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16/10/2019 | FRANCE | N°17-28088

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 octobre 2019, 17-28088


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 septembre 2017), que M. P..., engagé à compter du 24 juin 1983 en qualité de personnel navigant par la société nationale maritime Corse Méditerranée (SNCM), a saisi le tribunal d'instance aux fins de voir condamner l'employeur à lui payer diverses sommes en réparation d'un préjudice d'anxiété en raison d'une exposition à l'amiante pendant l'exécution de son contrat de travail ; que la SNCM a fait l'objet d'un redressement jud

iciaire le 28 novembre 2014 et d'un plan de cession le 20 novembre 2015, la ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 septembre 2017), que M. P..., engagé à compter du 24 juin 1983 en qualité de personnel navigant par la société nationale maritime Corse Méditerranée (SNCM), a saisi le tribunal d'instance aux fins de voir condamner l'employeur à lui payer diverses sommes en réparation d'un préjudice d'anxiété en raison d'une exposition à l'amiante pendant l'exécution de son contrat de travail ; que la SNCM a fait l'objet d'un redressement judiciaire le 28 novembre 2014 et d'un plan de cession le 20 novembre 2015, la SCP F... et O..., étant désignée en qualité de liquidateur ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes d'indemnisation en raison de son exposition à l'amiante, alors, selon le moyen :

1°/ qu'indépendamment du régime instauré par la loi du 23 décembre 1998, l'employeur engage sa responsabilité sur le fondement de son obligation de sécurité de résultat qui l'oblige à aménager les lieux de travail et de vie à bord des navires, de manière à ce que soient garanties la santé physique et mentale ainsi que la sécurité des gens de mer ; qu'en interdisant, par principe, au salarié ne remplissant pas les conditions posées par la loi du 23 décembre 1998, de prétendre à l'indemnisation d'un préjudice moral au titre de l'exposition à l'amiante, y compris sur le fondement d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile ou de la mise en danger d'autrui, la cour d'appel a violé les articles 1147 du code civil, en sa rédaction applicable à la cause et L. 5545-9 du code des transports ;

2°/ que le préjudice d'anxiété naît de l'inquiétude du salarié à l'idée de développer une pathologie à la suite de son exposition possible à l'amiante ; qu'en déboutant M. P... de ses demandes après avoir constaté qu'il résultait de la note d'information du 16 juillet 2003 que, conformément aux directives de l'inspection du travail, un document devait prochainement et individuellement être adressé aux employés attestant qu'ils avaient navigué sur des navires construits antérieurement à l'interdiction des composants amiantés dans la construction navale et avoir constaté qu'une attestation avait effectivement été adressée personnellement à M. P... par le directeur de l'armement de la SNCM du 18 juillet 2003, démontrant qu'il avait fait partie du personnel navigant de la SNCM et avait exercé ses fonctions à bord de navires susceptibles de comporter de l'amiante, circonstance suffisante pour faire naître un préjudice d'anxiété à l'idée de développer un jour une pathologie liée à l'amiante, la cour d'appel a violé les articles 1147 du code civil en sa rédaction applicable à la cause et l'article L. 5545-9 du code des transports ;

3°/ que faute d'avoir recherché, comme elle y était invitée, s'il ne résultait pas du procès-verbal de réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du 22 octobre 2014 que de l'aveu même de l'employeur, tous les calorifuges éventrés des navires, laissant échapper de l'amiante, n'avaient pas encore été sécurisés, circonstance à même de causer un préjudice d'anxiété aux marins, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause et de l'article L. 5545-9 du code des transports ;

Mais attendu que la cour d'appel ayant relevé que le salarié n'établissait pas qu'il aurait directement et personnellement subi un préjudice ou même été exposé à un risque en matière de santé, a, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par la première branche du moyen, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. P... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. P....

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. P... de ses demandes d'indemnisation contre la SNCM en raison de son exposition à l'amiante ;

