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02/10/2019 | FRANCE | N°16-20059

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 octobre 2019, 16-20059


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 mai 2016), que Mme I... a été engagée verbalement, le 2 février 1976, par les époux H... en qualité d'employée de maison ; que le 27 janvier 2007, les parties ont signé un contrat de travail fixant un horaire hebdomadaire de 30 heures ; qu'en juin 2013, la salariée ayant refusé de voir réduire son horaire de travail à 65 heures mensuelles, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes en requalification de son contrat de travail en contrat à temps plein et en

rappel de salaires ; que par courrier du 18 mars 2015, elle a été mis...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 mai 2016), que Mme I... a été engagée verbalement, le 2 février 1976, par les époux H... en qualité d'employée de maison ; que le 27 janvier 2007, les parties ont signé un contrat de travail fixant un horaire hebdomadaire de 30 heures ; qu'en juin 2013, la salariée ayant refusé de voir réduire son horaire de travail à 65 heures mensuelles, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes en requalification de son contrat de travail en contrat à temps plein et en rappel de salaires ; que par courrier du 18 mars 2015, elle a été mise à la retraite ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que, sous le couvert des griefs non fondés de dénaturation et de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par les juges du fond de la valeur et de la portée des éléments de preuve versés aux débats au terme de laquelle ils ont retenu que la salariée était à la disposition de ses employeurs neuf heures par jour ;

Sur le second moyen :

Attendu que les employeurs font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer à la salariée des dommages-intérêts en réparation du préjudice relatif au manque à gagner sur la retraite, alors, selon le moyen :

1°/ que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation, qui entraînera la remise en cause des dispositions de l'arrêt ayant dit que le contrat de travail devait être requalifié en contrat à temps plein de 205 heures mensuelles et condamné les employeurs à un rappel de salaire à ce titre, emportera la cassation par voie de conséquence du chef du dispositif critiqué par le présent moyen conformément aux dispositions de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°/ que dans leurs conclusions d'appel, les employeurs faisaient valoir qu'en application de l'article 2224 du code civil, la demande de dommages-intérêts de la salariée était prescrite au moins pour partie dès lors que le défaut de cotisation invoqué concernait des salaires impayés antérieurs de plus de 37 ans à la saisine du conseil de prud'hommes ; qu'en se bornant à énoncer que la demande n'était pas prescrite, sans donner aucun motif à sa décision, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que l'action du salarié en réparation du préjudice causé par la faute de l'employeur qui n'a pas satisfait à son obligation de régler les cotisations de retraite afférentes à un salaire est soumise à la prescription régissant les actions en responsabilité civile, qui court à compter de la réalisation du dommage défaut ou de la date à laquelle le dommage est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'en retenant que la demande en paiement de dommages-intérêts pour la perte de droits à pension de retraite correspondant aux cotisations afférentes aux salaires à compter de 1982 n'était pas prescrite, sans rechercher si la salariée, qui se prévalait d'heures de travail réalisées au-delà de son horaire contractuel n'ayant pas donné lieu à rémunération, n'avait pas nécessairement connaissance du défaut de cotisation à la date de sa réalisation, de sorte que la demande, compte tenu du délai de prescription, était au moins en partie prescrite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2262 dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et 2224 du code civil ;

Mais attendu, d'abord, que le rejet du premier moyen rend sans portée le moyen tiré d'une cassation par voie de conséquence ;

