LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. P... a été engagé le 11 juin 2012 par la société Z... frères, en qualité de vendeur ; que les parties ont signé une convention de rupture du contrat de travail le 14 octobre 2014 ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal du salarié :
Vu les articles L. 1237-11 et L. 1237-14 du code du travail ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de nullité de la rupture conventionnelle, l'arrêt retient que la convention de rupture rédigée sur le formulaire Cerfa mentionne qu'elle a été établie en deux exemplaires, et que quand bien même il n'est pas indiqué que chacun des exemplaires a été effectivement remis à chaque partie, il doit être présumé que tel a bien été le cas ;
Qu'en statuant ainsi, sans constater qu'un exemplaire de la convention de rupture avait été remis au salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. P... de sa demande en annulation de la convention de rupture et de ses demandes subséquentes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt rendu le 1er février 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;
Condamne la société Z... frères aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Z... frères à payer à M. P... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour M. P...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Saumur du 13 octobre 2016 en ce qu'il a dit nulle et de nul effet la convention de rupture conventionnelle et en ce qu'il a alloué à M. X... P... une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité compensatrice de préavis et une somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau, d'avoir débouté M. X... P... des demandes qu'il avait formulées à ce titre ;
AUX MOTIFS QUE sur la validité de la convention de rupture, M. P... soutient que la convention de rupture doit être déclarée nulle, dans la mesure où il ne lui en aurait pas été remis un exemplaire ; qu'en application des dispositions de l'article L 1237-14 du code du travail, la remise d'un exemplaire de la convention de rupture au salarié est nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander son homologation dans les conditions prévues à ces dispositions, et pour garantir le libre consentement du salarié en lui permettant d'exercer son droit de rétractation en connaissance de cause ; qu'au surplus, aux termes de l'article 1325, alinéa 1er, du code civil, les actes sous seings privés qui contiennent des conventions synallagmatiques ne sont valables qu'autant qu'ils ont été faits en autant d'originaux qu'il y a de parties ; que toutefois cette règle n'est pas une condition de validité de la convention mais une règle de preuve ; qu'en l'occurrence, la convention de rupture rédigée sur le formulaire Cerfa mentionne qu'elle a bien été établie en deux exemplaires ; qu'elle a fait l'objet d'une homologation après examen par la Direccte ; quand bien même il n'est pas indiqué que chacun de ces exemplaires a été effectivement remis à chaque partie, il doit être présumé que tel a bien été le cas, ce qui serait différent si la convention n'avait été établie qu'en un seul exemplaire, ou si elle n'avait pas mentionné le nombre d'exemplaires établis, étant rappelé en outre qu'en l'espèce, c'est le salarié qui a expressément réclamé à son employeur, par lettre recommandée avec accusé de réception, la possibilité de signer une rupture conventionnelle motivée par son souci de "se consacrer à d'autres projets professionnels" ; que la validité de la convention de rupture doit être appréciée au moment de sa rédaction et de sa signature par les parties, et non pas au regard des difficultés relatives aux modalités pratiques d'exécution qui peuvent intervenir ultérieurement, de telle sorte qu'est sans incidence sur sa validité le fait que la société Morin frères ait mis des difficultés à payer les indemnités de congés payés, alors même qu'elle s'y était engagée par la signature d'une convention de rupture séparée, rédigée sur papier libre contenant les autres tenants de la négociation, adressée en même temps que l'imprimé Cerfa à la Direccte ainsi qu'il en est justifié ; que le jugement sera dès lors infirmé en ce qu'il a retenu que la convention devait être annulée faute d'avoir été établie en deux exemplaires dont l'un n'a pas été remis au salarié ; que la convention établie sur papier libre à entête du Groupe Morin, précise les conditions de la rupture conventionnelle, avec rappel des conditions légales dans lesquelles une telle rupture peut intervenir et l'indication des sommes qui seront payées à