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03/07/2019 | FRANCE | N°17-18681

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 03 juillet 2019, 17-18681


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Garage Sylvestre que sur le pourvoi incident relevé par la société Automobiles Citroën ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Automobiles Citroën (la société Citroën) a conclu, le 28 mai 2003, avec la société Garage Sylvestre (la société Sylvestre), un contrat de réparateur agréé pour une durée de cinq ans qui a été prorogée jusqu'au 31 mai 2011 ; que ce contrat stipulait que la société Sylvestre facturerait à la

société Citroën le montant des opérations qu'elle aurait réalisées au titre de la garant...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Garage Sylvestre que sur le pourvoi incident relevé par la société Automobiles Citroën ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Automobiles Citroën (la société Citroën) a conclu, le 28 mai 2003, avec la société Garage Sylvestre (la société Sylvestre), un contrat de réparateur agréé pour une durée de cinq ans qui a été prorogée jusqu'au 31 mai 2011 ; que ce contrat stipulait que la société Sylvestre facturerait à la société Citroën le montant des opérations qu'elle aurait réalisées au titre de la garantie et qu'elle devrait, en contrepartie, conserver des documents concernant ces opérations pendant un certain délai, la société Citroën pouvant réaliser un audit sur celles-ci et obtenir, en cas de facturation indue, le remboursement des sommes versées et le paiement d'une indemnité ; que les parties ont conclu un second contrat de réparateur agréé à effet du 1er juin 2011 ; qu'un audit effectué en octobre 2011 sur des opérations réalisées en avril 2011 ayant révélé des interventions de garantie sur un véhicule qui avaient été facturées sans être exécutées, la société Citroën a résilié ce contrat à effet immédiat et assigné la société Sylvestre en restitution des sommes indûment facturées et en paiement de l'indemnité contractuelle ; que la société Sylvestre a demandé reconventionnellement des dommages-intérêts pour résiliation abusive du contrat et rupture brutale d'une relation commerciale établie ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société Sylvestre fait grief à l'arrêt de faire droit
à la demande de la société Citroën alors, selon le moyen, que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; qu'en jugeant que les dispositions du contrat de réparateur agréé en date du 28 mai 2003 autorisaient la société Citroën à réaliser un audit en octobre 2011, lorsque ce contrat était expiré depuis mai 2011, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ;

Mais attendu qu'ayant constaté qu'en vertu des stipulations de l'article III du premier contrat, qui avaient été reprises dans le second, la société Sylvestre avait l'obligation de conserver les documents relatifs aux opérations de garantie qu'elle avait réalisées et dont elle avait facturé le coût à la société Citroën pendant un délai de deux ans après leur exécution, tandis que la société Citroën disposait de la faculté d'effectuer, à tout moment, un audit des dossiers concernant ces opérations, la cour d'appel a pu en déduire que la société Citroën pouvait vérifier leur régularité jusqu'à l'expiration d'un délai de deux ans depuis leur réalisation, qui correspondait à la période de conservation des justificatifs les concernant, et qu'elle avait procédé à l'audit litigieux en respectant ces dispositions ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal :

Vu l'article L. 442-6 I 5 du code de commerce ;

Attendu que pour rejeter la demande de dommages-intérêts de la société Sylvestre pour rupture brutale de la relation commerciale établie, l'arrêt retient que ce texte ne peut recevoir application puisque que celle-ci a informé la société Citroën, le 28 novembre 2011,de son intention de céder son fonds de commerce et que la société Citroën a résilié le contrat le 23 décembre 2011, de sorte que la cession du fonds de commerce mettait nécessairement un terme à la relation commerciale établie entre les parties ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'annonce, par la société Sylvestre, de son intention de céder son fonds de commerce n'avait pas fait perdre son caractère établi à la relation commerciale, qui avait seulement vocation à cesser à compter de la cession du fonds, ce dont il résultait que cette cession, intervenue le 5 avril 2012, n'avait pu ôter son caractère brutal à la rupture notifiée le 23 décembre 2011, sans préavis, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le quatrième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche, et le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa quatrième branche, rédigés en termes similaires, réunis :

