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19/06/2019 | FRANCE | N°18-20883

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 19 juin 2019, 18-20883


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 juin 2018), que, le [...], au cours de l'accouchement de Mme H..., et en raison d'une dystocie des épaules de l'enfant à naître, M. W..., gynécologue obstétricien (le praticien), a effectué des manoeuvres d'urgence obstétricales ; que l'enfant, L... G..., a présenté une paralysie du plexus brachial droit ; qu'une expertise a mis en évidence l'absence de faute du praticien et l'inexistence d'un dysfonctionnement de l'établissement de santé ; que Mme

H..., agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représe...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 juin 2018), que, le [...], au cours de l'accouchement de Mme H..., et en raison d'une dystocie des épaules de l'enfant à naître, M. W..., gynécologue obstétricien (le praticien), a effectué des manoeuvres d'urgence obstétricales ; que l'enfant, L... G..., a présenté une paralysie du plexus brachial droit ; qu'une expertise a mis en évidence l'absence de faute du praticien et l'inexistence d'un dysfonctionnement de l'établissement de santé ; que Mme H..., agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de son fils mineur, a assigné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) en indemnisation ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que l'ONIAM fait grief à l'arrêt de dire que Mme H..., ès qualités, est bien fondée à solliciter l'indemnisation des conséquences de l'accident médical non fautif survenu le [...], de constater que l'état de l'enfant n'est pas consolidé et d'accorder une provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices de celui-ci, alors, selon le moyen, que, pour pouvoir être indemnisés par la solidarité nationale, en application de l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique, les préjudices du patient doivent être imputables, de façon directe et certaine, à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins ; qu'en se bornant à constater que les experts avaient relevé qu'au moment de l'accouchement le défaut du bras avait évoqué une paralysie obstétricale du plexus brachial droit par traumatisme obstétrical, qu'ils n'excluaient pas l'imputabilité de l'accident médical aux manoeuvres obstétricales et que l'enfant ne présentait pas au cours de sa vie intra-utérine et au moment précis de sa naissance d'anomalies qui auraient pu interférer sur la survenue de la paralysie obstétricale et sur le déroulement de l'accouchement, constatations dont il ne résultait aucune certitude quant à l'imputabilité directe de la paralysie du plexus brachial de I... G... à un acte de soins, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique ;

Mais attendu que, si l'accouchement par voie basse constitue un processus naturel, les manoeuvres obstétricales pratiquées par un professionnel de santé lors de cet accouchement caractérisent un acte de soins au sens de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;

Attendu que l'arrêt constate, d'abord, par motifs propres et adoptés, que les experts notent, d'une part, que l'enfant ne présentait pas, au cours de sa vie intra-utérine et au moment précis de sa naissance, d'anomalies qui auraient pu interférer sur la paralysie obstétricale et sur le déroulement de l'accouchement, d'autre part, que la dystocie des épaules est une complication à risque majeur pour l'enfant, telle la lésion du plexus brachial, et que, pour faire face à la dystocie, les manoeuvres les plus fréquemment utilisées sont celles qu'a réalisées le praticien ; qu'il retient, ensuite, que ces manoeuvres, au cours desquelles une traction est exercée sur les racines du plexus et sur la tête foetale, ont engendré la paralysie du plexus brachial ; que la cour d'appel n'a pu qu'en déduire que les préjudices subis par l'enfant étaient directement imputables à un acte de soins ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deuxième, troisième et quatrième branches du moyen :

Attendu que l'ONIAM fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que la condition d'anormalité du dommage prévue par l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique, doit être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie de manière suffisamment probable en l'absence de traitement et, dans le cas contraire, les conséquences de l'acte médical ne peuvent être considérées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ; qu'en déterminant la probabilité de survenance du dommage au regard de la probabilité que la lésion du plexus brachial entraîne des séquelles permanentes, et non au regard de la probabilité que les manoeuvres obstétricales entraînent une telle lésion, qu'elle a évaluée entre 10 et 25 %, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique ;

2°/ que la probabilité de la survenance du dommage, qui permet de se prononcer sur la condition d'anormalité de celui-ci, doit être appréciée au regard des conditions dans lesquelles l'acte de prévention, de diagnostic ou de soins a été accompli ; qu'en se bornant à relever l'absence de contribution de l'état de la mère et de l'enfant à la survenance du risque de dystocie des épaules, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si le surpoids de la mère n'avait pas rendu plus difficiles les manoeuvres obstétricales et n'avait pas conduit à rendre plus élevé le risque de lésion du plexus brachial de l'enfant, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique ;