Aux motifs que suite aux conséquences sanitaires de l'utilisation de l'amiante durant plusieurs décennies, le législateur a créé, par l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, dite « de financement de la sécurité sociale pour 1999 », un dispositif spécifique de départ anticipé à la retraite (l'Allocation de Cessation Anticipée d'Activité des Travailleurs de l'Amiante, autrement appelée Acaata) en faveur des salariés qui ont été particulièrement exposés à l'amiante ; que ce dispositif s'applique aux salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, aux salariés des établissements de flocage et de calorifugeage à l'aide d'amiante, aux salariés des établissements de construction et de réparation navales, aux ouvriers dockers professionnels et personnels portuaires assurant la manutention ; qu'en application de ce dispositif, les salariés démontrant travailler ou avoir travaillé dans un des établissements ou ports inscrits sur la liste établie par arrêté ministériel, peuvent solliciter, à partir de l'âge de 50 ans, et sous réserve de cesser toute activité professionnelle, le bénéfice de l'Acaata, cette allocation étant ensuite versée jusqu'à ce que le salarié remplisse les conditions pour bénéficier d'une pension de retraite à taux plein ; que la chambre sociale de la Cour de cassation, en sa formation plénière, a consacré l'existence d'un préjudice d'anxiété pour les salariés relevant du dispositif de l'Acaata ; qu'hors dispositions spécifiques, seuls les salariés exposés à l'amiante dans un établissement inscrit sur la liste établie par arrêté ministériel comme susceptible d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante peuvent obtenir réparation d'un préjudice d'anxiété ; qu'en outre, s'agissant des établissements et des métiers de la construction et de la réparation navales inscrits sur la liste établie par arrêté ministériel, un salarié ayant travaillé dans un établissement inscrit, mais n'y ayant pas exercé l'un des métiers visés par cette même liste, n'est pas éligible au dispositif de l'Acaata et est dès lors aussi exclu de la réparation d'un préjudice d'anxiété ; qu'en revanche, le salarié, pour bénéficier de l'indemnisation du préjudice d'anxiété, n'a pas à rapporter la preuve de son anxiété ni d'avoir été exposé personnellement ou directement à l'amiante au sein de l'établissement listé dans lequel il travaillait ; qu'un salarié ayant travaillé dans un établissement inscrit sur la liste des sites ouvrant droit au bénéfice de l'Acaata, mais qui n'a pas demandé à percevoir cette allocation, peut néanmoins obtenir réparation de son préjudice d'anxiété ; que les salariés, qui ont travaillé dans un établissement inscrit sur la liste des établissements ouvrant droit au bénéfice de l'Acaata pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, peuvent obtenir la réparation de leur préjudice spécifique d'anxiété, qu'ils aient ou non adhéré au dispositif légal et peu important leur âge à la date de la mise en place de ce dispositif ; que l'indemnisation des salariés exposés à l'amiante, dans les conditions de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, ne peut prendre la forme que d'un préjudice patrimonial réparé par l'Acaata d'une part et d'un préjudice extra-patrimonial réparé par l'allocation de dommages et intérêts au titre du seul préjudice d'anxiété d'autre part ; que cette double indemnisation couvre la totalité des préjudices subis par ces salariés, lesquels ne peuvent obtenir d'autre réparation résultant de l'exposition à l'amiante ; que le préjudice moral résultant pour un salarié du risque de développer une maladie induite par son exposition à l'amiante est donc constitué par le seul préjudice d'anxiété ; qu'ainsi, le salarié ne peut, s'agissant de son préjudice extra-patrimonial, être indemnisé, en supplément du préjudice d'anxiété, pour un autre préjudice qui résulterait d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat ; qu' en conséquence, les dommages et intérêts alloués au titre du préjudice d'anxiété reconnu aux travailleurs de l'amiante, éligibles à l'allocation de cessation anticipée d'activité, réparent l'intégralité du préjudice lié au manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ; que pour pouvoir prétendre à l'indemnisation d'un préjudice moral, en tout cas extra-patrimonial, au titre de son exposition à l'amiante dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, y compris sur le fondement d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, il appartient donc à Monsieur P... d'établir qu'il a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, ou en tout cas au juge d'en faire le constat ; que la SNCM n'est pas mentionnée sur la liste des établissements ayant fabriqué des matériaux contenant de l'amiante et des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante, susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité (arrêté du 3 juillet 2000 publié au JORF du 16 juillet 2000) ; qu'à la lecture de l'arrêté du 7 juillet 2000 (publié au JORF du 22 juillet 2000) et de l'arrêté du 26 mai 2015, s'agissant de la liste des établissements et des métiers de la construction et de la réparation navales susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante, seuls les établissement suivants de la SNCM sont mentionnés : - De 1950 à 2014 : * [...] , * [...] , * [...] , - A compter de l'année 2014 : * [...] , [...] , * [...] ; Que Monsieur P... expose qu'il a été employé par la SNCM en qualité de personnel navigant (marin) à compter du 24 juin 1983 et produit trois bulletins de paie (année 2013) mentionnant une fonction statutaire de maître d'hôtel (personnel navigant), titulaire depuis le 1er janvier 1990 (numéro d'inscription maritime : [...]) ; qu'il produit également un relevé de carrière (détail et ventilation des services du marin) mentionnant qu'il a occupé, entre juin 1983 et avril 2013, des fonctions de novice, garçon, garçon commandant, chef de comptoir, barman, chef de salon, maître d'hôtel, chef caviste, assistant officier stagiaire service général, chef de bordée, maître d'hôtel intendant, intendant, dans les services pont' et service général (aucune fonction exercée dans le service « machine » ou le service « polyvalence ») ; que ce document mentionne également le nom des navires sur lesquels Monsieur P... a exercé les fonctions précitées, à savoir plusieurs navires de la SNCM (Liberté ; Cyrnos ; Corse ; Esterel ; Napoleon ; Provence ; Ile de Beauté ; Danielle Casanova ; NGV Liamone ; Méditerranée ; NVG Aliso ; Napoléon Bonaparte ; NGV Asco ; Paglia Orba) qu'outre les congés payés ou périodes de repos, il est également mentionné quelques périodes de formation professionnelle ou de mission à terre, mais sans localisation indiquée ; que les établissements de la SNCM listés au titre des établissements (et des métiers) de la construction et de la réparation navales susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante (cf. supra) ne sont jamais mentionnés