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03/07/2019 | FRANCE | N°17-28889

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 juillet 2019, 17-28889


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme O... a collaboré régulièrement en qualité de journaliste pigiste avec la société Prisma média à partir de septembre 1990 ; qu'invoquant la diminution au cours de l'année 2013 de fourniture de travail par l'employeur, elle a saisi la juridiction prud'homale pour revendiquer l'existence d'un contrat de travail à durée indéterminée et demander la résiliation judiciaire de ce contrat ainsi que le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du c

ontrat ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statue...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme O... a collaboré régulièrement en qualité de journaliste pigiste avec la société Prisma média à partir de septembre 1990 ; qu'invoquant la diminution au cours de l'année 2013 de fourniture de travail par l'employeur, elle a saisi la juridiction prud'homale pour revendiquer l'existence d'un contrat de travail à durée indéterminée et demander la résiliation judiciaire de ce contrat ainsi que le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Attendu que pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail, l'arrêt retient qu'il ressort des éléments produits que la rémunération de la salariée a sensiblement chuté à partir du mois d'août 2013, que dans ces conditions, l'économie de la relation contractuelle s'est trouvée manifestement bouleversée et qu'il y a lieu de retenir que l'employeur, au regard de l'ancienneté de la relation et du niveau moyen des rémunérations annuelles qui avait été assuré, a modifié unilatéralement les conditions de la relation contractuelle ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, si l'employeur d'un journaliste pigiste employé comme collaborateur régulier est tenu de lui fournir régulièrement du travail sauf à engager la procédure de licenciement, il n'est pas tenu de lui fournir un volume de travail constant, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé un manquement de l'employeur à ses obligations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme O... avec la société Prisma média aux torts de l'employeur au 31 décembre 2016 et condamne cette société au paiement de rappels de salaire outre les congés payés afférents, de treizième mois, de prime d'ancienneté, ainsi que d'indemnité compensatrice de préavis outre congés payés sur préavis et d'indemnité légale de licenciement, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et ordonne la remise des bulletins de paie, d'une attestation Pôle emploi et d'un certificat de travail conformes, l'arrêt rendu le 12 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne Mme O... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Prisma média.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme O..., d'AVOIR fixé la date de résiliation du contrat au 31 décembre 2016 et d'AVOIR condamné la société Prisma Media à verser à Mme O... les sommes de 26.042,37 euros à titre de rappel de salaire outre les congés payés afférents, 2.170,19 euros au titre du treizième mois, 7.922,15 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté, 3.368 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 25.260 euros à titre d'indemnité légale de licenciement, 20.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Madame O... demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail à durée indéterminée aux torts de son employeur au motif que l'employeur -depuis août 2013 en raison de l'arrêt de plusieurs titres auxquels elle collaborait- a diminué considérablement le volume du travail qu'il lui confiait jusqu'alors et diminué en conséquence le montant de sa rémunération. La société PRISMA MEDIA soutient qu'elle a fait une stricte application des règles applicables aux pigistes. Le salarié peut obtenir la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l'employeur lorsque celui-ci n'exécute pas une ou plusieurs obligations essentielles du contrat qui lui incombent, la fourniture d'un travail et le versement des salaires notamment. Il ressort des éléments produits que la rémunération de Madame O... a sensiblement chuté à partir du mois d'août 2013 puisqu'elle passe de plus de 14.000 euros annuellement pour les années 2007 à 2013 à environ 3.000 euros pour la période de août à décembre 2013 et 5.000 euros annuellement pour les années suivantes. Dans ces conditions, l'économie de la relation contractuelle s'est trouvée manifestement bouleversée et il y a lieu de retenir que l'employeur, au regard de l'ancienneté de la relation et du niveau moyen des rémunérations annuelles qui avait été assuré, a modifié unilatéralement les conditions de la relation contractuelle, de sorte que la salariée est bien fondée en sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur. La résiliation judiciaire produit effet au jour où le juge la prononce, dès lors qu'à cette date le salarié est toujours au service de son employeur. En cas de confirmation en appel du jugement prononçant la résiliation du contrat de travail, la date de prise d'effet de la rupture est celle du jugement dès lors que l'exécution du contrat ne s'est pas poursuivie au-delà. En l'espèce, il ressort des bordereaux de paiement produits que le contrat de travail s'est poursuivi jusqu'au 31 décembre 2016, et faute d'élément permettant de démontrer qu'il s'est poursuivi postérieurement à cette date, la date de résiliation du contrat de travail sera donc fixée au 31 décembre 2016 » ;

