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19/09/2019 | FRANCE | N°18-11879

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 19 septembre 2019, 18-11879


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 décembre 2017) et les productions, que suivant acte authentique du 13 novembre 2004, M. U... a reconnu devoir à M... S... une somme de 76 225 euros, remboursable, en cent vingt mensualités, à compter du 1er décembre 2004 ; que M. U... et M... S... se sont mariés le 14 janvier 2005 ; que cette dernière est décédée le [...] ; que le 12 février 2015, Mme E..., agissant en qualité de son unique héritière, a fait pratiquer, sur le fondement de cet acte authenti

que, une saisie-attribution au préjudice de M. U... ; que celui-ci a sa...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 décembre 2017) et les productions, que suivant acte authentique du 13 novembre 2004, M. U... a reconnu devoir à M... S... une somme de 76 225 euros, remboursable, en cent vingt mensualités, à compter du 1er décembre 2004 ; que M. U... et M... S... se sont mariés le 14 janvier 2005 ; que cette dernière est décédée le [...] ; que le 12 février 2015, Mme E..., agissant en qualité de son unique héritière, a fait pratiquer, sur le fondement de cet acte authentique, une saisie-attribution au préjudice de M. U... ; que celui-ci a saisi un juge de l'exécution à fin de contester cette mesure ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen :

Attendu que M. U... fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'exécution de l'acte authentique du 13 novembre 2004, alors, selon le moyen, que la créance invoquée par l'héritier, continuateur de la personne du créancier, demeure soumise à la prescription ayant commencé à courir du vivant de son auteur ; que l'héritier peut dès lors se voir opposer le délai de prescription déjà écoulé du vivant
de son auteur ; qu'en retenant, pour écarter toute prescription de l'exécution de la reconnaissance de dette établie par le notaire le 13 novembre 2004, que c'était au plus tôt à la date du décès de la créancière, M... S..., soit le [...] , que son héritière, Mme E..., avait eu connaissance de l'acte notarié, et que par conséquent la prescription quinquennale n'était pas encore acquise lorsque la saisie-attribution était intervenue le 12 février 2015, quand la prescription avait commencé à courir contre la créancière avant son décès et que son héritière, ayant recueilli son patrimoine dans l'état où il se trouvait à la date du décès, pouvait se voir opposer le délai de prescription ayant commencé à courir avant son décès, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil ;