Attendu, ensuite, que la créance dépendant d'éléments qui ne sont pas connus de la créancière et qui résultent de déclarations que les débiteurs sont tenus de faire, il s'en déduit que la prescription ne courait qu'à compter de la liquidation par la salariée de ses droits à la retraite ; que c'est dès lors à bon droit que la cour d'appel qui, ayant relevé que l'intéressée sollicitait la réparation d'un préjudice actuel né suite à sa mise à la retraite par ses employeurs de sorte qu'elle motivait sa décision sans être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a retenu que cette demande indemnitaire n'était pas prescrite ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les époux H... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les époux H... à payer à la SCP Ortscheidt la somme de 2 800 euros et à Mme I... la somme de 200 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour M. et Mme H....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR requalifié le contrat de travail de Mme I... en contrat de travail à temps plein de 205 heures mensuelles et d'AVOIR, en conséquence, condamné in solidum M. et Mme H... à payer à Mme I... les sommes de 44.896,60 euros à titre de rappel de salaire et 4.489,66 euros au titre des congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QUE (sur le rappel des prétentions des parties) les époux H... demandent à la cour de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 6 juin 2013, de dire et juger que le licenciement pour faute grave de Madame O... I... est parfaitement justifié et repose sur une cause réelle et sérieuse, par conséquent de débouter Madame O... I... de l'intégralité de ses demandes ;