3°/ que la contradiction de motifs équivaut à une absence de motif ; qu'en constatant tout à la fois que l'enfant L... G... souffrait de séquelles permanentes, pour en déduire que la probabilité de survenance de ces séquelles était faible, et que l'état de consolidation, pourtant indispensable pour caractériser ces séquelles, n'était pas caractérisé, la cour d'appel a entaché son arrêt d'une contradiction de motifs et donc méconnu l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique que, lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I de ce texte, ou celle d'un producteur de produits n'est pas engagée, l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation de dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état ; que, lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ; que, pour apprécier le caractère faible ou élevé du risque dont la réalisation a entraîné le dommage, il y a lieu de prendre en compte la probabilité de survenance d'un événement du même type que celui qui a causé le dommage et entraînant une invalidité grave ou un décès ;

Attendu qu'après avoir énoncé que le risque issu de la réalisation des manoeuvres obstétricales, constitué par la paralysie du plexus brachial, est notablement moins grave que le décès possible de l'enfant, l'arrêt retient que, si l'élongation du plexus brachial est une complication fréquente de la dystocie des épaules, les séquelles permanentes de paralysie sont beaucoup plus rares, entre 1 % et 2,5 % de ces cas, de sorte que la survenance du dommage présentait une faible probabilité ; que la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, en a exactement déduit, sans se contredire, que l'anormalité du dommage était caractérisée, et que, par suite, l'ONIAM était tenu à indemnisation au titre de la solidarité nationale ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.

Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des maladies nosocomiales.

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que madame H..., en sa qualité de représentante légale de son fils mineur L... G..., est bien fondée à solliciter l'indemnisation par l'ONIAM des conséquences de l'accident médical non fautif survenu le [...] sur le fondement de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, d'avoir constaté que l'état de santé de l'enfant n'est pas encore consolidé et d'avoir condamné en conséquence l'ONIAM à payer à madame H... une provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices subis par celui-ci d'un montant de 288 200 euros ;