Vu l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 et le principe de la réparation intégrale du préjudice ;

Attendu que pour condamner la société Citroën à réparer le préjudice de la société Sylvestre pour la perte de la qualité de réparateur agréé Citroën jusqu'à la vente de son fonds de commerce résultant du caractère fautif de la résiliation du contrat, l'arrêt retient qu'au vu des éléments comptables parcellaires produits par la société Sylvestre, ce préjudice est fixé à la somme de 30 000 euros ;

Qu'en statuant ainsi, alors que cette somme procédait d'une évaluation forfaitaire du montant du préjudice de la société Sylvestre, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts de la société Garage Sylvestre pour rupture brutale d'une relation commerciale établie et condamne la société Automobiles Citroën à lui payer la somme de 30 000 euros de dommages-intérêts pour résiliation fautive du contrat de réparateur agréé du 23 mars 2011, l'arrêt rendu le 27 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points , la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Automobiles Citroën aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Garage Sylvestre la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société Garage Sylvestre.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société GARAGE SYLVESTRE à payer à la société AUTOMOBILES CITROEN la somme de 49 558,44 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2012.

Aux motifs propres que « Considérant, ceci exposé, qu'il est constant que les parties étaient, dès avant la prise d'effet du contrat signé le 23 mars 2011, liées par un contrat de réparateur agréé Citroën dont l'article III, intitulé "garantie-services" stipule que "le réparateur agréé facturera au concédant le coût des opérations qu'il aura réalisées au titre de la garantie, des actions de rappel et des autres prestations contractuelles susvisées, selon les barèmes alors en vigueur, et ce, dans le cadre de la procédure établie à cet effet par le concédant ; en contrepartie, le réparateur agréé :
-conservera, pendant un délai expirant à l'issue de la deuxième année civile suivant celle au cours de laquelle est intervenue l'opération dont il aura facturé le coût au concédant, la commande de travaux établie entre lui et le client final,
-conservera les pièces remplacées pendant la durée précisée dans le manuel "Garantie et contrats", les retournera à la demande du concédant suivant la procédure décrite dans le manuel "Garantie et contrats";
-tiendra à la disposition du concédant, sur simple demande de celui-ci, les documents et pièces susvisées" ;

que cet article prévoit également la faculté pour le concédant de réaliser ou de faire réaliser à tout moment un audit des dossiers du réparateur agréé relatifs aux opérations de garanties et autres prises en charge par le concédant et constituée au cours d'une période quelconque d'une durée de trois semaines au moins et cinq semaines au plus ;

Considérant que ces dispositions, d'ailleurs reprises dans le contrat entré en vigueur le 1er juin 2011, autorisaient la société Automobiles Citroën à vérifier la régularité des opérations visées à l'article III jusqu'à l'expiration d'un délai de deux ans depuis la réalisation desdites opérations ; qu'en l'espèce, l'analyse des demandes de travaux et des factures garantie (main d'oeuvre et pièces de rechange) de la société Garage Sylvestre a porté sur les avis de crédit payés au mois d'avril 2011 ;

que c'est donc dans le respect des dispositions précitées que la société Automobiles Citroën a procédé au contrôle de ces dossiers de garantie ; qu'il ressort des documents versés aux débats (expertise amiable, audit, explications de M. Sylvestre recueillies au cours de l'analyse des éléments fournis par la société Garage Sylvestre) que la société intimée a facturé à la société Automobiles Citroën des travaux non exécutés ; que partant, celle-ci était en droit d'obtenir la restitution des sommes indûment perçues et le versement, à titre de dédommagement forfaitaire, d'une somme dont le montant est égal au montant total des facturations indues et surfacturations multiplié par cinquante deux et divisé par le nombre de semaines entières constituant la période auditée (article III du contrat du 27 mai 2003) ; que le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a débouté la société Automobiles Citroën de sa demande en payement de la somme de 49 558,44 euros à laquelle sera condamnée la société Garage Sylvestre, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure de payer du 4 avril 2012 » ;