dans le détail et ventilation des services du marin concernant M. P..., document qui est pourtant assez précis quant aux lieux d'affectation du salarié sur la période considérée et pendant toute sa carrière professionnelle au sein de l'entreprise SNCM ; que si l'adresse [...] figure sur les bulletins de paie produits par le salarié, c'est en tant que siège social de l'entreprise (jusqu'en 2014 / par la suite [...] ) et donc lieu d'établissement des documents administratifs, non en tant qu'établissement où M. P... aurait travaillé ; que le salarié ne saurait soutenir que du fait de l'inscription de certains établissements de la SNCM sur les arrêtés du 7 juillet 2000 et du 26 mai 2015, dont le siège social sis [...] puis [...], tous les établissements ou sites de l'entreprise non listés seraient également susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante par assimilation (ou connexité) à une société qui serait globalement qualifiée « entreprise amiante » ; que l'inscription du siège social d'une société sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante ne vaut pas présomption pour tous les établissements, sites ou biens de l'entreprise ; qu'il en est de même en cas d'inscription d'un site ou d'une partie des établissements pour tous les autres sites ou établissements (non listés) de l'entreprise ; qu'au regard des pièces versées aux débats, il n'est nullement établi que Monsieur P... aurait travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du décembre 1998, en sorte que le salarié ne peut prétendre à l'indemnisation d'un préjudice moral (ou extra-patrimonial) au titre de l'exposition à l'amiante, y compris sur le fondement d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ; que surabondamment, les fonctions exercées par M. P... dans le cadre de l'exécution du contrat de travail le liant à la SNCM, ne figurent pas sur la liste des métiers de la construction et de la réparation navales susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante ; que M. P... n'invoque pas, en l'espèce, le dispositif spécifique et autonome prévoyant le bénéfice d'une allocation de cessation anticipée d'activité pour les marins (ou anciens marins) ayant exercé des fonctions à la machine et/ou polyvalentes à bord de navires à passagers construits avant le 1er janvier 1999 ; qu'en tout état de cause, M. P..., qui n'a jamais exercé une fonction listée à bord d'un navire à passagers de la SNCM, n'est pas éligible à l'allocation dite C3A et ne pourrait donc prétendre à une présomption de préjudice d'anxiété au titre des dispositions du décret n° 2002-1272 du 18 octobre 2002 ; que pour le surplus, sont produits des documents concernant, de façon générale, la réglementation amiante, le risque amiante et les actions de prévention en la matière au sein de l'entreprise SNCM ; que sont également versées aux débats une note assez générale du 16 juillet 2003 sur les risques amiante à bord des navires (pas de mention précise des salariés ou navires concernés), de diffusion étendue et signée par la direction, ainsi qu'une attestation délivrée le 18 juillet 2003 par la direction de l'entreprise à M. P... pour indiquer que ce dernier exerce ou a exercé ses fonctions dans le services ADSG à bord de navires construits avant le 1er janvier 1997, date de mise en application du décret 96-1132 du 24 décembre 1996 interdisant l'utilisation de composants amiantés dans la construction navale et donc susceptibles de comporter de tels matériaux ; que M. P... ne fait pas état de l'existence d'une action pénale en matière de mise en danger délibéré d'autrui pas plus qu'il ne précise la nature du préjudice qu'il aurait effectivement subi mais ne relèverait pas du domaine de l'anxiété ; que force est de constater que le salarié semble avancer, à titre complémentaire, une demande d'indemnisation fondée sur une responsabilité civile sans préjudice ou avec un préjudice nécessairement causé par un contact, voire la présence sans contact effectif, d'amiante dans son environnement de travail ou même extra-professionnel ; qu'au regard des pièces produites, il n'est nullement établi, nonobstant la présence éventuelle d'amiante dans certaines parties des navires les plus anciens de la SNCM, que M. P... aurait dans ce cadre, directement et personnellement, subi un préjudice ou même été exposé à un risque en matière de santé ; que le régime de droit commun de la responsabilité civile implique la démonstration de la faute d'autrui, d'un préjudice et d'un lien de causalité direct et certain entre eux ; que M. P..., qui ne fait pas état d'un préjudice indemnisable autre que celui relevant du préjudice d'anxiété précité, ne démontre pas avoir subi un préjudice distinct ou spécifique en lien avec un manquement de l'employeur (SNCM) à ses obligations contractuelles ; qu'il n'est pas plus établi qu'en dehors de l'exécution du contrat de travail, que ce soit comme passager ou dans un autre cadre indéterminé, la SNCM aurait commis une faute délictuelle en relation directe avec un préjudice subi par M. P..., lequel ne peut pas plus invoquer la violation des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail pour réclamer des dommages et intérêts, alors qu'il n'est pas établi que le salarié a, dans le cadre de l'exécution du contrat de travail le liant à la SNCM, été exposé à un risque en matière d'amiante du fait du non-respect par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise ; qu'il ne saurait ainsi soutenir qu'il a nécessairement subi un préjudice du fait de la présence d'amiante dans certains navires, notamment les plus anciens, de la SNCM ; que surtout, comme cela a été rappelé dans les attendus qui précèdent, en matière d'exposition à l'amiante dans le cadre de l'exécution d'un contrat de travail, alors que le préjudice moral résultant pour un salarié du risque de développer une maladie induite par son exposition à l'amiante est constitué par le seul préjudice d'anxiété (ensemble des troubles psychologiques résultant de la connaissance d'un tel risque), l'indemnisation de ce préjudice n'est ouverte qu'au salarié qui a travaillé dans l'un des établissements ou sites susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité comme figurant sur une liste établie par arrêté ministériel, et ce, pendant une période précisée par cet arrêté, voire sous la condition cumulative d'avoir exercé l'un des métiers mentionnés par l'arrêté s'agissant du domaine de la construction et de la réparation navales, de sorte que le salarié ne remplissant pas les conditions précitées ne peut prétendre à l'indemnisation d'un préjudice moral au titre de l'exposition à l'amiante, y compris sur le fondement d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ou du droit commun de la responsabilité civile ou de la notion de mise en danger d'autrui ; qu'en conséquence, M. P... serait débouté de toutes ses demandes d'indemnisation en matière d'exposition à l'amiante et le jugement confirmé en toutes ses dispositions ;

