LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 juin 2019
Cassation partielle
Mme FLISE, président
Arrêt n° 853 FS-P+B+I
Pourvoi n° U 18-11.934
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par M. U... X..., domicilié [...], contre l'arrêt rendu le 7 décembre 2017 par la cour d'appel de Versailles (21e chambre - renvoi après cassation), dans le litige l'opposant :
1°/ à la caisse de mutualité sociale agricole d'Ile-de-France, dont le siège est [...],
2°/ à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, dont le siège est [...],
3°/ à l'Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés, dont le siège est [...],
4°/ à l'Association générale des institutions de retraite des cadres groupe Malakoff, dont le siège est [...], défenderesses à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 22 mai 2019, où étaient présents : Mme Flise, président, Mme Brinet, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, MM. Cadiot, Decomble, Mmes Vieillard, Taillandier-Thomas, Coutou, conseillers, Mmes Palle, Le Fischer, M. Gauthier, Mmes Vigneras, Dudit, conseillers référendaires, Mme Nicolétis, avocat général, Mme Szirek, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Brinet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. X..., de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la caisse de mutualité sociale agricole d'Ile-de-France, l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Met hors de cause la caisse de mutualité sociale agricole d'Ile-de-France ;
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu les articles L. 351-1, L. 351-14, R. 351-1 et R. 351-10 du code de la sécurité sociale, rendus applicables aux personnes salariées des professions agricoles par les articles L. 742-3 et R. 742-19 du code rural et de la pêche maritime, et l'article D. 724-9, devenu l'article R. 724-9 du même code, dans leur rédaction applicable au litige, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu après cassation (2e Civ., 18 septembre 2016, n° 15-15.103), que la caisse de mutualité sociale agricole d'Ile-de-France (la CMSA) a attribué une pension de retraite à compter du 1er juin 2007 à M. X... (l'assuré), après que l'intéressé a procédé au rachat de huit trimestres de cotisations de retraite au titre d'une activité agricole ; que la Caisse nationale d'assurance vieillesse (la CNAV) lui a également notifié, le 24 mai 2007, l'attribution d'une retraite personnelle ; qu'à la suite d'un contrôle a posteriori des rachats effectués, la CMSA a annulé les huit trimestres de cotisations attribués au cotisant et a sollicité le remboursement des sommes versées depuis le 1er juin 2007 ; que la CNAV a notifié le 19 mai 2010 au cotisant l'annulation de sa retraite personnelle à la suite de la modification de son relevé de carrière, et lui a réclamé le remboursement d'un trop-perçu pour la période du 1er juin 2007 au 30 avril 2010 ;
Attendu qu'après avoir retenu que l'annulation par la CMSA du rachat des cotisations par M. X... était entaché de nullité, l'arrêt retient, pour déclarer irrecevable la demande de ce dernier aux fins de rétablissement dans ses droits à la retraite à l'égard de la CNAV et de condamnation de celle-ci au remboursement des prestations servies du 1er juin 2007 au 30 avril 2010, que l'action en contestation de la décision par l'intéressé, qui ne justifie pas avoir saisi la commission de recours amiable dans le délai de deux mois après la notification de la décision de la caisse, est forclose ;
Qu'en statuant ainsi, tout en annulant la décision d'annulation du rachat de cotisations prise par la CMSA, ce dont il résultait que la décision d'annulation de la pension de retraite prise la CNAV était privée de fondement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de M. X... de rétablissement dans ses droits à retraite à l'égard de la Caisse nationale d'assurance vieillesse et de condamnation de la Caisse nationale d'assurance vieillesse au remboursement des sommes perçues à titre de remboursement d'indu, déclaré recevable la demande de remboursement de l'indu de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, condamné M. X... à payer à la Caisse nationale d'assurance vieillesse la somme de 17 360,59 euros au titre des remboursements des prestations de retraite qui lui ont été versées du 1er juin 2007 au 30 avril 2010, l'arrêt rendu le 7 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la Caisse nationale d'assurance vieillesse aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse de mutualité sociale agricole d'Ile-de-France et condamne la Caisse nationale d'assurance vieillesse à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. X...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, statuant sur renvoi après cassation, d'avoir condamné un assuré social (M. X..., l'exposant) à rembourser à une caisse de retraite (la Caisse nationale d'assurance vieillesse) un indu de 17 360,59 € ;