Mais attendu qu'il résulte tant de l'article 2253 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, que de l'article 2236 du même code, dans sa rédaction issue de cette loi, que la prescription ne court pas ou est suspendue entre époux ; que l'arrêt relève que M. U... et M... S... se sont mariés en 2005 ; qu'il énonce que, lorsque le titre est un acte notarié revêtu de la formule exécutoire, il convient d'appliquer, pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, le délai de prescription de l'obligation, soit, s'agissant du remboursement de la somme due au titre de la reconnaissance de dette souscrite par M. U..., le délai de prescription de trente ans prévu à l'article 2262 du code civil dans sa rédaction alors applicable ; qu'il ajoute que, lorsque la réforme de la prescription est entrée en vigueur, le 19 juin 2008, cette créance n'était pas prescrite et le délai quinquennal de droit commun de prescription est devenue applicable ; qu'il en résulte que le cours de la prescription affectant la créance constatée dans l'acte notarié du 13 novembre 2004, suspendu durant le mariage, avait repris après le décès de M... S..., survenu le [...] , pour un délai de cinq ans, expirant le 3 mars 2016, de sorte que cette créance n'était pas prescrite lorsqu'est intervenue la saisie-attribution du 12 février 2015 ; que, par ce motif de pur droit substitué, tel que suggéré en défense, aux motifs erronés critiqués par le moyen, la décision se trouve légalement justifiée de ce chef ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. U... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf septembre deux mille dix-neuf et signé par lui et par Mme Randouin, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour M. U...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur J... U... de sa demande aux fins de main-levée de la saisie-attribution intervenue le 12 février 2015 sur un compte ouvert entre les mains de ING BANK NK et de ses contestations ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'en vertu d'un acte authentique du 13 novembre 2004, M. U... a reconnu devoir à Mme S..., divorcée C..., la somme de 76 225 euros remboursable dans un délai de 10 ans à compter du 1er décembre 2004 et en 120 mensualités de 635, 20 euros ne comprenant que du capital ; qu'il était également stipulé qu'à titre de garantie du remboursement de cette somme, l'emprunteur affectait un hypothèque conventionnelle sur un bien situé [...] et lui appartenant en propre ; que Mme S..., mariée en seconde noce à M. U..., est décédée le [...] et Mme E... est son unique héritière, aux termes d'une attestation notariée 6 septembre 2012 ; que M. U... fait plaider à titre principal que les fonds visés dans l'acte notarié du 13 novembre 2004 n'ont jamais été remis, que la reconnaissance de dette n'a pas pour cause un prêt d'argent, outre que le notaire n'a fait que recueillir les déclarations des parties sans procéder à une quelconque vérification quant à l'origine et au transfert des fonds ; qu'en l'espèce, le notaire indique avoir reçu le présent acte à la requête des deux parties mais sans constater lui-même la remise des fonds au profit de M. U... et objet de la reconnaissance de dette, de sorte que la réalité de cette remise peut être combattue par tout moyen et non dans le cadre d'une inscription de faux ;
que l'appelant fait valoir à cet égard qu'il a vécu maritalement avec Mme S... depuis 1997, qu'il l'a épousé en 2005 et qu'au cours de la vie commune il a versé des fonds sur les comptes de son épouse de 1999 à 2011, provenant notamment de la rupture de son contrat de travail et de son activité professionnelle ; qu'il ne saurait cependant se déduire de ces seuls versements, dont une partie est postérieure à l'acte notarié, que la reconnaissance de dette signée par M. U... devant notaire et en affectant à titre de garantie une hypothèque sur un de ses biens, serait nulle car dépourvue de cause, ni que les fonds n'auraient pas été remis ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la contestation relative au fondement de la créance : qu'aux termes de l'article L 213-6 du code de l'organisation judiciaire le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ;
qu'aux termes de l‘article L.211-1 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut pour en obtenir le paiement saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail ; qu'en l'espèce, Mme E... justifie que la saisie-attribution pratiquée le 12 février 2015 a été réalisée en vertu d'un acte du 13 novembre 2004 établi par Maître W... R..., notaire à Ouanne (89), acte revêtu de la formule exécutoire ; qu'aux termes de cet acte, M. U... a reconnu devoir à Mme S..., la mère de Mme E... la somme de 76 225 euros stipulée remboursable en 120 mensualités de 635, 20 € ; qu'il est également stipulé qu'à titre de garantie du remboursement de cette somme, l'emprunteur affecte à titre d'hypothèque conventionnelle au profit du prêteur le bien situé 37 rue principales à Fontenoy appartenant en propre à M. U... ; que M. U... remet en cause le principe de cette créance sans pour autant invoquer la nullité de l'acte authentique revêtu de la force exécutoire, qui a constaté la réalité de la reconnaissance par M. U... du principe et du montant de sa dette envers Madame S... et de son engagement à la rembourser par mensualités ; que M. U..., sur lequel pèse la charge de la preuve à cet égard ne produit, en outre, aucune pièce de nature à contredire cet acte authentique ; qu'en application de l'article L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécutions, Mme E..., en qualité d'héritière, était donc parfaitement fondé à poursuivre l'exécution de ce titre exécutoire ; qu'il y a donc lieu de rejeter la demande formée par M. U... aux fins de mainlevée de la saisie-attribution pour ce motif ; qu'il convient, en conséquence, de rejeter la demande formée par M. U... aux fins de main-levée de la saisieattribution pratiquée le 12 février 2015 à la requête de Mme E... ;

1) ALORS QUE la reconnaissance de dette constitue une donation déguisée lorsque la dette n'existe pas ; qu'en retenant qu'il n'était pas prouvé que la reconnaissance de dette signée par M. U..., le 13 novembre 2004, au profit de Mme S..., était dépourvue de cause, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions M. U..., p.2 et 3) si cet acte ne constituait pas en réalité une donation déguisée, en sorte que M. U... ne pouvait être tenu d'une quelconque obligation de remboursement trouvant sa cause dans une remise de fonds qui aurait été opérée par Mme S..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 894 du code civil ;

2) ALORS QUE le contrat de prêt est un contrat réel dont la formation est conditionnée par la remise de fond et que la reconnaissance de dette n'emporte présomption de remise de fond en matière de prêt consenti à un particulier que si elle trouve sa cause dans ladite remise ; qu'en retenant que M. U... ne rapportait pas la preuve selon laquelle les fonds n'auraient pas été remis quand il résultait de ses constatations que la reconnaissance de dette ne faisait pas mention de la remise de fonds, ce dont il découlait que cette dernière ne pouvait faire présumer la cause de l'obligation de l'emprunteur prétendument constituée par cette remise et qu'en conséquence il appartenait à Mme E... de prouver la réalité de cette remise, la cour d'appel a violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

