LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 juin 2017), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 23 octobre 2013, pourvoi n° 12-15.961), que Mme M..., salariée de la société Iss propreté en qualité d'agent de service, a été victime d'un accident du travail le 11 juin 2004 ; que, le 1er septembre 2004, le marché auquel elle était affectée et son contrat de travail ont été transférés à la société Tounett ; que la reprise du travail a eu lieu le 1er décembre 2004, dernier jour travaillé par l'intéressée qui a fait l'objet d'une mesure de mise à pied conservatoire le 6 décembre 2004, l'employeur initiant une procédure de licenciement en la convoquant à un entretien préalable à une sanction fixé au 14 décembre 2004, auquel elle ne s'est pas rendue ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, et subsidiairement d'une demande au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que la salariée unique fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes, alors, selon le moyen, que, lorsque le salarié n'a pas manifesté de manière claire et non équivoque la volonté de démissionner et que l'employeur a néanmoins considéré le contrat comme rompu du fait du salarié, mais sans mettre en oeuvre la procédure de licenciement, la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en écartant l'existence d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, tandis qu'elle avait écarté la démission invoquée par l'employeur, tout en constatant qu'il n'avait pas mené à son terme la procédure de licenciement qu'il avait initiée, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1, L. 1232-1 et L. 1237-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a estimé que la salariée n'avait pas démissionné de son emploi, et que l'employeur, qui n'avait pas mené à son terme la procédure de licenciement, n'avait pas manifesté par la suite sa volonté de rompre le contrat de travail, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme M... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit septembre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils, pour Mme M...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé en toutes ses dispositions, par motifs substitués, le jugement du conseil de prud'hommes de Longjumeau qui déboutait l'exposante de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE « (Sur la démission alléguée) Mme K..., rappelant qu'elle ne sait ni lire, ni écrire en langue française et qu'elle a fréquemment recours aux services d'un écrivain public, conteste être l'auteur de la prétendue lettre de démission du 29 janvier 2015, dont la société Tounett se prévaut, ainsi que l'attestation produite par celle-ci, établie par M. Q..., salarié de la société intimée, en relevant son absence de conformité aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile ainsi que la tardiveté de cette attestation, et affirmant qu'elle n'a pris connaissance de celle-ci que par l'intermédiaire de son nouveau conseil ; qu'elle souligne qu'elle a déposé plainte pour faux témoignage et que sa plainte a été classée sans suite, non pas parce que l'infraction n'était pas caractérisée mais pour cause d'extinction de l'action publique à la date du dépôt de plainte ; que Mme K... fait valoir qu'en toute hypothèse il ne ressort pas de la lettre litigieuse du 29 janvier 2015 une volonté de sa part claire et non équivoque de démissionner ; qu'elle relève en outre que l'employeur n'a pas accusé réception de cette prétendue démission et qu'il ne lui a pas adressé les documents de fin de contrat ; que la société Tounett affirme qu'il y a lieu de comparer la signature portée sur la lettre litigieuse avec celles figurant sur les courriers émanant de la salariée et sur sa déclaration d'appel, que les signatures varient, qu'elles ne peuvent donc en l'état être utiles à la vérification d'écriture requise par l'article 287 du code de procédure civile, qu'elle s'associe donc à la demande subsidiaire de l'appelante aux fins d'expertise ; que la société Tounett soutient que Mme K... a démissionné par lettre du 29 janvier 2015 comme il ressort de l'attestation de M. Q..., que cette lettre exprime une volonté claire et non équivoque de rompre le contrat de travail, peu important la date exacte à laquelle ladite lettre a été remise au témoin ; qu'il résulte des articles 287 et 288 du code de procédure civile que, lorsque l'écriture ou la signature d'un acte sous seing privé sont déniées ou méconnues, il appartient au juge de vérifier l'écrit contesté, à moins qu'il puisse statuer sans en tenir compte ou qu'il trouve dans la cause des éléments de conviction suffisants ; que la lettre litigieuse datée du 29 janvier 2005 et à en-tête de Mme K... est libellée comme suit :
« Monsieur,
Suite à notre entretien téléphonique je vous confirme mon intention de démissionner car j'ai un travail au heure [sic] que vous me proposez. Veuillez, agréer Monsieur, mes salutations distinguées ».