Aux motifs propres que l'ONIAM ne discute plus devant la cour que si l'accouchement par voie basse ne constitue pas en soi un acte médical, les manoeuvres effectuées par la sage-femme et le gynécologue obstétricien lors de l'accouchement sont nécessairement regardées comme tel ; que mais il conteste le lien de causalité entre les manoeuvres obstétricales et le plexus brachial ; que, selon les données de l'expertise, en raison d'efforts expulsifs insuffisants, alors que la présentation de l'enfant droite supérieure était engagée, le docteur W... a appliqué une ventouse « au détroit moyen sans problème particulier » ; qu'il est indiqué qu'au « cours du dégagement la tête foetale est restée bloquée à la vulve et le chirurgien a diagnostiqué une dystocie des épaules » ; qu'il a placé les jambes de la patiente en hyperflexion, selon la manoeuvre dite de Mc Roberts en demandant à la sage femme d'exercer une pression sus-pubienne ; qu'en utilisant la manoeuvre dite de Jacquemier, il a ensuite recherché le bras droit postérieur qui était très haut ; que cette manoeuvre s'est avérée difficile mais le bras a été extrait ce qui a permis la naissance de l'enfant qui pesait 3 kg 650 et qui a été pris en charge dans la soirée par le service de pédiatrie en raison du défaut de mobilisation du membre supérieur droit ; qu'après des séances de kinésithérapie, ce diagnostic a été confirmé par un électromyogramme pratiqué le 6 septembre 2010 montrant une paralysie complète du deltoïde et du biceps ; que les experts disent que le défaut de mobilisation du membre supérieur droit a évoqué « une paralysie obstétricale du plexus brachial droit par traumatisme obstétricale » et ajoutent en commentaire que « la dystocie des épaules correspond à la situation où la tête foetale ayant franchi la vulve, les épaules ne s'engagent pas. Il s'agit d'une urgence obstétricale majeure rare » qui se produit dans 0,3 % des accouchements et qui est « le plus souvent imprévisible. Cette complication est à risque majeur pour l'enfant » comme notamment la lésion du plexus brachial ; que, pour faire face à la dystocie, les experts expliquent que de nombreuses manoeuvres sont décrites dont « les plus fréquemment utilisées sont celles qu'a réalisées le docteur W... » comme la manoeuvre de Mc Roberts ou celle de Jacquemier difficiles à réaliser « mais habituellement préconisées face à cette urgence obstétricale » ; que la dystocie des épaules est donc une présentation foetale qui nécessite des manoeuvres urgentes pour permettre l'expulsion de l'enfant et c'est donc la réalisation de ces manoeuvres, dont la manoeuvre de Jacquemier, au cours de laquelle une traction est exercée sur les racines du plexus et sur la tête foetale, qui a engendré la paralysie du plexus brachial ; que le lien de causalité entre les manoeuvres obstétricales, pour lesquelles les experts n'ont relevé aucune anomalie dans la prise en charge du docteur W..., et le plexus brachial que le petit I... G... a présenté à sa naissance, est donc établi ; que l'ONIAM soutient que le poids de la maman, qu'il qualifie de surpoids aurait augmenté les risques de dystocie des épaules pour l'enfant ; que, cependant les experts ont relaté toutes les phases, suivis et tests biologiques de la grossesse, sans souligner que l'état de santé ou le poids de la maman aurait constitué des facteurs d'un tel risque pour l'enfant, dont ils notent qu'il « ne présentait pas au cours de sa vie intra-utérine et au moment précis de sa naissance, d'anomalies qui aurait pu interférer sur la paralysie obstétricale et sur le déroulement des faits » ; que les experts ont précisément répondu à la question soulevée par l'ONIAM en indiquant qu'il « est unanimement reconnu que la prédiction de la dystocie des épaules est très aléatoire et cet événement demeure dans la grande majorité des cas imprévisible » ; que l'argument ainsi développé par l'ONIAM est rejeté ; qu'en application des articles L. 1142-1 et 1142-1-1 du code de la santé publique lorsque la responsabilité d'un professionnel, n'est pas engagée, un accident médical ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par l'article D. 1142-1 du même code à 24 % ; que le