ET AUX MOTIFS QU'en application de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que Mme I... fait valoir qu'elle travaille de 8h30 à 18h00 du lundi au vendredi et de 8h30 à 12h00 le samedi matin, soit l'équivalent de 205 heures mensuelles précisant que lorsque la famille se rendait à Deauville, elle était à la disposition de ses employeurs 24 heures sur 24 ; que la salariée conteste la décision prud'homale en ce qu'elle n'a reconnu que 189 heures mensuelles de travail ne prenant en compte ni l'heure du déjeuner ni les heures de travail le samedi ; que Mme I... apporte les attestations de plusieurs voisins déclarant « nous la voyons fréquemment, mon mari ou moi, le matin vers 8h30, 9h et le soir vers 18h30 », « Je la rencontre régulièrement lorsqu'elle fait les courses toute la semaine y compris, le samedi et parfois même le dimanche » ou encore « Je l'ai vu également travailler parfois le samedi et le dimanche lorsque les enfants de Madame et Monsieur H... venaient les visiter avenue Junot » ; que cette dernière produit également pour les besoins de la cause les factures des courses du supermarché mentionnant le nom de Madame R... H... ainsi que les heures et jours durant lesquels elle se rendait au supermarché pour effectuer des courses pour le couple ; qu'il apparait qu'elle s'y est rendue le plus tôt à 8h40, le plus tard à 17h03 en semaine et un ticket de caisse du samedi à 10h42 ; que la salariée demande à la cour de juger que les époux H... ont dissimulé l'emploi salarié occupé par cette dernière en application de l'article L. 8221-5 2° du code du travail puisqu'elle réalisait un nombre d'heures de travail supérieur à celui indiqué sur son contrat de travail et ses bulletins de paie ; que sur l'heure du déjeuner, Mme I... estime que ce temps doit être décompté comme du temps de travail effectif en précisant qu'elle prépare le déjeuner de ses employeurs qu'elle partage, qu'elle sert la table et la dessert et qu'ainsi le temps de restauration et de pause doivent être considérés comme du temps de travail effectif puisque la salariée est à la disposition de ses employeurs et doit se conformer à leurs directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles ; que Mme R... H... et M. P... H... rétorquent que Mme I... n'apporte aucun élément permettant de justifier qu'elle travaillait plus de 30 heures par semaine, qu'elle ne produit aucun décompte détaillé de ses heures de travail et qu'elle n'a jamais contesté ses horaires de travail entre 1976 et 2013 ; que les employeurs estiment que les attestations produites par la salariée n'établissent pas qu'elle travaillait à temps plein puisque les attestants sont des voisins et qu'il est normal de les rencontrer dans le quartier ; que ces derniers considèrent dans un premier temps que les horaires de travail de Mme I... sont de 8h45 à 12h30 le matin et de 15h30 à 17h45 l'après-midi (II. C. 2) conclusions employeur page 10) et dans un second temps qu'elle ne travaillait que le matin (II. C. 4) conclusions employeur page 12) au motif que la salariée avait pour habitude de consacrer a minima 2 heures dans la journée pour vaquer à ses occupations personnelles (regarder le reportage animalier quotidien, faire sa lessive personnelle et son repassage, faire ses courses personnelles, se rendre à la banque ou à la poste, discuter avec le voisinage et se rendre à ses séances de massage une fois par semaine) ; que les époux H... estiment que sur la plage horaire de 8h45 à 17h45, Mme I... n'est à leur disposition que durant 6 heures par jour ce qui correspond à une durée mensuelle de travail de 130 heures ; que sur les attestations produites par les employeurs d'autres voisins et personnes travaillant dans le quartier, la cour relève que ces déclarations ne renseignent pas précisément sur les horaires de travail de la salariée « Je connais également O... leur employée de maison qui était très libre et avec qui j'entretenais de très bonnes relations. Dès que je le croisais dans le quartier elle cherchait à faire un brin de causette, elle avait du temps à perdre » ou « lorsqu'elle faisait les courses pour ses patrons elle en faisait aussi pour elle, elle connaissait beaucoup de monde dans le quartier et je la voyais très souvent discuter avec les uns et les autres » ou « selon moi, cette personne passe beaucoup de temps à parler avec les gens du voisinage » ou « Madame I... annonce qu'elle s'absente pour une course ; Madame H... demande alors s'il manque quelque chose pour la maison. Elle répond sans détour qu'elle va s'acheter de la teinture pour elle-même qu'elle ne trouve que dans le quartier. Madame I... est rentrée vers 17h30 pour repartir aussitôt avec son repas du soir » à l'exception des déclarations suivantes qui nous informent de son amplitude horaire de travail « Pour moi la croisant très souvent dans l'après-midi, je pensais qu'elle ne travaillait que le matin chez ces personnes » et « je la voyais souvent venir chez elle dans la journée et surtout les après-midi. Emme m'a dit qu'elle était très libre dans son travail » ; que les employeurs ajoutent que leur salariée travaillait pour un voisin au sein de la résidence appelée le Hameau des Artistes et qu'elle occupait donc nécessairement un emploi à temps partiel auprès des époux H... ; que les époux H... affirment ne jamais avoir demandé à Mme I... de travailler le samedi ou le week-end et produisent l'attestation d'un de leurs fils déclarant que « les quelques fois où ces anniversaires ont eu lieu à la maison chez mes parents, il s'est agit de goûters dont l'essentiel des gourmandises et pâtisseries avaient été achetées chez un traiteur. O..., n'a jamais participé à ces goûters, et ma mère en maîtresse de maison attentionnée s'occupait de tous et de chacun » ; que la cour relève que par courrier du 23 septembre 2013, les époux H... indiquaient à Mme I... que ses horaires « ont été adaptés [...] aux horaires et rythmes scolaires de [son] fils Marc, et ils n'ont pas changé (8h45 - 17h45) » ajoutant « vous êtes libre de votre temps, vous avez la clef de la maison et ma confiance totale. Donc, je n'ai jamais fait de contrôle d'entrées et de sorties (ex : déplacement : « je vais chez le médecin, le kiné, à la poste, à la banque, faire une course »...). Je dirais même que vous n'avez jamais fait les 130 heures, les horaires que vous prétendez faire sont purement fantaisistes ! » ; qu'il ressort donc de ce courrier que les époux H... admettent que Mme I... était à leur service 9 heures par jour ce qui correspond à 45 heures par semaine ; que sur le décompte des heures, les époux H... font valoir que les heures travaillées au-delà de 130 heures correspondraient à des heures supplémentaires mais la cour relève qu'ils ne justifient pas de bulletin de paye portant des heures supplémentaires ni de paiement de ces heures supplémentaires ; que sur les vacances à Deauville, les employeurs précisent que la salariée disposait librement de ses après-midi en produisant les attestations de la gardienne de l'immeuble à Deauville, de leurs enfants et petits enfants ; qu'en l'absence de justification par les employeurs des heures réellement effectuées par leur salariée, la cour observe que les attestations produites par la salariée, les tickets de caisse du supermarché et le courrier adressé par ses employeurs le 23 septembre 2013 constituent des éléments de preuve suffisants à requalifier sa relation contractuelle en contrat de travail a temps plein de 205 heures mensuelles ; qu'en conséquence, il convient d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a requalifié le contrat de travail en contrat de travail à temps plein de 189 heures ;

