LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en exécution d'un mandat confié par M. et Mme F... (les mandants), propriétaires de parcelles données à bail rural, M. K... (l'huissier de justice) a délivré, le 17 août 2011, au groupement agricole d'exploitation en commun du Mazès (le GAEC) quatre congés aux fins de reprise ; que, par jugements du 20 mars 2013, le tribunal paritaire des baux ruraux a prononcé la nullité de ces congés qui n'avaient pas été délivrés à Mme W..., laquelle avait la qualité de preneur au jour de la notification des actes ; que, les baux ayant été reconduits pour une période de neuf ans, les mandants ont assigné l'huissier de justice en responsabilité et indemnisation ;
Sur la recevabilité du moyen, contestée par la défense :
Attendu que l'huissier de justice soulève l'irrecevabilité du moyen, en ce qu'il serait contraire aux écritures des mandants devant la cour d'appel ;
Mais attendu que ces derniers ont fait valoir que les pièces remises à l'huissier de justice lui permettaient de constater que le GAEC n'était pas titulaire des baux et qu'il lui appartenait, considération prise de ce doute sur la situation locative des parcelles, de procéder aux vérifications utiles ; que le moyen est recevable ;
Et sur le moyen :
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble les articles 1991 et 1992 du même code ;
Attendu que, tenu de veiller à la validité et à l'efficacité des actes qu'il est requis de délivrer, l'huissier de justice doit réunir les justificatifs nécessaires à son intervention ;
Attendu que, pour limiter la condamnation de l'huissier de justice à payer aux mandants une indemnité au titre de l'un des congés, l'arrêt retient que, s'il a aussi commis une faute en délivrant les trois autres congés au GAEC, alors que les contrats de bail du 1er mars 2004 et le bulletin de mutation du même jour désignaient Mme C... en qualité de preneur, cette faute est sans lien avec le préjudice causé par la nullité de ceux-ci, dès lors qu'il résulte d'un bulletin de mutation du 1er août 2009, dont il n'est pas justifié qu'il avait été porté à sa connaissance, qu'au jour de la délivrance des congés, Mme W... était devenue titulaire des baux ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la discordance entre les termes de son mandat et les pièces produites n'aurait pas dû éveiller les doutes de l'huissier de justice sur l'exactitude des informations fournies par ses mandants et si la lecture de l'extrait K-bis du GAEC, faisant apparaître des mouvements au sein de la structure entre Mme C... et M. et Mme W..., n'aurait pas dû l'alerter sur le changement de preneur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite la condamnation de M. K... à payer à M. et Mme F... une indemnité de 5 328 euros au titre de la nullité du congé relatif aux terres situées à Hadol et à Dounoux, d'une superficie de 2 ha 28 a 18 ca, l'arrêt rendu le 27 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne M. K... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à M. et Mme F... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. et Mme F....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de n'AVOIR condamné M. K... à payer à M. et Mme F... que la somme de cinq mille trois cent vingt huit euros (5.328 €) à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE sur le lien de causalité ; que pour contester le lien de causalité entre cette faute et le préjudice invoqué par M. et Mme F..., M. K... fait valoir que M. F... n'établit pas qu'il respectait les conditions nécessaires à la reprise des terres ; qu'il appartient toutefois à M. K... de rapporter la preuve de ses allégations ; que celles-ci n'étant assorties d'aucun justificatif, ce moyen n'apparaît pas fondé alors qu'en outre les congés n'ont pas été contestés et annulés pour ces motifs ; (...) que s'agissant ensuite du congé relatif aux terres situées à Urimenil d'une superficie de 3 ha 30 a 59 ca, il résulte des pièces du dossier qu'il avait été remis à M. K... un contrat de bail désignant Mme C... en qualité de preneur ; que le congé a cependant été délivré au Gaec du Mazès ; que par jugement du 20 mars 2013, ce congé a été annulé au motif que ce groupement n'avait pas la qualité de preneur, cette qualité appartenant à Mme W... ainsi qu'il résultait d'un bulletin de mutation du 1er août 2009 dont il n'est pas justifié qu'il avait été porté à la connaissance de M. K... ; qu'il en résulte que si celui-ci a commis une faute en délivrant le congé au Gaec du Mazès, cette faute est sans lien de causalité avec le préjudice, l'huissier de justice n'ayant pas disposé des éléments lui permettant de délivrer un congé régulier à Mme W... ; que s'agissant du congé relatif aux terres situées à Uriménil, Raon-aux-Bois et Hadol d'une superficie totale de 18 ha 70 a 65 ca, il résulte des pièces du dossier que Mme F... a remis à M. K... un contrat de bail désignant Mlle C... en qualité de preneur ; que le congé a cependant été délivré au Gaec du Mazès ; que par jugement du 20 mars 2013, ce congé a été annulé au motif que ce groupement n'avait pas la qualité de preneur, cette qualité appartenant à Mme W... ainsi qu'il résultait d'un bulletin de mutation du 1er août 2009 dont il n'est pas justifié qu'il avait été porté à la connaissance