caractère non-fautif de l'accident médical dont I... G... a été victime n'est pas contesté pas plus que le seuil de gravité ; que reste en discussion le caractère anormal des conséquences au regard de son état comme de l'évolution prévisible de celui-ci ; que la condition d'anormalité du dommage prévue par les dispositions légales précitées doit être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie de manière suffisamment probable en l'absence de traitement ; que, dans le cas contraire les conséquences de l'acte médical ne peuvent être considérées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ; que, selon les experts, la dystocie des épaules est une complication de l'accouchement qui constitue un risque majeur pour l'enfant comme la lésion du plexus brachial, la survenue des fractures de l'humérus ou de la clavicule ; qu'ils précisent que la dystocie des épaules correspond à une absence d'engagement des épaules du foetus alors que la tête a franchi la vulve ; qu'étant donné que l'accouchement ne peut progresser spontanément, le risque encouru par l'enfant en l'absence d'intervention obstétricale efficace est la survenue de troubles anoxoischémiques (asphyxie péri- natale) et de décès ; que la priorité des intervenants médicaux consiste donc à procéder dans les meilleurs délais à l'expulsion de l'enfant ; que le risque issu de la réalisation des manoeuvres obstétricales, en l'occurrence conformes aux règles de la pratique médicale, à savoir la paralysie du plexus brachial est notablement moins grave que le possible décès de l'enfant ou encore la survenance d'atteintes encéphalopatiques par asphyxie ; que la condition d'anormalité étant exclue, il y a lieu d'évaluer la fréquence de la survenue d'une telle complication, seule la réalisation d'un risque de faible probabilité permettant de caractériser un dommage anormal, ouvrant droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale ; que, pour évaluer cette fréquence de survenue, il convient de s'attacher à la pathologie effective du bébé dans toutes ses composantes et ses conséquences ; qu'en l'espèce, les experts ont écrit en réponse à un dire de l'ONIAM que la fréquence de la survenue de dystocie des épaules est de l'ordre de 3 pour 1 000 pour les accouchements par voie basse ; que la fréquence globale de survenue d'une paralysie du plexus brachial est de l'ordre de un pour 1 000 pour l'ensemble des accouchements ; que cette lésion est permanente une fois sur 10 ; qu'et en cas de dystocie des épaules, ce qui est le cas en l'espèce, la survenue d'une élongation du plexus brachial est de l'ordre de 10 à 25 % selon les articles médicaux avec une fois sur 10 l'existence de séquelles permanentes ; qu'il s'ensuit que si la survenance d'une élongation du plexus brachial est une complication fréquente subie par un enfant ayant présenté au cours de l'accouchement une dystocie des épaules, les séquelles permanentes à type de paralysie sont-elles, beaucoup plus rares, puisque correspondant entre 1 % et 2,5 % de ces cas ; que la faible fréquence de survenue de la permanence des séquelles de la paralysie permet donc de caractériser le dommage anormal subi par I... G... et confirmer le jugement qui a dit que l'ONIAM devait assumer la prise en charge de l'indemnisation ; qu'il est admis que l'état de I... G..., âgé de huit ans n'est pas consolidé et qu'il faudra attendre sa puberté et la fin de son adolescence pour se prononcer sur cette consolidation ; que les experts ont retenu dans son principe un besoin en aide humaine à titre temporaire, assumé par madame H... auprès de son enfant, mais aussi ce possible besoin après consolidation, un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 25 %, des souffrances endurées qualifiées d'assez importantes, avec un préjudice esthétique temporaire mais aussi permanent important, l'existence d'une incidence professionnelle, un déficit fonctionnel permanent qui ne sera pas inférieur à 25 % et un préjudice d'agrément assez important ; que ces données conduisent à confirmer la somme provisionnelle de 288 200 euros allouée par le premier juge à madame H... en sa qualité de représentante légale de son fils mineur I... G... ;