ET QUE « La cour considère qu'il convient de retenir, comme niveau de rémunération, la rémunération moyenne précédant la baisse de rémunération intervenue en août 2013. La cour retient donc la moyenne de la rémunération que Madame O... a perçue entre janvier 2010 et juillet 2013 soit une rémunération mensuelle moyenne de 1.423,27 euros (hors congés payés et 13ème mois). Statuant dans les limites de la demande, il y a lieu de fixer, pour la période d'août 2013 à décembre 2016 le montant de rappel de salaire dont est redevable la société PRISMA MEDIA à la somme de 26.042,37 euros à laquelle s'ajoute les sommes de 2.604 euros au titre des congés payés afférents et de 2.170,19 à titre de rappel de 13ème mois due sur ce rappel de salaire. Sur les demandes de primes d'ancienneté et de rappel de 13ème mois : Madame O... est fondée à demander le rappel des primes d'ancienneté conformément à la convention collective des journalistes. La demande n'étant pas contestée dans son montant, il y sera fait droit à hauteur de 7.922,15 euros. (
) Sur les conséquences financières de la résiliation judiciaire du contrat de travail. Le salaire mensuel de Madame O..., toutes primes et treizième mois inclus, qu'elle aurait normalement dû percevoir, s'établit à 1.684 euros (1423,27 + 1423,27/10 + 1423,27/12), eu égard à son ancienneté dans l'entreprise ; elle a droit à une indemnité compensatrice de préavis de 2 mois soit la somme de 3.368 euros. Elle a également droit, en application de l'article L7112-3 conjugué avec l'article 44 de la convention collective des journalistes, à titre d'indemnité de licenciement, à un mois de salaire qu'elle aurait normalement dû percevoir par année d'ancienneté dans la limite de 15 ans soit la somme de 25.260 euros. En application de l'article 1235-3 du code du travail, eu égard à son âge, à son ancienneté dans l'entreprise et du niveau de rémunération tel que retenu par la cour, eu égard aux explications des parties et aux pièces communiquées, la cour a les éléments nécessaires pour allouer à Madame O... la somme de 20.000 euros et le jugement sera donc confirmé de ce chef » ;

ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE « Attendu que madame I... O... fait valoir sa baisse de rémunération et de son droit à rappel de salaire en résultant ; Attendu que la baisse de rémunération appliquée à l'intéressée a été mise en oeuvre de façon unilatérale à l'initiative de la Société sans consultation préalable ni accord de cette dernière ; Attendu que le Conseil dit que madame I... O... était fondée à prétendre au maintien global d'un même niveau de collaboration, en se voyant confier un même nombre de piges assurant par la même un niveau de rémunération à tout le moins comparable d'une année sur l'autre ; Attendu que le Conseil dit que la Société PRISMA MEDIA ne pouvait procéder à une modification unilatérale du contrat de travail sans accord de la salariée, sans information spécifique à son intention ainsi que le prévoit l'article 20 de la convention collective applicable ; Attendu que le Conseil dit que madame I... O... a nécessairement subi un préjudice qu'il convient de réparer ; Attendu que le Conseil se dit fondé à faire droit à la demande de l'intéressée sur les rappels de salaires sollicités, les congés payés afférents, du 13ème mois et de la prime d'ancienneté ; (
) ; Attendu qu'il est établi que la Société PRISMA MEDIA au regard de l'ancienneté de la relation de travail et du niveau moyen des rémunérations annuelles constatées, à modifié de façon unilatérale les conditions de la relation contractuelle de sorte que la salariée est bien fondée à solliciter une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur ; Attendu que de surcroit, le non-respect par l'employeur de ses obligations en matière de santé au travail en n'organisant ni visite d'embauche, ni visites médicales périodiques, présente un manquement grave justifiant à lui seul la prise d'acte de la rupture du contrat de travail à l'initiative de la salariée ainsi que le rappelle le Conseil ; Attendu qu'en tout état de cause, le Conseil se dit fondé à faire droit à la demande de madame I... O... et prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail sollicitée au jour du jugement prononcé ; Attendu que le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail de madame I... O... emporte les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec l'ensemble des indemnités et dommages et intérêts en résultant » ;