Alors que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; qu'en jugeant que les dispositions du contrat de réparateur agréé en date du 28 mai 2003 autorisaient la société AUTOMOBILES CITROEN à réaliser un audit en octobre 2011, lorsque ce contrat était expiré depuis mai 2011, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a débouté la société GARAGE SYLVESTRE de sa demande de dommages-intérêts formée au titre du préjudice né de la réduction du prix de cession de son fonds de commerce ;

Aux motifs propres que « considérant, néanmoins, que la seule sanction que pouvait exiger la société Automobiles Citroën en réparation du préjudice subi du fait des agissements commis par la société Garage Citroën était de nature financière dès lors que ces agissements avaient été perpétrés au cours d'une période antérieure à l'entrée en vigueur du nouveau contrat le 1er juin 2011 et ne pouvaient donc entraîner la résiliation de plein droit de ce contrat en l'absence de clause le prévoyant ; qu'il convient dès lors de rechercher si la résiliation prononcée par l'appelante a causé un préjudice à la société Garage Sylvestre ; que cette société affirme que la résiliation a eu pour effet de diminuer la valeur de son fonds de commerce qu'elle avait mis en vente et qui avait été évalué entre 1 000 000 et 1 100 000 euros par la SCP d'avocats Brigitte Jamin et Philippe Lhuillier et entre 850 000 et 1 050 000 euros par Mme C... U..., expert-comptable, alors que les repreneurs lui avaient proposé, suite à la résiliation du contrat de réparateur agréé, la somme de 700 000 euros ; que toutefois, et ainsi que l'a relevé le tribunal, elle n'explique pas la raison pour laquelle son fonds a été vendu 515 000 euros au lieu des 700 000 euros proposés alors, en outre, que les acquéreurs ont obtenu l'agrément de la société Automobiles Citroën ; que l'intimée ne démontrant pas que la résiliation a été la cause de la réduction du prix de cession de son fonds de commerce, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts formée de ce chef ».

Aux motifs éventuellement adoptés que « du fait de la résiliation immédiate du contrat, GARAGE SYLVESTRE n'a pas pu mettre en place le processus d'agrément de ses candidats acquéreurs dans le cadre d'un transfert de son propre contrat. Elle a donc conclu un compromis de vente du fonds de commerce le 20 janvier 2012, sous les conditions suspensives notamment d'obtention par les acquéreurs de l'agrément en qualité de réparateur agréé et d'agent de la marque CITROEN, ainsi que du maintien de la signalétique CITROEN et de la fourniture en pièces détachées. Ces conditions suspensives ont été levées, et l'acte définitif a été signé le 5 avril 2012.

GARAGE SYLVESTRE ne produit aucune pièce justifiant de l'accord des acquéreurs sur le prix de 1 150 000 € auquel elle estime qu'elle leur aurait dû leur vendre le fonds si le contrat n'avait pas été résilié. Cette valeur ressort exclusivement d'une estimation que GARAGE SYLVESTRE indiquait a ses acquéreurs être celle de son cabinet d'avocats ; d'ailleurs cette estimation conclut à une fourchette de prix de 1 000 k€ â 1 100 k€. Les acquéreurs ont effectivement indiqué qu'il découlait forcément de la résiliation du contrat RAC une dépréciation de la valeur du fonds, et proposé un prix de 700 000 €. Cependant aucune pièce n'indique le prix auquel ils auraient accepté d'acquérir s'il n'y avait pas eu cette résiliation, et en particulier s'ils auraient accepté sans discussion l'estimation initiale proposée par GARAGE SYLVESTRE. Il n'est pas davantage prouvé pour quelles raisons le prix final a été fixé d'un commun accord à 515 000 €, alors précisément que l'acquéreur avait obtenu l'agrément de AUTOMOBILES CITROEN sur les conditions qu'il demandait, dont en particulier le bénéfice d'un nouveau contrat RAC, ce qui aurait dû conduire à un prix au moins égal aux 700 000 € proposés sans ce contrat.

Dans de telles circonstances, il n'est nullement démontré que la résiliation du contrat RAC de GARAGE SYLVESTRE ait pu être l'une des raisons de la fixation du prix final à un montant inférieur à l'objectif que celui-ci s'était fixé, et AUTOMOBILES CITROEN qui a de son côté permis la levée des conditions suspensives prévues, ne saurait se voir imputer une quelconque responsabilité dans la prétendue diminution de valeur du fonds de commerce ».

