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20/06/2019 | FRANCE | N°18-14995

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 20 juin 2019, 18-14995


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 682 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 30 janvier 2018), que MM. E... et D... K... (les consorts K...), propriétaires dans la copropriété Résidence [...] de cinq garages situés dans une cour intérieure, ont assigné la SCI [...], ainsi que leur syndicat des copropriétaires, en rétablissement d'une servitude conventionnelle de passage grevant le fonds voisin de la SCI ;

Attendu que, pour déclarer cette servitude éteinte

par prescription, l'arrêt, après avoir relevé qu'aucun usage du passage n'était établ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 682 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 30 janvier 2018), que MM. E... et D... K... (les consorts K...), propriétaires dans la copropriété Résidence [...] de cinq garages situés dans une cour intérieure, ont assigné la SCI [...], ainsi que leur syndicat des copropriétaires, en rétablissement d'une servitude conventionnelle de passage grevant le fonds voisin de la SCI ;

Attendu que, pour déclarer cette servitude éteinte par prescription, l'arrêt, après avoir relevé qu'aucun usage du passage n'était établi depuis la création de la servitude en 1968, retient que l'immeuble de la SCI n'était alors pas construit, de sorte que la servitude conventionnelle ne résultait pas d'une situation d'enclave préexistante, et qu'aucune protestation n'avait été élevée avant 1998 pour dénoncer la création d'un état d'enclave ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs insuffisants à établir que le fonds dominant avait une issue suffisante sur la voie publique et n'était pas enclavé lors de la constitution de la servitude, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne la SCI [...] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCI [...] et la condamne à payer à MM. E... et D... K... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour MM. E... et D... K....

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré éteinte par le non-usage pendant trente ans la servitude conventionnelle de passage revendiquée par MM. E... et D... K... et instaurée par l'acte de vente authentique du 24 janvier et du 8 septembre 1968 ;

AUX MOTIFS QUE sur l'objet de la servitude, les consorts K... ont acquis les lots en litige par un acte authentique du 15 septembre 2010 qui désigne spécifiquement les lots 18, 19, 20, 21, 22, sous une appellation « garage », affectés d'un nombre de millièmes de la propriété du sol et des parties communes générales de la copropriété de l'immeuble, avec la référence à un état descriptif de division et un règlement de copropriété du 9 novembre 1970, ainsi que la retranscription d'une servitude résultant d'un acte authentique du 8 septembre 1968 ; que la retranscription stipule notamment : « les vendeurs auront également le droit à l'usage des parkings prévus au plan de permis de construire dont un exemplaire restera annexé aux présentes ; l'acquéreur aura un droit de passage sur la partie d'immeuble restant au vendeur ; ce droit de passage s'exercera sur une largeur de 2,80 m et partira de la [...] pour aboutir à la cour de l'immeuble vendu ; cette servitude est figurée sur le plan dressé annexé aux présentes » ; que le vendeur déclare que la copropriété n'a ni syndic ni président nommé par les copropriétaires ; que la cour observe que la transcription exacte de la servitude énoncée dans l'acte de 1968, versé par ailleurs au débat pour toute vérification précise, stipule un droit de passage sur une largeur de 2,80 m sans autre précision qu'un usage de parkings ; qu'elle observe également que les huit plans annexés à l'acte de 1968 visés par l'acte d'acquisition de 2010 ne portent aucune mention identifiable de description de la servitude, et encore moins d'un usage prévu de garage de voitures, et que l'exemplaire de plan de permis de construire prétendu annexé à l'acte d'acquisition de 2010 n'est pas produit ; que le règlement de copropriété du 9 novembre 1970 désigne dans le tableau récapitulatif les lots en litige en nature de « garage » ; que ces documents ne permettent pas de démontrer une identification certaine de l'objet de la servitude d'un passage de voitures, alors que les consorts K... ne produisent aucune pièce particulière supplémentaire pour en rapporter la preuve, et alors qu'il est établi par des attestations qui ne sont pas contredites qu'il n'a jamais été fait usage des lots pour un garage de voitures depuis la construction immobilière en 1968 ; que la cour observe que ni les photographies produites dans le procès-verbal d'huissier du 30 octobre 2017, ni celles mises en annexe du rapport d'expertise judiciaire, ne présentent une configuration de nature à supposer raisonnablement un usage de garage de voitures, mais au mieux de box de rangement ; qu'il en résulte que le contenu de la servitude revendiquée ne peut être qualifié au-delà d'un droit de passage sur une largeur de 2,80 m depuis la rue jusqu'à des emplacements qualifiés parkings dans la cour de l'immeuble ;