1. ALORS QUE si l'employeur d'un journaliste pigiste employé comme collaborateur régulier est tenu de lui fournir régulièrement du travail sauf à engager la procédure de licenciement, il n'est pas tenu de lui fournir un volume de travail constant ; qu'en l'espèce, il est constant que Mme O... collaborait avec la société Prisma Média en qualité de journaliste pigiste de manière régulière depuis l'année 1995, mais qu'elle avait la faculté de collaborer avec d'autres entreprises de presse et que le volume du travail qui lui était confié et le montant des piges qu'elle percevait en contrepartie était variable d'un mois sur l'autre et d'une année sur l'autre ; que la société Prisma Media ne s'était donc pas engagée à fournir à Mme O... un volume de travail lui assurant un certain montant de piges et que Mme O... n'était pas tenue de consacrer un temps de travail déterminé à la société Prisma Media ; qu'en affirmant cependant qu'en réduisant le nombre de piges confiées à Mme O... à compter du mois d'août 2013 et par voie de conséquence le montant de sa rémunération annuelle, passée d'environ 14.000 euros entre 2007 et 2013 à environ 5.000 euros à compter de 2014, la société Prisma Media a bouleversé « l'économie de la relation contractuelle » et a « modifié unilatéralement les conditions de la relation de travail » « au regard de l'ancienneté de la relation et du niveau moyen des rémunérations annuelles qui avait été assuré » auparavant, pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de Mme O... aux torts de la société Prisma Media et condamner cette dernière à payer à Mme O... un rappel de salaire à la hauteur de la rémunération moyenne précédant la baisse de rémunération intervenue en août 2013, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa version applicable au présent litige, l'article L. 7113-2 du code du travail, ensemble la convention collective des journalistes du 1er novembre 1976 ;

2. ALORS QUE la résiliation judiciaire du contrat ne peut être prononcée qu'en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail ; qu'en l'espèce, il est constant que la collaboration entre Mme O... et la société Prisma Media a débuté en 1990 et est devenue régulière à compter de l'année 1995 ; qu'à supposer adoptés les motifs des premiers juges, en se bornant à affirmer que le non-respect par l'employeur de ses obligations en matière de santé au travail en n'organisant ni visite d'embauche, ni visites médicales périodiques, présente un manquement grave justifiant à lui seul la prise d'acte de la rupture du contrat à l'initiative de la salariée, sans faire ressortir que ce manquement ancien qui, selon les constatations de l'arrêt, n'a causé aucun préjudice à la salariée, aurait empêché la poursuite du contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base au regard de l'article L. 1231-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Prisma Media à verser à Mme O... la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts du fait de la non-remise de bulletins de salaire conformes et d'un contrat de travail écrit ;

AUX MOTIFS QUE « le statut de journaliste professionnel de Mme O... étant reconnu par la cour, il y a lieu de réparer le défaut de remise d'un contrat de travail écrit et l'absence des mentions conformes sur les bulletins de paye. Le jugement sera donc confirmé de ce chef » ;

ET AUX MOTFS DES PREMIERS JUGES QUE « Attendu que le Conseil relève que le contrat de travail reconnu à madame I... O... relevait clairement de la convention collective des journalistes, ainsi que cette mention figurait explicitement sur les bulletins de paie délivrés à l'intéressée ; Attendu que le conseil relève également que la Société a méconnu les dispositions de l'article 20 de ladite convention, laquelle prévoit la remise d'une lettre stipulant la nature de l'emploi, la qualification professionnelle, la convention collective applicable, le barème de référence, la date de prise de fonction, le montant du salaire et le lieu d'exécution du contrat de travail ; Attendu que le Conseil souligne que sur les bulletins de paie délivrés ne portaient ni mention de son ancienneté dans l'entreprise, ni le coefficient lui étant applicable ; Attendu que le Conseil dit que l'absence de remise d'un contrat de travail écrit à une journaliste payée à la ligne ou non est constitutif d'un préjudice justifiant réparation ; Attendu que le Conseil dit qu'il en est de même lorsque le bulletin de paie ne contient pas les mentions obligatoires prévues par les textes de référence ; Attendu que le Conseil se dit fondé à faire droit à la demande de l'intéressée à cet égard » ;

ALORS QUE ni l'absence de contrat de travail écrit, ni l'absence de certaines mentions sur les bulletins de paie ne causent nécessairement un préjudice au salarié ; qu'en affirmant que l'absence de remise d'un contrat de travail écrit et l'absence de mentions conformes sur les bulletins de paie doivent être réparées par l'octroi d'une indemnité de 2.000 euros, sans s'expliquer sur la nature et l'importance du préjudice subi par Mme O..., la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-28889
Date de la décision : 03/07/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12 octobre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 jui. 2019, pourvoi n°17-28889


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.28889
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