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25/06/2019 | FRANCE | N°18-81504

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 juin 2019, 18-81504


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Z... P..., partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 4-11, en date du 26 janvier 2018, qui, dans la procédure suivie contre M. Q... I... et Mme R... H..., des chefs d'établissement d'une attestation ou d'un certificat inexact pour le premier et d'usage d'une attestation ou d'un certificat inexact pour la seconde, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 28 mai 2019 où é

taient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure p...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Z... P..., partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 4-11, en date du 26 janvier 2018, qui, dans la procédure suivie contre M. Q... I... et Mme R... H..., des chefs d'établissement d'une attestation ou d'un certificat inexact pour le premier et d'usage d'une attestation ou d'un certificat inexact pour la seconde, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 28 mai 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Lavielle, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

Sur le rapport de M. le conseiller Lavielle, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU et FATTACCINI, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAGAUCHE ;

Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 441-7 1° du code pénal, 2, 591 et 593 du code de procédure pénale, 1382, devenu 1240, du code civil,

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement ayant relaxé M. Q... I... des fins de la poursuite et a, en conséquence, débouté M. Z... P..., partie civile, de ses demandes à l'encontre de M. I...,

"1°) alors que commet une faute, ouvrant droit pour la partie civile à la réparation de ses préjudices, le prévenu qui établit une attestation faisant état de faits matériellement inexacts ; que cette faute suppose l'affirmation de faits matériels présentés comme indiscutables ; que l'attestation rédigée par le prévenu était ainsi rédigée : « M. Z... P... est atteint d'une maladie organique que le secret professionnel m'interdit de révéler, et ce d'autant que je suis médecin, et que je ne suis pas son médecin. Cette maladie grave devrait être recherchée par les Experts psychiatriques car cette maladie, ainsi que les traitements qu'elle requiert, ont des conséquences psychiatriques sur les patients. Je poursuis pour attester que M. Z... P... a battu violemment le père de Mme H... âgé de 80 ans. M. Z... P... est un individu dangereux pour lui-même, pour son épouse et pour ses enfants. Il me paraît important de prendre en compte ces faits objectifs médicaux et psychiatriques dont souffre M. Z... P... et ce d'autant que son frère a quitté le domicile familial en raison d'un climat pathogène sur le plan psychique » ; que cette attestation faisait état de faits matériels présentés comme indiscutables, à savoir la maladie de M. P..., les répercussions psychiatriques de cette maladie le rendant dangereux, les faits de violence commis par ce dernier et le départ de son frère du domicile en raison de l'ambiance qui y régnait ; qu'en jugeant pourtant, pour refuser de rentrer en voie de condamnation, que cette attestation se bornait à décrire l'inquiétude de M. I..., médecin, par rapport au comportement du mari de sa collègue, ou encore qu'il était fait état de sentiment et non de fait objectif, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;

"2°) alors que commet une faute, ouvrant droit pour la partie civile à la réparation de ses préjudices, le prévenu qui établit une attestation faisant état de faits matériellement inexacts ; que cette faute est caractérisée dès lors que le signataire d'une attestation n'a pas eu personnellement connaissance des faits qu'il atteste avoir constatés ; que dans son attestation, le prévenu attestait avoir constaté la maladie de M. P... et ses répercussions psychiatriques le rendant dangereux ; qu'en refusant de rentrer en voie de condamnation, sans mieux constater que M. I..., médecin, qui n'avait jamais été le médecin de M. P..., avait eu personnellement connaissance de ces faits qu'il prétendait avoir constatés, et sans rechercher s'il ne s'était pas borné sur ce point à rapporter, sans l'expliciter dans son attestation, les propos de Mme H... ou de tiers, peu important que les faits relatés soient ou non exacts, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"3°) alors que commet une faute, ouvrant droit pour la partie civile à la réparation de ses préjudices, le prévenu qui établit une attestation faisant état de faits matériellement inexacts ; que cette faute est caractérisée dès lors que le signataire d'une attestation n'a pas eu personnellement connaissance des faits qu'il atteste avoir constatés ; que dans son attestation, le prévenu attestait avoir constaté, d'une part, des violences exercées par M. P... sur le père de Mme H..., d'autre part, le départ du frère de M. P... du domicile familial en raison du climat pathogène sur le plan psychique qui y régnait ; qu'en refusant de rentrer en voie de condamnation, sans mieux constater que le M. I..., médecin, avait eu personnellement connaissance de ces faits qu'il prétendait avoir constatés, et sans rechercher s'il ne s'était pas borné sur ce point à rapporter, sans l'expliciter dans son attestation, les propos de Mme H... ou de tiers, peu important que les faits relatés soient ou non exacts, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"4°) alors que commet une faute, ouvrant droit pour la partie civile à la réparation de ses préjudices, le prévenu qui établit une attestation faisant état de faits matériellement inexacts ; que cette faute n'exige pas la preuve de l'existence d'un préjudice de la victime ; qu'en relevant dès lors que M. P... ne justifiait d'aucun préjudice, motif impropre à exclure la faute dénoncée, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;