Alors que, d'une part, en jugeant que l'intimée ne démontrait pas que la résiliation a été la cause de la réduction du prix de cession de son fonds de commerce, lorsque, dans le courrier du 26 décembre 2011, les acquéreurs pressentis indiquaient qu'il découlait forcément de la résiliation une dépréciation de la valeur du fonds de commerce, la cour d'appel a méconnu les termes clairs et précis de ce document et de ce fait dénaturé les éléments de la cause ;

Alors que, d'autre part, en se bornant à retenir que la société GARAGE SYLVESTRE ne s'est pas expliquée quant à la raison pour laquelle son fonds a été vendu 515 000 euros au lieu des 700 000 euros proposés, pour en tirer la conclusion que le préjudice n'était pas caractérisé, la cour d'appel a statué par des motifs insuffisants, entachant ainsi sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société GARAGE SYLVESTRE de sa demande tendant à voir confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la société AUTOMOBILES CITROEN s'est rendue coupable d'une brusque rupture de la relation établie entre les parties de façon ininterrompue depuis 65 années ;

Aux motifs propres que « fondement de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce, estimant que la société Automobiles Citroën aurait dû respecter un préavis compris entre 24 et 36 mois avant de lui notifier la résiliation du contrat ; que cet article énonce qu' "engage sa responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels (...)" ;

Mais considérant que ce texte ne peut trouver application en l'espèce dès lors que la société Garage Sylvestre informait la société appelante, par lettre du 28 novembre 2011, de son intention de céder son fonds de commerce à des acquéreurs intéressés lui demandant de réserver le meilleur accueil à ces derniers et que la lettre de la société Automobiles Citroën par laquelle celle-ci lui notifiait la résiliation lui a été adressée le 23 décembre suivant, la cession du fonds de commerce mettant nécessairement un terme à la relation commerciale établie entre les parties ;

que la société Garage Sylvestre ne peut davantage solliciter subsidiairement la somme de 2 000 000 euros correspondant à deux années de marge brute au motif que l'appelante aurait dû respecter le préavis de 24 mois prévu à l'article X 2° du contrat et ce, pour les mêmes motifs que ci-dessus ; ».

Alors que, en jugeant que l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce ne pouvait trouver application dès lors que la victime de la rupture avait informé son cocontractant de son intention de céder son fonds de commerce, lorsque seules l'inexécution des obligations contractuelles et la force majeure peuvent, selon ce texte, dont l'objet est la protection des distributeurs, autoriser une rupture sans préavis, le juge a ajouté à cette disposition une disposition qu'elle ne comporte pas.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement en ce qu'il a condamné la société AUTOMOBILES CITROEN à payer à la société GARAGE SYLVESTRE la somme de 30 000 euros au titre du préjudice né, du fait du caractère fautif de la résiliation, de la perte de la qualité de réparateur agréé CITROEN jusqu'au jour de la vente du fonds de commerce ;

Aux motifs propres que « il demeure qu'il vient d'être jugé que la société Automobiles Citroën ne pouvait résilier le contrat signé le 23 mars 2011 à effet du 1er juin 2011 pour des faits commis antérieurement à cette prise d'effet ; que cette résiliation qui a privé la société Garage Sylvestre de la qualité de réparateur agréé Citroën jusqu'au jour de la vente de son fonds de commerce, soit le 5 avril 2012, lui a causé un préjudice que la cour fixe, au vu des éléments comptables parcellaires produits par l'intimée, à la somme de 30 000 euros ; ».

