LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à Mme X... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le syndicat des copropriétaires de la résidence 2 Place Nicolas et la société SETOR ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 février 2018), que Mme X..., propriétaire d'un local commercial au rez-de-chaussée et d'un appartement au premier étage d'un immeuble, a, avec d'autres copropriétaires, confié des travaux de ravalement, de confortement et de réhabilitation de façades à la Société méditerranéenne de bâtiment et de rénovation (la société SMBR) ; que, se plaignant de malfaçons, Mme X... a, après expertise, assigné en indemnisation la société SMBR et d'autres intervenants à la construction ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande au titre d'un préjudice économique ;
Mais attendu qu'ayant relevé que M. et Mme X..., ne pouvant plus exploiter personnellement le fonds de commerce, avaient décidé de rénover le local en vue de sa location et retenu que Mme X... ne produisait aucun document justifiant de sa mise en location et de ses recherches locatives infructueuses, tout en indiquant avoir loué la moitié du local sans préciser la date du bail et le montant du loyer, la cour d'appel, qui a pu en déduire que le préjudice locatif invoqué n'était pas caractérisé, a, sans refuser d'évaluer un préjudice dont elle avait constaté l'existence en son principe, légalement justifié sa décision de rejeter la demande ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu que, pour rejeter la demande de Mme X... en réparation d'un préjudice de jouissance, l'arrêt retient que M. et Mme X... n'ont pas cessé d'occuper leur appartement, que les travaux entrepris ont nécessité la reconstruction de sanitaires dont la pose était réalisable dès la fin des travaux, de sorte que leur absence ou les solutions palliatives mises en oeuvre ne sont pas constitutives d'un préjudice réparable ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté l'impossibilité d'accéder au balcon de l'appartement et le percement de la canalisation d'eaux usées à l'origine de nuisances olfactives, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de Mme X... en réparation d'un préjudice de jouissance, l'arrêt rendu le 22 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la Société méditerranéenne de bâtiment et de rénovation aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Société méditerranéenne de bâtiment et de rénovation et la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Delamarre etJehannin, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme X... de sa demande de réparation de son préjudice de jouissance personnellement éprouvé du fait des désordres affectant l'immeuble, tant dans ses parties communes que dans ses parties privatives ;
AUX MOTIFS QU'« il s'évince de l'analyse approfondie et minutieuse de l'expert judiciaire Blanchi, dont les conclusions ne sont pas utilement remises en question, les éléments objectifs suivants :
- D... X... a abandonné 3 des 19 défauts, non-conformités ou désordres initialement invoqués,
- le désordre principal découlant de l'interruption sur 2 m de la dalle haute, à la demande du maître d'ouvrage, en vue de la création d'un escalier et du fléchissement de la dalle basse ayant provoqué l'apparition d'une fissure traversante et d'une fissure horizontale, révèle un défaut de conception imputable à la société Lavalin et un défaut d'exécution imputable à la société SMBR. Ces désordres, dont les travaux de reprise sont chiffrés par l'expert à la somme de 18 825 € hors-taxes, compromettent la solidité de l'ouvrage, au sens de l'article 1792 du Code civil,
- d'autres désordres, s'inscrivant dans le cadre des travaux soustraités par la société SMBR à E... C..., tels que le jointement défectueux du mur favorisant l'apparition de jours, l'impossibilité d'accéder au balcon de l'appartement et le percement de la canalisation d'eaux usées à l'origine d'une venue d'eau dans la base du mur au sol du local du rez-de-chaussée à l'origine de nuisances olfactives, compromettent également, selon l'expert, la solidité de l'ouvrage ou le rendent impropre à sa destination. Les travaux de reprise s'élèvent à la somme de 5 190 € hors-taxes,
- l'ouvrage présente enfin des malfaçons dans la mise en oeuvre du badigeon et des volets du premier étage et des non-conformités aux accords des parties, telles le scellement défectueux de la porte fenêtre du premier étage et l'absence de réparation des fissures de la façade du rez-de-chaussée et de la devanture du local commercial, engageant, à défaut de satisfaire aux exigences de l'article 1792 du Code civil, la responsabilité contractuelle de la société SMBR.
