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19/09/2019 | FRANCE | N°18-20959

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 19 septembre 2019, 18-20959


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 431-2, dernier alinéa, du code de la sécurité sociale et 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;

Attendu, selon le premier de ces textes, qu'en cas d'accident
susceptible d'entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la prescription de deux ans opposable aux demandes d'indemnisation complémentaire visée aux articles L. 432-1 et suivants est interrompue pa

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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 431-2, dernier alinéa, du code de la sécurité sociale et 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;

Attendu, selon le premier de ces textes, qu'en cas d'accident
susceptible d'entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la prescription de deux ans opposable aux demandes d'indemnisation complémentaire visée aux articles L. 432-1 et suivants est interrompue par l'exercice de l'action pénale engagée pour les mêmes faits ou de l'action en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ; que, selon le second, lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M... X... ayant été victime le 15 décembre 1999 d'un accident mortel du travail pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis ( la caisse), le père et la mère de la victime, M. E... L... X... et Mme N... W... I... C... épouse X..., qui avaient sollicité le 4 février 2002 et obtenu le 2 mai 2002 l'aide juridictionnelle pour engager une action pénale, ont saisi le 11 décembre 2002, le doyen des juges d'instruction d'une plainte avec constitution de partie civile du chef de l'infraction d'homicide involontaire ; que le 14 juin 2013, Mme N... W... I... C... veuve X..., sa mère, Mme X..., sa fille et Mme B... N... F..., sa concubine, ont saisi une juridiction de sécurité sociale aux fins de reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur ;

Attendu que pour dénier un effet interruptif à la plainte avec constitution de partie civile ainsi qu'à la procédure subséquente et opposer la prescription biennale à l'action en reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur ultérieurement introduite devant une juridiction de sécurité sociale par les ayants-droit du salarié victime, l'arrêt énonce que la caisse ayant notifié, le 31 mars 2000, après enquête, la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident du travail, l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur devait être intentée avant le 31 mars 2002 ; que l'accident du travail étant survenu le 15 décembre 1999 et la plainte avec constitution de partie civile déposée le 11 décembre 2002, soit dans le délai de trois ans de la prescription de l'action pénale, cette action n'est pas supposée avoir été intentée à la date du dépôt de la demande d'aide juridictionnelle ; que la date du 11 décembre 2002 étant retenue comme point de départ de l'action pénale, le délai de forclusion était expiré et l'action intentée par les consorts X... le 14 juin 2013 était prescrite ;

Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, que la demande d'aide juridictionnelle avait été déposée par Mme N... H... C... veuve X... dans le délai prévu, et d'autre part, que la plainte avec constitution de partie civile qu'elle avait déposée visait expressément l'accident du travail, la cour d'appel a violé, par refus d'application à l'égard de Mme N... H... C... veuve X... exclusivement, les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré prescrite l'action en reconnaissance de faute inexcusable engagée par Mme N... H... C... veuve X..., l'arrêt rendu le 8 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne Mme P..., ès qualités de mandataire liquidateur de la société L'Européenne d'intérim aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par M. Prétot, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du président empêché, et par Mme Rosette, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt. en l'audience publique du dix-neuf septembre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mmes I... C..., veuve X..., X... et F...

Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur prescrite et d'AVOIR, par conséquent, débouté les consorts X... de leurs demandes subséquentes ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « Les consorts X... font valoir qu'aux termes de l'article 38 de la loi du 19 décembre 1991 sur l'aide juridique, l'action en justice qui doit avoir été intentée avant l'expiration d'un délai est réputée avoir été intentée dans ce délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant a été adressée avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter de la notification d'admission provisoire. Il est soutenu qu'en l'espèce, la demande d'aide juridictionnelle a été faite par les parents de la victime avant l'expiration du délai de deux ans pour la reconnaissance de la faute inexcusable, et que l'action pénale a été intentée dans les deux ans qui ont suivi l'admission à l'aide juridictionnelle ; qu'ainsi l'action pénale est réputée avoir été introduite à la date du dépôt de la demande d'aide juridictionnelle et a interrompu la prescription ; que cette interruption s'est poursuivie jusqu'à l'arrêt du tribunal correctionnel de Nanterre et que l'action devant le tribunal des affaires de sécurité sociale est réputée avoir été intentée dans les délais sans que la forclusion puisse être invoquée. La société Léon Grosse fait valoir que seule l'action pénale peut interrompre la prescription, qu'elle n'est intentée que par un acte de poursuite du procureur de la République ou par une plainte avec constitution de partie civile, que la plainte avec constitution de partie civile des parents de la victime a été déposée plus de deux ans après la reconnaissance par la caisse du caractère professionnel de l'accident et que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable intentée 7 ans après est donc prescrite. Elle soutient que la demande d'aide juridictionnelle déposée pour l'exercice d'une action pénale ne peut avoir pour effet que d'interrompre le délai de forclusion pour l'action pour laquelle elle est demandée ; qu'ainsi il n'y a pas eu d'interruption du délai de prescription biennale et que l'action était irrecevable. Subsidiairement, elle fait valoir que seuls les parents de M. X... avaient déposé une plainte avec constitution de partie civile et qu'ils pourraient seuls bénéficier, si elle était reconnue, de l'interruption de la prescription. Aux termes l'article L.43 l-2 du code de la sécurité sociale, les droits de la victime ou de ses ayants droit aux prestations et indemnités prévues par le code de la sécurité sociale se prescrivent par deux ans à compter du jour de l'accident ou de la clôture de l'enquête ou de la cessation du paiement des indemnités journalières. En cas de décès, la prescription court à compter de la fin de l'enquête obligatoire de la caisse et de la notification de la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident. Le dernier aliéna de l'article L43 l-2 précise que le délai de prescription est interrompu par l'exercice de l'action pénale engagée pour les mêmes faits. En l'espèce, il est établi que la caisse ayant notifié, après enquête, la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident le 31 mars 2000, l'action en reconnaissance de la faute inexcusable devait être intentée avant le 31 mars 2002. L'action en reconnaissance de la faute inexcusable ayant été intentée seulement le 14 juin 2013, soit plusieurs années après ce délai, il y a donc lieu de rechercher si la prescription a été interrompue avant le 31 mars 2002 par l'exercice d'une action pénale, c'est à dire soit par un acte de poursuite du procureur soit par une constitution de partie civile. Une plainte avec constitution de partie civile a été déposée le 11 décembre 2002 par Mme C... et son époux M. X..., parents de la victime, après qu'ils aient obtenu le 2 mai 2002 l'aide juridictionnelle, demandée le 4 février 2002. L'article 38 de la loi du décret du 19 décembre 1991 sur l'aide juridique, dans sa version applicable entre le 15 juin 2001 et le 28 juillet 2007, dispose que "lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant la juridiction du premier degré, l'action est réputée avoir été intentée dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter de la notification de la décision d'admission provisoire". L'article 38 de la loi du décret du 19 décembre 1991 n'a pas lieu de s'appliquer en outre lorsque l'action pour laquelle l'aide juridictionnelle était demandée a été intentée dans les délais, ce qui est le cas en l'espèce. L'accident de M. X... a eu lieu le 15 décembre 1999 et la plainte avec constitution de partie civile a été déposée le 11 décembre 2002, soit dans le délai de prescription de l'action pénale de trois ans. L'action pénale, qui a été déclenchée dans le délai de 3 ans, n'est pas supposée avoir été intentée à la date de dépôt de la demande d'aide juridictionnelle. C'est donc la seule date du 11 décembre2002 qui doit être retenue comme point de départ de 1'action pénale. A cette date, le délai de forclusion était expiré et l'action intentée par les consorts X... le 14 juin 2013 était prescrite ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « Il résulte de l'article L.431-2 du code de la sécurité sociale en vigueur à la date des faits que les droits de la victime se prescrivent par deux ans à dater du jour de l'accident. Toutefois, en cas d'accident susceptible d'entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, la prescription de deux ans opposable aux demandes d'indemnisation complémentaire visée aux articles L.452-1 et suivants est interrompue par l'exercice de l'action pénale engagée pour les mêmes faits ou de l'action en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident par la saisine de la caisse d'assurance maladie. Au surplus, le délai de prescription ne peut commencer à courir qu'à compter de la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident. En l'espèce, la Caisse primaire d'assurance maladie a reconnu l'accident au titre de la législation sur les risques professionnels par décision notifiée le 31 mars 2002. Par ailleurs, Monsieur et Madame E... L... X..., parents du salarié défunt, ont déposé une demande d'aide juridictionnelle le 4 février 2002 dans le cadre d'une assistance de partie civile pour une instruction correctionnelle contre la société ENTREPRISE GENERALE LEON GROSSE devant le Tribunal de grande instance de NANTERRE. Si, par application de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991, lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant la juridiction de premier degré, l'action est réputée avoir été intentée si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai, la présente demande d'aide juridictionnelle du 4 février 2002 ne concerne toutefois pas l'action en reconnaissance de faute inexcusable, mais se rapporte à une instance pénale pour la défense d'intérêts civils portée devant une autre juridiction. Il en résulte que cette demande présentée au bureau d'aide juridictionnelle n'a pas eu pour effet d'interrompre le délai de prescription biennale qui a commencé à courir le 31 mars 2000 pour se clôturer le 30 mars 2002. En outre, l'action pénale engagée par le dépôt de plainte du 11 décembre 2002 initiée par les parents de la victime de l'accident du travail n'aurait pu avoir un effet interruptif du délai de prescription que si l'action en reconnaissance de la faute inexcusable n'était pas elle- même prescrite, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Force est dès lors de constater que l'expiration du délai a entraîné, pour les parties demanderesses, leur déchéance à agir devant la juridiction de sécurité sociale. Considérant le caractère irrecevable de la présente action initiée par la demande formée par lettre du 11juin 2013 auprès la Caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis, le bien fondé des demandes ne sera pas examiné » ;

