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20/06/2019 | FRANCE | N°18-15914

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 20 juin 2019, 18-15914


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 mars 2018), que, par acte du 18 décembre 2012, la société Compagnie foncière Alpha, propriétaire de locaux commerciaux dépendants d'un immeuble soumis au statut de la copropriété, a consenti à la société Maison Perrin, cessionnaire du fonds de commerce exploité dans les lieux, le renouvellement du bail dont était titulaire la cédante ; que celle-ci l'a assignée en contestation des régularisations de charges, restitution de provisions sur charg

es versées et fixation du montant des provisions pouvant être appelées ;
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 mars 2018), que, par acte du 18 décembre 2012, la société Compagnie foncière Alpha, propriétaire de locaux commerciaux dépendants d'un immeuble soumis au statut de la copropriété, a consenti à la société Maison Perrin, cessionnaire du fonds de commerce exploité dans les lieux, le renouvellement du bail dont était titulaire la cédante ; que celle-ci l'a assignée en contestation des régularisations de charges, restitution de provisions sur charges versées et fixation du montant des provisions pouvant être appelées ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu que, pour dire que les honoraires de gestion n'étaient pas dus par le preneur, l'arrêt retient que les honoraires du mandataire du bailleur ne sont pas mis à la charge du preneur aux termes du bail commercial ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le bail stipulait que le preneur devait rembourser au bailleur les honoraires de gestion, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de l'acte, a violé le principe susvisé ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation sur le premier moyen entraîne l'annulation, par voie de conséquence, des dispositions qui sont critiquées par ce moyen ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute la société Maison Perrin de sa demande de condamnation sous astreinte à faire cesser tout empiètement, l'arrêt rendu le 8 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne la société Maison Perrin aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Maison Perrin et la condamne à payer à la société Compagnie foncière Alpha la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société Compagnie foncière Alpha

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé partiellement le jugement rendu le 12 janvier 2017 par le tribunal de grande instance de Grasse puis, « statuant sur le tout pour plus de clarté » d'avoir ordonné au bailleur de restituer à la société Maison Perrin la somme de 6.325,13 euros versée par cette dernière au titre de l'exécution provisoire attachée au jugement en date du 12 janvier 2017, dit que la société Compagnie foncière Alpha ne peut répercuter le coût des honoraires de gestion de son mandataire sur la société Maison Perrin et débouté toutes autres demandes en régularisation de charges,

Aux motifs qu'il convient de rappeler qu'en suite de l'acquisition par la société Maison Perrin du fonds de commerce appartenant à la société Ravioli Perrin, la société Maison Perrin et la société Compagnie foncière Alpha ont décidé de mettre un terme au bail précédent et de conclure un nouveau bail prévoyant un loyer légèrement supérieur au loyer dû par le prédécesseur ; que le fait qu'il ait été stipulé que le bail du 18 décembre 2012 annule et remplace le bail précédent s'explique notamment par la volonté du bailleur d'harmoniser l'ensemble des baux ; que dans le bail du 1er mars 1997, la clause relative au remboursement des charges était imprécise mais prévoyait une provision de 400 francs par mois ; que dans le bail du 18 décembre 2012, le bailleur a simplement voulu préciser le contenu des charges sans toutefois les aggraver par rapport à la rédaction précédente ; qu'en effet, l'article 17.3 du bail de 2012 précise que le montant des provisions sur charges s'élève à la somme de 65,55 euros par mois ; que toutefois, à compter de mars 2013, la provision sur charges initialement fixée à 65,55 euros par mois a été portée à la somme mensuelle de 120 euros sans que le bailleur ne justifie d'une telle augmentation, puis à celle de 230 euros à compter du 1er décembre 2014 ; qu'il ne peut être sérieusement soutenu par le bailleur que cette augmentation serait due en raison du nouveau bail signé le 18 décembre 2012 ; que de telles augmentations des provisions sur charges conduirait à mettre à la charge du preneur des charges qui ne lui incombent pas aux termes des dispositions contractuelles ; que plus spécialement, les honoraires de gestion du mandataire au taux de 7 % ne sont nullement imputables au preneur aux termes du bail commercial et ont été refacturées à tort à la société Maison Perrin pour un montant de 1.108,87 euros pour l'exercice 2012 et 1.151,44 euros au titre de l'exercice 2013 ; que par ailleurs, le bailleur n'est nullement en mesure de justifier de nouvelles dépenses engagées dans la copropriété, conformes aux dispositions de l'article 17 du bail commercial, les décomptes de charges fournis n'en attestant nullement ; que compte-tenu de l'absence de changement dans les termes du bail commercial de renouvellement de 2012 par rapport au bail de 1997 dont bénéficiait la société Ravioli Perrin, de l'imprécision des termes de régularisation des charges et de l'absence de justification importante des charges en trois ans, c'est à juste titre que le jugement du 12 janvier 2017 a fait droit à la demande de la société Maison Perrin visant à voir fixer le montant de la provision sur charges due au titre du bail à hauteur de la somme mensuelle de 65,55 euros ; que toute somme supérieure n'est pas due ; qu'il convient de préciser que les régularisations de charges par le bailleur pour un montant total de 6.625,13 euros ne sont pas dues par la société Maison Perrin, le bailleur en conservant la charge ; qu'il convient d'ordonner au bailleur de restituer à la société Maison Perrin la somme de 6.325,13 euros versée par cette dernière au titre de l'exécution provisoire attachée au jugement en date du 12 janvier 2017,