L'expert chiffre le montant des travaux de reprise à la somme de 11 474 € hors-taxes ;
que D... X... demande, dans ses conclusions les plus récentes du 16 novembre 2017, que la société SMBR, garantie par son assureur, la société Axa France, la société Lavalin et E... C..., les sociétés SMBR et Lavalin, sur le fondement de l'article 1147 du Code civil et E... C..., sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, soient condamnés in solidum à lui payer la somme de 2405 € hors-taxes portée à 3500 € hors-taxes, en raison de l'augmentation du coût des travaux de la main-d'oeuvre, au titre de la reprise des désordres affectant ses parties privatives, correspondant à la remise en état et à la peinture des volets et des menuiseries sur les deux premiers niveaux du mur de façade, côté rivière Bevera et à la fourniture et à la pose du volet manquant au premier étage de ce même mur ;
que les éléments techniques figurant au rapport d'expertise judiciaire faisant clairement apparaître que ces défauts d'exécution sont strictement imputables à la société SMBR justifient que seule cette société soit condamnée, sur le fondement de sa responsabilité contractuelle de droit commun, à payer à D... X..., dont la prétendue responsabilité dans la survenance de ces désordres ne résulte d'aucun élément objectif convaincant, la somme actualisée de 3500 € hors-taxes, la société Axa France, assureur décennal, n'étant pas tenue à garantie ;
que les appels en garantie formés par la société SMBR doivent en conséquence être rejetés ;
que D... X... demande en outre que les mêmes soient condamnés in solidum, en réparation du préjudice de jouissance et du préjudice économique personnellement éprouvés du fait des désordres affectant l'immeuble en son ensemble, tant dans ses parties communes que dans ses parties privatives, à lui payer respectivement la somme de 20.000 € et la somme 76.700 €, arrêtée au 1er octobre 2014 ;
que s'agissant de la réparation du préjudice relatif à la jouissance de l'appartement du premier étage que les époux X... n'ont pas cessé d'occuper depuis le début des travaux, il apparaît à la lumière du rapport d'expertise que les travaux entrepris ont nécessité la reconstruction d'un WC et d'une douche. Si un WC provisoire a été installé, une douche, également provisoire, n'a été mise en oeuvre qu'au cours des opérations d'expertise. L'expert considère cependant que la pose de ces sanitaires était réalisable dès la fin des travaux, de sorte que leur absence ou les solutions palliatives mises en oeuvre ne sont pas constitutives d'un préjudice réparable » ;
ALORS QU'il résulte du principe de la réparation intégrale que les dommages-intérêts alloués au contractant victime d'une inexécution doivent réparer son entier préjudice ; que la cour d'appel a elle-même constaté que les différents intervenants à la construction étaient responsables de multiples désordres affectant la jouissance du bien, parmi lesquels « le fléchissement de la dalle basse ayant provoqué l'apparition d'une fissure traversante et d'une fissure horizontale (
) compromettant la solidité de l'immeuble », « l'impossibilité d'accéder au balcon de l'appartement (de Mme X...) », « le percement de la canalisation d'eaux usées (
) à l'origine de nuisances olfactives », « des malfaçons dans la mise en oeuvre du badigeon et des volets du premier étage », ainsi que « le scellement défectueux de la porte fenêtre du premier étage » (arrêt, p. 6, in fine et p. 7 § 1-2) ; qu'en se bornant à énoncer, pour débouter néanmoins l'exposante de sa demande de réparation du préjudice résultant des troubles subis dans la jouissance de son bien, que « la pose (de) sanitaires était réalisable dès la fin des travaux, de sorte que leur absence ou les solutions palliatives mises en oeuvre ne sont pas constitutives d'un préjudice réparable » (arrêt, p. 7 § 7), la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme X... de sa demande indemnitaire, formée à l'encontre des intervenants au chantier, au titre du préjudice économique du fait de la perte de loyers entre 1er janvier 2006 et le 1er octobre 2014 en raison de l'impossibilité de louer son local commercial situé au rez-de-chaussée ;
AUX MOTIFS QU'« il s'évince de l'analyse approfondie et minutieuse de l'expert judiciaire Blanchi, dont les conclusions ne sont pas utilement remises en question, les éléments objectifs suivants :
- D... X... a abandonné 3 des 19 défauts, non-conformités ou désordres initialement invoqués,
- le désordre principal découlant de l'interruption sur 2 m de la dalle haute, à la demande du maître d'ouvrage, en vue de la création d'un escalier et du fléchissement de la dalle basse ayant provoqué l'apparition d'une fissure traversante et d'une fissure horizontale, révèle un défaut de conception imputable à la société Lavalin et un défaut d'exécution imputable à la société SMBR. Ces désordres, dont les travaux de reprise sont chiffrés par l'expert à la somme de 18 825 € hors-taxes, compromettent la solidité de l'ouvrage, au sens de l'article 1792 du Code civil,
- d'autres désordres, s'inscrivant dans le cadre des travaux soustraités par la société SMBR à E... C..., tels que le jointement défectueux du mur favorisant l'apparition de jours, l'impossibilité d'accéder au balcon de l'appartement et le percement de la canalisation d'eaux usées à l'origine d'une venue d'eau dans la base du mur au sol du local du rez-de-chaussée à l'origine de nuisances olfactives, compromettent également, selon l'expert, la solidité de l'ouvrage ou le rendent impropre à sa destination. Les travaux de reprise s'élèvent à la somme de 5190 € hors-taxes,
- l'ouvrage présente enfin des malfaçons dans la mise en oeuvre du badigeon et des volets du premier étage et des non-conformités aux accords des parties, telles le scellement défectueux de la porte fenêtre du premier étage et l'absence de réparation des fissures de la façade du rez-de-chaussée et de la devanture du local commercial, engageant, à défaut de satisfaire aux exigences de l'article 1792 du Code civil, la responsabilité contractuelle de la société SMBR.