de M. K... ; qu'il en résulte que si celui-ci a commis une faute en délivrant le congé au Gaec du Mazès, cette faute est sans lien de causalité avec le préjudice, l'huissier de justice n'ayant pas disposé des éléments lui permettant de délivrer un congé régulier à Mme W... ; que s'agissant enfin du congé relatif aux terres situées à Uriménil et Hadol d'une superficie, respectivement, de 24 a 64 ca et de 26 a 91 ca, il résulte des pièces versées au dossier que Mme F... a remis à M. K... des bulletins de mutation de la Mutualité sociale agricole du 1er mars 2004 désignant Mlle C... en qualité de preneur ; que le congé a cependant été délivré au Gaec du Mazès ; que par jugement du 20 mars 2013, ce congé a été annulé au motif que ce groupement n'avait pas la qualité de preneur, cette qualité appartenant à Mme W... ainsi qu'il résultait d'un bulletin de mutation du 1er août 2009 dont il n'est pas justifié qu'il avait été porté à la connaissance de M. K... ; qu'il en résulte que si celui-ci a commis une faute en délivrant le congé au Gaec du Mazes, cette faute est sans lien de causalité avec le préjudice, l'huissier de justice n'ayant pas disposé des éléments lui permettant de délivrer un congé régulier à Mme W... ;
1) ALORS QUE l'huissier de justice qui doit procéder à toutes vérifications utiles avant d'engager son ministère, a l'obligation d'effectuer toutes les diligences permettant de parvenir à une signification de l'acte confié à la personne même du destinataire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Me K..., huissier de justice, a signifié à tort trois congés pour reprise au Gaec du Mazès, qui n'avait pas la qualité de preneur, cette qualité appartenant à Mme W... ; que pour écarter tout lien de causalité entre cette faute et le préjudice subi par M. et Mme F..., la cour d'appel a considéré que l'huissier ne disposait pas des éléments suffisants pour lui permettre de délivrer un congé régulier au véritable preneur ; qu'en statuant ainsi, quand il appartenait à l'huissier s'il ne disposait pas de tous les éléments utiles pour accomplir sa mission, de demander à son mandant les éléments complémentaires dont il avait besoin pour parvenir à signifier le congé à son destinataire, la cour d'appel a violé les articles 1991 et 1992 du code civil, ensemble l'article 1147 du même code, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2) ALORS QU'en présence d'éléments de nature à éveiller ses soupçons quant à l'exactitude des informations données, l'huissier de justice est tenu de vérifier les déclarations d'ordre factuel faites par son mandant ; qu'en cas de mise à disposition du bien loué au profit d'un groupement agricole d'exploitation en commun, le preneur reste seul titulaire du bail ; qu'en l'espèce, M. et Mme F... faisaient valoir que Me K... aurait dû relever une discordance entre son mandat aux termes duquel le Gaec du Mazes était désigné comme étant le destinataire des congés et les baux qui lui avaient été remis où le Gaec n'apparaissait pas en qualité de preneur à bail des parcelles en cause ; qu'en se bornant à retenir, pour dire que la faute commise par Me K... en délivrant le congé au Gaec du Mazès était sans lien de causalité avec le préjudice invoqué par M. et Mme F..., que l'huissier de justice ne disposait pas des éléments lui permettant de délivrer un congé régulier à Mme W..., sans rechercher, comme elle y était invitée, si la discordance entre les termes du mandat qui lui avait été confié et les baux qui lui avaient été remis n'auraient pas dû éveiller ses soupçons quant à l'exactitude des informations données, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1991 et 1992 du code civil, ensemble l'article 1147 du même code, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 et l'article L. 323-14 du code rural et de la pêche maritime ;
3) ALORS QU'en présence d'éléments de nature à éveiller ses soupçons quant à l'exactitude des informations données, l'huissier de justice est tenu de vérifier les déclarations d'ordre factuel faites par son mandant ; qu'en l'espèce, M. et Mme F... faisaient valoir que Me K... avait admis, dans ses conclusions d'appel, que la simple lecture de l'extrait k-bis au 29 juillet 2011 du Gaec de Mazes, au profit duquel les parcelles litigieuses avaient été mises à disposition, laissait apparaître qu'en 2009, Mme G... avait démissionné de ses fonctions pour laisser l'exploitation des terres aux époux W... et qu'il y avait là un signe de mouvements au sein de la structure, qui auraient dû alerter l'huissier sur le changement de preneur ; qu'en se bornant à retenir, pour dire que la faute commise par Me K... en délivrant le congé au Gaec du Mazès était sans lien de causalité avec le préjudice invoqué par M. et Mme F..., que l'huissier de justice ne disposait pas des éléments lui permettant de délivrer un congé régulier à Mme W..., sans rechercher, comme elle y était invitée, si les mouvements au sein du Gaec du Mazès retracés par l'extrait K-bis de celui-ci n'auraient pas dû l'alerter sur le changement de preneur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1991 et 1992 du code civil, ensemble l'article 1147 du même code, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 et l'article L. 323-14 du code rural et de la pêche maritime.