1/ ALORS QU'en énonçant que M. et Mme H... demandaient à la cour de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 6 juin 2013 ayant retenu la requalification du contrat de travail de Mme I... en contrat à temps plein de 189 heures mensuelles, quand ceux-ci faisaient valoir que la salariée avait travaillé suivant un horaire de 130 heures mensuelles (cf. conclusions, pp. 10 et s.), la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2/ ALORS, en outre, QU'en retenant, pour dire que M. et Mme H... ne justifiaient pas des horaires effectués par Mme I..., que dans leurs conclusions d'appel, ceux-ci considéraient dans un premier temps que les horaires de travail de Mme I... étaient de 8h45 à 12h30 le matin et de 15h30 à 17h45 l'après-midi, et dans un second temps qu'elle ne travaillait que le matin, cependant que M. et Mme H... s'étaient bornés à indiquer que Mme I... avait pour habitude de vaquer à des occupations personnelles au cours des après-midi, sans jamais remettre en cause les horaires fixés de 8h45 à 12h30 le matin et de 15h30 à 17h45 l'après-midi (cf. conclusions, p. 12, § 1 et s.), la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel des exposants et ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ;

3/ ALORS, au surplus, QUE dans leurs conclusions d'appel réitérées oralement, les époux H... faisaient valoir que les heures de travail invoquées par Mme I... au-delà de la durée prévue au contrat s'analysaient en des heures supplémentaires, lesquelles se décomptent par semaines civiles et ne peuvent donc être justifiées par un décompte global tel que celui effectué par la salariée (cf. p. 10, § 1 à 6) ; qu'en retenant que sur les décomptes des heures, les époux H... invoquaient l'existence d'heures supplémentaires sans justifier de bulletin de paye portant des heures supplémentaires ni de paiement de ces heures supplémentaires, quand ceux-ci ne soutenaient pas que des heures supplémentaires avaient été réalisées, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel des exposants et ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ;

4/ ALORS, au demeurant, QUE dans leur courrier du 23 septembre 2013 adressé à Mme I..., M. et Mme H... indiquaient que celle-ci n'avait en réalité « jamais fait les 130 heures » mensuelle figurant dans son contrat et rappelaient à cette dernière une plage horaire de 8h45 – 17h45 (cf. prod.) ; qu'en retenant que dans ce courrier, les époux H... admettaient que Mme I... effectuait une durée de travail de 9 heures par jour, soit 45 heures par semaine et 205 heures mensuelles, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce document, en violation du principe interdisant au juge de dénaturer les documents de la cause ;

5/ ALORS, en tout état de cause, QUE la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et qu'en cas de litige relatif à l'existence d'heures travaillées, le salarié doit fournir au juge des éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que les attestations et factures de course produites par Mme I... au soutien de sa demande faisaient état de sa présence à certaines heures, non pas sur son lieu de travail, mais dans le quartier qui était également celui-ci de son lieu d'habitation ; qu'en retenant que ces éléments, dont il ne résultait aucune donnée précise sur les heures de travail effectuées au domicile des époux H..., étayaient suffisamment la demande de la salariée, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

6/ ALORS, au demeurant, QUE sauf lorsqu'il constitue du travail effectif, le temps nécessaire à la restauration n'est pas rémunéré ; qu'il appartient au salarié qui prétend avoir été contraint de demeurer à la disposition de son employeur pendant la pause consacrée au déjeuner de rapporter la preuve de ses allégations ; qu'en condamnant M. et Mme H... à rémunérer les temps de restauration, au motif que ceux-ci ne justifiait pas des heures réellement effectuées par la salariée, quand il appartenait à celle-ci qui, sans contester l'existence de sa pause déjeuner, prétendait être demeurée à la disposition de ses employeurs, d'en rapporter la preuve, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné in solidum M. et Mme H... à payer à Mme I... la somme de 64.120 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice relatif au manque à gagner sur la retraite ;

