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02/10/2019 | FRANCE | N°18-12323

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 octobre 2019, 18-12323


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. P... a été engagé le 3 novembre 2011 par la société K..., en qualité de gestionnaire de paie, statut cadre ; que l'employeur a mis fin à la période d'essai le 23 mars 2012 ; que contestant la validité de la convention de forfait annuel en jours, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement d'heures supplémentaires et diverses indemnités pour non-respect des durées maximales de travail et travail dissimulé ;

Sur le premier moyen :
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. P... a été engagé le 3 novembre 2011 par la société K..., en qualité de gestionnaire de paie, statut cadre ; que l'employeur a mis fin à la période d'essai le 23 mars 2012 ; que contestant la validité de la convention de forfait annuel en jours, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement d'heures supplémentaires et diverses indemnités pour non-respect des durées maximales de travail et travail dissimulé ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen :

Vu les articles L. 3121-34, L. 3121-35 et L. 3121-36 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, ensemble l'article 1315 du code civil, devenu 1353 du même code ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande au titre du non-respect des durées quotidienne et hebdomadaire maximales de travail, l'arrêt retient que pour justifier ses prétentions, le salarié ne verse au dossier qu'un tableau récapitulant le temps qu'il estime avoir consacré au traitement des dossiers dont il avait la charge, mais qui ne permet pas de connaître la réalité de l'amplitude horaire pour les jours qu'il vise dans sa demande, qu'il ne saurait à cet égard soutenir que ce tableau a été validé par l'employeur, cette validation n'apparaissant sur aucun document, seule la mention d'une transmission informatique réussie étant mentionnée, qu'il ne verse par ailleurs aucun document qu'il aurait adressé ou qu'il aurait reçu en dehors de l'horaire collectif ni même de documents justifiant d'un travail ayant nécessité le dépassement de la durée journalière de travail ;

Attendu cependant que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. P... de sa demande au titre du dépassement des durées maximales de travail, l'arrêt rendu le 16 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la société K... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société K... à payer à M. P... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. P...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. P... de sa demande en paiement de rappel d'heures supplémentaires ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué,

« Sur les heures supplémentaires
La durée légale du travail effectif prévue à l'article L. 3121-10 du code du travail constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article L. 3121-22 du même code.
Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
En l'espèce, M. P... expose qu'il a travaillé au-delà d'une durée hebdomadaire de 35 heures par semaine sans percevoir la rémunération correspondante. Il estime que la société lui doit un rappel d'heures supplémentaires de 5 131,89 euros bruts, outre 514,18 euros bruts de congés payés, pour la période du 3 novembre 2011 au 11 avril 2012.
Pour étayer ses dires M. P... produit un tableau mentionnant de manière globale les heures effectuées par semaine ainsi que des feuilles de temps.
Or, le tableau produit ne permet pas de connaître le nombre d'heures de travail accomplies par jour puisqu'il n'indique ni les heures d'arrivée ni celle de départ de M. K... de l'entreprise, de même qu'il ne précise ni les temps de repos, ni la pause méridienne ni même les jours de repos ou d'absence.
De même, les feuilles de temps, qui ne sont qu'une estimation faite par le salarié du temps consacré à l'examen ou au traitement d'un dossier, ne permet pas de connaître le nombre d'heures de travail réalisées ainsi que leur répartition sur la semaine.
Les éléments produits par M. P... ne sont donc pas suffisamment précis pour pouvoir être discutés par l'employeur et de nature à étayer ses prétentions. Ses demandes relatives aux heures supplémentaires et au dépassement de la durée du travail doivent par conséquent être rejetées.
Le jugement est confirmé sur ce point. » ;

ALORS, en premier lieu, QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que, pour dire que les éléments produits par M. P... n'étaient pas suffisamment précis pour pouvoir être discutés par l'employeur et de nature à étayer ses prétentions, la cour d'appel a affirmé que « les feuilles de temps, qui ne sont qu'une estimation faite par le salarié du temps consacré à l'examen ou au traitement d'un dossier, ne permet pas de connaître le nombre d'heures de travail réalisées ainsi que leur répartition sur la semaine » (arrêt, p. 4) ; que, contrairement à ce qu'affirme la cour d'appel, les feuilles de temps indiquent le temps consacré quotidiennement à l'examen et au traitement des dossiers, le temps total durant le mois passé sur chaque dossier et le temps total passé quotidiennement et mensuellement à examiner et traiter les dossiers, ce dont il ressort que ces feuilles établissaient le temps de travail quotidien ainsi que le temps de travail mensuel du salarié ; qu'en retenant une lecture des feuilles de temps incompatibles avec leur contenu, la cour d'appel a dénaturé ces documents et a violé le principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les éléments de la cause ;