"5°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux conclusions des parties ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ; qu'en se bornant, pour énoncer que M. P... ne justifiait d'aucun préjudice, à relever l'absence de mention de l'attestation litigieuse dans la décision de divorce et le fait que l'inquiétude de chaque parent et les incertitudes ressenties au vu des témoignages produits par l'adversaire soient inhérentes à un divorce conflictuel, motifs impropres à exclure, d'une part, le caractère préjudiciable de cette inquiétude, d'autre part, le caractère préjudiciable de l'humiliation qui avait été ressentie à la lecture de l'attestation litigieuse, dont il était demandé réparation, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 441-7 3° du code pénal, 2, 591 et 593 du code de procédure pénale, 1382, devenu 1240, du code civil,

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement ayant relaxé Mme H... des fins de la poursuite et a, en conséquence, débouté M. P..., partie civile, de ses demandes à l'encontre de Mme H...,

"1°) alors que commet une faute, ouvrant droit pour la partie civile à la réparation de ses préjudices, le prévenu qui fait usage d'une attestation inexacte ; que le premier moyen a démontré que c'est à tort qu'il a été jugé que M. I... n'avait pas établi d'attestation inexacte ayant causé un préjudice à la partie civile ; que dès lors que Mme H... a fait usage de cette attestation en justice, la cassation à intervenir du chef du premier moyen justifie la cassation du chef de dispositif attaqué par le présent moyen ;

"2°) alors que commet une faute, ouvrant droit pour la partie civile à la réparation de ses préjudices, le prévenu qui fait usage d'une attestation inexacte ; que cette faute est caractérisée à chaque fois que le prévenu, qui produit l'attestation en justice, sait que l'auteur de l'attestation n'a pas eu personnellement connaissance des faits qu'il atteste avoir constatés ; qu'en refusant de rentrer en voie de condamnation contre Mme H..., faute d'élément intentionnel, sans rechercher si cette dernière ne savait pas pertinemment que M. I... n'avait pas eu personnellement connaissance des faits qu'il attestait avoir constatés, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de procédure que dans le cadre du divorce de M. P... et de Mme H..., cette dernière a fait verser une attestation établie par M. I..., médecin, dont M. P... a saisi le conseil de l'Ordre des médecins qui, ayant relevé que M. I..., avait établi « un certificat tendancieux et de complaisance », de sorte qu'il avait « méconnu, de façon particulièrement grave, les obligations déontologiques qui s'imposent à un médecin », a prononcé contre lui une peine d'interdiction d'exercer avec sursis; que dans un second temps, M. P... a fait citer M. I... devant le tribunal correctionnel pour établissement d'une attestation ou d'un certificat inexact et Mme H... pour son usage ; que les juges du premier degré ont relaxé les prévenus des fins de la poursuite ; que M. P... a relevé appel des dispositions civiles de cette décision ;

Attendu que, pour confirmer le jugement en ses dispositions civiles, l'arrêt retient, en ce qui concerne M. I..., que la mesure disciplinaire prononcée par le conseil de l'Ordre des Médecins vise à appeler les praticiens à une grande prudence et au respect strict de leur déontologie et ne saurait en aucun cas caractériser une faute civile ; que les juges ajoutent que l'attestation contestée se borne à faire état de troubles psychiatriques associés à certaines pathologies et accentués par des traitements médicaux spécifiques et que les pièces produites démontrent la conviction de certains spécialistes, même si d'autres praticiens ont des avis contraires ; qu'ils en concluent que M. P... ne démontre aucune faute civile à l'encontre de M. I..., médecin, qui s'est borné à décrire son inquiétude par rapport au comportement du mari de sa collègue ; que s'agissant de Mme H..., l'arrêt énonce qu'elle a, de façon usuelle, produit plusieurs attestations dans le cadre du divorce conflictuel qui l'opposait à son ex-époux, lors d'une procédure contradictoire au cours de laquelle son mari a pu répondre et produire lui-même d'autres témoignages à l'appui de ses arguments ; qu'ils en concluent que M. P... ne démontre pas davantage une quelconque faute civile à son encontre ;

Attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, procédant de son appréciation souveraine, et dès lors que l'établissement d'une fausse attestation et son usage ne sauraient être retenus en l'absence de la démonstration d'une mention de faits matériellement inexacts, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-cinq juin deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 18-81504
Date de la décision : 25/06/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 26 janvier 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 25 jui. 2019, pourvoi n°18-81504


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.81504
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