au contraire une situation conflictuelle dès lors que le légataire universel n'assume pas le paiement des charges de copropriété, conflit qui est réalisé en l'espèce ainsi que le révèlent les termes des conclusions des cohéritiers dans le cadre de l'action au fond devant le tribunal de grande instance de Paris, de même que leurs écritures dans le cadre de la nomination d'un mandataire successoral en première instance ; qu'ainsi dans leurs conclusions au fond pour l'audience de mise en état du 15 décembre 2017, Mmes D... et M... J... et M. B... J... exposent que « sa conduite (de M. V... J...) entraîne des conséquences graves (...) Cette façon de procéder semble obéir à une volonté de nuire aux concluants qui se réservent le droit de demander des dommages-intérêts » ; que de même, dans leurs conclusions pour la procédure en la forme des référés du 22 mars 2018, ils expliquaient que M. V... J... « est le seul responsable du non-paiement des charges et travaux dans l'immeuble en copropriété et de la dégradation de l'immeuble qui lui a été transmis. Il est d'autant plus responsable qu'il a touché en 2012, le montant des assurances-vie, à hauteur de 2 530 732,18 € » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Me K... ès qualité d'administrateur provisoire du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [...] justifie d'une part que la succession J... est débitrice au 14 septembre 2017 d'une somme de 87.227,95 € au titre des charges impayées sur un montant total de 94.416,26 € dont le syndicat est créancier, mettant ainsi en péril la copropriété, la trésorerie s'élevant à 9.204,11 € à la même date, et à 8.407,71 € au 30 janvier 2018, d'autre part que la copropriété ne dispose d'aucun moyen de recouvrer sa créance ; que cette situation perdure depuis des mois en raison du refus de la succession J... et plus précisément de V... J... de régler les charges incombant à ladite succession au motif que ces charges et appels de fonds pour travaux ne seraient pas dus ; que le fait que M. V... J... entende solliciter l'annulation des assemblées générales de 2013 à 2018 est sans effet sur la recevabilité de la demande de désignation d'un mandataire successoral, d'autant qu'à ce jour, aucune procédure n'a été engagée ; qu'en outre, cette mesure est indispensable car le syndicat ne peut poursuivre la saisie des actifs successoraux afin de recouvrer sa créance tant qu'une attestation immobilière après décès n'a pas été publiée laquelle est obligatoire par application de l'article 29 du décret du 4 janvier 1955 ; que tel est le cas en espèce comme en atteste la fiche de renseignement de l'immeuble mentionnant toujours V... J... comme propriétaire des lots ; que de même, la désignation d'un mandataire successoral n'est pas incompatible avec la qualité de légataire universel de M. V... J..., laquelle ne modifie pas la situation juridique, la mesure sollicitée étant prévue dans le cadre des successions et non des indivisions ; que même en l'absence d'indivision, un mandataire successoral peut être désigné, d'autant qu'il existe des héritiers réservataires dont trois sont favorables à la mesure ; que contrairement à ce qu'affirment les consorts V... et L... J..., les actes du mandataire successoral lorsque la succession a été acceptée par au moins un héritier – ce qui est le cas en l'espèce – ne sont pas limités aux actes conservatoires conformément aux articles 813-4 et 814 du Code civil, cette dernière prévoyant expressément que le mandataire successoral peut être autorisé à réaliser des actes de disposition nécessaires à la bonne administration de la succession ; qu'il est ainsi établi la mésentente entre les consorts J..., Mmes D..., M... J... et M. B... J... se disant otages de leur frère du fait de sa qualité de légataire universel qui empêche tout règlement de la succession ouverte depuis 2012, alors même qu'il devrait gérer le patrimoine successoral en ayant reçu les moyens conformément au testament de leur père ; qu'ils affirment sans être sérieusement démentis que l'actif successoral et notamment l'immeuble sis [...] se dégrade du fait de l'absence d'entretien et du règlement des charges et des travaux auxquels M. V... J... s'oppose ; que l'inertie et la carence du légataire universel sont ainsi démontrés, au regard de la carence du syndicat, de même que la mésentente et l'opposition d'intérêts entre les héritiers réservataires et le légataire universel ;
ALORS QUE l'inertie, la carence ou la faute d'un ou plusieurs héritiers ne peuvent justifier la désignation d'un mandataire successoral que si celles-ci ont des conséquences, non point sur la gestion des biens dont ils ont hérité, mais sur l'administration de la succession, ce qui suppose qu'il y ait une succession à administrer ; que tel ne saurait être le cas en présence d'un légataire universel, seul propriétaire des biens issus de la succession, qui n'est plus à administrer ; qu'en décidant y avoir lieu à désignation d'un mandataire successoral aux motifs inopérants que M. V... J..., légataire universel de M. V... J..., n'a pas fait diligence pour publier son titre et refuse de payer les charges de copropriété, ce qui est de nature à paralyser le fonctionnement de la copropriété, et qu'il existe une mésentente avec trois héritiers réservataires qui s'inquiètent de la dégradation de l'actif provenant de la succession, toutes circonstances impuissantes à caractériser l'existence d'une succession qu'il y aurait lieu d'administrer, la cour d'appel a violé l'article 813-1 du Code civil.