ALORS, en second lieu, QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que, pour décider, en l'espèce, que les éléments produits par M. P... n'étaient pas suffisamment précis pour pouvoir être discutés par l'employeur et de nature à étayer ses prétentions et ainsi le débouter de ses demandes relatives au paiement d'heures supplémentaires, la cour d'appel a relevé que, pour étayer sa demande, le salarié produisait un tableau mentionnant de manière globale les heures effectuées par semaine ainsi que des feuilles de temps ; qu'elle a cependant estimé que le tableau produit ne permettait pas de connaître le nombre d'heures de travail accomplies par jour puisqu'il n'indique ni les heures d'arrivée ni celles de départ du salarié de l'entreprise, de même qu'il ne précise ni les temps de repos, ni la pause méridienne ni même les jours de repos ou d'absence ; qu'elle a encore considéré que les feuilles de temps, qui ne sont qu'une estimation faite par le salarié du temps consacré à l'examen ou au traitement d'un dossier ne permettait pas de connaître le nombre d'heures de travail réalisées ainsi que leur répartition sur la semaine ; qu'en statuant ainsi, alors qu'en produisant un tableau récapitulatif du temps de travail effectué chaque semaine sur la période considérée et des feuilles de temps, mises en place par l'employeur, décomptant le temps de travail effectué chaque jour et chaque mois, le salarié avait étayé sa demande par des éléments suffisamment précis pour que l'employeur y réponde, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. P... de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour dépassement des durées maximales de travail ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué,

« Sur le dépassement des durées maximales de travail
L'article L. 3151-34 du code du travail dispose que "la durée quotidienne du travail effectif ne peut excéder dix heures, sauf dérogations accordées dans des conditions déterminées par décret », l'article L. 3121-35 du code du travail précisant qu'"au cours d'une même semaine, la durée du travail ne peut dépasser quarante-huit heures".
Enfin, l'article L. 3121-36 du code du travail précise, enfin, que "la durée hebdomadaire de travail calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives ne peut dépasser quarante-quatre heures".
M. P... affirme qu'il a travaillé, au cours de sa période d'essai, à plus de 14 reprises au-delà de 10 heures par jour, effectué plusieurs semaines à plus de 48 heures par semaine et effectué une durée moyenne de travail qui dépassait, sur une période de 12 semaines consécutives, 44 heures par semaine.
Or, pour justifier ses prétentions, M. P... ne verse au dossier qu'un tableau récapitulant le temps qu'il estime avoir consacré au traitement des dossiers dont il avait la charge, mais qui ne permet pas de connaître la réalité de l'amplitude horaire pour les jours qu'il vise dans sa demande. Il ne saurait à cet égard soutenir que ce tableau a été validé par l'employeur, cette validation n'apparaissant sur aucun document, seule la mention d'une transmission informatique réussie étant mentionnée.
M. P... ne verse par ailleurs aucun document qu'il aurait adressé ou qu'il aurait reçu en dehors de l'horaire collectif ni même de documents justifiant d'un travail ayant nécessité le dépassement de la durée journalière de travail.
M. P... doit en conséquence être débouté de la demande d'indemnité qu'il a formée de ce chef et le jugement entrepris sera infirmé en ce sens. » ;

ALORS QUE la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur ; que, pour débouter, en l'espèce, le salarié de sa demande de dommages-intérêts au titre du dépassement des durées maximales de travail, la cour d'appel a considéré que, pour justifier ses prétentions, le salarié n'a versé au dossier qu'un tableau récapitulant le temps qu'il estime avoir consacré au traitement des dossiers dont il avait la charge, mais qui ne permet pas de connaître la réalité de l'amplitude horaire pour les jours qu'il vise dans sa demande ; qu'elle a ajouté que le salarié ne saurait soutenir à cet égard que ce tableau a été validé par l'employeur, cette validation n'apparaissant sur aucun document, seule la mention d'une transmission informatique réussie étant mentionnée ; qu'elle a considéré, pour finir, que le salarié n'a versé aucun document qu'il aurait adressé ou qu'il aurait reçu en dehors de l'horaire collectif ni même de documents justifiant d'un travail ayant nécessité le dépassement de la durée journalière de travail ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les dispositions des articles L. 3121-34, L. 3121-35 et L. 3121-36 du code du travail, ensemble l'article 1315 du code civil, devenu l'article 1353 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-12323
Date de la décision : 02/10/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 16 novembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 oct. 2019, pourvoi n°18-12323


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.12323
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