Alors en premier lieu que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'il était stipulé aux termes de l'article 17 du contrat de bail en date du 18 décembre 2012 conclu entre la société Compagnie foncière Alpha et la société Maison Perrin, intitulé « Charges, prestations et taxes » que : « 17.1 : Le Preneur remboursera au Bailleur, les charges, prestations et taxes suivantes au prorata de la surface des locaux : (
) honoraires de gestion et syndic de l'immeuble (
). 17.2 : Il est précisé que la répartition des charges afférentes aux locaux loués sera effectuée en fonction des surfaces, soit au prorata des tantièmes attribués aux locaux en ce qui concerne les charges générales » ; qu'il était ainsi convenu entre les parties que les honoraires de gestion étaient mis à la charge de la société Maison Perrin ; qu'en retenait au contraire que les honoraires de gestion du mandataire du bailleur au taux de 7 % n'étaient nullement imputables au preneur aux termes du bail commercial et avaient été refacturés à tort à la société Maison Perrin pour un montant de 1.108,87 euros pour l'exercice 2012 et 1.151,44 euros au titre de l'exercice 2013, la cour d'appel a dénaturé l'article 17 de la convention de bail en date du 18 décembre 2012 et a violé le principe susvisé,

Alors en deuxième lieu que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'aux termes de l'article 17 du contrat de bail en date du 18 décembre 2012 conclu entre la société Compagnie foncière Alpha et la société Maison Perrin, intitulé « Charges, prestations et taxes : « 17.1 : Le Preneur remboursera au Bailleur, les charges, prestations et taxes suivantes au prorata de la surface des locaux : (
) honoraires de gestion et syndic de l'immeuble (
). 17.2 : Il est précisé que la répartition des charges afférentes aux locaux loués sera effectuée en fonction des surfaces, soit au prorata des tantièmes attribués aux locaux en ce qui concerne les charges générales. 17.3 : Ces remboursements seront faits au Bailleur en même temps que chacun des termes de loyer au moyen d'acomptes provisionnels, le compte étant soldé une fois l'an. A ce jour, le montant de l'acompte provisionnel s'élève à 65,55 € par mois hors taxes » ; que cette dernière stipulation avait pour seul objet de rappeler le montant de l'acompte provisionnel mensuel dû par le preneur au jour de la conclusion du contrat puis de formuler le principe d'une reddition des comptes intervenant chaque année, sans fixer pour l'avenir le montant de la provision pour charges à la somme de 65,55 € par mois hors taxes ; qu'en retenant que le bail avait simplement voulu préciser le contenu des charges, sans toutefois les aggraver par rapport à la rédaction précédente, pour la raison que l'article 17.3 du bail de 2012 précisait que le montant des provisions sur charges s'élevait à la somme de 65,55 euros par mois, la cour d'appel a dénaturé l'article 17 de la convention de bail du 18 décembre 2012 et a violé le principe susvisé,

Alors en troisième lieu que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en énonçant que dans le bail du 18 décembre 2012, le bailleur a simplement voulu préciser le contenu des charges, sans toutefois les aggraver par rapport à la rédaction précédente figurant dans le bail conclu le 1er mars 1997, sans rechercher, bien qu'y ayant été invitée, si la société Ravioli Perrin n'avait pas supporté elle aussi les honoraires de gestion de l'immeuble et le montant desdits honoraires qui figuraient expressément dans les redditions de charges adressées par le bailleur de sorte qu'en acquérant le 18 décembre 2012 le fonds de commerce de la société Ravioli Perrin, la société Maison Perrin avait nécessairement pris connaissance du montant desdits honoraires de gestion contractuellement mis à la charge du preneur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016,

Alors en quatrième lieu que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en énonçant tout à la fois « qu'en suite de l'acquisition par la société Maison Perrin du fonds de commerce appartenant à la société Ravioli Perrin, la société Maison Perrin et la société Compagnie foncière Alpha ont décidé de mettre un terme au bail précédent et de conclure un nouveau bail prévoyant un loyer légèrement supérieur au loyer dû par le prédécesseur » et qu'il devait être tenu compte « de l'absence de changement dans les termes du bail commercial de renouvellement de 2012 par rapport au bail de 1997 dont bénéficiait la société Ravioli Perrin », la cour d'appel s'est contredite en violation de l'article 455 du code de procédure civile,

