LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 18 janvier 2013 et 8 juillet 2016), que, par un acte du 20 février 1989, M. A... J... a reconnu que son frère, M. P... J..., s'était engagé envers la société Banque parisienne de crédit à rembourser un prêt qu'il avait contracté pour financer l'acquisition de parts d'une société exploitant un fonds de commerce de blanchisserie, et s'est lui-même engagé à lui restituer, dans un délai de dix ans, les sommes acquittées en remboursement du prêt ; que, le 13 septembre 2011, M. P... J... a assigné M. A... J... en exécution de son engagement devant le tribunal de grande instance de Paris ; que M. A... J... a soulevé l'incompétence de ce tribunal au profit du tribunal de commerce de Paris puis a opposé la résolution de la convention du 20 février 1989 ;
Attendu que M. A... J... fait grief à l'arrêt du 18 janvier 2013 de rejeter son exception d'incompétence et à l'arrêt du 8 juillet 2016 de le condamner à payer une certaine somme à M. P... J... alors, selon le moyen :
1°/ qu'est un acte de commerce la reconnaissance de dette souscrite aux fins de prendre une participation dans une société commerciale exploitant une blanchisserie teinturerie ; qu'en l'espèce, pour rejeter l'exception d'incompétence soulevée par M. A... J... au profit du tribunal de commerce, l'arrêt du 18 janvier 2013 a énoncé que la convention du 20 février 1989 invoquée comme reconnaissance de dette ne concernait pas directement l'acquisition de parts sociales ni la gestion de la société dont les parts ont été cédées, mais uniquement le remboursement du financement de cette acquisition assuré par M. P... J... à la place de son frère A... dans un cadre familial, peu important la nature des engagements pris par M. P... J... envers la banque ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, comme elle y était invitée si l'acte du 20 février 1989 constatant l'engagement pris par M. P... J... de rembourser le prêt destiné l'acquisition par M. A... J... des parts de la SARL Degas, et l'engagement réciproque pris par M. A... J... de lui rembourser la dette en résultant, ne se rattachait pas directement à la constitution et à la gestion familiale de la société Degas et plus largement du groupe de sociétés créé par la famille J... dans le domaine du commerce de blanchisserie et teinturerie, de sorte qu'il relevait de la compétence consulaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 721-3, 3°, du code de commerce ;
2°/ que la cassation de l'arrêt du 18 janvier 2013 entraînera par voie de conséquence la censure de l'arrêt du 8 juillet 2016 statuant au fond et ayant fait application de la prescription civile, en application de l'article 625 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel, qui a statué au fond par l'arrêt du 8 juillet 2016, étant juridiction d'appel tant du tribunal de commerce, dont il revendiquait la compétence, que du tribunal de grande instance, M. A... J... est sans intérêt à reprocher à l'arrêt du 18 janvier 2013 de confirmer la compétence de ce tribunal ; que le grief de la première branche est donc irrecevable ;
Et attendu, d'autre part, que l'irrecevabilité du moyen, pris en sa première branche, rend le grief de la seconde branche sans portée ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation :
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. A... J... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à M. P... J... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour M. A... J....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué du 18 janvier 2013 d'avoir rejeté l'exception d'incompétence du tribunal de grande instance au profit du tribunal de commerce, soulevée par M. A... J... et à l'arrêt du 8 juillet 2016 d'avoir confirmé le jugement du 18 mars 2014 condamnant A... J... à payer la somme de 151.198,68 € à P... J....
