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25/09/2019 | FRANCE | N°17-27094

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 25 septembre 2019, 17-27094


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 septembre 2017), que Mme P... a été engagée le 2 mars 2011 par la société DRAFTFCB Paris, devenue la société FCB Paris, en qualité de directrice de la création ; que par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 5 novembre 2013, la société lui a notifié un licenciement pour faute avec dispense d'exécution de son préavis ; que le 20 décembre 2013, la salariée a saisi la juridiction prud'homale notamment afin d'obtenir

l'annulation de son licenciement et sa réintégration ;

Attendu que la société fa...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 septembre 2017), que Mme P... a été engagée le 2 mars 2011 par la société DRAFTFCB Paris, devenue la société FCB Paris, en qualité de directrice de la création ; que par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 5 novembre 2013, la société lui a notifié un licenciement pour faute avec dispense d'exécution de son préavis ; que le 20 décembre 2013, la salariée a saisi la juridiction prud'homale notamment afin d'obtenir l'annulation de son licenciement et sa réintégration ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du licenciement de la salariée et de lui ordonner de la réintégrer dans son poste de directrice de la création, ou sur un poste équivalent dans les mêmes conditions qu'antérieurement et de la condamner à verser à la salariée un salaire d'une certaine somme par mois entre le 5 mai 2014 et sa réintégration sous réserve de la déduction des salaires et revenus de remplacement perçus par la salariée, alors, selon le moyen :

1°/ que seul le licenciement motivé par la dénonciation de faits de harcèlement moral peut être frappé de nullité ; qu'en l'espèce, selon les termes de la lettre de licenciement, Mme P... a été licenciée en raison de son manque de leadership au niveau créatif et de son manque de management, de son absence d'implication, de la désorganisation des équipes en résultant et de son refus des instructions et directives de son supérieur hiérarchique ; qu'en se référant par ailleurs très brièvement et de manière accessoire dans la lettre de licenciement aux propos tenus oralement par la salariée à l'occasion d'une discussion animée du 11 octobre 2013 durant laquelle elle a employé le terme « harcèlement », la société n'a pas entendu faire reposer le licenciement sur un motif tiré de la dénonciation d'agissements de harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; qu'en décidant le contraire et en prononçant la nullité du licenciement pour dénonciation d'agissements de harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1, L. 1152-2, L. 1152-3 et L. 1232-6 du code du travail ;

2°/ que le bénéfice de la protection prévue par les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail est subordonné à la dénonciation par le salarié de faits qualifiés par lui d'agissements de « harcèlement moral » ; que ne caractérise pas une dénonciation d'agissements de harcèlement moral les propos tenus oralement par un salarié mentionnant un « harcèlement », sans faire état d'agissements juridiquement qualifiables de « harcèlement moral » et sans solliciter la reconnaissance d'un tel harcèlement moral devant une juridiction ; qu'en se référant brièvement dans la lettre de licenciement à l'incident du 11 octobre 2013 durant lequel Mme P... a parlé de « harcèlement » lors d'une discussion animée - propos qui n'ont jamais été réitérés et n'ont pas abouti à une demande de reconnaissance d'un « harcèlement moral » - la société n'a pas reproché à la salariée d'avoir dénoncé de tels agissements ; qu'en décidant néanmoins que la formulation de la lettre de licenciement permettait à la salariée de bénéficier des dispositions protectrices des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail et en annulant en conséquence le licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble les articles L. 1152-1 et L. 1232-6 du code du travail ;

3°/ qu'en retenant que la société reprochait à la salariée dans la lettre de licenciement d'avoir proféré des accusations de « harcèlement moral », la cour d'appel a dénaturé la lettre de licenciement du 5 novembre 2013, ensemble le principe interdisant au juge de dénaturer les documents qu'il examine ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ; qu'en vertu de l'article L. 1152-3 du même code, toute rupture de contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code précité, toute disposition contraire ou tout acte contraire est nul ; qu'il s'en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce ;

