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19/06/2019 | FRANCE | N°17-31141

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 juin 2019, 17-31141


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1315 devenu 1353 du code civil et l'article R. 3121-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige ;

Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que celui qui se prétend libéré d'une obligation de paiement doit en justifier ; que selon le second, le temps passé à la douche est rémunéré au tarif normal des heures de travail sans être décompté dans la durée du travail effectif ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. W... a été engag

é, à compter du 1er avril 2004, par la société Edinord en qualité de conducteur de collect...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1315 devenu 1353 du code civil et l'article R. 3121-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige ;

Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que celui qui se prétend libéré d'une obligation de paiement doit en justifier ; que selon le second, le temps passé à la douche est rémunéré au tarif normal des heures de travail sans être décompté dans la durée du travail effectif ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. W... a été engagé, à compter du 1er avril 2004, par la société Edinord en qualité de conducteur de collecte, coefficient 118, niveau III, position 2, suivant contrat à durée indéterminée soumis à la convention collective nationale des activités du déchet du 11 mai 2000 ; que, titulaire à compter du 1er janvier 2012 du marché public aux lieu et place de la société Edinord devenue société Edif, la société Sepur a engagé le salarié le 13 février 2012 ; qu'invoquant le non-respect par son nouvel employeur de son contrat de travail, le salarié a, le 6 avril 2012, saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir un rappel de salaire et de primes ;

Attendu que pour rejeter les demandes formées par le salarié à titre de primes de douche et de dommages et intérêts, l'arrêt retient qu'alors que les bulletins de salaire établissent que les temps d'habillage, de douche et de déshabillage ont été rémunérés comme du temps de travail effectif, le salarié conteste avoir pu disposer des quinze minutes prévues sur son temps de travail effectif mais n'apporte aucun élément matériel probant établissant l'effectivité de cette impossibilité ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait à l'employeur de rapporter la preuve de l'exécution de son obligation de rémunérer le temps passé à la douche en sus de la durée du travail effectif, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que les bulletins de salaire faisaient apparaître distinctement le montant de la rémunération afférente au temps de douche ni que le salarié avait bénéficié au titre de ce temps d'une réduction de la durée du travail effectif, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes formées par M. W... à titre de primes de douche pour la période de janvier 2012 à mars 2017 et limite la condamnation de la société Sepur à la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 19 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Sepur aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Sepur à payer à M. W... la somme de 3 000 euros, rejette sa propre demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. W...

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de ses demandes au titre des primes de douche et à titre de dommages-intérêts pour préjudice financier.