M. P... : - le solde de son salaire ; - les indemnités de congés payés ; - "l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle calculée au prorata du nombre de mois de présence, soit 865,00 €", montant identique à celui mentionné sur le formulaire Cerfa ; que cette convention rappelle également, notamment : "après avoir pris connaissance des conditions d'exécution de la rupture du contrat de travail, les parties déclarent : - disposer de leur libre consentement dans le choix de la rupture du contrat de travail ; avoir disposé des règles de l'assistance au moment du ou des entretiens ; disposer d'un délai de rétractation de 15 jours à compter de la signature de cette convention ; qu'elle précise également avoir été établie en deux exemplaires ; que M. P... n'invoque aucunement un vice de son consentement ; que tout au contraire, il affirme bien son réel désir de quitter l'entreprise afin de satisfaire à son désir de se consacrer à d'autres projets professionnels, et notamment à celui d'être embauché par la société Afone Call dès son départ de l'entreprise Z... (cf ses conclusions pages 1 et 9) ; qu'à l'appui de sa démonstration il indique avoir écrit le 21 novembre 2014 à la Direccte de Maine et Loire pour lui réclamer un exemplaire de la convention de rupture qui ne lui aurait pas été remis ; que toutefois, d'une part Monsieur P... produit une mauvaise copie d'un avis de réception d'un envoi recommandé à cette date ; que d'autre part la cour constate qu'il n'est aucunement mentionné, sur cet avis, le destinataire de l'envoi, mais seulement l'indication d'une adresse difficilement lisible, [...] , de telle sorte que M. P... ne justifie pas du destinataire de son envoi et donc de l'envoi d'un courrier à la Direccte de Maine et Loire, d'autant qu'il ne communique pas le double du courrier soi-disant adressé, ni la réponse donnée par cette administration ; que M. P... sera en conséquence débouté de sa demande d'annulation de la convention de rupture et de paiement des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
1° ALORS QUE la remise d'un exemplaire de la convention de rupture au salarié est nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l'homologation de la convention, dans les conditions prévues par l'article L. 1237-14 du code du travail, et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d'exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause ; que la preuve de cette remise incombe à l'employeur et ne peut être présumée par l'indication selon laquelle la convention aurait été établie en deux exemplaires ; qu'en jugeant que même s'il n'est pas indiqué que chacun des deux exemplaires de la convention de rupture a été effectivement remis à chaque partie, il doit être présumé que tel a bien été le cas, ce qui serait différent si la convention n'avait été établie qu'en un seul exemplaire, ou si elle n'avait pas mentionné le nombre d'exemplaires établis, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve de l'absence de remise de l'exemplaire de la convention sur le seul salarié, a violé les articles L 1237-13 et L 1237-14 du code du travail, ensemble l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2° ALORS QUE la remise d'un exemplaire de la convention de rupture au salarié est nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l'homologation de la convention, dans les conditions prévues par l'article L 1237-14 du code du travail, et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d'exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause ; qu'en l'absence de remise, la convention de rupture est atteinte de nullité peu important que le salarié ait été à l'initiative de cette procédure ; qu'en énonçant, pour écarter la nullité de la convention de rupture, qu'en l'espèce, c'est le salarié qui a expressément réclamé à son employeur, par lettre recommandée avec accusé de réception, la possibilité de signer une rupture conventionnelle motivée par son souci de "se consacrer à d'autres projets professionnels", la cour d'appel a statué par des motifs juridiquement inopérants, violant ainsi les articles L 1237-13 et L 1237-14 du code du travail, ensemble l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Z... frères
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à M. P... la somme de 391,73 euros outre les congés payés pour 39,71 euros, au titre du rappel de salaire sur commissions,