Alors en cinquième lieu que dans ses conclusions d'appel la société Compagnie foncière Alpha faisait valoir qu'en vertu des clauses du bail conclu le 18 novembre 2012 la société Maison Perrin devait prendre en charge, au prorata des millièmes correspondants au lot pris à bail, le coût des travaux d'entretien de la toiture au titre de l'exercice 2014/2015 soit une somme totale de 210,09 € (3388,67 € / 1000 x 62) ; qu'en énonçant que le bailleur n'était nullement en mesure de justifier de nouvelles dépenses engagées dans la copropriété conformes aux dispositions de l'article 17 du bail commercial sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé partiellement le jugement rendu le 12 janvier 2017 par le tribunal de grande instance de Grasse puis, « statuant sur le tout pour plus de clarté » d'avoir fixé le montant de la provision mensuelle sur charges due au titre du bail à hauteur de la somme mensuelle de 65,55 euros,

Aux motifs propres que le bailleur n'est nullement en mesure de justifier de nouvelles dépenses engagées dans la copropriété, conformes aux dispositions de l'article 17 du bail commercial, les décomptes de charges fournis n'en attestant nullement ; que compte-tenu de l'absence de changement dans les termes du bail commercial de renouvellement de 2012 par rapport au bail de 1997 dont bénéficiait la société Ravioli Perrin, de l'imprécision des termes de régularisation des charges et de l'absence de justification importante des charges en trois ans, c'est à juste titre que le jugement du 12 janvier 2017 a fait droit à la demande de la société Maison Perrin visant à voir fixer le montant de la provision sur charges due au titre du bail à hauteur de la somme mensuelle de 65,55 euros ; que toute somme supérieure n'est pas due ; qu'il convient de préciser que les régularisations de charges par le bailleur pour un montant total de 6.625,13 euros ne sont pas dues par la société Maison Perrin, le bailleur en conservant la charge ; qu'il convient d'ordonner au bailleur de restituer à la société Maison Perrin la somme de 6.325,13 euros versée par cette dernière au titre de l'exécution provisoire attachée au jugement en date du 12 janvier 2017 ; et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que la société Maison Perrin soutient que son bailleur ne pouvait pas valablement demander la fixation de la provision sur charges mensuelles à hauteur de 120 € par mois à compter du mois de mars 2013, puis de 230 € par mois à compter du 1er décembre 2014 compte tenu du fait que les frais de gestion du bien n'ont pas lieu d'être mis à sa charge et que la société Foncière Alpha n'a pas été en mesure de justifier des nouvelles dépenses engagées dans la copropriété et ayant donné lieu à cette hausse ; qu'elle sollicite en conséquence la fixation de ces charges à 65,55 € HT ; qu'il convient de rappeler qu'aucune disposition ne prohibe, dans le cadre d'un contrat de bail commercial, la libre fixation du montant des charges ; qu'en l'espèce, dans le cadre de la signature du contrat renouvelé les parties se sont accordées sur la fixation d l'acompte provisionnel à hauteur de 65,55 € par mois HT ; que la facture datée du 30 octobre 2014 adressée par la société Antareal à la société Maison Perrin porte une mention indiquant que la nouvelle provision sur charges à compter du 1er décembre 2014 sera de 230 € ; qu'au vu de cet élément, en l'absence de justification de la hausse du montant de la provision sur charge alors que celle-ci avait été contractuellement déterminée, il convient de constater les termes du contrat initial et de faire droit à la demande visant à ce qu'il soit dit que la provision sur charge devra être maintenue à 65,55 € HT chaque mois,

Alors que la cassation qui interviendra inévitablement sur le premier moyen de cassation qui critique l'arrêt en ce qu'il a ordonné au bailleur de restituer à la société Maison Perrin la somme de 6.325,13 euros versée par cette dernière au titre de l'exécution provisoire attachée au jugement en date du 12 janvier 2017, dit que la société Compagnie foncière Alpha ne peut répercuter le coût des honoraires de gestion de son mandataire sur la société Maison Perrin et débouté toutes autres demandes en régularisation de charges, entraînera par voie de conséquence, en application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a fixé le montant Pourvoi V 18-15.914 5 de la provision mensuelle sur charges due au titre du bail à hauteur de la somme mensuelle de 65,55 euros.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-15914
Date de la décision : 20/06/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 08 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 20 jui. 2019, pourvoi n°18-15914


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Delvolvé et Trichet, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.15914
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