Il est reproché à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté la fin de non-recevoir soulevée par Monsieur J... U... tirée de la prescription de l'exécution de l'acte authentique du 13 novembre 2004 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la prescription des sommes visées par la reconnaissance de dette, lorsque le titre est un acte notarié revêtu de la formule exécutoire, comme au cas d'espèce, il convient d'appliquer, pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi réformant la prescription du 17 juin 2008, le délai de prescription de l'obligation ; que le remboursement des sommes dues au titre de la reconnaissance de dette souscrite par M. U... ayant été stipulé sans intérêts, le délai de prescription était donc de 30 ans en application de l'article 2262 du code civil dans sa rédaction alors applicable ; que lorsque la réforme de la prescription est entrée en vigueur, le 19 juin 2008, cette créance n'était pas prescrite et le délai quinquennal de droit commun de prescription est devenue applicable, de sorte que la prescription était en principe acquise le 19 juin 2013 ; qu'il n'est cependant pas discuté que c'est au plus tôt au jour du décès de Mme S..., le [...] , que sa fille a eu connaissance de l'acte notarié du 13 novembre 2004 ; qu'en application de l'article 2224 du code civil, la prescription quinquennale n'a donc commencé à courir qu'à compter de ce décès ; qu'or, avant que cette prescription ne soit acquise le 3 mars 2016 est intervenue la saisie-attribution du 12 février 2015 ; que cette créance n'est donc pas prescrite ; que le jugement sera par conséquent confirmé en toutes ses dispositions ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' avant l'entrée en vigueur de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription, la prescription des actes notariés, revêtus ou non de la formule exécutoire, était déterminée par la nature de la créance faisant l'objet de l'acte ; qu'à cet égard, une action en recouvrement d'une créance s'agissant d'une action personnelle se prescrivait par trente ans ; que l'article 2224 du code issu de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 a réduit la durée de la prescription pour les actions personnelles ou mobilières à 5 ans ; que cependant, l'article 26-II de la loi précitée et l'article 2222 alinéa 2 du code civil prévoient que les dispositions de la loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'en l'espèce, le titre dont l'exécution est en cause est daté du 13 novembre 2004, soit avant l'entrée en vigueur de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, alors que la prescription applicable avant cette date aux voies d'exécution était trentenaire ; que le délai de prescription de 30 ans n'était pas expiré au moment de l'entrée en vigueur de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, de sorte qu'aux termes des articles précités, le nouveau délai de prescription de 5 ans prévu par la loi s'est substitué à la prescription trentenaire, ce nouveau délai de prescription ayant cependant commencé à courir non pas à compter du titre exécutoire en 2004 mais à compter de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, soit à compter du 19 juin 2008, la loi précitée étant d'application immédiate et son entrée en vigueur s'étant donc effectuée le lendemain de sa publication ; que le délai de prescription à l'égard de Mme S..., créancière, s'est donc étendu au 19 juin 2013, sans que la durée totale de cette prescription n'excède la durée prévue par la loi antérieure (jusqu'en 2034) ; que néanmoins, Mme S... est décédée le [...] avant l'expiration de la prescription ; qu'aux termes de l'article 2224 du code civil, le point de départ de la prescription se situe à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l'exercer ; qu'il convient de considérer en l'espèce, que c'est seulement à la date du décès de Mme S... que Mme E..., en sa qualité d'héritière, a pu connaître le droit dont elle était titulaire au titre de la créance détenue par la défunte à l'encontre de M. U..., créance faisant partie de l'actif de la succession de Mme S... ; que le délai de prescription de 5 ans à l'égard de Mme E... n'a donc commencé à courir qu'à compter du 3 mars 2011 pour expirer le 3 mars 2016 ; qu'or, Mme E... a fait délivrer à M. U... le 19 novembre 2014 un commandement aux fins de saisie-vente, lequel a interrompu la prescription avant son expiration ; que l'exécution de l'acte notarié du 13 novembre 2004 peut, en conséquence, parfaitement être poursuivie jusqu'au 19 novembre 2019 et n'est pas atteinte par la prescription : qu'il convient donc de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'exécution du titre exécutoire ;

ALORS QUE la créance invoquée par l'héritier, continuateur de la personne du créancier, demeure soumise à la prescription ayant commencé à courir du vivant de son auteur ; que l'héritier peut dès lors se voir opposer le délai de prescription déjà écoulé du vivant de son auteur ; qu'en retenant, pour écarter toute prescription de l'exécution de la reconnaissance de dette établie par le notaire le 13 novembre 2004, que c'était au plus tôt à la date du décès de la créancière, Mme S..., soit le [...] , que son héritière, Mme E..., avait eu connaissance de l'acte notarié, et que par conséquent la prescription quinquennale n'était pas encore acquise lorsque la saisie-attribution était intervenue le 12 février 2015, quand la prescription avait commencé à courir contre la créancière avant son décès et que son héritière, ayant recueilli son patrimoine dans l'état où il se trouvait à la date du décès, pouvait se voir opposer le délai de prescription ayant commencé à courir avant son décès, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-11879
Date de la décision : 19/09/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 07 décembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 19 sep. 2019, pourvoi n°18-11879


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP Delvolvé et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.11879
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