AUX MOTIFS, propres et adoptés, QUE, par décision du 19 mai 2010, la CNAV avait procédé à l'annulation de la retraite de M. X... et déterminé un trop-perçu de 38 822,31 € ; que la lettre de notification précisait l'obligation pour l'assuré de saisir la commission de recours amiable dans le délai de deux mois à compter de cette notification ; que M. X..., qui, dans ses conclusions, reconnaissait avoir reçu la demande de remboursement du 19 mai 2010, ne justifiait pas avoir saisi la commission de recours amiable dans le délai de deux mois prévu à l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale, de sorte que sa contestation de la décision de la CNAV était effectivement forclose ; que la CNAV demandait, de son côté, la condamnation de M. X... à lui payer la somme de 17 360,59 € représentant le solde arrêté au 18 octobre 2017 6 de la retraite à lui versée ; que cette demande de remboursement d'indu n'avait pas le même objet que celle qui avait été soutenue par la CNAV en qualité de partie civile devant les juridictions pénales, qui constituait une demande d'indemnisation des conséquences d'une infraction pénale dont elle se prétendait victime ; qu'en conséquence, le rejet de la demande de la CNAV par le tribunal correctionnel, puis par la cour d'appel de Paris à la suite de la relaxe prononcée à l'égard de M. X..., ne rendait pas irrecevable la demande de la caisse devant les juridictions de sécurité sociale ; que, étant forclos pour contester la décision de la CNAV, M. X... n'était pas recevable à contester le montant qui lui était réclamé aux termes de cette décision, y compris en invoquant une prescription ; qu'il devait donc être fait droit à la demande en paiement de la CNAV pour son entier montant, soit 17 360,59 € (v. arrêt attaqué, p. 9, alinéas 2 à 6) ; que, par courrier du 19 mai 2010, la CNAV avait notifié à M. X... l'annulation de sa retraite personnelle à la suite de la modification de son relevé de carrière ; que M. X... ne contestait pas avoir reçu cette notification à la suite de laquelle il avait déposé un nouveau dossier de demande de retraite personnelle, un échéancier étant alors mis en place pour le remboursement du trop-perçu ; que, dans ces conditions, la contestation formée par M. X... à l'encontre de la décision de la CNAV était forclose, celui-ci n'ayant pas saisi la commission de recours amiable de la CNAV dans le délai fixé à l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale ;
ALORS QUE, d'une part, forclusion opposée à un assuré social ne fait pas échec à ce qu'une décision prise par une caisse de retraite sur fondement d'un acte illégal soit privée d'effet ; que, dans son arrêt du 15 septembre 2016, la Cour de cassation avait d'abord déclaré que, à l'issue d'un contrôle diligenté par la MSA, l'absence de notification d'une lettre d'observations à la personne contrôlée entraînait la nullité du contrôle et de la procédure subséquente ; que, tandis que l'assuré social admettait être forclos à contester la décision de la CNAV du 19 mai 2010 ayant supprimé sa retraite personnelle à la suite de la modification de son relevé de carrière, la Cour régulatrice avait déclaré que la décision attaquée devait être annulée par voie de conséquence en ce qu'elle l'avait condamné à payer un trop-perçu à cet organisme social ; qu'en refusant de priver la décision de la CNAV de ses effets pour la raison que l'assuré social était forclos à la contester, la cour de renvoi a méconnu la portée de l'arrêt de cassation du 15 septembre 2016 et, partant, a violé les articles 625, alinéa 2, du code de procédure civile, D. 724-9 du code rural et de la pêche maritime ainsi que R. 142-1 du code de la sécurité sociale ;
ALORS QUE, d'autre part, l'absence de notification d'une lettre d'observations après un contrôle réalisé par la MSA entraîne la nullité de ce contrôle et de la procédure subséquente ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a relevé que la MSA ne justifiait pas avoir remis à l'assuré social une lettre d'observations et que le non-respect de cette formalité substantielle entraînait la nullité du contrôle et de la procédure subséquente, puis, prenant prétexte de ce que l'assuré était forclos, a refusé d'annuler la décision de la CNAV par laquelle l'organisme social avait privé l'exposant de pension pour la période du 1er janvier 2007 au 1er février 2009 ; qu'en se prononçant de la sorte quand, ayant la procédure annulée pour unique support, la décision de la CNAV était de plein droit entachée de nullité, la cour de renvoi a violé les articles D. 724-9 du code rural et de la pêche maritime ainsi que R. 142-1 du code de la sécurité sociale.