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03/07/2019 | FRANCE | N°17-26820

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 03 juillet 2019, 17-26820


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 885 L du code général des impôts, alors applicable ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que dans leurs déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) pour les années 2004 à 2010, M. et Mme U..., domiciliés en Andorre, ont indiqué la valeur de leurs biens situés en France, en excluant la valeur des parts détenues par M. U... dans la société Agora cinémas (la société Agora) ; qu'estimant que ces biens ne pouvaient pas bénéficier de l'exonérati

on prévue par l'article 885 L du code général des impôts, réservée aux placements financ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 885 L du code général des impôts, alors applicable ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que dans leurs déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) pour les années 2004 à 2010, M. et Mme U..., domiciliés en Andorre, ont indiqué la valeur de leurs biens situés en France, en excluant la valeur des parts détenues par M. U... dans la société Agora cinémas (la société Agora) ; qu'estimant que ces biens ne pouvaient pas bénéficier de l'exonération prévue par l'article 885 L du code général des impôts, réservée aux placements financiers, l'administration fiscale a notifié à M. et Mme U... une proposition de rectification, le 23 août 2010 ; qu'après mise en recouvrement et rejet de leur réclamation, ces derniers ont assigné l'administration fiscale en décharge du surplus d'imposition réclamé ;

Attendu que pour dire que la valeur des parts détenues par M. U... dans la société Agora ne pouvait bénéficier de l'exonération prévue par l'article 885 L du code général des impôts, l'arrêt retient que seuls les placements financiers engendrant la perception de revenus de capitaux mobiliers bénéficient de l'exonération prévue par l'article susvisé ; qu'il ajoute que les placements financiers sont des placements purement passifs qui doivent être distingués des titres de participation, lesquels impliquent un pouvoir de décision au sein de l'entreprise découlant de l'importance de la participation détenue ; qu'il en déduit, après avoir constaté que M. U... détenait, depuis 1983, 80,8 % du capital de la société Agora dont il était le gérant depuis 2010 et était également administrateur du groupement d'intérêt économique assurant des prestations administratives et de conseil pour le compte de cette société, qu'au vu de l'importance et de la durée de la détention des titres par M. U... et de son pouvoir de décision dans la société, les parts qu'il détenait ne peuvent s'analyser en de simples placements financiers au sens de l'article 885 L du code général des impôts ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'article 885 L du code général des impôts, qui est d'interprétation stricte, n'opère aucune distinction entre les placements financiers et les titres de participation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Vu l'article 627 du code de procédure civile, après avertissement donné aux parties ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Confirme le jugement rendu, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Bobigny le 22 janvier 2015 ;

Condamne le directeur général des finances publiques aux dépens qui comprendront ceux exposés devant la cour d'appel ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à M. et Mme U... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour M. et Mme U...

M. et Mme U... font grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rétabli les impositions supplémentaires d'impôt de solidarité sur la fortune des années 2004 à 2010 dont ils avaient été déchargés ;