AUX MOTIFS QUE : « rappel de salaire sur commissionnements : c'est par des motifs que la cour adopte, en l'absence de moyen nouveau et de nouvelles pièces produites en cause d'appel, que les premiers juges ont considéré fondée la demande de rappel de salaire de M. P... à ce titre et qu'ils ont condamné la société Morin frères à lui payer la somme de 391,73 euros, outre les congés payés pour 39,17 euros. Le jugement sera confirmé de ce chef également »,
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « Sur le rappel de salaire sur commissionnements : attendu qu'il ressort de l'examen de l'ensemble des bulletins de salaire sur la période travaillée que des primes de commissionnements étaient mensuellement versées à Monsieur X... P... sous la forme de commissions sur financement, prime sur garantie, primes cuisines (à compter de juillet 2014) ; que même si elles ne figurent pas au contrat de travail initial et ne sont pas définies par ailleurs, ces primes faisaient partie de la rémunération mensuelle ayant un caractère régulier dans son attribution : que sous l'enseigne But, la prime cuisine est définie par l'employeur comme portant sur une marge de 37% avec une marge brute, selon les magasins, supérieure ou égale à 4000 euros, ce qui s'entend en cumulé et non par vente, et qu'à cette condition, la prime est de 5% du palier de la marge brute des ventes cuisines » et qu'elle porte sur « les cuisines sorties du mois et payées » : que « le terme selon les magasins » n'est pas défini pour ce qui concerne Monsieur X... P..., et que le document non signé par le salarié ne précise pas une clause pour les ventes encaissées après la rupture du contrat de travail, le seuil de 4000 euros n'étant plus applicable puisqu'il s'étale de fait sur plusieurs mois ; que l'employeur ne peut se prévaloir du défaut volontaire de sa signature pour ne pas verser un accessoire de salaire ; qu'il ressort du tableau produit par l'entreprise que toutes les ventes de Monsieur X... P... ont une marge supérieure aux 37% fixés (de 38% à 54%) ; que les sorties ont lieu en novembre, décembre 2014, et janvier 2015 ; que selon les règles gérant les commissions sur ventes, les primes sont dues aux vendeurs ayant effectué la vente même si la livraison, l'installation ou le paiement ont lieu après le départ des vendeurs, car ils sont bien à l'origine de la vente ; qu'il convient dans ces conditions, de condamner la SA Morin frères à verser à Monsieur X... P... la somme de 391,73 euros à titre de rappel de salaire sur commissions ainsi que l'incidence congés payés pour 39,17 euros »
1/ ALORS QU'interdiction est faite aux juges du fond de dénaturer les écrits soumis à leur appréciation ; qu'en l'espèce, il ressortait du document récapitulant les conditions d'obtention de la prime cuisiniste que celle-ci était calculée sur les cuisines sorties du mois et payées avec les factures clients correspondantes ; qu'en jugeant que selon les règles gérant les commissions sur ventes, les primes sont dues aux vendeurs ayant effectué la vente même si la livraison, l'installation ou le paiement ont lieu après le départ des vendeurs, la cour d'appel a dénaturé ce document en violation du principe susvisé ;
2/ ALORS QUE la règle selon laquelle, quelle que soit la cause de la rupture de son contrat, le salarié a droit, à titre de salaire, aux commissions et remises sur les ordres non encore transmis à la date de son départ, mais qui sont la suite directe des remises d'échantillon et des prix faits antérieurs à l'expiration du contrat est uniquement applicable au voyageur représentant placier ; qu'en l'espèce, à supposer qu'en énonçant que, selon les règles gérant les commissions sur ventes, les primes sont dues aux vendeurs ayant effectué la vente même si la livraison, l'installation ou le paiement ont lieu après le départ des vendeurs, la cour d'appel ait visé cette règle, quand il était constant que M. P... n'était pas voyageur représentant placier, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 7313-11 du code du travail,
3/ ALORS QUE les juges du fond, tenus de motiver leur décision, ne peuvent statuer par voie de simple affirmation ; qu'en l'espèce, il ressort du document récapitulant les conditions d'obtention de la prime cuisiniste que le tableau des cuisines sorties du mois et payées devait être validé par la direction pour que la prime puisse être allouée au salarié ; que pour allouer une prime à M. P..., la cour d'appel a retenu le tableau des ventes cuisine produit par ce dernier qui n'était pourtant pas signé par l'employeur en affirmant que l'employeur avait volontairement omis d'y apposer sa signature ; qu'en statuant ainsi sans justifier cette affirmation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.