Alors 1°) qu'indépendamment du régime instauré par la loi du 23 décembre 1998, l'employeur engage sa responsabilité sur le fondement de son obligation de sécurité de résultat qui l'oblige à aménager les lieux de travail et de vie à bord des navires, de manière à ce que soient garanties la santé physique et mentale ainsi que la sécurité des gens de mer ; qu'en interdisant, par principe, au salarié ne remplissant pas les conditions posées par la loi du 23 décembre 1998, de prétendre à l'indemnisation d'un préjudice moral au titre de l'exposition à l'amiante, y compris sur le fondement d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile ou de la mise en danger d'autrui, la cour d'appel a violé les articles 1147 du code civil, en sa rédaction applicable à la cause et L. 5545-9 du code des transports ;

Alors 2°) que le préjudice d'anxiété naît de l'inquiétude du salarié à l'idée de développer une pathologie à la suite de son exposition possible à l'amiante ; qu'en déboutant M. P... de ses demandes après avoir constaté qu'il résultait de la note d'information du 16 juillet 2003 que, conformément aux directives de l'inspection du travail, un document devait prochainement et individuellement être adressé aux employés attestant qu'ils avaient navigué sur des navires construits antérieurement à l'interdiction des composants amiantés dans la construction navale et avoir constaté qu'une attestation avait effectivement été adressée personnellement à M. P... par le directeur de l'armement de la SNCM du 18 juillet 2003, démontrant qu'il avait fait partie du personnel navigant de la SNCM et avait exercé ses fonctions à bord de navires susceptibles de comporter de l'amiante, circonstance suffisante pour faire naître un préjudice d'anxiété à l'idée de développer un jour une pathologie liée à l'amiante, la cour d'appel a violé les articles 1147 du code civil en sa rédaction applicable à la cause et l'article L. 5545-9 du code des transports ;

Alors 3°) que faute d'avoir recherché, comme elle y était invitée, s'il ne résultait pas du procès-verbal de réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du 22 octobre 2014 que de l'aveu même de l'employeur, tous les calorifuges éventrés des navires, laissant échapper de l'amiante, n'avaient pas encore été sécurisés, circonstance à même de causer un préjudice d'anxiété aux marins, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause et de l'article L. 5545-9 du code des transports.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-28088
Date de la décision : 16/10/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 22 septembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 oct. 2019, pourvoi n°17-28088


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.28088
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