LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 février 2018), que la société Cabinet T... (le Cabinet T...), ayant pour gérant M. T..., a consenti à Mme N... une promesse unilatérale de vente d'un immeuble jusqu'au 13 mai 2011 ; que celle-ci a versé une partie de l'indemnité d'immobilisation prévue au contrat, qui a été séquestrée entre les mains du notaire ; que la promesse a fait l'objet d'une prorogation jusqu'au 15 juillet 2011, M. T... ayant été placé temporairement sous tutelle ; que, Mme N... ayant été mise en demeure de signer l'acte authentique de vente, le notaire a dressé le 4 octobre 2011 un procès-verbal de difficultés ; qu'estimant que la non-réalisation de la vente était imputable à Mme N..., le Cabinet T... l'a assignée en paiement de l'indemnité d'immobilisation ;
Attendu que Mme N... fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que la vente n'avait pas été réalisée au 13 mai 2011 du fait du placement sous tutelle, le 29 avril 2011, de M. T... et que le notaire de la venderesse avait adressé, le 30 mai 2011, à son confrère l'ensemble des pièces nécessaires à la confection de l'acte de vente, à l'exception du questionnaire du syndic et de l'ordonnance du juge des tutelles, la cour d'appel a retenu à bon droit que les effets de la promesse avaient été prorogés par l'acte signé le 16 mai 2011 par le vendeur et le 31 mai 2011 par l'acquéreur, la promesse prévoyant une prorogation automatique du délai prévu pour sa réalisation, sans qu'elle puisse excéder trente jours, pour le cas où les pièces nécessaires à la régularisation de l'acte n'auraient pas encore été portées à la connaissance du notaire chargé de sa rédaction ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu à bon droit que, si cet acte de prorogation était irrégulier pour avoir été signé par le tuteur de M. T... qui n'avait pas le pouvoir d'engager la société Cabinet T..., le gérant l'avait ratifié, une fois sa tutelle levée, par une lettre du 24 juillet 2011 adressée au notaire de Mme N..., la cour d'appel a pu en déduire que la promesse n'était pas caduque lorsque la bénéficiaire a été sommée de réaliser la vente ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme N... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme N... ; la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Cabinet T... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Brouchot, avocat aux Conseils, pour Mme N....
Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné Mme N..., bénéficiaire d'une promesse unilatérale de vente, à payer au promettant, la société Cabinet T... en liquidation amiable, représentée par sa liquidatrice, la somme de 116.000 euros à titre d'indemnité d'immobilisation contractuelle, d'AVOIR dit que la somme de 58.000 euros séquestrée par Mme N... entre les mains de Me K..., notaire, après libération au profit de la société Cabinet T..., s'imputera sur le montant de l'indemnité d'immobilisation et d'AVOIR débouté Mme N... de sa demande de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QU'au chapitre "Indemnité d'immobilisation - Séquestre", de la promesse unilatérale de vente du 20 janvier 2011, il a été convenu que le sort de la somme de 116.000 euros serait le suivant :
"a) elle s'imputera purement et simplement et à due concurrence sur le prix en cas de réalisation de la vente promise ;
b) elle sera restituée purement et simplement au bénéficiaire dans tous les cas où la non réalisation de la vente résulterait de la défaillance de l'une quelconque des conditions suspensives énoncées aux présentes ;
c) elle sera versée au promettant, et lui restera acquise de plein droit à titre d'indemnité forfaitaire et non réductible, faute par le bénéficiaire ou ses substitués dans la mesure où cela est convenu aux présentes, d'avoir réalisé l'acquisition dans les délais et conditions ci-dessus, toutes les conditions suspensives ayant été réalisées" ;
qu'il se déduit de cette clause que l'indemnité d'immobilisation n'était due par la bénéficiaire qu'au cas où le défaut de réalisation de la vente lui serait imputable ;
qu'au 13 mai 2011, la vente n'a pas été réalisée, non en raison d'une faute de la bénéficiaire, le notaire de celle-ci ayant confirmé à Me K... que sa cliente avait son financement et qu'elle souhaitait réaliser l'opération (courriel du 11 mai 2011 de Mme J... de l'étude W... à Me K...), mais parce que le 29 avril 2011 M. Z... T..., gérant de la société Cabinet T..., avait été placé sous tutelle pour une durée de douze mois ; que le notaire de la bénéficiaire a sollicité que l'acte de prorogation de la promesse, qu'il avait lui-même rédigé, fût signé par le tuteur (courriel du 12 mai 2011 de Mme J... de l'étude W... à Me K...) ; que c'est dans ces conditions que la promesse du 21 janvier 2011 a vu ses effets prorogés au 15 juillet 2011 suivant acte sous seing privé signé le 16 mai 2011 par "le vendeur" puis par "l'acquéreur" le 31 mai 2011 ;
que si cet acte de prorogation est irrégulier, en ce que le tuteur de M. T..., alors incapable, n'avait pas le pouvoir d'engager la société Cabinet T..., cependant, M. T... dont la tutelle avait été levée le 11 juillet 2011, l'a ratifié par sa lettre du 24 juillet 2011 adressée à Me K... aux termes de laquelle il fait grief à Mme N... de ne pas avoir "respecté la date limite du 15 juillet 2011 prévue par prorogation de la promesse", et impose que la signature, ainsi que le paiement, interviennent avant le 31 juillet 2011, réclamant qu'une clause pénale de 30.000 euros soit fixée par acte séparé ; que le notaire de Mme N... a, alors proposé, de la part de sa cliente (courriel du 29 juillet 2011 de Mme O... de l'étude W... à Me K...) :