Alors, d'une part, que, l'indemnisation d'un préjudice ne peut faire l'objet d'une évaluation forfaitaire ; qu'en fixant, sans démonstration aucune, à 30 000 euros le montant du préjudice causé par la résiliation fautive, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ;

Alors que, d'autre part, en qualifiant de « parcellaires » les documents comptables produits par la société GARAGE SYLVESTRE lorsque celle-ci avait versé ses comptes de résultat ainsi que l'acte de cession du fonds de commerce, desquels se déduisait clairement et précisément, ainsi que l'avaient retenu les juges de première instance, une baisse de chiffre d'affaires de 272 900 euros, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des actes et pièces de la procédure. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Automobiles Citröen.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Automobiles Citroën à payer à la société Garage Sylvestre la somme de 30 000 € à titre de dommages-intérêts ;

Aux motifs que « la seule sanction que pouvait exiger la société Automobiles Citroën en réparation du préjudice subi du fait des agissements commis par la société Garage Sylvestre était de nature financière dès lors que ces agissements avaient été perpétrés au cours d'une période antérieure à l'entrée en vigueur du nouveau contrat le 1er juin 2011 et ne pouvaient donc entraîner la résiliation de plein droit de ce contrat en l'absence de clause le prévoyant » (arrêt attaqué, p. 4, § 2 in limine) ; qu'« il demeure qu'il vient d'être jugé que la société Automobiles Citroën ne pouvait résilier le contrat signé le 23 mars 2011 à effet du 1er juin 2011 pour des faits commis antérieurement à cette prise d'effet ; que cette résiliation qui a privé la société Garage Sylvestre de la qualité de réparateur agréé Citroën jusqu'au jour de la vente de son fonds de commerce, soit le 5 avril 2012, lui a causé un préjudice que la cour fixe, au vu des éléments comptables parcellaires produits par l'intimée, à la somme de 30 000 euros » (arrêt attaqué, p. 5, §1).

1) Alors que lorsque le contrat est à durée indéterminée, chaque partie peut y mettre fin à tout moment, le seul préjudice réparable étant celui résultant du caractère fautif de la rupture, et non celui résultant de la rupture elle-même ; qu'en indemnisant le préjudice tiré de la perte par la société Garage Sylvestre de sa qualité de réparateur agréé Citroën jusqu'à la vente du fonds de commerce, car la rupture du contrat du 23 mars 2011 à effet au 1er juin 2011 aurait été fautive comme fondée sur des agissements antérieurs à son entrée en vigueur, quand elle écartait par ailleurs le caractère brutal de la rupture, ce qui revenait à écarter son caractère fautif, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a indemnisé le préjudice tiré de la rupture elle-même, en violation de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2) Alors, subsidiairement, que le comportement déloyal du cocontractant entraînant la perte de confiance de son partenaire justifie qu'il résilie unilatéralement le contrat ; qu'en retenant que la société Automobiles Citroën ne pouvait résilier le contrat de réparateur agréé signé le 23 mars 2011 à effet au 1er juin 2011 pour des faits commis antérieurement à cette prise d'effet, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la résiliation n'était pas justifiée par la perte de confiance de la société Automobiles Citroën à l'égard de la société Garage Sylvestre, en raison notamment de son comportement malhonnête pendant les opérations d'audit, ayant consisté à oeuvrer pour dissimuler les éléments de preuve nécessaires à cet audit, lequel constituait une faute grave, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à la l'ordonnance du 10 février 2016.

3) Alors que l'exécution frauduleuse d'un contrat au détriment d'une partie justifie que celle-ci résilie le contrat qui lui a succédé et dont il n'est que la continuation ; qu'en l'espèce il était constant que la société garage Sylvestre avait gravement fraudé aux droits de la société Automobiles Citroën en se faisant rembourser de nombreuses factures fictives lors de l'exécution du précédent contrat ; que cette fraude justifiait la résiliation du contrat en cours qui n'était que la suite et la continuation du contrat au cours duquel la fraude a été consommée au détriment de la société Automobiles Citroën ; qu'en décidant le contraire la cour d'appel a violé les article 1134 et 1184 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

4) Alors, en tout état de cause, que l'indemnisation d'un préjudice ne peut faire l'objet d'une évaluation forfaitaire ; qu'en fixant, sans explication aucune, à 30 000 € le montant du préjudice causé par la résiliation fautive, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-18681
Date de la décision : 03/07/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 27 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 03 jui. 2019, pourvoi n°17-18681


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.18681
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