Et attendu qu'ayant constaté, hors toute dénaturation, d'une part, que dans la lettre de licenciement il était notamment reproché à la salariée d'avoir accusé son employeur de harcèlement à son égard et d'autre part, que celui-ci n'établissait pas que cette dénonciation avait été faite de mauvaise foi, la cour d'appel qui n'avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en a exactement déduit que ce grief emportait à lui seul la nullité du licenciement ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que le rejet du premier moyen prive de portée le second moyen qui invoque une cassation par voie de conséquence ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société FCB Paris aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société FCB Paris à payer à Mme P... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société FCB Paris.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué infirmatif sur ce point d'AVOIR prononcé la nullité du licenciement de Madame P..., d'AVOIR ordonné à la Société FCB PARIS de réintégrer Madame P... dans son poste de directrice de la création, ou sur un poste équivalent dans les mêmes conditions qu'antérieurement et d'AVOIR condamné la Société FCB PARIS à verser à Madame P... un salaire d'un montant de 16.666 € bruts par mois entre le 5 mai 2014 et sa réintégration sous réserve de la déduction des salaires et revenus de remplacement perçus par Madame P... pendant cette période, outre la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « en application de l'article L 1152-2 du code du travail aucun salarié ne peut être licencié pour avoir témoigné ou relaté des faits de harcèlement moral, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut que résulter de la connaissance de la fausseté des faits dénoncés. Madame P... a été licenciée sur la base de quatre motifs, son manque de leadership au niveau créatif et de management, un manque total d'implication et de motivation dans son travail, la désorganisation des équipes et de l'agence, et enfin un refus et un rejet des instructions et des directives émanant de sa supérieure hiérarchique. La lettre de licenciement développe ces quatre griefs sur quatre pages et précise s'agissant du manque de motivation dans le travail au sujet d'un projet dénommé « Innocent » : «... l'après-midi comme prévu vous vous êtes absentée à partir de 14 heures nous laissant tous nous débrouiller avec la finalisation du travail créatif pour la réunion de 18h30. Vous êtes revenue à 17h31 alors que nous partions au rendez-vous. Nous n'avions plus le temps de nous concerter sur la présentation. Vous n'aviez pas vu les pistes des créatifs extérieurs ni les changements effectués par vos équipes. Vous avez contesté cette décision avec des clameurs agressives que tout notre étage a pu entendre m'accusant de harcèlement et me forçant à vous envoyer un e-mail à 20 heures à la sortie de notre réunion ». La lettre de licenciement reproche bien à la salariée, entre autres motifs, d'avoir imputé à la présidente de l'association des agissements de harcèlement. En application des dispositions susvisées la relation de faits de harcèlement moral ne peut être sanctionnée par un licenciement que si elle a été faite de mauvaise foi par la salariée. Or la SAS DRAFTFCB Paris se contente de dire lapidairement que l'accusation de harcèlement est mal fondée et que l'employeur n'a fait qu'exercer son pouvoir hiérarchique. Elle n'allègue pas la mauvaise foi de la salariée, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par l'intéressée de la fausseté des faits qu'elle dénonçait. Dès lors il convient, en application des dispositions susvisées, d'infirmer le jugement entrepris et de dire le licenciement de Madame P... nul. Sur les conséquences de la nullité du licenciement. Tout salarié dont le licenciement est annulé est en droit de solliciter sa réintégration dans l'entreprise. Dès lors, Madame P... formulant une telle demande, il convient d'ordonner sa réintégration dans son poste de directrice de la création ou sur un poste équivalent dans les mêmes conditions qu'antérieurement. Elle est également bien fondée à solliciter le paiement de ses salaires, soit la somme mensuelle de 16'666 € bruts, montant non contesté par l'employeur, entre la date de rupture illicite de son contrat de travail le 05 mai 2014 et la date de sa réintégration, ce, sous réserve de la déduction des salaires et des revenus de remplacement perçus par Madame P... pendant cette période » ;

1/ ALORS QUE seul le licenciement motivé par la dénonciation de faits de harcèlement moral peut être frappé de nullité ; qu'en l'espèce, selon les termes de la lettre de licenciement, Madame P... a été licenciée en raison de son manque de leadership au niveau créatif et de son manque de management, de son absence d'implication, de la désorganisation des équipes en résultant et de son refus des instructions et directives de son supérieur hiérarchique ; qu'en se référant par ailleurs très brièvement et de manière accessoire dans la lettre de licenciement aux propos tenus oralement par la salariée à l'occasion d'une discussion animée du 11 octobre 2013 durant laquelle elle a employé le terme « harcèlement », la Société FCB PARIS n'a pas entendu faire reposer le licenciement sur un motif tiré de la dénonciation d'agissements de harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; qu'en décidant le contraire et en prononçant la nullité du licenciement pour dénonciation d'agissements de harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1, L. 1152-2, L. 1152-3 et L.1232-6 du code du travail ;