Et aux motifs, à les supposer réputés adoptés des premiers juges, que, sur les demandes d'indemnisation formées à l'encontre de l'ONIAM, par application des dispositions de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : « 1. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du même code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. II. Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au 1 ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire » ; qu'en l'espèce, il résulte des conclusions de l'expertise ordonnée par le juge des référés que l'extraction de l'enfant a été réalisée à l'aide d'une ventouse après dix-huit minutes d'efforts expulsifs restés inefficaces ; qu'il est relevé que la traction n'a pas posé de difficulté particulière et a duré moins de dix minutes ; qu'il est rappelé par les experts que la dystocie des épaules est une situation d'urgence obstétricale qui apparaît lorsqu'après la sortie de la tête de l'enfant, ses épaules ne s'engagent pas et restent bloquées ; que cette complication rare, de l'ordre de 0,3 % des accouchements, reste imprévisible et constitue un risque majeur pour l'enfant, pouvant provoquer des lésions de paralysie du plexus brachial comme en l'espèce, ou encore des troubles anoxo-ischémiques susceptibles d'entraîner le décès de l'enfant ; que les experts ont précisé qu'en présence d'une dystocie des épaules, de nombreuses manoeuvres obstétricales ont été décrites mais les plus fréquemment utilisées sont celles qui ont été réalisées par le docteur Jean W..., en l'espèce la manoeuvre de Mac Roberts puis celle de Jacquemier, afin de rechercher le bras droit postérieur de l'enfant qui a pu être extrait, permettant ainsi la naissance ; que les experts n'ont relevé aucun manquement tant à l'égard du médecin que de la sage-femme s'agissant du suivi de la grossesse et du déroulement de l'accouchement, alors même qu'il n'existait aucun facteur prédictif de dystocie des épaules ; qu'ils n'ont pas davantage constaté d'anomalie s'agissant de la qualité des soins dispensés par la clinique Santa Maria ; qu'il s'agit dès lors d'un accident médical non fautif qui ouvre droit à la réparation des préjudices de la victime au titre de la solidarité nationale sous réserve que les conditions cumulatives fixées par l'article L. 1142-1 du code de la santé publique soient remplies : - une imputabilité directe à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins, -ayant eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentant un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire ; que, sur l'imputabilité directe à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins, il résulte d'une jurisprudence constante que si un accouchement par voie basse ne constitue pas en soi un acte médical, les manoeuvres effectuées par la sage-femme ou le médecin en cas de complications doivent nécessairement être regardées comme tel ; qu'en l'espèce, la dystocie des épaules présentée par l'enfant lors de sa naissance a justifié l'intervention de l'obstétricien, assisté de la sage-femme, afin de procéder aux manoeuvres d'urgence devant permettre la naissance de l'enfant dans les meilleurs délais ; que, si les experts font valoir que l'élongation du plexus brachial peut également survenir en l'absence de dystocie des épaules dans environ 45 % des cas (donc sans manoeuvre obstétricale), ainsi qu'en cas de césarienne, ceux-ci n'excluent pas pour autant l'imputabilité de l'accident médical aux manoeuvres obstétricales effectuées ; que, par ailleurs, les experts ont expressément relevé que l'enfant ne présentait pas au cours de sa vie intra-utérine et au moment précis de sa naissance d'anomalies qui auraient pu interférer sur la survenue de la paralysie obstétricale et sur le déroulement de l'accouchement ; qu'en conséquence, il sera retenu par le tribunal que la paralysie du plexus brachial présentée par l'enfant immédiatement après sa naissance est imputable aux manoeuvres obstétricales réalisées et donc à un acte de soins ; que, sur la gravité des lésions, le déficit fonctionnel permanent de l'enfant L... G..., bien que non encore consolidé, a été évalué par les experts comme devant être in fine supérieur à 25 %, même en cas d'amélioration de l'utilisation du membre supérieur droit, laquelle ne pourra en toute hypothèse être majeure ; que le seuil de gravité des lésions exigé par l'article L. 1142-1 du code de la santé publique a été fixé par l'article D. 1142-1 du même code à 24 % ; que ce critère est donc rempli en l'espèce ; que, sur l'existence de conséquences anormales au regard de l'état de santé de l'enfant comme de l'évolution prévisible de celui-ci, la condition d'anormalité du dommage prévue par les dispositions susvisées est entendue aux termes de la jurisprudence la plus récente comme étant remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie de manière suffisamment probable en l'absence de traitement ; que, dans le cas contraire, les conséquences de l'acte médical ne peuvent être considérées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ; qu'elles ne peuvent ainsi être considérées comme anormales au regard de l'état de santé du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage ; qu'il convient pour apprécier ce critère de se reporter aux conclusions des experts médicaux, lesquels ont pu préciser, en réponse au dire de l'ONIAM, que la fréquence de la dystocie des épaules était de l'ordre de 0,3 % s'agissant des accouchements par voie basse et que la fréquence globale de survenue d'une paralysie du plexus brachial était de l'ordre de 0,1 % pour l'ensemble des accouchements, cette lésion étant permanente une fois sur dix ; qu'en cas de dystocie des épaules, la survenue d'une élongation du plexus brachial est de l'ordre de 10 à 25 % selon les articles médicaux avec persistance dans un cas sur dix de séquelles permanentes ; qu'il a été rappelé par les experts que le risque encouru par l'enfant en l'absence d'intervention obstétricale efficace est la survenue de troubles anoxo-ischémiques et de décès, compte tenu du fait que l'accouchement ne peut progresser spontanément ; qu'ainsi, il ressort de ces explications que les manoeuvres obstétricales effectuées ont été nécessaires pour éviter le décès de l'enfant qui ne pouvait naître spontanément sans aide médicale ; qu'en conséquence, l'acte médical n'a pas entraîné de conséquences notablement plus graves que celles auxquelles l'enfant était exposé par sa pathologie de manière suffisamment probable en l'absence de traitement ; qu'il convient d'examiner dans ce cas si dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible et donc un caractère exceptionnel ou non ; que les experts ont indiqué en ce sens, sur interrogation de l'ONIAM, qu'en cas de dystocie des épaules, la survenue d'une élongation du plexus brachial est de l'ordre de 10 à 25 % selon les articles médicaux avec une fois sur dix l'existence de séquelles permanentes ; qu'il s'en déduit que si la survenue d'une élongation du plexus brachial est une complication fréquente subie par l'enfant ayant présenté au cours de l'accouchement une dystocie des épaules (10 à 25 %), les séquelles permanentes à type de paralysie sont-elles beaucoup plus rares puisque correspondant à un dixième de ces cas ; que l'examen de l'ensemble de ces éléments conduit ainsi le tribunal à retenir que les lésions permanentes subies par l'enfant L... G... présentent le caractère d'anormalité requis par l'article L. 1142-l du code de la santé publique ; que madame J... H... est donc bien fondée à solliciter l'indemnisation des préjudices subis par son fils ;