AUX MOTIFS de l'arrêt du 18 janvier 2013 qu'en application des dispositions de l'article L. 721-3 du code de commerce, les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux engagements entre commerçants ainsi que celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes ; que seule la qualification commerciale du contrat litigieux serait de nature à justifier la compétence du tribunal de commerce, les parties au litige n'ayant pas la qualité de commerçants ; que cependant, à supposer même que la cession de parts financée par le prêt dont la nature commerciale est alléguée constitue un acte de commerce, la convention invoquée comme reconnaissance de dette ne concerne pas directement l'acquisition de parts sociales ni la gestion de la société dont les parts ont été cédées mais uniquement le remboursement du financement de cette acquisition assuré par M. P... J... à la place de son frère A... dans un cadre familial, peu important la nature des engagements pris par M. P... J... envers la banque ; (...) qu'il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance du 29 février 2012 en toutes ses dispositions ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS de l'ordonnance du juge de la mise en état du 29 février 2012 qu'il est produit aux débats une convention conclue le 20 février 1989 entre M. P... J... et son frère M. A... J... aux termes de laquelle : - le premier se substitue au second (sur la demande d'un concours d'une tierce personne exigé par la banque) pour assumer les échéances d'un prêt de 600.000 francs qui a été sollicité par M. A... J... auprès de la Banque parisienne de crédit avec des intérêts au taux de 11% ; qu'il est précisé que le prêt est destiné à permettre le financement d'une prise de participation dans la Sarl Degas ; - en contrepartie de la prise en charge du prêt, M. A... J... s'engage à restituer à M. P... J... le montant total du capital et des intérêts des sommes acquittées par celui-ci en remboursement du prêt de 600.000 francs ; que cette restitution doit intervenir dans un délai de 10 ans depuis la date de la convention ; que cette convention a été enregistrée à la recette des impôts dès le 21 février 1989 ; que sont également produits aux débats deux actes de cession de parts sociales de la Sarl Degas en date des 28 février 1989 (cession de 228 parts à M. A... J... pour le prix de 328.700 francs) et 6 décembre 1989 (cession de 48 parts à M. A... J... pour le prix de 69.200 francs) ; (...) que pour apprécier si le litige peut relever de la compétence du tribunal de commerce, il convient d'abord de relever qu'il n'a pas été démontré que les parties, ou même l'une d'elles, auraient la qualité de commerçants ; que le litige ne porte pas plus sur un conflit opposant des sociétés commerciales ; que la convention invoquée comme reconnaissance de dette a été conclue dans un cadre familial ; qu'elle ne porte pas directement sur l'acquisition de parts sociales mais sur le financement de l'acquisition de telles parts ; que ni la gestion de la société dont les parts sont cédées, ni la qualité d'associé(s) ne sont directement en cause ; qu'il n'est à cet égard pas possible de retenir que, sous le couvert du recouvrement d'une reconnaissance de dette datant de plus de 20 ans, M. P... J... ne ferait qu'entreprendre une action globale de prise de contrôle de la Sarl Degas ; que le seul fait que M. A... J..., et d'autres associés membres de la famille, puissent avoir des dettes à l'égard de M. P... J... ne remet pas directement en cause le fait qu'ils sont toujours propriétaires de leurs parts sociales, et qu'ils ont donc la qualité d'associés ;
ET AUX MOTIFS de l'arrêt du 8 juillet 2016 que l'intervention de la loi du 18 juin 2008 raccourcissant le délai de prescription n'a pas d'incidence dans la présente instance, les dispositions transitoires de l'article 26 de cette loi précisant que le nouveau délai s'applique à compter du 19 juin 2008 date d'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, originellement fixée en l'espèce au 20 février 2029 : que la demande de P... J... est dès lors recevable.
1° - ALORS QU'est un acte de commerce la reconnaissance de dette souscrite aux fins de prendre une participation dans une société commerciale exploitant une blanchisserie teinturerie ; qu'en l'espèce, pour rejeter l'exception d'incompétence soulevée par M. A... J... au profit du tribunal de commerce, l'arrêt du 18 janvier 2013 a énoncé que la convention du 20 février 1989 invoquée comme reconnaissance de dette ne concernait pas directement l'acquisition de parts sociales ni la gestion de la société dont les parts ont été cédées, mais uniquement le remboursement du financement de cette acquisition assuré par M. P... J... à la place de son frère A... dans un cadre familial, peu important la nature des engagements pris par M. P... J... envers la banque ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, comme elle y était invitée si l'acte du 20 février 1989 constatant l'engagement pris par P... J... de rembourser le prêt destiné l'acquisition par A... J... des parts de la Sarl Degas, et l'engagement réciproque pris par A... J... de lui rembourser la dette en résultant, ne se rattachait pas directement à la constitution et à la gestion familiale de la société Degas et plus largement du groupe de sociétés créé par la famille J... dans le domaine du commerce de blanchisserie et teinturerie, de sorte qu'il relevait de la compétence consulaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 721-3, 3° du code de commerce.