AUX MOTIFS QUE Mme I... précise que lors de la première instance, elle n'avait pas été mise à la retraite, décision intervenue par courrier du 18 mars 2015 ; que cette dernière demande la condamnation des époux H... au versement de la somme de 64.120 € au titre du préjudice subi du fait de la non déclaration des heures de travail réellement effectuées ; que Mme I... produit un courrier de la caisse nationale d'assurance vieillesse établissant qu'elle perçoit 717,32 € et considère que du fait de la dissimulation de ses heures travaillées, elle perd 450 € de pension retraite par mois ; que Mme I... fait observer qu'elle est née en 1945 (71 ans) et que sa retraite est calculée sur ses 22 meilleures années de travail ; que sur le mode de calcul, Mme I... multiplie le différentiel entre la retraite qu'elle touche et celle qu'elle aurait dû toucher (452,25 €) par 12 mois multiplié par 11,815 € correspondant à la valeur de l'euro de rente pour une femme de 70 ans lorsqu'il y a transformation en capital de la rente ; que Mme et M. H... répondent que Mme I... ne produit pas d'élément tels que ses avis d'imposition permettant de justifier ses revenus actuels ; que les employeurs font observer que la demande de dommages et intérêts en vue de réparer le préjudice résultant du défaut d'affiliation à une institution de retraite ou d'insuffisances dans le versement des cotisations aux organismes de retraite est soumise à la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil, que Mme I... ne peut utilement demander la réparation d'un préjudice antérieur de 37 ans à la saisine du conseil de prud'hommes et que le décret auquel se réfère la salariée pour solliciter la somme de 64.120 € est un décret pris en application des articles 276-4 et 280 du code civil et fixant les modalités de substitution d'un capital à une rente allouée au titre de la prestation compensatoire ; que la cour relève que la salariée sollicite la réparation d'un préjudice actuel né suite à sa mise à la retraite par ses employeurs, cette demande n'étant pas prescrite et les employeurs n'ayant pas fourni un mode de calcul différent, il convient de faire droit à la demande de Mme I... à hauteur de 64.120 € ;

1/ ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation, qui entraînera la remise en cause des dispositions de l'arrêt ayant dit que le contrat de travail devait être requalifié en contrat à temps plein de 205 heures mensuelles et condamné les employeurs à un rappel de salaire à ce titre, emportera la cassation par voie de conséquence du chef du dispositif critiqué par le présent moyen conformément aux dispositions de l'article 624 du code de procédure civile ;

2/ ALORS, en tout état de cause, QUE dans leurs conclusions d'appel, les employeurs faisaient valoir qu'en application de l'article 2224 du code civil, la demande de dommages et intérêts de la salariée était prescrite au moins pour partie dès lors que le défaut de cotisation invoqué concernait des salaires impayés antérieurs de plus de 37 ans à la saisine du conseil de prud'hommes ; qu'en se bornant à énoncer que la demande n'était pas prescrite, sans donner aucun motif à sa décision, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3/ ALORS, en outre, QUE l'action du salarié en réparation du préjudice causé par la faute de l'employeur qui n'a pas satisfait à son obligation de régler les cotisations de retraite afférentes à un salaire est soumise à la prescription régissant les actions en responsabilité civile, qui court à compter de la réalisation du dommage défaut ou de la date à laquelle le dommage est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'en retenant que la demande en paiement de dommages et intérêts pour la perte de droits à pension de retraite correspondant aux cotisations afférentes aux salaires à compter de 1982 n'était pas prescrite, sans rechercher si la salariée, qui se prévalait d'heures de travail réalisées au delà de son horaire contractuel n'ayant pas donné lieu à rémunération, n'avait pas nécessairement connaissance du défaut de cotisation à la date de sa réalisation, de sorte que la demande, compte tenu du délai de prescription, était au moins en partie prescrite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2262 dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et 2224 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-20059
Date de la décision : 02/10/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 06 mai 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 oct. 2019, pourvoi n°16-20059


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Marc Lévis, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:16.20059
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