"- le relèvement du prix de vente de 30.000 € ce qui le porterait à la somme de 1.190.000 euros,
- en contrepartie de cette augmentation significative, l'accord de votre client sur une signature au plus tard le 30 septembre 2011" ;
que par courriel du 12 août 2011, le notaire de Mme N... a prié son confrère "d'intervenir une nouvelle fois auprès de M. T... pour obtenir une prorogation jusqu'au 30 septembre 2011" ; que par courriel du 24 août 2011, M. T... a indiqué à son notaire : "Pour mémoire : prix de vente : 1.160.000 € + 30.000 € (total 1.190.000 €). Nous vous confirmons notre accord pour une prorogation jusqu'au 30 septembre 2011 à 16 h dernier et ultime délai" ;
qu'il se déduit de ces éléments que :
- la société Cabinet T... a accepté les dernières conditions fixées par Mme N..., soit la signature de l'acte de vente au plus tard le 30 septembre 2011 et la fixation du prix à la somme de 1.190.000 euros,
- la société Cabinet T... et Mme N... ont convenu par deux fois, et la dernière fois jusqu'au 30 septembre 2011, de proroger la durée de la promesse unilatérale de vente du 20 janvier 2011,
de sorte que cet acte n'était pas caduc lorsque la promettante a sommé la bénéficiaire le 27 septembre 2011 de réaliser la vente le 4 octobre 2011 ;
que s'agissant de la validité de la sommation du 27 septembre 2011 délivrée par la société Cabinet T..., représentée par M. Z... T..., son gérant, et de celle du procès-verbal de difficultés dressé par Me K... le 4 octobre 2011 à la requête de cette même société, représentée de la même manière, l'assemblée générale extraordinaire de cette société du 29 octobre 2011, qui a décidé la dissolution anticipée de la société au 30 septembre 2011 et sa mise en liquidation amiable, n'a pu entacher d'irrégularité les actes précités délivrés ou requis par le représentant légal de la société à la date de leur accomplissement ;
qu'il ressort du procès-verbal de difficultés que Mme N... a refusé de déférer à la sommation de réaliser la vente en excipant des motifs suivants :
- son notaire lui a indiqué ne pas avoir reçu l'ensemble des pièces nécessaires à la rédaction de l'acte de vente,
- en raison de la mise sous tutelle de M. T... et de son issue non prévisible, elle a été dans l'obligation de revoir intégralement son plan de financement initial,
- il n'y a pas eu d'acquiescement au prix de 1.190.000 euros ;
mais que, d'abord, par lettre recommandée avec avis de réception du 30 mai 2011, Me K... a adressé à Me W..., l'ensemble des pièces nécessaires à la confection de l'acte de vente à l'exception du questionnaire du syndic et de l'ordonnance du juge des tutelles, de sorte que n'est pas fondée l'affirmation du clerc de Me W... dans son courriel du 29 juillet 2011 selon laquelle il n'aurait reçu aucune pièce lui permettant de rédiger l'acte authentique de vente, ensuite, la mainlevée de la tutelle a été adressée à l'étude de Me W... dès le 11 juillet 2011 et la demande de prorogation de la promesse jusqu'au 30 septembre 2011 prouve suffisamment que Mme N... estimait être à cette date en mesure de financer l'opération, enfin, Mme N..., qui a proposé, par l'intermédiaire de son notaire, de porter le prix à la somme de 1.190.000 euros, ne peut soutenir qu'elle n'a pas acquiescé à ce prix ;
qu'en conséquence, la non-réalisation de la vente est imputable à Mme N... de sorte qu'elle doit être condamnée au paiement de l'indemnité d'immobilisation laquelle, n'étant pas une clause pénale, ne peut être modifiée par le juge ;
ALORS QU'est caduque la promesse de vente non réitérée par acte notarié dans le délai fixé par les parties ; que la promesse de vente signée le 20 janvier 2011 entre la société Cabinet T... et Mme N... stipulait qu'elle devait être réitérée en la forme notariée avant le 13 mai 2011 sauf prorogation ne pouvant excéder trente jours en cas de défaut de transmission des documents nécessaires à la régularisation de l'acte ; que, tout en constatant que le 13 mai 2011, la vente n'avait pas été réalisée, la cour d'appel qui s'est fondée sur une circonstance strictement inopérante tirée de ce que les parties seraient convenues d'une prorogation conventionnelle, le 16 mai 2011 pour la société promettante et le 31 mai 2011 pour la bénéficiaire, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il se déduisait que la promesse de vente avait été atteinte de caducité, le 13 mai 2011, ce qui privait d'effet toute prorogation conventionnelle à compter de cette date, au regard des articles 1103 et 1589 du code civil qu'elle a ainsi violés ;
2) ALORS QUE la nullité de fond entachant un acte de prorogation d'un délai prévu pour la réitération d'une promesse unilatérale de vente en un acte notarié, faute d'habilitation régulière de son signataire, non représentant légal de la société promettante, ne peut être couverte par une ratification a posteriori par le représentant légal ; que tout en constatant que l'acte de prorogation conventionnelle de la promesse unilatérale de vente, signé le 16 mai 2011 par "le vendeur", était irrégulier en ce qu'il avait été signé par Mme T... en qualité de tutrice de M. T..., sans lien ni mandat social avec la société Cabinet T..., promettante, uniquement représentée légalement par son époux, M. T..., la cour d'appel qui a cependant conclu à la validité dudit acte en se fondant sur une ratification par lettre de M. T... du 24 juillet 2011, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il se déduisait que l'irrégularité entachant cet acte de prorogation irrégulier ne pouvait être couverte par une telle ratification, au regard des articles 1589 et 1846 du code civil pris ensemble qu'elle a violés.