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 885 A 2° du code général des impôts, sont soumises à l'impôt de solidarité sur la fortune les personnes physiques n'ayant pas leur domicilie fiscal en France, à raison de leurs biens situés en France ; que l'article 885 L du même code prévoit que les personnes physiques qui n'ont pas en France leur domicile fiscal ne sont pas imposables sur leurs placements financiers ; que ne sont pas considérés comme des placements financiers les actions ou parts détenues par ces personnes dans une société dont l'actif est principalement constitué d'immeubles ou de droits immobiliers situés sur le territoire français, et ce, à proportion de la valeur de ces biens par rapport à l'actif total de la société ;
qu'il en est de même pour les actions, parts détenues par ces personnes morales ou organismes dans les personnes morales mentionnées au deuxième alinéa de l'article 750 ter ; qu'il ressort de la lecture de cet article que seuls les placements financiers qui engendrent la simple perception de revenus de capitaux mobiliers peuvent bénéficier de l'exonération, à l'exclusion des titres ou actions détenus par des personnes impliquées dans la gestion d'une société dont l'actif est constitué d'immeubles ou de droits immobiliers situés en France ; que le critère de distinction est que le placement financier qui relève de la catégorie des revenus de capitaux mobiliers est purement passif, alors que les titres de participation se définissent par une détention de titres impliquant une participation exercée par le non résident ; qu'en l'espèce, il ressort des éléments du dossier que M. U..., co-fondateur du groupe UGC, est propriétaire exploitant de nombreuses salles de cinémas multiplexes ; que depuis 1983, il détient en propre 80,8 % du capital de la SARL Agora cinémas avec pour associés ses trois filles ; qu'à Bordeaux, il a acquis un ensemble immobilier, « Mégarama », comprenant une ancienne gare et y a implanté 18 salles de cinémas, 3 restaurants et des parkings ; que depuis février 2010, il a repris la gérance de droit de la société ; que l'actionnariat revêt donc un caractère familial ; que M. U... est également administrateur du GIE GCCL, au sein duquel il assure des prestations administratives et de conseils à ses membres et en particulier à la SARL Agora cinémas ; que l'ensemble de ces éléments suffit à établir l'importance et la durée de la détention de titres de participation Agora cinémas par M. U..., ainsi que son pouvoir de décision dans la société ; que les parts de la SARL Agora cinémas, détenues par M. U..., ne peuvent, dans ces conditions, être analysées comme étant de simples placements financiers ; que le jugement sera réformé sur ce point ; que M. U... soutient à titre subsidiaire que les actions de la société Agora cinémas respectent les conditions posées par l'article 750 ter, prévues à l'alinéa 2 de l'article 885 L, lui permettant de pouvoir bénéficier de l'exonération, en ce que la valeur des biens immobiliers représente moins de 50 % de l'actif social ; que le bénéfice des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 885 L n'est possible que si les parts sont de simples placements financiers ; qu'il résulte des développements précédents que les dispositions de l'article 885 L ne sont pas applicables pour les titres Agora cinémas qui constituent des titres de participations ;

ALORS QU'à l'exception des actions ou parts détenues dans une société ou personne morale dont l'actif est principalement constitué d'immeubles ou de droits immobiliers situés sur le territoire français, à proportion de la valeur de ces biens par rapport à l'actif total de la société, et des actions, parts ou droits détenus dans les personnes morales ou organismes mentionnés au deuxième alinéa du 2° de l'article 750 ter, toutes les parts ou actions détenues dans une personne morale par un contribuable qui n'a pas sa résidence fiscale en France et dont les produits de toute nature, exceptés les gains de capital, relèvent des revenus de capitaux mobiliers, sont des placements financiers exonérés d'impôt de solidarité sur la fortune sans autre condition ; qu'en considérant que sont exclus de cette exonération les placements constitutifs de « titres de participation », pour en déduire que les parts détenues par M. U... dans la société Agora cinémas, qu'il contrôle, ne constituaient pas des placements financiers éligibles à l'exonération d'impôt de solidarité sur la fortune, la cour d'appel qui a ajouté une condition à la loi, a violé le principe d'interprétation stricte de la loi fiscale et l'article 885 L du code général des impôts.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-26820
Date de la décision : 03/07/2019
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Impôt de solidarité sur la fortune - Assiette - Biens exonérés - Placements financiers des non-résidents - Absence de distinction entre les placements financiers et les titres de participation - Interprétation stricte de la loi fiscale

L'article 885 L du code général des impôts, qui prévoit que, sauf exceptions visées par l'alinéa 2, les placements financiers des personnes physiques qui n'ont pas en France leur domicile fiscal sont exonérés d'impôt de solidarité sur la fortune, est d'interprétation stricte et n'opère aucune distinction entre les placements financiers et les titres de participation


Références :

article 885 L du code général des impôts

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 juin 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 03 jui. 2019, pourvoi n°17-26820, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat(s) : SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.26820
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