ET AUX MOTIFS QUE, sur le droit d'invoquer la servitude, en application de l'article 706 du code civil la servitude est éteinte par un non usage pendant trente ans ; que les consorts K... n'offrent pas de contredire l'argument de prescription par un quelconque élément de preuve d'un usage de la servitude revendiquée pendant une période de trente ans suivant la création de la servitude dans l'acte de 1968, qu'il s'agisse d'un passage de voitures ou seulement de passage à pied ou d'un quelconque usage d'un passage d'une largeur de 2,80 m ; qu'ils ne sont pas fondés à opposer à la prescription qu'il s'agirait d'une servitude légale fondée sur l'état d'enclave alors qu'ils conviennent eux-mêmes que l'immeuble de la SCI [...] n'était pas construit au moment de l'instauration en 1968 de la servitude qui ne pouvait donc pas résulter d'une situation d'enclave, et n'établissent pas qu'un précédent propriétaire ait avant 1998 protesté contre une création de situation d'enclave de nature à porter atteinte au droit de passage vers les box en litige ; que la cour infirme en conséquence le premier juge en ce qu'il écarte la prescription au motif d'un droit à un désenclavement ;

ALORS, D'UNE PART, QU' à la différence de l'assiette du passage, le droit découlant de la servitude de passage accordé par la loi en cas d'enclave ne s'éteint pas par le non-usage ; qu'en déboutant MM. D... et E... K... de leurs demandes tendant à voir constater l'existence d'une servitude de passage leur permettant d'avoir accès par véhicules à leurs garages constituant les lots 18, 19, 20, 21, 22 de la copropriété Résidence [...], au motif que la servitude conventionnelle se trouvait éteinte du fait d'un non-usage trentenaire (arrêt attaqué, p. 8 in fine), sans rechercher, comme il le lui était demandé (conclusions d'appel des exposants signifiées le 20 novembre 2017, notamment p. 4, alinéa 5, p. 5, alinéa 2 et p. 13), si les parcelles en cause étaient enclavées, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 682 du code civil ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE dans leurs écritures d'appel (conclusions signifiées le 20 novembre 2017, notamment p. 4, alinéa 5, p. 5, alinéa 2 et p. 13), MM. D... et E... K... faisaient valoir que les garages dont ils sont propriétaires se trouvaient dans une cour enclavée ; qu'en s'abstenant de répondre clairement à ces conclusions invoquant l'existence d'une situation d'enclave objective, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, ENFIN, QUE le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner ; que dans leurs écritures d'appel (conclusions signifiées le 20 novembre 2017, notamment p. 4, alinéa 5, p. 5, alinéa 2 et p. 13), MM. D... et E... K... invoquaient à titre principal l'état d'enclave des parkings en cause et sollicitaient par conséquent le bénéfice de la servitude légale de passage ; qu'en énonçant que « l'immeuble de la SCI [...] n'était pas construit au moment de l'instauration en 1968 de la servitude qui ne pouvait donc pas résulter d'une situation d'enclave » et que MM. K... « n'établissent pas qu'un précédent propriétaire ait avant 1998 protesté contre une création de situation d'enclave de nature à porter atteinte au droit de passage vers les box en litige » (arrêt attaqué, p. 8, alinéa 3), cependant que ces considérations ne sont en aucune manière de nature à exclure l'existence de l'état d'enclave objective invoquée par les exposants, la cour d'appel qui s'est déterminée par une motivation inopérante a privé sa décision de base légale au regard de l'article 682 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-14995
Date de la décision : 20/06/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 30 janvier 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 20 jui. 2019, pourvoi n°18-14995


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP L. Poulet-Odent

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.14995
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