2° - ALORS QUE la cassation de l'arrêt du 18 janvier 2013 entraînera par voie de conséquence la censure de l'arrêt du 8 juillet 2016 statuant au fond et ayant fait application de la prescription civile, en application de l'article 625 alinéa 2 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué du 8 juillet 2016 d'avoir confirmé le jugement ayant condamné M. A... J... à payer à M. P... J... une somme de 151.198,68 € avec intérêts au taux légal depuis le 13 septembre 2006 sur la base de 91.469,41 € et depuis le 13 septembre 2011 pour le surplus de 59.729,27 € ;
AUX MOTIFS QUE l'engagement de M. A... J... envers son frère est ainsi rédigé : « Monsieur A... J... reconnaît que l'intégralité du prêt de 600.000 francs augmenté des intérêts au taux de 11 % l'an, lui a été consenti par la banque, sera remboursé par M. P... J..., ainsi que ce dernier s'y est engagé. Il s'oblige expressément à rembourser à M. P... J..., sous un délai de 10 ans à compter de ce jour, le montant total en capital et intérêts des sommes acquittées par ce dernier en remboursement dudit prêt » ; qu'au bas de ce document figure la signature d'A... J... précédée de la mention manuscrite « lu et approuvé. Bon pour reconnaissance de dette de la somme de 600.000 Frs six cent mille francs » ; que l'article 1326 du code civil énonce : « l'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l'acte sous seing privé vaut pour la somme écrite en toutes lettres » ; qu'en apposant la mention « bon pour reconnaissance de dette », A... J... reconnaît que son frère a d'ores et déjà effectué les démarches nécessaires auprès de la banque pour acquitter le prêt à sa place de sorte que son engagement a un caractère unilatéral ; que dans ces conditions, il n'y a pas lieu de demander à P... J... de démontrer qu'il a effectivement acquitté le prêt ; qu'il appartient le cas échéant à A... J..., qui ne conteste pas détenir les parts sociales acquises à l'aide du prêt dont s'agit, de démontrer que la banque n'aurait pas été payée ;
ALORS QUE, D'UNE PART, un contrat est synallagmatique lorsque les contractants s'obligent réciproquement les uns envers les autres ; qu'en l'espèce, pour décider que l'acte du 20 février 1989 avait un caractère unilatéral, la cour s'est bornée à énoncer qu'en apposant au pied de cet acte la mention « bon pour reconnaissance de dette », M. A... J... avait reconnu que son frère P... avait d'ores et déjà effectué les démarches nécessaires auprès de la banque pour acquitter le prêt consenti par la Banque parisienne de crédit ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, comme elle y était invitée (Prod. 8, concl. p. 5), si l'engagement pris par P... J... de régler les échéances du prêt entre les mains de la Banque parisienne de crédit et de réclamer à son frère le « montant total en capital et intérêts des sommes acquittées (...) en remboursement dudit prêt », « ainsi que [il] s'y était engagé », ne conférait pas à l'acte du 20 février 1989 un caractère synallagmatique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1102 ancien du code civil.
ALORS QUE, D'AUTRE PART, celui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; qu'en l'espèce, après avoir constaté qu'aux termes de l'acte du 20 février 1989, M. A... J... s'était obligé « expressément à rembourser à M. P... J..., sous un délai de 10 ans à compter de ce jour, le montant total en capital et intérêts des sommes acquittées par ce dernier en remboursement dudit prêt » de 600.000 francs consenti par la Banque parisienne de crédit, la cour a énoncé qu'il n'y avait pas lieu de demander à P... J... de démontrer qu'il avait effectivement acquitté le prêt et qu'il appartenait le cas échéant à A... J... de démontrer que la banque n'aurait pas été payée ; qu'en statuant de la sorte, quand il incombait à P... J... qui réclamait à A... J... l'exécution de son obligation à lui « rembourser le montant total en capital et intérêts des sommes acquittées par ce dernier en remboursement dudit prêt », d'établir au préalable le montant des sommes qu'il avait acquittées, la cour a inversé la charge de la preuve, et a violé l'article 1315 ancien du code civil.