2/ ALORS QUE le bénéfice de la protection prévue par les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail est subordonné à la dénonciation par le salarié de faits qualifiés par lui d'agissements de « harcèlement moral » ; que ne caractérise pas une dénonciation d'agissements de harcèlement moral les propos tenus oralement par un salarié mentionnant un « harcèlement », sans faire état d'agissements juridiquement qualifiables de « harcèlement moral » et sans solliciter la reconnaissance d'un tel harcèlement moral devant une juridiction ; qu'en se référant brièvement dans la lettre de licenciement à l'incident du 11 octobre 2013 durant lequel Madame P... a parlé de « harcèlement » lors d'une discussion animée - propos qui n'ont jamais été réitérés et n'ont pas abouti à une demande de reconnaissance d'un « harcèlement moral » - la Société FCB PARIS n'a pas reproché à la salariée d'avoir dénoncé de tels agissements ; qu'en décidant néanmoins que la formulation de la lettre de licenciement permettait à la salariée de bénéficier des dispositions protectrices des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail et en annulant en conséquence le licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble les articles L. 1152-1 et L.1232-6 du code du travail ;

3/ ALORS ET POUR LA MEME RAISON QU'en retenant que la Société FCB PARIS reprochait à la salariée dans la lettre de licenciement d'avoir proféré des accusations de « harcèlement moral », la cour d'appel a dénaturé la lettre de licenciement du 5 novembre 2013, ensemble le principe interdisant au juge de dénaturer les documents qu'il examine.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué confirmatif sur ce point d'AVOIR condamné la Société FCB PARIS au paiement d'une somme de 40.050 € à titre de prime différée ;

AUX MOTIFS QUE « L'article 6 du contrat de travail de Madame P... spécifie dans son 2e paragraphe que la salariée « bénéficiera du Long Term Incentive Plan impliquant l'attribution du 'restricted cash' de la société IPG. L'attribution, pour une valeur de 50.000 US $, sera effectuée dans les meilleurs délais après la date d'entrée en vigueur du présent contrat. Cette somme sera versée 3 ans après la date d'attribution sous réserve que Madame P... soit toujours inscrite aux effectifs à cette date ». Contrairement à ce que prétend l'employeur le paiement de cette prime différée n'incombe pas à la société IPG, il s'agit bien d'un engagement de la SAS DRAFTFCB. S'il est exact que son versement n'est pas prévu au terme de trois ans après la signature du contrat de travail mais trois ans après la date d'attribution de ce « restricted cash » dans le cadre du plan « Long Term Intencive » la SAS FCB Paris ne peut échapper à ses obligations en s'abstenant de communiquer le dit plan et de justifier de ladite date. En conséquence il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement de cette prime » ;

ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EN LES SUPPOSANT ADOPTES, QUE « Le contrat de travail de Madame P... prévoyait que : "S... P... bénéficiera du Long Term Incentive Plan impliquant l'attribution de "restricted cash" de la société IPG. L'attribution, pour une valeur de 50 000 US dollars, sera effectuée dans les meilleurs délais après la date d'entrée en vigueur du présent contrat. Cette somme sera versée 3 ans après la date d'attribution, sous réserve qu'S... P... soit toujours inscrite aux effectifs à cette date". L'attribution de la somme indiquée étant, à défaut de disposition contraire, immédiate, donc à compter du début d'exécution du contrat de travail, c'est-à-dire le 2 mai 2011 et son versement différé de 3 ans devant être versée en conséquence le 2 mai 2014, c'est-à-dire à une date où celle-ci était toujours inscrite aux effectifs, compte tenu du préavis contractuel de 6 mois, Madame P... est fondée à solliciter le versement de cette prime qui représente 40.050,00 euros » ;

ALORS QUE la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt prononçant la nullité du licenciement de la salariée entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif condamnant la Société FCB PARIS au paiement d'une prime différée.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-27094
Date de la décision : 25/09/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 06 septembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 25 sep. 2019, pourvoi n°17-27094


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.27094
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