AUX MOTIFS QU'en application des dispositions de l'article L. 3121-3 du code du travail, lorsque le salarié est astreint au port d'un vêtement de travail et que les conditions d'insalubrité lui imposent pour des raisons d'hygiène de le revêtir et de l'enlever sur le lieu de travail, l'employeur lui doit une contrepartie financière ; de plus, il incombe à l'employeur qui se prétend libéré de son obligation de prévoir des contreparties, de rapporter la preuve que les temps d'habillage et de déshabillage ont été rémunérés comme du temps de travail effectif ; QU'en l'espèce, la SASU SEPUR soutient que le contrat de travail de M. W... a été transféré sur le fondement de l'avenant n° 23 du 19 février 2008 de la convention collective des activités du déchet relatif aux conditions de reprise des personnels non cadres par les employeurs en cas de changement de titulaire du marché public, texte qui ne permet pas à un salarié transféré de se prévaloir des modalités de contreparties financières résultant de l'accord d'entreprise applicable à son ancien employeur, la Société EDIF ; qu'elle précise qu'elle remplit ses obligations à l'égard de M. W... sur la base de l'accord NAO (négociation annuelle obligatoire) de 2009 qui a prévu d'octroyer aux salariés un temps de quinze minutes rémunéré en temps de travail effectif pour les opérations, ainsi dénommées de "temps de douche - habillage et déshabillage" ; que la SASU SEPUR conclut en conséquence à l'infirmation du jugement déféré et au rejet des prétentions formées par M. W... au titre de la prime de douche ; que M. W... requiert la confirmation du jugement déféré et expose qu'avec son ancien employeur il percevait une prime de douche en sus de son salaire mensuel, que lors de la reprise du marché la SASU SEPUR a cessé d'effectuer ce règlement sans lui fournir la moindre explication ; qu'il considère que la SASU SEPUR n'est pas fondée à soutenir que l'accord applicable à la société EDIF ne lui est pas opposable alors que la prime de douche n'est pas due en application d'un accord mais du fait d'activités professionnelles insalubres et salissantes, de l'obligation de porter une tenue de travail et pour l'employeur de mettre des douches à disposition des salariés ; qu'au vu des pièces versées aux débats, il apparaît que le contrat de travail de M. W... a été transféré en application des dispositions de l'avenant n° 23 du 19 février 2008 de la convention collective nationale des activités de déchet relatif aux conditions de reprise des personnels non cadres par les employeurs en cas de changement de titulaire d'un marché public ; que selon les dispositions de l'article 3.4.3 alinéa 1er de cet avenant relatif aux modalités de maintien de la rémunération, "Le nouveau titulaire est tenu de maintenir le salaire brut de base et les éléments accessoires de la rémunération prévus par le contrat de travail et la convention collective nationale des activités de déchet" ; que toutefois, l'alinéa 2 de cet article mentionne que "le nouveau titulaire maintient également les éléments de salaire à périodicité fixe, hormis les éléments de salaire liés à l'organisation ou à l'exécution du travail" et il n'est pas contestable que la contrepartie financière des contraintes liées à la nature insalubre et salissante de l'activité de M. R... est liée à l'organisation et à l'exécution de son travail ; que dès lors, et en application des dispositions de l'article 3.4.3 précité, la SASU SEPUR n'était pas tenue de continuer à faire bénéficier à Monsieur W... de la prime de douche dont il bénéficiait précédemment, dès lors qu'elle respectait les dispositions de L. 3121-3 du code du travail précité ; que s'agissant du respect des dispositions de l'article L. 3121-3 précité, la SASU SEPUR produit aux débats le protocole d'accord NAO signé avec les organisations syndicales le 7 mai 2009 qui dispose que "Pour l'ensemble du personnel d'exploitation, le temps de douche - habillage - déshabillage est forfaitairement fixé à 15 minutes par jour et est incorporé au temps de travail effectif et payé comme tel. Ainsi pour ceux effectuant une journée de travail en continue de 7 heures, ils seront planifiées 7h20 (ex: de 5h à 12h20) dont 20 minutes de pause non payée et 15 minutes de douche rémunérée soit 6h45 travaillées pour 7 heures payées. Pour ceux planifiées sur 6 jours, ils seront planifiés 6h10 minutes dont 20 minutes de pause non payée et 15 minutes de douche rémunérée soit 5h35 de travail pour 5h50 payées" ; que alors que les bulletins de salaire établissent que les temps d'habillage, de douche et de déshabillage ont été rémunérés comme du temps de travail effectif, M. W... conteste avoir pu disposer des 15 minutes prévues sur son temps de travail effectif mais n'apporte aucun élément matériel probant établissant l'effectivité de cette impossibilité ; qu'il est débouté de sa demande tendant au paiement de primes de douche, d'autant qu'il n'apporte aucun élément probant démontrant, ainsi qu'il le soutient, qu'il ne disposait pas toujours d'un temps de 15 minutes rémunéré en travail effectif pour le "temps de douche- habillage- déshabillage" ; que M. W... est débouté de sa demande de prime de douche pour la période de janvier à mars 2017 ; que le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a condamné la SASU SEPUR à payer à Monsieur W... la somme de 7.111,62 € au titre des primes de douche, à hauteur d'une demi-heure par jour, entre janvier 2012 et décembre 2015 ; [
] que la SASU SEPUR soutient qu'elle a dûment rempli ses obligations s'agissant de la prime de douche et que la somme de 3.000 € à laquelle elle a été condamnée à titre de dommages et intérêts est supérieure à la somme de 2.236,64 € due à titre de revalorisation du salaire ; que dans le cadre de la procédure d'appel, M. W... demande la confirmation de la somme de 3.000 € déjà accordée et sollicite en sus des dommages et intérêts pour préjudice moral à hauteur de 2.500 € ; qu'il soutient que cette demande est bien fondée compte-tenu des conditions dans lesquelles l'appelante a repris son contrat de travail puisque la revalorisation de sa rémunération n'a porté que sur le salaire mensuel de base et que la prime différentielle avait été exclue de la base de calcul de la revalorisation ; qu'il considère que l'employeur n'a pas exécuté loyalement son contrat de travail et que, contrairement à ce que soutient la SASU SEPUR, celle-ci ne lui a jamais proposé de signer un avenant au contrat de travail intégrant la prime différentielle "dans la première ligne du salaire" ; qu'ainsi qu'il a été exposé ci-dessus la SASU SEPUR n'a pas manqué à ses obligations s'agissant du respect des dispositions de l'article L. 3121-3 du code du travail ; que M. W... ne peut se prévaloir d'aucun préjudice à ce titre ; qu'en revanche, l'absence de revalorisation conforme de son salaire a causé un préjudice matériel à M. W... ; que toutefois, celui-ci est réparé par l'octroi d'intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2012, date de réception par la SASU SEPUR de sa convocation devant le conseil de prud'hommes et l'appelant ne rapporte pas la preuve d'un préjudice matériel spécifique non réparé par les intérêts au taux légal.