qu'il n'est pas discuté que Mme K... ne sait ni lire ni écrire la langue française, ni qu'elle ait recours de manière habituelle aux services d'un écrivain public, ce que confirme Mme Z... F..., écrivain public à la mairie des Ulis, qui certifie ne pas être la rédactrice de la lettre datée du 29 janvier 2005 ;
qu'il résulte de l'examen de la signature portée sur les contrats de travail de la salariée, sur ses lettres des 8 novembre, 3 décembre, 9 décembre 2004 et 3 janvier 2005, ainsi que sur sa déclaration d'appel du 21 mai 2010, que ces signatures ne sont pas identiques en tous points mais qu'elles varient relativement peu et comportent de réelles similitudes, alors que la signature portée sur la lettre litigieuse du 29 janvier 2005, contemporaine des lettres adressées par la salariée à son employeur, est très nettement différente ; que, par conséquent, après avoir procédé à la vérification d'écriture demandée et sans qu'il soit nécessaire de recourir à une mesure d'expertise, la cour estime que Mme K... n'est pas l'auteur de la signature portée sur la lettre du 29 janvier 2005, laquelle ne peut par conséquent valoir démission claire et non équivoque de la salariée, étant relevé par ailleurs qu'il ne résulte d'aucune autre pièce que la salariée ait exprimé une volonté claire et non équivoque de rompre son contrat de travail ; que la démission ne se présumant pas, il doit être retenu que Mme K... n'a pas démissionné de son emploi ; (...) ; que (Sur l'existence d'un licenciement « implicite ») Mme K... soutient que lorsque la société Tounett a repris le marché de nettoyage sur le site de la société Besoin et Barjon, cette dernière lui a expressément précisé, le 14 janvier 2015, son souhait de changer de personnel d'entretien, que la société Tounett s'est exécutée au détriment de Mme K... en se prévalant d'une apparente lettre de démission qui n'a jamais été régularisée par la salariée, qu'il résulte de ces éléments un licenciement « implicite » lequel est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'elle ajoute à l'audience que ce licenciement « implicite » résulte également de la convocation par l'employeur à l'entretien préalable au licenciement ; que la société Tounett ne développe pas d'observations dans ses écritures sur le licenciement « implicite », invoqué par Mme K..., s'en tenant à son moyen principal tiré de l'existence d'une rupture résultant de la démission de la salariée ; que la société Besoin et Barjon a adressé à la société Tounett, le 14 janvier 2005, une télécopie par laquelle elle lui confirmait avoir stipulé lors de la signature du contrat que « la prestation nettoyage de nos bureaux ne devait démarrer qu'à partir de 17 heures », en ajoutant que « De plus en changeant de prestataire nous souhaitions changer de personnel d'entretien » ; qu'il est constant par ailleurs que la société Tounett a engagé une procédure de licenciement de Mme K... en la convoquant, le 6 décembre 2004, à un entretien préalable au licenciement ; que cependant cette procédure n'a pas été menée à son terme et l'employeur n'a manifesté aucunement par la suite sa volonté de rompre le contrat de travail, que ce soit par l'envoi de documents de fin de contrat ou par tout autre agissement, le seul engagement de la procédure de licenciement étant insuffisant à cet égard ; qu'il ne peut pas davantage être déduit de la production devant la juridiction prud'homale par l'employeur d'une prétendue lettre de démission de la salariée, l'existence d'un licenciement « implicite » de l'intéressée ; que, dès lors, le contrat de travail n'a pas été rompu et Mme K... doit être déboutée de l'ensemble de ses demandes à ce titre » ;
ALORS QUE, lorsque le salarié n'a pas manifesté de manière claire et non équivoque la volonté de démissionner et que l'employeur a néanmoins considéré le contrat comme rompu du fait du salarié, mais sans mettre en oeuvre la procédure de licenciement, la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en écartant l'existence d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, tandis qu'elle avait écarté la démission invoquée par l'employeur, tout en constatant qu'il n'avait pas mené à son terme la procédure de licenciement qu'il avait initiée, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1, L. 1232-1 et L. 1237-1 du code du travail.