L'expert chiffre le montant des travaux de reprise à la somme de 11.474 € hors-taxes ;
que D... X... demande, dans ses conclusions les plus récentes du 16 novembre 2017, que la société SMBR, garantie par son assureur, la société Axa France, la société Lavalin et E... C..., les sociétés SMBR et Lavalin, sur le fondement de l'article 1147 du Code civil et E... C..., sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, soient condamnés in solidum à lui payer la somme de 2405 € hors-taxes portée à 3500 € hors-taxes, en raison de l'augmentation du coût des travaux de la main-d'oeuvre, au titre de la reprise des désordres affectant ses parties privatives, correspondant à la remise en état et à la peinture des volets et des menuiseries sur les deux premiers niveaux du mur de façade, côté rivière Bevera et à la fourniture et à la pose du volet manquant au premier étage de ce même mur ;
que les éléments techniques figurant au rapport d'expertise judiciaire faisant clairement apparaître que ces défauts d'exécution sont strictement imputables à la société SMBR justifient que seule cette société soit condamnée, sur le fondement de sa responsabilité contractuelle de droit commun, à payer à D... X..., dont la prétendue responsabilité dans la survenance de ces désordres ne résulte d'aucun élément objectif convaincant, la somme actualisée de 3500 € hors-taxes, la société Axa France, assureur décennal, n'étant pas tenue à garantie (
) ;
que D... X... demande en outre que les mêmes soient condamnés in solidum, en réparation du préjudice de jouissance et du préjudice économique personnellement éprouvés du fait des désordres affectant l'immeuble en son ensemble, tant dans ses parties communes que dans ses parties privatives, à lui payer respectivement la somme de 20.000 € et la somme 76.700 €, arrêtée au 1er octobre 2014 (
) ;
que s'agissant de la réparation du préjudice économique relatif à la non location du local commercial du rez-de-chaussée, il est établi que les époux X... qui ne pouvaient plus, pour des raisons de santé et d'âge, exploiter personnellement le fonds de commerce en nature de tabac, bazar, Loto, ont décidé au début des années 2000, de rénover le local, en vue de sa location. D... X... ne produit cependant au soutien de sa demande en paiement de la somme de 76.700 €, arrêtée au 1er octobre 2014, aucun document justifiant de la mise en location du bien et de ses recherches locatives infructueuses, signalant cependant dans ses écritures avoir loué la moitié du local, sans préciser la date du bail et le montant du loyer. Sa demande en réparation d'un préjudice locatif, très insuffisamment caractérisé, doit être rejetée » ;
1°) ALORS QU'est intégralement réparable le préjudice causé par la faute du responsable ; que la cour d'appel a elle-même constaté l'existence de nombreux désordres affectant le local commercial, parmi lesquels « le fléchissement de la dalle basse ayant provoqué l'apparition d'une fissure traversante et d'une fissure horizontale qui compromettent la solidité de l'ouvrage » (arrêt, p. 6 § 8), « le percement de la canalisation d'eaux usées à l'origine d'une venue d'eau dans la base du mur au sol du local du rez-de-chaussée à l'origine de nuisances olfactives (rendant l'ouvrage) impropre à sa destination » (arrêt, p. 7 § 1) et, enfin, « l'absence de réparation des fissures de la façade du rez-de-chaussée et de la devanture du local commercial » (arrêt, p. 7 § 2), ce dont il s'inférait que le local commercial était, en l'état, inexploitable, de sorte que le préjudice subi par l'exposante ne pouvait être réparé que par l'octroi d'une indemnité équivalente au nombre de mois de loyers perdus ; qu'en refusant néanmoins d'accorder toute indemnisation à Mme X... au titre de son préjudice économique, au motif inopérant que celle-ci ne justifiait pas de la « mise en location du bien » ni « de ses recherches locatives infructueuses » (arrêt, p. 7, § 8), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°) ALORS QU'en relevant également, pour débouter Mme X... de ses demandes indemnitaires, qu'elle avait « loué la moitié du local, sans préciser la date du bail et le montant du loyer » (arrêt, p. 7, § 8), la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision, et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3°) ALORS QU'à partir du moment où l'existence même du préjudice s'infère de la situation litigieuse, les juges ont l'obligation de l'évaluer et ne peuvent donc se retrancher, pour refuser de l'indemniser, derrière l'insuffisance ou le caractère contestable des éléments invoqués pour justifier de son étendue ; qu'en énonçant, pour refuser d'accorder toute indemnisation à Mme X... au titre de son préjudice économique, qu'elle n'aurait pas suffisamment justifié de la perte de loyers, après avoir pourtant constaté l'existence de nombreux désordres affectant le local commercial, de nature à le rendre inexploitable, la cour d'appel, qui s'est fondée sur l'insuffisance des preuves fournies par les parties pour refuser d'évaluer un préjudice dont l'existence s'inférait pourtant de ses propres constatations relatives à la gravité de ces désordres, a violé l'article 4 du code civil.