Alors, de première part, que, pour pouvoir être indemnisés par la solidarité nationale, en application de l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique, les préjudices du patient doivent être imputables, de façon directe et certaine, à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins ; qu'en se bornant à constater que les experts avaient relevé qu'au moment de l'accouchement le défaut du bras avait évoqué une paralysie obstétricale du plexus brachial droit par traumatisme obstétrical, qu'ils n'excluaient pas l'imputabilité de l'accident médical aux manoeuvres obstétricales et que l'enfant ne présentait pas au cours de sa vie intra-utérine et au moment précis de sa naissance d'anomalies qui auraient pu interférer sur la survenue de la paralysie obstétricale et sur le déroulement de l'accouchement, constatations dont il ne résultait aucune certitude quant à l'imputabilité directe de la paralysie du plexus brachial de I... G... à un acte de soins, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique ;

Alors, par ailleurs, de deuxième part, que la condition d'anormalité du dommage prévue par l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique, doit être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie de manière suffisamment probable en l'absence de traitement et, dans le cas contraire, les conséquences de l'acte médical ne peuvent être considérées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ; qu'en déterminant la probabilité de survenance du dommage au regard de la probabilité que la lésion du plexus brachial entraîne des séquelles permanentes, et non au regard de la probabilité que les manoeuvres obstétricales entraînent une telle lésion, qu'elle a évaluée entre 10 et 25 %, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique ;

Alors, en outre, de troisième part, que la probabilité de la survenance du dommage, qui permet de se prononcer sur la condition d'anormalité de celui-ci, doit être appréciée au regard des conditions dans lesquelles l'acte de prévention, de diagnostic ou de soins a été accompli ; qu'en se bornant à relever l'absence de contribution de l'état de la mère et de l'enfant à la survenance du risque de dystocie des épaules, sans rechercher, comme cela lui était demandé (conclusions d'appel de l'ONIAM p. 17 in fine et p. 18), si le surpoids de la mère n'avait pas rendu plus difficiles les manoeuvres obstétricales et n'avait pas conduit à rendre plus élevé le risque de lésion du plexus brachial de l'enfant, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique ;

Alors, enfin, de quatrième part, que la contradiction de motifs équivaut à une absence de motif ; qu'en constatant tout à la fois que l'enfant L... G... souffrait de séquelles permanentes, pour en déduire que la probabilité de survenance de ces séquelles était faible, et que l'état de consolidation, pourtant indispensable pour caractériser ces séquelles, n'était pas caractérisé, la cour d'appel a entaché son arrêt d'une contradiction de motifs et donc méconnu l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-20883
Date de la décision : 19/06/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

SANTE PUBLIQUE - Protection des personnes en matière de santé - Réparation des conséquences des risques sanitaires - Risques sanitaires résultant du fonctionnement du système de santé - Indemnisation par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) - Cas - Accident médical directement imputable à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins - Acte de soins - Définition - Manoeuvres obstétricales pratiquées par un professionnel de santé lors d'un accouchement par voie basse - Anormalité du dommage - Caractérisation - Faible probalité de sa survenance

Si l'accouchement par voie basse constitue un processus naturel, les manoeuvres obstétricales pratiquées par un professionnel de santé lors de cet accouchement caractérisent un acte de soins au sens de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique. Si l'élongation du plexus brachial est une complication fréquente de la dystocie des épaules, les séquelles permanentes de paralysie ne représentent que 1 % à 2, 5 % des cas, de sorte que la survenance d'un tel dommage présente une faible probabilité caractérisant son anormalité et justifiant que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (l'ONIAM) soit tenu à indemnisation au titre de la solidarité nationale


Références :

article L. 1142-1 du code de la santé publique

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 07 juin 2018

Sur l'appréciation de l'anormalité du dommage au sens de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, lorsque celui-ci résulte de lésions imputables à un acte de soins réalisé lors d'un accouchement, à rapprocher : 1re Civ., 15 juin 2016, pourvoi n° 15-16824, Bull. 2016, I, n° 138 (rejet).Sur la prise en compte de la probabilité statistique de la réalisation du risque pour apprécier l'anormalité du dommage au sens de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, cf. : CE, 15 octobre 2018, n° 409585, publié au Recueil Lebon


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 19 jui. 2019, pourvoi n°18-20883, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Sevaux et Mathonnet, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.20883
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