ALORS, d'une part, QUE lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant la juridiction de premier degré, l'action est réputée avoir été intentée si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai ; que la prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable est interrompue par l'exercice d'une action pénale engagée pour les mêmes faits ; qu'en l'espèce, il est constant que les parents X... ont déposé le 4 février 2002 une demande d'aide juridictionnelle en vue d'une action pénale portant sur des faits à l'origine de l'accident mortel de leur fils susceptibles de constituer une faute inexcusable de l'employeur, soit avant l'expiration du délai de prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable le 31 mars 2002 ; qu'en jugeant néanmoins cette action prescrite au motif inopérant que l'action pénale a été introduite dans le délai de prescription triennale, de sorte que l'article 38 du décret de 1991 ne saurait s'appliquer en l'espèce et que la date d'exercice de l'action pénale devrait se situer à la date de dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile le 11 décembre 2002, quand la demande d'aide juridictionnelle avait pour objet les faits à l'origine de l'accident du travail de sorte que l'action pénale susceptible d'interrompre la prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable devait être réputée exercée dans le délai de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 et L. 431-2 du code de la sécurité sociale, dans leurs versions applicables aux faits, ensemble l'article 6§1 de la convention européenne des droits de l'Homme ;

ALORS, d'autre part, QUE lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant la juridiction de premier degré, l'action est réputée avoir été intentée si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai ; que la prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable est interrompue par l'exercice d'une action pénale engagée pour les mêmes faits ; qu'en l'espèce, il est constant que les parents X... ont déposé le 4 février 2002 une demande d'aide juridictionnelle en vue d'une action pénale portant sur les faits à l'origine de l'accident mortel de leur fils, soit avant l'expiration du délai de prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable le 31 mars 2002 ; qu'en jugeant néanmoins cette action prescrite au motif adopté que la demande d'aide juridictionnelle ne concernait que l'action pénale et non pas l'action en reconnaissance de la faute inexcusable, cependant que la demande d'aide juridictionnelle en vue d'une action pénale ayant pour objet les faits à l'origine d'un accident du travail susceptibles de constituer une faute inexcusable de l'employeur déposée dans le délai de prescription biennale de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable avait nécessairement interrompu ce délai, cette action devant être réputée introduite dans le délai de prescription, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 et L. 431-2 du code de la sécurité sociale, dans leurs versions applicables aux faits, ensemble l'article 6§1 de la convention européenne des droits de l'Homme.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-20959
Date de la décision : 19/09/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 08 juin 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 19 sep. 2019, pourvoi n°18-20959


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.20959
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