1° ALORS QUE celui qui se prétend libéré d'une obligation doit justifier le paiement ; qu'en cas de travaux insalubres et salissants, le temps quotidien passé à la douche en application de l'article R. 4228-9 est rémunéré au tarif normal des heures de travail sans être pris en compte dans le calcul de la durée du travail effectif ; que le salarié faisait valoir que l'employeur n'a jamais réduit le temps de travail d'une quelconque durée pour un temps de douche comme il l'a prétendu, que les bulletins de paie pour la période de janvier 2012 à août 2014, ne comportaient aucune mention relative à une diminution du temps de travail, et qu'à compter du mois de septembre 2014, sans que rien ne change dans la durée effective de travail de 151,67 h du salarié, l'employeur a mentionné sur les bulletins de salaire « Salaire mensuel de base » « Dont HDD » ; qu'en jugeant que d'une part, les bulletins de salaire établissent que les temps d'habillage, de douche et de déshabillage ont été rémunérés comme du temps de travail effectif, sans préciser si le montant de la rémunération afférente au temps de douche apparaissait distinctement sur les bulletins de salaire, d'autre part que le salarié conteste avoir pu disposer des 15 minutes prévues sur son temps de travail effectif mais n'apporte aucun élément matériel probant établissant l'effectivité de cette impossibilité, la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil et l'article R. 3121-2 du code du travail dans sa version applicable au litige.

2° ALORS subsidiairement QUE le salarié faisait valoir que les bulletins de paie pour la période de janvier 2012 à août 2014 ne comportaient aucune mention relative à une diminution du temps de travail ; qu'en déboutant le salarié de sa demande de condamnation de l'employeur à lui payer une prime de douche pour une période incluant ladite période de janvier 2012 à août 2014, au motif que les bulletins de salaire établissent que les temps d'habillage, de douche et de déshabillage ont été rémunérés comme du temps de travail effectif, sans s'expliquer sur le contenu des bulletins de salaire pour la période de janvier 2012 à août 2014, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1353 du code civil et l'article R. 3121-2 du code du travail dans sa version applicable au litige.

3° ALORS QUE l'article 5 de l'arrêté du 23 juillet 1947 "fixant les conditions dans lesquelles les douches doivent être mises à la disposition du personnel effectuant des travaux insalubres ou salissants" prévoit que le temps passé à la douche, rémunéré comme temps de travail normal, sera au minimum d'un quart d'heure considéré comme temps normal d'une douche, déshabillage et habillage compris ; qu'en l'espèce l'employeur a soutenu que l'accord collectif du 7 mai 2009 englobe la question de l'habillage et du déshabillage au sens de l'article L. 3121-3 du code du travail ; qu'il en résultait manifestement que le temps de douche ne pouvait être au minimum de 15 minutes dès lors que cette durée incluait le temps d'habillage à la prise de service pour revêtir le vêtement de travail obligatoire ; qu'en appliquant néanmoins l'accord du 7 mai 2009, la cour d'appel a violé l'article 5 de l'arrêté du 23 juillet 1947, l'article R. 4228-8 et l'article R. 3121-2 du code du travail dans sa version applicable au litige.

4° ALORS QUE le temps d'habillage nécessaire lors de la prise de poste pour revêtir la tenue dont le port est obligatoire est distinct du temps passé à la douche en fin de service ; que la cour d'appel a énoncé qu'en application de l'article L. 3121-3 du code du travail, lorsque le salarié est astreint au port d'un vêtement de travail et que les conditions d'insalubrité lui imposent pour des raisons d'hygiène de le revêtir et de l'enlever sur le lieu de travail, l'employeur lui doit une contrepartie financière et qu'il incombe à l'employeur qui se prétend libéré de son obligation de prévoir des contreparties, de rapporter la preuve que les temps d'habillage et de déshabillage ont été rémunérés comme du temps de travail effectif, et a jugé qu'en application des dispositions de l'article 3.4.3 de l'accord n° 23 du 19 février 2008, la société n'était pas tenue de continuer à faire bénéficier le salarié de la prime de douche qu'il percevait précédemment dès lors qu'elle respectait les dispositions de L. 3121-3 du code du travail ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article R. 3121-2 du code du travail dans sa version applicable au litige par refus d'application et l'article R. 3121-3 du code du travail par fausse application.

5° ALORS QU'en statuant sur l'indemnisation du temps d'habillage et déshabillage qui doit faire l'objet de contrepartie accordée soit sous forme de repos, soit sous forme financière, sous réserve de dispositions plus favorables assimilant les temps d'habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif, et non sur la rémunération du temps de douche au montant du salaire normal, la cour d'appel qui a méconnu l'objet du litige a violé l'article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-31141
Date de la décision : 19/06/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 octobre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 jui. 2019, pourvoi n°17-31141


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.31141
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